504 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1791.] M. Bouche. Je n’ai à vous rapporter que des lettres particulières, qui, je le sais, n’ont aucun caractère. Je n’ai à vous offrir qu’une opinion que la commune a manifestée. Je ne puis pas vous rapporter des preuves émanées des corps administratifs; mais certainement vous ne pouvez pas vous refuser à une crainte qui est généralement répandue. L’étendue des pouvoirs que M. Voidel donne à ces commissaires me fait trembler sur les événements. Je suis d’avis qu’il y ait des commissaires; mais, Messieurs, mon opinion formelle est que, sur la demande faite par les commissaires civils qui sont actuellement dans le département des Bouches-du-Rhône, vous les rappeliez, et que cependant le roi soit prié d’en envoyer d’autres avec telle étendue de pouvoirs que l’Assemblée jugera convenable. M. d’André. J’ai des lettres particulières qui m’annoncent qu’on est très content des commissaires. M. Mougins qui fait un signe annonce qu’il est du même avis que moi. Ainsi, s’il y a de part et d’autre des lettres pour et contre, il faut croire plutôt le bien que le mal ; il ne faut pa; faire l’injustice à des gens qui se sont bien conduits de les rappeler pour en envoyer d’autres. Ainsi je demande qu’on rejette la proposition de M. Bouche par la question préalable et qu’on mette aux voix la proposition de M. Voidel. M. Mougins de Roquefort. Ils n’ont pas la confiance des malveillants ; mais je crois qu’ils ont la confiance de tout ce qu’il y a d’honnêtes gens. Je demande par amendement qu’il soit dit que, sur la réquisition qui peut leur être faite, ils s i transporteront dans le département du Var, oour y maintenir également la paix : voilà quel èst mon amendement. M. de Sinéty. Je demande que le décret soit remis à la séance de ce soir, pour raison. Plusieurs membres : Aux voix ! Aux voix ! (L’Assemblée, consultée, écarte par la question préalable la motion de M. Bouche et adopte l’amendement de M. Mougins de Roquefort.) M. Voidel, rapporteur. En conséquence, voici la rédaction du projet de décret : « L’Assemblée nationale, sur la proposition qui lui en a été faite au nom de ses comités des rapports et des recherches, décrète : « Que les commissaires civils envoyés à Aix par le roi, en exécution de la loi du 24 décembre dernier, sont autorisés à requérir seuls la force publique, tant à Aix que dans toute l’étendue du département des Bouches-du-Rhône, pour maintenir et rétablir au besoin la tranquillité publique; se transporter, à cet effet, dans tous les lieux du département où ils croiront leur présence nécessaire, et faire toutes proclamations qu’ils jugeront convenables. Pourront aussi, les-dits commissaires civils, se transporter dans le département du Yar, pour y exercer les mêmes fonctions, quand ils en seront requis par les corps administratifs. « Le roi sera prié de donner dans le jour les ordres nécessaires pour l’exécution du présent décret. » (Ce décret est adopté.) M. liebrun, au nom du comité des finances. Messieurs, vous ayez ordonné que les renies sur l’Hôtel de ville attachées aux fabriques, écoles et collèges pauvres des paroisses et autres établissements seraient payées dans les districts; le comité des finances vous propose d’ordonner que, pour l’année 1790 seulement, ces rentes seront payées comme par le passé à l’hôtel de ville. Voici notre projet de décret : « L’Assemblée nationale décrète que les rentes dues par l’Btat aux fabriques, écoles et collèges pauvres des paroisses et autres établissements, dont le payement, aux termes du décret du 13 octobre, doit se faire dans les districts, seront payées pour l’année 1790 seulement, par les payeurs de l’hôtel de ville. » (Ce décret est adopté.) M. Lebrun, au nom du comité des finances. J’ai l’honneur d’observer encore à l’Assemblée, à l’égard des gages et taxations qui avaient été livrés en 1745 et dans les années antérieures à des officiers de justice, pour être autorisés ensuite à les vendre à des particuliers, que leur remboursement avait été