744 [Assemblée nationale» j ARCHIVES PARLEMENTAIRES [5 juillet 1791.J Je vous prie d’autoriser le comité à écrire à M. de Montmorin et de faire délivrer à ce jeune homme toutes les pièces nécessaires pour qu’il parle. M. Merlin. L'Assemblée nationale n’est pas administrative; c’est le pouvoir exécutif que cela regarde. Si vous voulez vous mettre sur ce pied, autant vaut révoquer votre décret. Je demande donc l’ordre du jour sur la motion qui est faite, attendu que c’est au pouvoir exécutif, non pas de donner des passeports, mais de juger, d’après les décrets, de l’abus ou de la légitimité des motifs qui doivent déterminer à les accorder ou à les refuser. (L’Assemblée, d’après l’observation de M. Merlin, passe à l’ordre du jour et ordonne que le motif de sa décision sera inséré dans le procès-verbal.) L’ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur la police municipale (1). M. Démeunier, au nom du comité de Constitution. Des décrets antérieurs ont déterminé les bornes et l’exercice des diverses fonctions publiques, et établi les principes de police constitutionnelle destinés à maintenir cet ordre ; le décret sur l’institution des jurés a pareillement établi une police de sûreté qui a pour objet de s’assurer de la personne de tous ceux qui seraient prévenus de crimes ou délits de nature à compromettre la sûreté publique. Il vous reste à fixer les règles, premièrement de la police municipale qui a pour objet le maintien habituel de l’ordre et de la tranquillité dans chaque lieu, etde la police correctionnelle qui a pour objet la répression des délits qui, sans mériter peine afflictive ou infamante, troublent la société et disposent au crime. Les délits champêtres nous ont paru appartenir à la police municipale ; mais nous avons abandonné ce travail aux comités d’agriculture et de commerce. M. Heurtault-La-merville vous en fera le rapport. M. Chabroud. Je n'ai pas eu le temps de méditer ce travail, qui ne nous a été distribué qu’hier; mais j’aperçois que, dans un pays nouvellement libre, on cherche à entourer “les citoyens d’une foule de gênes. Je vois qu’on enverra un officier de police demander à un citoyen qui veut mener une vie obscure, le détail qu’il aurait intérêt à taire; je m’oppose à toute inquisition de cette espèce. Un membre demande l’ajournement du projet de décret. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Démeunier, rapporteur. Voici le premier article : Dans les villes de 20,000 âmes et au-dessus, les corps municipaux feront constater l’état des habitants, soit par des officiers municipaux, soit par des commissaires de police s’il y en a, soit par des citoyens commis à cet effet. Chaque année, dans le courant du mois de décembre, cet état sera vérifié de nouveau et l’on y fera les changements nécessaires. » Cette disposition, utile aux mœurs et au bon (1) Voy. ci-dessus ce projet de décret, séance du 4 juillet 1791, page 720.* ordre géaéral du royaume, tendra à détruire le vagabondage et la mendicité. M. Le Pelletier-Saint-Fargeau. C’est ici le moment de compléter une disposition de votre Code pénal. Vous avez aboli la peine de la marque, vous avez voulu qu’aucune flétrissure indélébile n’ôtât à un coupable l’intérêt de retourner à la vertu, le seul moyen qui vous reste de reconnaître les malversateurs, c’est de leur ôter la possibilité de soustraire aucune partie de leur vie à la vigilance des magistrats : mais les registres que vous feriez tenir dans les villes ne produiraient pas l’effet que vous eu attendez, seraient même illusoires pour suivre la trace d’un homme suspect, si cette disposition n’était générale pour tous les points du royaume. Je demande donc que la disposition de l’article 1er soit étendue aux campagnes. (La motion de M. Le Pelletier-Saint-Fargeau est adoptée.) M. Ramel-Hogarct. Je demande qu’il soit ajouté à l’article, que, chaque année, l’opération sera faite dans les mois de novembre et de décembre, parce que dans les grandes villes l’opération sera longue et qu’il faut qu’elle soit achevée lors de la confection des rôles des contributions publiques. (Cet amendement est adopté.) Après quelques observations, l’article est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 1er. « Dans les villes et les campagnes, les corps municipaux feront constater l’état des habitants, soit par des officiers municipaux, soit par des commissaires de police s’il y en a, soit par des citoyens commis à cet effet ; chaque année, dans le courant des mois de novembr e et de décembre, cet état sera vérifié de nouveau, et on y fera les changements nécessaires; l’état des habitants des campagnes sera recensé au chef-lieu par des commissaires envoyés par chaque communauté particulière. (Adopté.) Art. 2. « Le registre contiendra mention des déclarations que chacun aura faites de ses nom, âge, lieu de naissance, dernier domicile, profession, métier et autres moyens de subsistance ; le déclarant qui n’aurait à indiquer aucun moyen de subsistance désignera les citoyens domiciliés dans la municipalité dont il sera connu, qui pourront rendre bon témoignage de sa conduite. (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur , donne lecture de l’article 3, ainsi conçu : « Ceux qui, dans l*a force de l’âge, n’auront ni moyens de subsistance, ni métier, ni répondants, seront inscrits avec la note de gens sans aveu. « Ceux qui refuseront toute déclaration seront inscrits sous leur signalement et demeure, avec la note des gens suspects. « Ceux qui seront convaincus d’avoir fait de fausses déclarations seront inscrits avec la note de gens mal intentionnés. » M. Andrieu. Les mots : dans la force de l'âge sont trop vagues ; il faut fixer l’âge. M Démeunier, rapporteur. Quelques per- 745 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [5 juillet 1191.] 