48 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 août 1790.J à la vérité, d’être utile à la ville de Montauban ; mais obligé, avant d’agir, d’attendre la réquisition de la municipalité, ce n’est Certainement pas la faute du régiment du Languedoc, si cette réquisition a été aussi tardive ; il suffit, pour le mettre à l’abri de tout reproche, d’être assuré que ce corps s’est porté avec zèle et rapidité dans les points qui lui étaient assignés par la municipalité,; qu’il s’est précipité au milieu des citoyens qui se battaient avec tant de fureur, et qu’il a concouru à rétablir le calme dans cette ville infortunée. Ces faits, dont l’authenticité n’était pas douteuse, n’avaient cependant pu mettre le régiment de Languedoc à l’abri de quelques inculpations. Deux partis opposés, dont l’un était animé par les fureurs du fanatisme, ne pouvaient s’accorder dans leurs récits, ni sur les faits, ni sur les circonstances ; les dépositions mêmes des témoins ne pouvaient être exemptes de cette partialité, et il résultait nécessairement quelque incertitude dans l’opinion qu’on devait en prendre; aussi vous vous rappelez sans doute, Messieurs, ique lors du dernier rapport de Montauban, votre comité des rapports ne crut point devoir faire mention du régiment de Languedoc dans le projet de décret qu’il vous présenta. Il crut que ce silence laissait subsister dans toute leur force les premières marques de satisfaction que vous aviez données précédemment à ce régiment, et qu’il fallait ajouter à tous les torts si graves dont la municipalité de Montauban s’était rendue coupable, celui d’avoir enlevé au régiment de Languedoc une nouvelle occasion de mériter des éioges. Lorsque ce décret fut soumis à la discussion, plusieurs députés, particulièrement de Toulouse, demandèrent, par amendement, que le régiment de Languedoc fût remplacé à Montauban par d’autres troupes ; ils motivèrent cette demande sur ce que ce corps étant depuis plus de six ans en garnison à Montauban, il était à craindre qu’il ne fût pas resté absolument étranger aux opinions si opposées qui divisaient celle ville; que sa position en devenait nécessairement plus délicate, et que l’avantage du régiment de Languedoc s’accordait sur ce point avec l’intérêt qu’avait la ville de voir ainsi renouveler sa garnison. Après une longue discussion, vous crûtes, Messieurs, devoir adopter l’amendement proposé; vous ajoutâtes au décret , comme article additionnel : Que le Président se retirera par devers le roi pour le prier de substituer deux régiments à celui qui est à présent en garnisan à Montauban. Les expressions mêmes de cet article prouvent combien peu l’Assemblée nationale avait eu l’intention d’inculper le régiment de Languedoc , puisqu’il n’est pas désigné par son nom. C’est d’après cette considération qui, aux yeux de voire comité, a acquis une nouvelle force, lorsqu’il s’est rappelé que dans toutes les occasions où l’Assemblée nationale l’avait jugée nécessaire, elle avait hautement improuvé la conduite, soit des troupes, soit des tribunaux, soit des corps admistratifs, que votre comité a pensé qu’il était juste, et par conséquent digne de vous, de rassurer la délicatesse du régiment de Languedoc, en déclarant qu’il n’était nullement inculpé par le décret du 26, qui ordonne son remplacement à Montauban par d’autres troupes. Votre comité, Messieurs, a regardé comme inutile, et même comme inconvenable, de vous proposer de prononcer que vous persistiez dans votre décret ; il a pensé que les motifs de prudence qui l’avaient déterminé subsistaient encore, et il n’a pas douté que le régiment de Languedoc ne reçût, avec reconnaissance, l’interprétation, aussi ‘juste que conforme à la vérité, du décret du 26 juillet. Je suis en conséquence, chargé d’avoir l’honneur de vous proposer le décret suivant : Projet de décret. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports relativement à la pétition qui lui a été présentée par une députation du régiment de Languedoc; « Considérant que des motifs de prudence ont uniquement déterminé la disposition de l’article 4 du décret du 26 juillet, par laquelle Elle a chargé son Président de se retirer par-devers le roi, à l’effet de supplier Sa Majesté de donner les ordres nécessaires, pour que le régiment actuellement en garnison à Montauban fût remplacé dans cette ville par deux régiments ; « Déclare que l’honneur du régiment de Languedoc n’a été et n’a pu être compromis par les dispositions du décret du 26 juillet, et qu’au surplus il n’y a lieu à délibérer sur la pétition présentée par les députés de ce régiment. » Plusieurs membres à