124 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre l*789.[ d’être poursuivis comme perturbateurs du repos public. » 2e PROJET, PAR M. LE CHAPBLIER. « L’Assemblée nationale considérant que l’arrêté des soi-disant Etats du Gambrésis est attentatoire à la souveraineté delà nation, et contraire à la tranquillité publique : « Décrète que ledit arrêté sera remis au tribunal provisoirement établi pour connaître des crimes de lèse-nation, afin que l’officier chargé des fonctions de ministère public, fasse toutes poursuites contre ceux qui seront prévenus d’avoir été les auteurs et moteurs de l’assemblée et de l’arrêté des soi-disant Etats du Cambrésis, et que le Roi sera supplié d’employer son autorité pour dissiper cette assemblée illégale, et en empêcher toute autre de même nature. « Enfin, l’Assemblée nationale invite le peuple du Cambrésis à garder la plus grande modération, à laquelle le peuple doit d’autant plus se porter, que l’Assemblée nationale se charge de poursuivre au nom de la nation l’attentat commis contre elle. » 3e PROJET, PAR M. BARNAVE. « L’Assemblée nationale déclare que les prétendus Etats du Cambrésis, et le bureau renforcé desdits Etals, sont incapables de représenter les habitants de cette province, et d’exprimer leur vœu; déclare la convocation dudit bureau renforcé, et la délibération qu’il a prise le 9 du courant, nulle, attentatoire à la souveraineté nationale et aux droits des citoyens; arrête que le Roi sera supplié de donner les ordres nécessaires our faire rentrer dans l’ordre les membres dudit ureau, et faire exécuter les décrets de l’Assemblée nationale dans la province du Cambrésis, recommander aux habitants de cette province de persister dans le maintien de l’ordre et de la tranquillité.publique, et dans la confiance qui est due aux décrets de l’Assemblée nationale. » La priorité est demandée pour ce dernier projet : Elle est demandée par d’aütres membres pour le second projet. M. le Président prend les voix pour savoir si le troisième aura la priorité; et soit que plusieurs membres aient déclaré qu’ils n’avaient pas entendu, soit que la première épreuve ait paru douteuse, M. le président en fait une seconde, sur laquelle il prononce le décret portant que la priorité est accordée au troisième décret. Mais dans l’instant des réclamations s’élèvent. Elles ont pour fondement que sur la seconde épreuve la majorité est encore douteuse; l’appel nominal est demandé, et cette demande combattue. M. le Président propose de mettre aux voix, par appel nominal, les deux motions, ou projets d’arrêté, en concurrence l’une avec l’autre. On fait remarquer qu’on ne peut mettre deux motions aux voix, en même temps. M. Gaultier de Biauzat réclame la priorité pour le premier projet en supprimant la phrase portant : * que Sa Majesté serait suppliée de déployer dans cette occasion le pouvoir exécutif dont elle est revêtue. » Divers membres réclament l’appel nominal sur la question de priorité. D’autres membres demandent l’ajournement à samedi séance du soir. L’Assemblée consultée prononce l’ajournement. M. le Président. Je viens de recevoir une note de M. le garde des sceaux par laquelle ce ministre m’apprend que le Roi a accepté les deux articles de constitution que l’Assemblée a chargé ce matin son président de présenter à Sa Majesté. M. Ilébrard, membre du comité des rapports , veut parler de l’affaire du district des Cordeliers ; mais d’après ses observations et celle de M. Duport, qui espérait voir renaître le calme entre les districts et l’assemblée de la commune de Paris, l’affaire a été ajournée à demain 2 heures. M. le Président lève la séance après avoir indiqué celle de demain pour 9 heures et demie. ANNEXES à la séance de l'Assemblée nationale du 19 novembre 1789. PREMIÈRE ANNEXE Motion sur la situation de la province du Bugey , par M. le marquis de Clermont-Montrai nt-Jean (1). Messieurs, l’impossibilité d’obtenir la parole, et l’importance que peut avoir dans ce moment le mécontentement général d’une province, et surtout d’une province frontière, me force à user de la voie de l’impression pour vous faire connaître promptement ce qui se passe dans celle du Bugey, que j’ai l’honneur de représenter. Cette province, ainsi que la Bresse, furent échangées en 1601 contre le marquisat de Saluce; par ce traité et celui de limite, faits en 1760, les souverains de France et de Savoie contractants ont respectivement garanti les droits, privilèges et immunités des habitants de ces pays échangés. Dès cette époque, ceux du Bugey, glorieux d’être Français, en ont donné des preuves par leur soumission aux lois du royaume , leur respect et leur attachement sans borne pour les volontés et la personne du Roi. Ils en ont consigné la preuve la plus éclatante dans les cahiers donnés par les trois ordres de la province, à leurs représentants aux Etats généraux. Chacun s’est empressé d’y renoncer aux privilèges particuliers ou pécuniaires, chacun a désiré, demandé et consenti une égalité nécessaire au bonheur public. La province entière, pour concourir à atteindre ce but, a déclaré qu’elle renoncerait à la forme de son administration, si une nouvelle était généralement adoptée pour le royaume. Mais en faisant ces sacrifices, et en renonçant à ces formes anciennes, elle s’est réservé le droit de s’administrer elle-même séparément, et sans division ni réunion. (1) La motion de M. le marquis de Clermont-Mont-Saint-Jean n’a pas été insérée au Moniteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1789.] Ce droit est le plus beau, le plus ancien et le plus cher de ceux dont elle a constamment joui ; et l’on peut dire gue sa position, son étendue quoique circonscrite : l’air, le sol, le caractère de ses habitants, ses productions et surtout la nature des limites qui la séparent de ses voisins lui rendent son