378 [Assemblée nationale ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 avril 1791.] M. Camus, rapporteur. Voici le décret que vos deux comités vous proposent. « L’Assemblée, preoant eu considération les importants services rendus à l’Etat par feu Wol-demar de Lowendal, maréchal de France, la perte ue ses enfants ont faite, à sa mort, du régiment 'infanterie allemand de son nom, dont il était propriétaire, la situation actuelle de ses descendants Wolaemar de Lowendal, Marie-Louise de Lowendal, femme Brancas ; les enfants nés desdits de Lowendal, et d’Elisabeth-Marie-Constance de Lowendal femme de Lancelot-Turpin-Crissé, décrète qu’il sera remis par la caisse de l’extraordinaire, à Woldemar de Lowendal, aux enfants d’Elisabeth-Marie-Constance de Lowendal, et à Marie-Louise de Lowendal, la somme de 300,000 livres, faisant pour chacun desdits Woldemar de Lowendal, Marie-Louise de Lowendal, et pour tous les enfants d’Elisabeth-Marie-Constance de Lowendal, la somme de 100,000 livres, pour servir à leur subsistance, et à celle des enfants nés desdits Woldemar et Marie-Louise de Lowendal ; à l’effet de quoi, la somme de 100,000 livres ne sera délivrée par le trésorier de l’extraordinaire à chacun des susnommés, qu’après que, par avis du tribunal de la famille, l’emploi desdites sommes en constitution de rente, dont l’usufruit seulement, soiten tout, soit en partie, suivant l’avis dudit tribunal, appartiendra auxdits Woldemar et Marie-Louise de Lowendal, aura été déterminé, et sera remise alors à la personne désignée par le tribunal de famille, pour la recevoir et en faire le placement; au moyen desquelles indemnités et récompenses les pensions accordées à Marie-Louise de Lowendal, et aux enfants d’Elisabeth-Marie-Constance de Lowendal, demeurent définitivement rayées, comme annulées par le décret du 3 août 1790. » M. Lanjninais. Avant de prendre une décision aussi importante, avant de disposer ainsi d’une portion précieuse de la fortune publique, il faut entrer dans un plus grand examen. Il faut savoir si la famille de M. Lowendal n’a pas reçu en faveur, de la cour, de quoi l’indemniser d’avance de l’objet de ses réclamations. Le comité a-t-il tout compté, les 200,000 écus que M. de Lowendal a reçus ainsi que ses descendants ? M. Regnand (de Saint-Jean-d’Angély). J’ap-puie le projet de décret du comité et je trouve que l’indemnité proposée n’est pas trop forte. M. Bouche. Au lieu de s’élever contre la réclamation de la famille de Lowendal, il faudrait s’étonner de la modicité de la somme qu’on propose de lui accorder. Les droits de cette famille sollicitent votre justice ; les services deM. Lowendal appellent votre reconnaissance. Ce n’est point à nous à oublier que pour se consacrer au service de la France, il a renoncé à deux régiments en Russie ; il a sacrifié commandements, décorations, gouvernements, pensions; il a fermé les yeux sur la carrière qui s’ouvrait devant lui et dans laquelle il devait obtenir les faveurs de la gloire et de la fortune. Il méprisa tous ces avantages pour servir notre patrie. Je ne retracerai pas ici tout ce que fit pour notre pays cet homme qui n’est pas seulement célèbre mais illustre, cet nomme à qui le maréchal de Saxe a dû ses plus grands succès et la plus grande partie de sa gloire. C’est le maréchal de Lowendal qui a épargné à la France plus d’un milliard de numéraire ; c’est au maréchal de Lowendal que vous devez la conservation de 5 à 600,000 Français, et ces hommes, ce sont peut-être vos pères, vos aïeux, vos bisaïeux. (Applaudissements.) Enfin, Messieurs, c’est au maréchal de Lowendal que vous devez le traité d’Aix-la-Chapelle, ce fameux traité qui rétablit la paix dans le royaume, qui confirma tous nos droits chez l’étranger et qui assura à la France de si grands avantages dans la balance politique de l’Europe. Les représentants de la nation française ne peuvent oublier de si grands services quand il s’agit de consacrer la reconnaissance de la nation. Vous avez donné au général Luckner 36,000 livres de pension et pourquoi, Messieurs, pour vous avoir battu. (Applaudissements.) Et vous refuseriez