gauche demandent à aller aux voix. M. Dufraisse-Duchey. L’impatience d’aller aux voix, manisfestée par quelques-uns des membres de l’Assemblée, ne m’empêchera pas de vous soumettre quelques observations sur le projet de décret du comité. Lors de la discussion de l’affaire de Montauban on a demandé que le régiment de Languedoc fût changé de garnison. Je vous ai fait remarquer, à cette occasion, que le régiment avait mérité l’approbation de l’Assemblée et M. le Président a été chargé de lui écrire pour la lui témoigner. Depuis lors aucun motif de blâme n’a été invoqué contre ce régiment ; je ne conçois donc point comment ou a pu, par prudence, déplacer ce régiment ; je crois au contraire plus prudent de le laisser dans cette garnison. Le comité, après avoir reçu les éclaircissements les plus complets, est convenu qu’on n’avait aucun reproche à lui faire : je conclus donc à ce que la pétition soit agréée et à ce que le régiment demeure à Montauban. M. Millet de Mureau. La pétition du régiment de Languedoc, est basée sur deux motifs principaux. L’un a été très bien discuté par le comité, mais il a gardé le silence sur le second motif, qui est que les soldats se croient entachés par le déplacement qu’on veut leur imposer dans la circonstance actuelle. Pour le prouver, je vais vous donner lecture d’une lettre écrite au lieutenant-colonel du régiment par la légion Saint-Barthélemy, de Toulouse, qui, à raison de ce décret, offre aux soldats ses services. « Nous sommes six cents, disent-ils, prêts à marcher pour vous... » M. Roussillon. Je demande que cette lettre soit déposée sur le bureau; elle est injurieuse au patriotisme du régiment de Languedoc, et à celui des citoyens de Toulouse. Je conteste formellement le fait qui y est annoncé. Je n’ai [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 août 1790.] 49 jamais douté de la fidélité de ce régiment à la nation, et de sa soumission aux décrets de l’As-semblée nationale et aux ordres du roi. C’est dans cette persuasion que j’ai proposé l'amendement qui a été adopté et qui a fait l’objet de l’article 4 du décret du 26 juillet. Je l'ai motivé sur ce que la ville de Montauban étant divisée en deux partis, et le régiment depuis longtemps dans cette garnison y ayant conçu des affections, il se pourrait qu’on cherchât à le diviser lui-même; il m’a donc semblé prudent, pour éviter ce danger, de faire partir le régiment de Languedoc, et l’Assemblée l’a jugé ainsi. M. Millet de Mureau. Je dépose sur le bureau la lettre dont j’ai donné lecture. M. Roussillon pourra se convaincre que les sentiments d’hostilité au régiment de Languedoc ne sont pas ceux de ses compatriotes. M, Madier de Montjau. Le départ du régiment de Languedoc est-il une peine, oui ou non? Le décret du 26 juillet a été rendu contre la municipalité de Montauban, il est d’improbation. L’article 4 porte que le régiment partira, ce régiment est donc compris dans l’improbation qui fait la base du décret : si cet article prononce une peine contre lui, et dès lors que vous le reconnaissiez injuste, vous devez supplier le roi de faire droit à la pétition du régiment de Languedoc. M. Malouet. Je propose en amendement de dire que l’Assemblée nationale s’en rapporte à la sagesse du roi pour l’exécution ou la suspension du décret qui ordonne le départ du régiment de Languedoc. (On demande à aller aux voix.) Cet amendement ne compromet pas votre décret antécédent dont l’exécution rigoureuse peut compromettre le repos d’une partie de la France. (Il s'élève des murmures.) Que peut -on reprocher au régiment de Languedoc? (Les murmures augmentent et l’on entend ces mots plusieurs fois répétés : On ne lui a jamais rien reproché.) Vous persuaderez les officiers, mais persuaderez-vous les soldats? (Oui, oui, dit une grande partie de V Assemblée.) M. Alexandre de Liameth. Je demande la parole pour proposer la question préalable sur l’amendement du préopinant. Nous ne pouvons douter un seul instant de l’obéissance du régiment de Languedoc. Le changement de garnison ne compromet pas son honneur. (La partie gauche applaudit, la partie droite murmure.) Il obéira, il n’en faut pas douter ; si l’on en doutait, ce serait une raison de plus pour rendre le décret proposé. Gomment veut-on faire croire qu’un régiment, dont la conduite a toujours été irréprochable, désobéirait à un décret des représentants de la nation? S’il pouvait s’y soustraire, on ferait un grand exemple pour apprendre l’obéissance qui est due aux décrets de l’Assemblée nationale et aux ordres du roi. M. Feydel. Il est certain que votre décret du 26 juillet inculpe le régiment