8oones proposent de mettre : « depuis l’âge de majorité jusqu'à soixante ans. » Je ne crois pas que cette disposition puisse être admise ; car à 40 ans ou à 50 ans un homme peut être infirme, et ce n’est pas sa faute s’il nfa pas de métier Di de répondant. Je crois donc qu’au lieu des mots : dans la force de l'âge , on pourrait mettre : en état de travailler, ce qui remplirait mieux l’intention de l’Assemblée. (Assentiment.) En conséquence, voici l’article : Art. 3. « Ceux qui, étant en état de travailler, n’auront ni moyens de subsistance, ni métier, ni répondants, seront inscrits avec la note de gens sans aveu. « Ceux qui refuseront cette déclaration seront inscrits sous leur signalement et demeure, avec la note de gens suspects. « Ceux qui seront convaincus d’avoir fait de fausses déclarations seront inscrits avec la note de gens mal intentionnés. » (Adopté.) Art. 4. « Ceux des trois classes qui viennent d’être énoncées, s’ils prennent part à une rixe, un attroupement séditieux, un acte de voie de fait ou de violence, seront soumis, dès la première fois, aux peines de la police correctionnelle, ainsi qu’il sera dit ci-après. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Voici, avec l’amendement adopté pour l’article 1er et relatif aux municipalités de campagne, la rédaction de l’article 5 : « Dans les villes, ainsi que dans les municipalités de campagne, les aubergistes, maîtres d’hôtels garnis et logeurs seront tenus d’inscrire de suite, et sans aucun blanc, sur un registre paraphé par un officier municipal ou un commissaire de police, les noms, qualités, dates d’entrée et de sortie de tous ceux qui logeront chez eux, de représenter ce registre tous les 15 jours, et en outre toutes les fois qu’ils en seront requis, soit aux officiers municipaux, soit aux commissaires de police ou aux citoyens commis par la municipalité. » M. Pervinquière. Dans une ville où il y a une foire, il est impossible qu’un aubergiste tienne registre exact de tous ceux qui arriveront chez lui le matin pour s’en retourner le soir. (Murmures.) M. Démeunier, rapporteur. Il ne devra l’inscrire que s’il couche chez lui. M. Pervinquière. Un voyageur arrive le soir, il repart à quatre heures du matin ; il a couché dans ce lieu ; il me semble qu’il serait bien sévère d’exiger sa déclaration. M. Pierre Dedelay (ci-devant Delley d\4gter). Messieurs, vous voulez que les lois soient exécutées ; cependant il serait impossible d’exécuter l’article tel qu’il est conçu, vis-à-vis des moissonneurs et des gens qui arrivent pour faire des récoltes. Gès gens-là ne sont souvent que 24 heures dans, une municipalité , parce qu’ils passent de l’une à l’autre. Il faudrait donc mettre une exception en faveur des moissonneurs. M. Martineau. Un autre amendement a été proposé en faveur des vendangeurs dans les pays vignobles. Dans les vendanges, une grande uantité d’ouvriers qui ne peuvent pas se loger ans les auberges se logent chez des personnes qui en retirent une petite rétribution ; ils les logent dans une grange. Je demande une exception en faveur de ces gens-là. M. Ratnel-Nogaret. Il est dit que les noms seront inscrits sur un registre ; il est indispensable d’ajouter si le registre sera sur papier libre ou sur papier timbré. Je demande pour ma part que l’inscription soit faite sur papier timbré. M. Prieur. Il s’agit, dans la disposition proposée par le préopinant, d’un impôt de 3 à 4 millions, et cet impôt bien établi ne coûtera à chaque particulier qui couchera dans une auberge qu’un liard ou 6 deniers par nuit. Or, je dis que tous les impôts perçus de la manière la plus douce venant à la décharge de tout individu, il est impossible de ne pas admettre celui-là. M. Démeunier, rapporteur. J’adopte cet amendement. Voici, après les diverses observations qui viennent d’être faites, la rédaction que je propose pour l’article : Art. 5. « Dans les villes, ainsi que dans les municipalités de campagne, les aubergistes, maîtres d’hôtels garnis et logeurs seront tenus d’inscrire de suite, et sans aucun blanc, sur un registre en papier timbré et paraphé par un officier municipal ou un commissaire de police, les noms, qualités, dernier domicile, dates d’entrée et de sortie, de tous ceux qui coucheront chez eux, même une seule nuit, de représenter ce registre tous les quinze jours, et en outre toutes les fois qu’ils en seront requis, soit aux officiers municipaux, soit aux officiers de police, ou aux citoyens commis par la municipalité. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur, donne lecture de l’article 6, ainsi conçu : « Faute de se conformer aux dispositions du précédent article, ils seront condamnés à 50 livres d’amende et demeureront civilement responsables des désordres et délits commis par ceux qui logeront dans leurs maisons. » Un membre demande que le taux de l’amende soit réduit à 25 livres. M. Chabroud. Je demande à M. le rapporteur pourquoi, ayant observé dans ses autres articles la dispense des peines pécuniaires qui, à moi, me paraissent bien vues, il en exige ici. Il est tel aubergiste, tel maître d’hôtel qui font des affaires très brillantes ; il est tel autre qui fait des affaires trè3 réduites. Il est évident qu’une amende déterminée à une somme égale pour tous, n’est pas une peiüe égale. Je demanderai donc que dans l’article on prît pour base proportionnelle la contribution mobilière. M. Démeunier, rapporteur. L’observation du préopinant est d’une grande justesse. C’est avec regret que le comité n’a pas pu présenter dans tous les articles la base de la contribution mobilière, mais les rôles de cette contribution ne sont pas encore faits. Cependant dans l’article