administration distincte et séparée nécessaire. Aussi, Messieurs, la crainte seule de se voir réunir au département de Bresse a excité les plus vives inquiétudes dans les campagnes ; des municipalités se sont assemblées, et toutes ont consigné de fortes réclamations dans des délibérations qu’elles ont adressées à la commission intermédiaire, en la priant d’y joindre son intervention pour prévenir et s’opposer à une pareille réunion. C’est dans cette circonstance, accompagnée d’une disette affreuse, suite des fléaux qui ont ravagé cette année toutes les récoltes de cette province pauvre, même les années d’abondance, que M. le ministre des finances a adressé à la commission intermédiaire divers décrets relatifs au recouvrement des impositions, et notamment à celui de la contribution patriotique. H l’invite à « employer l’influence qu’elle peut avoir dans la province, pour assurer l’entière et prompte exécution de ces divers décrets, d’où dépend le salut de l’Etat. » Les membres de la commission intermédiaire, dont on peut garantir l’union, le zèle et les efforts pour le bien public, viennent d’adresser à M. le premier ministre des finances, pour le mettre sous les yeux du Roi, et à chacun de ses députés, pour vous en donner connaissance, un mémoire qui mérite la plus sérieuse attention et qui vous sera lu quand vous l’ordonnerez. Il démontre leur zèle, leur bonne volonté pour seconder de tous leurs efforts l’exécution des décrets de l’Assemblée et des ordres du Roi et pour concourir personnellement par toutes sortes de sacrifices au salut de l’Etat. Ils assurent qu’il ne s’est fait encore que dix-huit cents livres de recette sur les impositions pour l’année courante, qu’il en est dû vingt-cinq mille d’arrérages de l’année dernière et que les seuls recouvrements certains à espérer promptement seront ceux des rôles de supplément des privilèges sitôt qu’ils seront confectionnés; mais que la misère du peuple est si grande, et ses alarmes si vives sur leur administration, qu’ils craignent que leurs efforts ne soient vains pour la perception des impositions courantes et réelles de la contribution patriotique qui devra être prise sur le plus trict nécessaire, si l'on ne rassure d’avance et promptement les campagnes sur leurs justes craintes. Enfin, Messieurs, ils demandent sur ce point l’intervention de M. le premier ministre des finances auprès de vous, et chargent leurs députés de vous faire connaître le vœu de la province et de s’opposer de tous leurs efforts à toute division du royaume qui tendrait à incorporer ou démembrer l' administration de Bugey. En conséquence, je déclare que je ne puis, non plus que mes collègues, y consentir, d’autant qu’il est facile de n’en faire qu’un seul département. DEUXIÈME ANNEXE. Réflexions de M. de Cocherel, sur le rapport du comité des Six concernant l'approvisionnement de Saint-Domingue (1). Mesieurs, j’ai lu attentivement le rapport de votre comité des Six, dont vous avez ordonné l’impression : par votre décret du mois d’août dernier, vous aviez chargé ce comité de recevoir les pièces respectives qui lui seraient remises par les députés du commerce et par les députés de Saint-Domingue. Le comité ne devait être composé, d’après votre décret, que de six membres de votre Assemblée, n’ayant aucun intérêt direct ni indirect à la question soumise à leur examen; et cependant dans le nombre de ces six membres, on compte quatre négociants ; on en appelle à leur propre témoignage (2). Le but de l’institution de ce comité était de vous éclairer sur la demande provisoire des députés de Saint-Domingue, tendant à obtenir dans tous ses ports d’amirauté l’introduction des bâtiments des Etats-Unis, qui leur offraient dans ces temps calamiteux de disette, des secours de farines que la France ne pouvait leur procurer. Les députés de Saint-Domingue vous disaient alors hautement que les trois ports d’entrepôt ouverts dans les temps ordinaires aux Etats-Unis devenaient insuffisants dans des temps de calamité extraordinaire. Ils vous annonçaient que ces trois ports d’entrepôt des ressources inévitables à l’accaparement tant de la part du gouvernement que des négociants de ces trois ports, et qu’il n’aurait pas été dès lors étonnant que les négociants de ces trois ports fussent d’accord avec M. de Marbois, intendant de Saint-Domingue, pour demander l’exclusion des autres ports d’amirauté, et que ce n’est que par cette raison que les négociants des autres ports d’amirauté n’ont été ni appelés ni consultés par les administrateurs, ce dont ils se plaignent amèrement, et ce qui prouve combien le témoignage du commerce du Gap, dont s’étaye M. de Marbois, est intéressé, et devient par là même suspect. Les députés de Saint-Domingue vous ajoutaient que la faveur accordée à ces trois ports portait le caractère odieux d’un privilège exclusif au préjudice des autres ports d’amirauté, d’un privilège onéreux d’ailleurs à toutes les autres parties de la colonie, qui payent également les charges occasionnées par les précautions et mesures tendant à s’opposer à la contrebande, sans jouir du bénéfice accordé à ces trois seuls ports. Les députés de Saint-Domingue vous disaient qu’ils étaient expressément chargés de réclamer contre cette injustice faite à leurs commettants en faveur des trois villes principales dont ils se trouvaient plus ou moins éloignés dans une étendue de position de 250 lieues de côtes; ils vous demandaient, en conséquence, l’ouverture de tous les ports d’amirauté dans les temps de calamité, et la suppression alors des trois ports d’entrepôt (I) Les réflexions de M. de Cocherel n’ont pas été insérées au Moniteur. (2) Les six commissaires sont MM. le vicomte de la Merville, de la Jacqueminière, Roussillon, Fontenay, Lasnier de Yaussenay, Blanquart des Salines. Les quatre derniers sont commercants.