de Languedoc. (Non, non , dit une grande partie de V Assemblée. — M. Feydel s’agite , frappe des pieds et monte à la tribune.) Oui, votre décret du 26 juillet inculpe le régiment du Languedoc. Jamais vous ne réhabiliterez ce régiment dans l’opinion. A l’arrivée de votre décret, la maréchaussée a excité de nouveaux troubles. lro Série. T. XVIII. (L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement de M. Malouet.) M. de Hoailles. Ce n’est pas la première fois que je prends la parole pour faire une demande favorable au régiment de Languedoc, et ce n’est jamais que votre justice que j’ai invoquée. J’avais voté la lettre de remerciements qui a été écrite, et que le comité vous a rappelée. Le rapporteur vous a dit, et la grande majorité de l’Assemblée a montré qu’elle en était convaincue, que dans ce décret du 26 juillet vous n’aviez pas eu l’intention d’inculper ce corps. Votre objet a été de séparer des militaires qui, depuis longtemps, étaient en garnison à Montauban, d’avec des citoyens qu’une différence d’opinions divisait. Je désirerais que M. le Président écrivît au régiment de Languedoc en envoyant ce décret, et qu’il exprimât quelles ont toujours été les intentions de l’Assemblée. Cette lettre servirait à disculper ce régiment aux yeux de toute l’armée. M. Barnave. Cette lettre ne doit être qu’une lettre d’envoi ; il ne peut y en avoir d’autre, si vous ne voulez tomber dans une anarchie militaire. L’Assemblée ne peut entrer en discussion pour l’exécution de ses décrets avec un régiment. L’honneur de celui de Languedoc n’est pas compromis ; ainsi il n’y a rien à demander à l’égard de l’opinion ; à l’égard de l’obéissance, le régiment la doit sans discussion, sans examen. On dit en vain que la paix publique sera troublée, si l’on persiste dans le décret que propose le comité des rapports. Le patriotisme du régiment de Languedoc, exprimé ici par la députation de ce corps, assure qu’il obéira : sa désobéissance ne serait pas dangereuse ; toute la France serait prête à se réunir pour assurer l’exécution de vos décrets. La paix publique ne pourrait être troublée que par les incroyables, les inexplicables propositions qui vous sont faites. Je réforme l’opinion que j’avais d’abord annoncée, et je me résume, en demandant que le décret proposé par le comité des rapports soit adopté sans aucun amendement : une lettre même d’envoi serait déplacée ; c’est par le ministre de la guerre que les régiments doivent recevoir vos décrets. M. de Foucault. Vous serez dans une perpétuelle anarchie, en agissant concurremment avec les régiments ; vous perdrez le gouvernement, vous le changerez en véritable république, en vraie démocratie, par le décret que vous voulez rendre ; vous dégagerez les miuistres de la responsabilité. Ce n’est point à nous à garantir la paix aux citoyens, c’est au roi et à ses ministres. Il n’y a pas lieu à délibérer sur le décret proposé. Quant au séjour du régiment de Languedoc plus ou moins prolongé, il faut s’en rapporter aux ministres qui prendront toutes les mesures convenables. M. de Folleville. Il ne faut pas ressasser comme cela vos décrets. Je demande la question préalable sur le décret proposé, et que le président écrira seulement une lettre au régiment. M. le Président met aux voix les divers amendements proposés. Iis sont successivement rejetés. M. le Président met aux voix la question préalable proposée par M. de Folleville contre le projet de décret. 4 30 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 août 1790. (L’Assemblée repousse la question préalable et décide qu’il y a lieu à délibérer sur le décret.) M. de Moailles, pour lever teuté éqüivof[ue, propose après les mots : Déclare que l'honneur dit régiment de Languedoc , d’ajouter ceux-ci i dont la conduite a toujours été irréprochable. M. de Broglie , rapporteur , accepte cet amendement* M. le Président met aux vdix le projet de décret amendé ; il est adopté ainsi qü’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports relativement à la pétition qui lui a été présentée par üne députation du régiment de Languedoc ; « Considérant que des motifs de prudence Ont (iniquement déterminé la disposition du décret du 26 juillet par laquelle elle a chargé son Président dé se retirer devers le roi, à l’effet de supplier Sa Majesté de donner les ordres nécessaires pour que le régiment, actuellement en garnison à Montauban, fût remplacé dans cette ville par deux autres régiments; Déclare que l’honneur du régiment dé Langtie-doc, dont la conduite a toujours été irréprochable, n’a été et n’a pti être comprbtdis pdr lés dispositions du décret du 20 juillet ; et tjü’au surplus il n’y a pas lieu à délibérer sur la pétition présentée par les députés de ce fégimertt. » (Lâ séance est levée à trois beüres.