664 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 février 1790.] cretsde l’Assemblée nationale-, 5° sur le refus du rapporteur, son conseil n’a point été admis au premier interrogatoire ; 6° la plainte du procureur-général n’a pas été rendue en présence de deux adjoints ; 7° toutes ces inculpations avaient déjà été portées devant les capitouls de Toulouse, qui avaient jugé l’accusé et l’avaient renvoyé absous. » Le comité pense qu’il est impossible de prendre un parti sur cette affaire sans entendre le parlement de Toulouse, et propose un décret en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de rapports, décrète que son Président se retirera par devers le Roi pour le supplier de faire donner incessamment les ordres nécessaires à l’effet de faire remettre à son comité la procédure instruite et jugée au parlement de Toulouse contre le sieur Brouillet, ensemble l’arrêt et les motifs. » M. ... demande la question préalable jusqu’à l’apport de l’arrêt par le plaignant. M. E ni mer y. Ce serait un déni de justice que de forcer le sieur Brouillet à lever un arrêt dout le coût sera sûrement fort cher. Une partie de l’Assemblée insiste sur la question préalable. On délibère. — La question préalable est rejetée. Le décret proposé par le comité est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, décrète que son Président se retirera par devers le Roi, pour le supplier de faire donner incessamment les ordres nécessaires à l’effet de faire remettre à son comité la procédure instruite et jugée au parlement de Toulouse contre le sieur Brouillet, ensemble l’arrêt et ses motifs. » M. Eanjuinais, au nom du comité ecclésiastique, dit que plusieurs municipalités donnent aux décrets de l’Assemblée nationale des 27 novembre et. 11 décembre derniers, une fausse interprétation d’après laquelle elles troublent et suspendent, par des oppositions arbitraires, les coupes de bois des ecclésiastiques et des autres gens de mainmorte, quoique les coupes aient été autorisées dans les formes légales antérieurement à ces décrets. Le comité ecclésiastique propose le décret suivant: « L’Assemblée nationale déclare que les coupes de bois ecclésiastiques et des autres gens de mainmorte, déjà autorisées dans les formes légales, antérieurement à ses décrets des 27 novembre et 11 décembre derniers, ne peuvent être arrêtées, ni troublées, sous prétexte desdits décrets, sauf aux parties intéressées à se pourvoir par les voies de droit contre les jugements qui auraient mal à propos permis lesdites coupes, et sera le présent décret présenté à la sanction royale. » M. Long. C’est par esprit de patriotisme que les communautés ont empêché des coupes; mais il est urgent de déclarer nulles les procédures tenues à cette occasion. M. Duquesnoy. Je propose de prendre des précautions nouvelles pour la conservation des biens ecclésiastiques. M. Populus. Gomme les communautés ont agi de bonne foi, il suffirait de dire qu’il sera fait sursis à la vue des arrêts qui ont adjugé les bois. M. Devillas, député de Saint-Flour. Je suis d’avis qu’il doit être sursis aux adjudications autorisées mais non encore faites. M. de La Fare, évêque de Nancy. Ce que propose l’opinant serait une injustice surtout pour la Lorraine où l’on fait des coupes jusqu’au 25 mai et où les adjudications ne sont pas même faites au mois de février. Plusieurs membres demandent la question préalable sur ces amendements. La question préalable est adoptée. M. Regnanld d’Epercy. Je demande que les bénéliciers soient tenus de verser les deniers entre les mains des municipalités. M. de Bonnal, évêque de Clermont. J’observe que les tribunaux des eaux et forêts ont été provisoirement maintenus et que les grands maîtres n’autorisent les versements qu’autant qu’ils connaissent l’emploi auquel ils sont destinés. La suite de cette discussion est renvoyée à la séance de mardi soir. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE TALLEYRAND, ÉVÊQUE D’AUTUN. Séance du lundi 22 février 1790 (1). M. Hompère de Champagny , secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 20 février, au matin. M. Gaultier de Biauzat, autre secrétaire, donne lecture du procès-verbal du même jour, pour la séance du soir. Il ne s’élève aucune réclamation. M. le Président, après avoir rappelé à l’Assemblée la députation des représentants de la commune de Paris, pour annoncer la mort de l’abbé de l’Epée, et supplier l’Assemblée de prendre en considération l’établissement que ce généreux citoyen a élevé et soutenu, à ses frais, pour l’institution des sourds et des muets, dit que la commune de Paris décerne demain l’honneur d’un service solennel et d’une oraison funèbre à l’abbé de l’Epée. Il propose en conséquence à l’Assemblée de nommer six de ses membres pour y assister. Cette proposition est accueillie par acclamation. M. le Président désigne tout de suite pour cette députation: MM. Massieu, curé de Sergy; l’abbé Poulie ; (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.] • ARCHIVES PARLEMENTAIRES [22 février 1790.] 