ordonné en 1787 ou 1788 et qu’il a été suspendu par les circonstances. Vous avez décrété au mois d’octobre que ce remboursement serait opéré et cependant ces ofli ciers ne sont point encore admis à la liquidation. Je prie l’Assemblée de vouloir bien ordonner que le renvoi en sera fait au comité de liquidation et je propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que son comité de liquidation lui proposera incessamment un projet de décret pous le remboursement des augmentations de gages et taxations créées au denier 18, et au-dessous. » (Ce décret est adopté.) M. Vernier, au nom du comité des finances, propose le projet de décret suivant : « L’Assembléo nationale, sur le rapport de son comité des finances, autorise les membres composant le directoire du département du Bas-Rhin à imposer sur les contribuables dudit département, en la présente année, la somme de 153,930 livres ; laquelle somme réunie à celle de 206,070 livres qu’ils ont à recouvrer, soit sur l’imposition des routes, soit sur d’autres objets, formera celle de 360,000 livres, qui leur est nécessaire, tant pour le remboursement de 240,000 livres d’avances faites aux ci-devant administrateurs, que pour frais de l’administration actuelle ; de telle sorte que lesdits frais soient à l’avenir payés chaque année, et qu’ils ne puissent être rejetés sur les suivantes; le tout à charge de rendre compte de l’emploi des sommes à imposer, ainsi que de celles à recouvrer. » (Ge décret est adopté.) M. l’abbé Bourdon. Déjà, plusieurs fois, on a représenté qu’ü était moralement et physiquement impossible que les électeurs s’assemblassent fréquemment sans qu’il fût pourvu à leurs dépenses. L’Assemblée a chargé son comité de Constitution de lui présenter ses vues à cet égard ; il ne l’a pas encore fait. Cependant, les élections deviennent tellement multipliées que, dans certains départements, les électeurs, et principalement ceux des campagnes, sont fatigués et ne peuvent y suffire. Pendant qu’on procède à la nomination d’un membre de la Cour de cassation, un évêque donne sa démission et de nouvelles élections sont rendues nécessaires. Je sais bien que cet inconvénient n’est que passager et n’aura pas lieu à l’avenir; mais, ac- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 avril 1791.J tuellement, le mal se fait sentir d’une manière q )i pourrait être très funeste à la chose publique et il faut y remédier. La chose est instante, et je demande que, demain matin, le comité de Constitution nous fasse son rapport à ce sujet. M. Martineau. Je demande que, sur la proposition qui vient de vous être faite, on passe à l’ordre du jour. Il a été déjà décrété plusieurs fois que l’on ne donnerait aucune espèce de traitement. Plusieurs membres (ensemble) : Je demande à répondre à M. Martineau ; il n’y pas de décret à cet égard, M. ILe Chapelier, au nom du comité de Constitution. Je demande la parole pour un fait que M. Martineau paraît ne pas se rappeler. J’observerai sur cette question, moi qui avais pensé que ces fonctions ne devaient pas être salariées, maintenant qu’ellessemultiplientd’une semblable manière, qu’il est impossible que nous fassions faire le service public des élections, si nous ne donnons pas un traitement aux électeurs. Ainsi, j’assure que le comité de Constitution fera un rapport sous 2 ou 3 jours à cet égard ; nous attendions même pour faire ce rapport que les pétitions fussent assez nombreuses. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les successions (1). M. Ce Chapelles*, rapporteur. Vous vous rappelez, Messieurs, que le dernier article du litre premier fut ajourne hier, parce que les difficultés sur ses dispositions n’étaient pas bien éclaircies. L’article avait d’abord été expliqué par moi dans un sens qu’ii n’a pas, parce que sa rédaction ne présente pas à mon esprit l’idée que réellement on doit en concevoir. Dans ce sens-là, j’avais adopté à V avenir ; mais cela détruit la disposition de l’article, qui veut au contraire que, lors de l’ouverture de la succession, les enfants