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. D'ANDRÉ. Séance du samedi 14 août 1790, au matin (1). La séance est ouverte� neuf heures du matin. M. Bell, député de Hagueneau et membre de la société helvétique, présente à l’Assemblée nationale, au nom de cette société,* utiè épitre en vers, lue dans son assemblée publique du 19 mai 1790, avec cette épigraphe : Vivre libre ou mourir. Cette épitre est regue avec intérêt. M. le Président lit une lettre des prévôts du collège de pharmaeie à Paris, relative à l’exercice de leur art. La lettre et le mémoire qui l’accompagne sont renvoyés au comité d’instruction* M. Bouche, membre du comité chargé de l'inspection des procès-verbaux , se plaint du retard qu’éprouve la publicité de ces actes importants. 11 propose un projet de décret qui est adopté sans discussion dans les termes ci-dessoua : , « L’Assemblée nationale, voyant que l’impression des procès-verbaux de ses séances est en retard de plus d’un mois, convaincue que leur prompte publication est d’autant pluë essentielle, que la connaissance authentique de ses travaux est plus nécessaire, décrète ce qui suit : � _ - - ..... ..... - - »- - « Article iw. Le règlement en ce qui Concerne l’impression des procès-verbaux sera exécuté suivant sa forme et teneur* « Art. 2. A dater de ce jour; le procès-verb.ai de chaque séance sera imprimé et distribué au domicile des membres de l’Assemblée nationale dans la matinée du quatrième jour que la remise en aura été faite à l’imprimeur; sans que celui-ci puisse s’en dispenser sous quelque prétexte que ce soit. . « Art. 3. Tous les procès-verbaux arriérés Seront imprimés et distribués à domicile dans tout le courant du mois* . « Art. 4. Pour l’exécution des dispositions ci-dessüs exprimées, l’Assemblée nationale décrète que, dans les douze heures qui suivront la lecture du procès-verbal à la séance du matin, et dans la matinée du lendemain, pour les procès-verbaux, dont la lecture sera faite à la séance du soir, copie des procès-verbaux, collationnée et signée du secrétaire-rédacteur, sera remise au bureau des procès-verbaux, Le secrétaire -commis, chargé de l’expédition , la remettra à l’imprimeur, signée du secrétaire, sans que, sous aucun prétexte, cette remise puisse être plus longtemps différée* « Art. 5. Les commissaires-inspecteurs de l’imprimerie, des travaux des bureaux et du comité des décrets, veilleront à ce que le présent décret soit ponctuellement exécuté; à l’effet de quoi ils sont autorisés à prendre, à cet égard, les mesures les plus sages. » M. Vieillard (de Coutances),, membre du comité des rapports, rend Compte d’une affaire particulière, concernant le sieur de Beurndnville , renvoyée à l’Assemblée nationale par le Châtelet. M. de Beurnon ville, major des milices de l’üe de Bourbon, en correspondance avee un capitaine du régiment de La Marck, lui avait écrit plusieurs lettres où il s’étendait sur les vexations jéi conçussions des administrateurs de l’ile et où M. de S ouillac, gouverneur, n’était pas ménagé* üne discussion et un procès entre les deux amis a interrompu cette correspondance, et le capitaine a pu assez pou de délicatesse pour produire ces lettres. M. de Souillac, offensé, s’est vengé, ,en destituant le major de son autorité privée. Celui-ci est passé en Europe pour se plaindre,, il a, obtenu justice du gouvernement qui lui adonné un brevet de colonel avec la croix de Saint-Louis. Mais, comme la perte de son état lui avait oqca-siopné des pertes considérables, il a actionné qn dédommagement M. de Souillac devant ie Châtelet. Le défendeur a décliné ce tribunal et a dit, an reste, que ce n’était pas à lui â dédbmmagef' M. de. Beurnpnvillè, parce qu’il n’avait agi que dans la limite de son droit de, gouverneur et pour maintenir la .subordination dans iile, G’èst dans cel état que le Châtelet .a renvoyé l’ana�re à l’Assemblée nationale, et voici le projet de décret que j’ai l’honnehr de vous soumettre ail nom de votre « L’Assemblée nationale, après âyoir entendu son comité des rapports, dans l’affaire du sieur de Beurnouville ; . , 4 . « Déclare qu’il n’y a lieu à dèlibéret, sauf au sieur de Beurnon ville à se pourvoir contre la sentence du Châtelet dans leS tribudaux et par les voies de droit, », , , (Ce projet dé décret est mis aux voix et adopté.) > M. Bell, rapporteur dû comité d’agriculjtuqe et de commerce, rend compte de l’èxamen lait par (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.