665 Dosfand ; marquis d’Estourmel ; Long ; l’abbé Royer, député d’Arles. M. le Président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion sur le projet de loi relatif au rétablissement de la tranquillité publique. M. le baron de Marguerittes, secrétaire, fait une nouvelle lecture du projet proposé par le comité de constitution. M. Relley-d’Agier se plaint de ce que l’Assemblée n’est pas en nombre pour délibérer. Malgré cette observation la discussion est ouverte. M. de La Rochefoucauld. Le nouveau projet du comité me parait à tous égards, beaucoup meilleur que le premier. Il était nécessaire d’ajouter au décret rendu le 10 du mois d’août, et à celui de la loi martiale, un moyen propre à assurer l’exactitude des officiers municipaux dans l’exercice des fonctions salutaires qui leur sont confiées. Le nouveau décret peut effrayer les officiers municipaux. M. de Beaumetz a fait de sages réflexions sur l’article troisième. La manière dont il est conçu me paraît injurieuse, devoir être modifiée et non supprimée. Vous ne pouvez supposer qu’une municipalité tout entière suscite jamais des mouvements séditieux ; mais vous pouvez en soupçonner un individu. Il faut donc rédiger ainsi cet article : «S’il pouvait être prouvé qu’trn officier municipal, etc. » L’esprit général du décret me paraît bon, je ne crois pas qu’il puisse être considéré comme une loi perpétuelle; quand les municipalités et les assemblées administratives seront organisées, vous aurez beaucoup de moyens qui vous manquent; il faut décider que cette loi sera changée ou retirée lors de cette organisation. Un moyen certain de rétablir le calme, c’est de hâter cette organisation et de presser l’examen des droits féodaux. L’incertitude du peuple sur ces droits est la cause principale des insurrections. Je demande qu’on détermine un jour fixe pour présenter à l’acceptation du Roi et envoyer dans les provinces les décrets sur Indivision du royaume, et qu’on entende dès demain le comité féodal. M. de Robespierre (l). Avant d’examiner les différents décrets, je dois vous exposer dans quelles circonstances et sous quels auspices ils vous sont présentés. Il y a peu de jours, sur le simple récit des événements du Quercy, l’Assem ¬ blée, par un décret, a ordonné la réunion des troupes soldées et des maréchaussées aux gardes nationales, pour réprimer les désordres. Ce décret a paru insuffisant aux ministres, qui ont demandé dans leur mémoire que le pouvoir exécutif soit autorisé à déployer la terreur des armes. Ce mémoire a été renvoyé au comité, et samedi, , des membres de cette Assemblée vous ont fait des propositions conformes à celles des ministres. Qu’on me pardonne de n’avoir pu concevoir comment les moyens du despotisme pouvaient assurer la liberté; qu’on me pardonne de demander comment une révolution faite par le peuple (1) Nous donnons ici le discours de Robespierre, tel que nous le trouvons au Moniteur. Nous insérons aux Annexes la version du journal Le Point du Jour. peut être protégée par le déploiement ministériel de la force des armes. Il faudrait me démontrer que le royaume est à la veille d’une subversion totale; cette démonstration a paru nécessaire à ceux-là même qui se joignent à la demande des ministres, puisqu’ils assurent qu’elle est acquise. Voyons si cela est vrai. Nous ne connaissons la situation du royaume que par ce qui a été dit par quelques membres sur les troubles du Quercy, et vous avez vu que ces troubles ne consistent qu’eu quelques châteaux brûlés. Des châteaux ont le même sort dans l’Agénois. Nous nous rappelons avec plaisir que deux députés qui partagent ces malheurs, deux députés nobles, ont préféré à ce vain titre celui de défenseurs du peuple; ils vous ont conjuré de ne pas vous effrayer de ces événements, et ils ont présenté les principes que je développe aujourd’hui. Il y a encore quelques voies de fait en Auvergne et quelques-unes' en Bretagne. 11 est notoire que les Bretons ont calmé des émotions plus violentes; il est notoire que dans cette province ces accidents ne sont tombés que sur ces magistrats qui ont refusé la justice au peuple, qui ont été rebelles à vos décrets, et qui s’obstinent à les mépriser. Les députés des contrées agitées m’ont assuré que les troubles se calment. Vous avez dû être rassurés à un certain point par le mémoire du garde des sceaux, plus effrayant par la force et l’exagération des expressions que parles faits. 11 en articule un seul, les malheurs arrivés à Béziers. Vous avez blâmé le peuple, vous avez donné une preuve touchante d’intérêt à ses malheurs ; vous avez vu qu’ils ne tiennent pas à une cause générale, mais qu’ils prennent leur source dans les contraintes exercées pour la perception d’un impôt odieux que le peuple croit détruit, et que, depuis le commencement de la Révolution, il refuse de payer. Que ces faits ne nous inspirent donc aucune terreur; rapportons maintenant les événements qui peuvent dissiper nos craintes. Vous savez quels moyens on a employés en Normandie pour soulever le peuple, pour égarer les habitants des campagnes ; vous avez vu avec quelle candeur ils ont désavoué les signatures surprises et apposées à une adresse, ouvrage de sédition et de délire, rédigée par les auteurs et les partisans de l’ aristocratie. Qui est-ce qui ignore qu’on a répandu avec profusion, dans les provinces belgiques, des libelles incendiaires; que les principes de l’insurrection ont été prêches dans la chaire du dieu de paix; que les décrets sur la loi martiale, sur les contributions, sur la suppression du clergé, ont été oubliés avec soin; qu’on a caché tous ceux de vos décrets qui, non moins utiles, présentaient au peuple des objets de bienfaisance faciles à saisir? Qu’on ne vienne donc pas calomnier le peuple ! J'appelle le témoignage de la France entière; je laisse ses ennemis exagérer les voies de fait, s’écrier que la Révolution a été signalée par des barbaries. Moi, j’atteste tous les bons citoyens, tous les amis de la raison, que jamais révolution n’a coûté si peu de sang et de cruautés. Vous avez vu un peuple immense, maître de sa destinée, rentrer dans l’ordre au milieu de tous les pouvoirs abattus, de ces pouvoirs qui l’ont opprimé pendant tant de siècles. Sa douceur, sa modération inaltérables ont seules déconcerté les manœuvres de ses ennemis, et on l’accuse devant ses représentants ! A quoi tendent ces accusations? Ne voyez-vous pas le royaume divisé? Ne voyez-vous