une juste indemnité aux enfants d’un homme qui a vaincu pour vous, quia servi la patrie avec tant de gloire. Avec l’énergie que je vous connais, avec la Constitution que vous venez de décréter, vous payeriez le général Luckner pour se mettre à la tête de vos ennemis et avoir l’avantage de le vaincre et de lui apprendre que vous êtes Français. (Murmures.) Le général Lowendal a été l’homme le plus sobre à demander ; les 200,000 livres que l’oa vous met en liste, c’est une somme qu’il faut certainement rayer; c’est une dette que Louis XV devait pour une fille de son nom. La somme proposée par le comité n’est donc qu’une indemnité de la propriété du régiment ; cette propriété payée, vous lui devez encore une autre indemnité, et je demande que celle-ci soit fixée à pareille somme. Plusieurs membres . Aux voix ! aux voix le décret ! (L’Assemblée adopte le décret du comité.) M. Camus, rapporteur. Vous avez décrété qu’on ne pourrait jouir à la fois d’une pension et d’un traitement. On nous demande une exception pour les pensioas de l’ordre de Saint-Louis, et surtout pour celles des officiers de la marine. Votre comité ne croit pas devoir vous proposer de déroger à la loi par laquelle vous avez établi qu’on ne pourrait avoir de pensions pendant l’activité de service ; il vous propose cependant d’entendre M. de Yaudreuil, officier de marine, qui fera valoir ses raisons. Voici notre projet de décret : « Les pensions accordées sur l’ordre de Saint-Louis ne pourront être payées, ainsi que les pensions sur le Trésor public, qu’autant que ceux qui jouissent desdites pensions, n’auront aucun traitement d’activité.» M. de Vaudreuil. Je dirai à l’Assemblée, premièrement, que le traitement attaché à la croix de l’ordre de Saint-Louis était donné à titre de récompense des services rendus à l’Etat, et non à titre de retraite ; que la plupart des officiers généraux de la marine qui sont grand-croix, n’ont pu parvenir à ce grade qu’en passant par tous les autres, et après avoir atteint un âge avancé ; qu’ils sont tous assez mal partagés de la fortune, qu’ils ont tous rendu des services distingués. Je demande donc que ces pensions soient conservées. M. Defernmn. Vous n’avez accordé pour les pensions qu’un fonds déterminé, vous no pouvez donc donner de pension à ceux qui ont déjà [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 avril 1791.] 379 un traitement, qu’en privant de tout secours ceux qui n’ont pas de traitement. J’observe en effet que toutes les fois que vous accorderez une pension à un citoyen qui a uu traitement, vous ôterez effectivement une pension à un citoyen qui n’a pas de traitement. Je conclus de cette simple réflexion que vous devez maintenir l’exécution de votre décret du 3 août, en adoptant celui-ci. M. d’Estourmel. Je supplie l’Assemblée de ne as perdre de vue que les fonds pour l’ordre de aint-Louis sont totalement distincts du fonds des pensions décrété par l’Assemblée nationale. (Murmures.) M. Malouet. Je demande qu’il soit accordé des gratifications progressives aux officiers, en proportion de leurs années de service. MM. de Cnstine et de Rostaing proposent d’autres amendements au projet du comité. (Ces divers amendements sont rejetés par la question préalable.) M. de Gualbert. Il est injuste de priver de braves officiers des récompenses qu’ils ont obtenues au prix de leur sang, et je demande que du moins on accorde une indemnité annuelle égale à la pension supprimée, aux militaires dont les services sont tels que leurs droits ne peuvent être contestés. Est-il nécessaire de rappeler ici M. de Lamothe-Piquet qui a reçu le cordon rouge pour avoir appareillé avec deux vaisseaux au Port-Louis, avoir couru sur 18 vaisseaux anglais et sauvé 24 vaisseaux de commerce? M. d’Eymar, qui a également obtenu le cordon rouge dans la guerre dernière où il perdit un bras ? Est-il juste de priver ces officiers du traitement qu'ils ont obtenu pour de si grands services ? Je propose, par amendement, que le comité des pensions examine les titres de ceux qui ont obtenu des pensions et que l’on conserve celles des officiers qui auront été