reviennent à l’égalité de partage, nonobstant toute convention matrimoniale. Le motif est qu’en général on ne peut pas renoncer à une succession qui n’est pas échue. Cependant il faut considérer aussi que la loi a fait pour toutes les parties un véritable contrat dont on ne peut pas détruire les effets. C’est maintenant à l’Assemblée à décider si elle met la question préalable sur cet article 21. M. lîiiïot. Par l’article 16, vous avez confirmé toutes les dispositions contractuelles ou autres clauses légitimement stipulées par contrat de mariage conformément aux anciennes lois. Or, Messieurs, si vous admettez l’exception proposée par l’article 21, il impliquerait une contradiction manifeste avec l’article 16; il anéantirait l’effet entier de cet article, qui n’a évidemment d’autre but, que d’entretenir des conventions contractuelles déjà existantes. Je soutiens encore que cet article est contraire à tous les principes, injuste et impolitique. Pour le prouver, je cite ce qui a lieu en Normandie. Dans presque toutes les familles, quand les filles sont mariées, les garçons vivent en commun avec le père. Ils placent avec le père leur pécule particulier; ils s’occupent des soins de la maison ; (1) Voyez ci-dessus, séance du 1er avril 1791, p. 495. 505 ils travaillent à l’amélioration de la communauté. Si vous appelez une fois les sœurs à partager la succession du père, que s’ensuit-il? Il s’ensuivra que la sœur, étrangère à la succession, viendra néanmoins partager non seulement la succession de son père, sur laquelle elle n’avait plus de droit, mais encore les fruits des travaux et des sueurs de son frère; et par conséquent le frère se verra injustement enlever une portion de bien qui lui appartenait à tous égards, et dont la loi lui avait accordé la priorité. Enfin, Messieurs, la loi de l’égalité sur les partages n’avait été considérée que pour l’avenir, et comme devant influer sur les régénérations fictives; mais si on s’en servait pour bouleverser toutes les familles, ce serait une arme plus puissante encore que le fanatisme dans les mains des ennemis du tiers public. Je demande la question préalable. Plusieurs membres / Aux voix! aux voix! La question préalable! M. Martineau. Je demande comment vous pouvez craindre de rappeler à la succession une sœur mariée avec une clause de renonciation dans son contrat, lorsque vous avez dépouillé tous les aînés de l’expectative qu’ils avaient aussi en vertu de la loi. Si les frères en faveur de qui la renonciation a été faite sont mariés, ils conserveront leurs droits; s’ils ne le sont pas, ils ne doivent pas être mieux traités que les aînés de famille ne l’ont été. M. Buzot. Je vous prie d’observer qu’il s’agit ici, non d’une expectative autorisée par les dispositions d’une coutume, mais d’un contrat exprès, que vous ne pouvez annuler sans donner un effet rétroactif à la loi. Je demande en conséquence la question préalable sur l’article. Un membre : En adoptant l’article, vous réparez au contraire de grandes injustices. Un père n’aura pas pu égorger un fils en lui faisant contracter prématurément un mauvais mariage, pour le forcer, avant i’âge de la majorité, à renoncer à la succession. M. Vieillard (de Coutances). L’article qui est proposé me serait infiniment avantageux, et cependant je le combats. Quelque bonnes que soient les lois nouvelles, il faut craindre les commotions funestes qu’elles pourraient produire si on leur donnait un effet rétroactif. (La discussion est fermée.) M. le Président. Je mets aux voix la question préalable. (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article 21.) M. Gaschet de Lille, député du département de la Gironde , demande un congé. (Ce coDgé est accordé.) M. de Sillery. Messieurs, j’observerai à l’Assemblée que M. Deschamps, député du département de Rhône-et-Loire, est absent depuis près de 8 mois de l’Assemblée; nous recevons journellement des lettres qui nous annoncent qu’i I cherche à détruire à Lyon tout ce que fait l’Assemblée nationale pour le bien général. Sa plus