estropiés. Un membre demande la question préalable sur cet amendement. M. le Président. Je consulte l’Assemblée sur la demande de question préalable. (L’épreuve a lieu et est déclarée douteuse.) M. Dubois-Craneé. Je demande si on peut faire une pareille exception, quand on n’a pas voulu en faire en faveur des manicrots invalides. ( Applaudissements . ) M. Camus, rapporteur. Il ne s’agit pas de savoir s’il y a ou s’il n’y a pas à délibérer sur l’amendement de M. Gualbert ; et il suffit de passer à l’ordre du jour, parce que le comité des pensions fait précisément dans ce moment ce qu’il propose. L Assemblée a décrété que t ous les pensionnaires dont les pensions seront supprimées, pourront recevoir des gratifications annuelles a raison de leurs services. Les titulaires actuels seront donc tous indemnisés de la suppression de leurs pensions, et ne seront pas, comme on le suppose, dépouillés des récompenses que leurs services ont méritées ; mais vous devez maintenir le principe qu’on ne peut jouir d’une pension en même temps que d’un traitement. (L’Assemblée, consultée, adopte le projet de décret proposé par M. Camus.) M. le Président, Je viens de recevoir une lettre de M. de Menou. Il me marque, et il me parait, par son écriture qui est presque indéchiffrable, que sa santé est infiniment altérée, qu'il n’a pu achever son rapport. (Murmures.) M. Régnault. Lisez la lettre. M. le Président. Jene puis pas la lire : la lettre est à moi et non à l’Assemblée nationale. (Murmures.) M. de La Rochefoucauld-Liancourt. Je m’élève contre M. le Président qui dit qu’une lettre adressée à M. le Président l’est à M. Rewbell. Elle est adressée à l’Assemblée nationale. M. le Président. C’est une lettre de confiance qui m’est écrite : certainement je ne puis la lire. M. de Clermont-Lodève. Vous avez été instruits, Messieurs, par le département des Bouches-du-Rhône et les départements voisins du Comtat, de l’excès des troubles qui régnent dans ce malheureux pays en ce moment, et de l’état affreux dans lequel il est réduit. Il paraît que M. de Menou, qui vous avait déjà promis son rapport pour avant-hier et qui le remet de jour en jour, ne calcule pas assez combien en 24 heures il peut être répandu de sang. Je sais que la question de droit public, pour laquelle il a été obligé d’aller faire des recherches dans la bibliothèque du roi, exige des développements étendus; mais quoi! faut-il tant de recherches, tant d’études, pour porter à des hommes qui s’entr’égorgent un secours qu’ils réclament? Pour 1 ur opposer une autorité quelconque, pour les contenir au nom des lois?(itfwr-mures.)... Oui, Messieurs, au nom des lois générales d’humanité. Mais tout en attendant le travail considérable de M. le rapporteur, tout en attendant le rapport qui vous est promis, il s’agit dès ce moment de porter un secours quelconque dans ce pays. Quelle que soit votre décision définitive, il importe d’en prendre une provisoire qui rétablisse la tranquillité dans ce malheureux pays. Il s’agit d’envoyer un homme qui commande au nom duroietde la nation française, qui prenne ce pays sous sa protection, il s’agit d’y envoyer un nombre suffisant de troupes chargées d’y rétablir l’ordre, jusqu’à ce que vous ayez examiné, au nom de la justice et de l’humanité, qui appartiennent à tous les peuples ( Applaudissements .), si les droits du Saint-Siège sont certains, si le vœu des peuples de ces pays vous est clairement manifesté. Si votre décision est en faveur du Saint-Siège, il ne pourra que vous avoir obligation de votre office protecteur et des soins que vous aurez pris pour le rétablissement du calme. Si, au contraire, votre décision est en faveur de la nation, c’est sa chose, c’est son bien que vous aurez conservé. Les députés des départements voisins vous ont dit que le territoire français avait été violé, que les habitants de ce département brûlaient de voler au secours de leurs parents, de leurs amis. Je demande donc que, sans avoir egard au nouveau délai que demande M. de Menou, vous décidiez dans le moment même que le roi sera prié d’envoyer à Avignon sous la direction d’un chef qui