752 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790.] M. le Président ajourne l’Assemblée à demain, neuf heures du matin. La séance est levée à trois heures du soir. ANNEXE à laséancede l’Assemblée nationale du 30 mai 1790. Nota. Nous insérons ici, à titre d’annexe, une réponse du rapport fait à l’Assemblée nationale, dans la séance du 21 avril 1790, par M. Martineau, sur la Constitution du clergé ( Vov . Archives parlementaires, lre série, tome XIII, p. 166). Cette pièce ayant été imprimée et distribuée aux membres de l’Assemblée nationale, fait partie des documents parlementaires de la Constituante et doit naturellement trouver place dans les Archives parlementaires. Discussion du rapport de M. Martineau sur la constitution du clergé, parM.Thlébanlt (1), curé de Sainte-Croix , ancien supérieur de séminaire, député de la ville de Metz (2). Messieurs , quels sont les titres , offices et emplois ecclésiastiques qu’il convient de supprimer? Quelle sera la manière de pourvoir aux offices et emplois que vous aurez jugé convenable de conserver ou de rétablir? Enfin quelle sorte de traitement croirez-vous devoir assurer aux différents ministres de la religion ? Voilà, Messieurs, les trois questions importantes que votre comité ecclésiastique vous propose sur la Constitution du clergé. Pour me décider sur chacune d’elles avec connaissance de cause, je me suis proposé, j’ai sévèrement examiné ces trois autres questions dont la solution donne, en sens inverse, une juste solution aux trois questions de votre comité. L'Assemblée nationale pourrait-elle, en se renfermant dans les limites de sa compétence, prononcer sur tous les articles relatifs à lapremière des trois principales (1) questions du comité ecclésiastique ? Pourrait-elle, sans beaucoup d'inconvénients , adopter le plan que le comité ecclésiastique propose sous la seconde question? Pourrait-elle décréter, comme convenable aux ministres de la religion, le mode de subsistance dont le comité présente l'idée sous la troisième question ? Souffrez, Messieurs, que je m’explique avec la liberté d’un citoyen Français sur chacune de ces questions directement opposées à celles de votre comité. (T) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Mon congé n’est ni absolu, ni perpétuel ; il m’est accordé pour venir à Metz et retourner à Paris ; je n’ai cessé d’avoir cet esprit de retour. Donc je puis toujours m’honorer du beau titre de député, et comme tel, présenter ma discussion à cette auguste Assemblée où j’ai eu l’honneur de paraître tout le temps que ma santé me l’a permis ( Noté de M. l’abbé Thiébault). (3) Il en est une quatrième traitée plus brièvement, celle de la résidence ; je n’en parlerai pas. Les principes du comité sont les miens, excepté pour le mode des permissions. PREMIÈRE QUESTION. L' Assemblée nationale pourrait-elle , en se renfermant dans les limites de sa compétence, prononcer sur tous les objets auxquels s'étend la première question du comité ecclésiastique ? Pour m’instruire à fond sur cette première question, Messieurs, j’ai fait deux choses : je me suis d’abord rappelé une maxime célèbre, émanée de la bouche de la souveraine vérité, consacrée par la discipline primitive vers laquelle on feint de nous ramener, parvenue jusqu’à nous à travers tous les siècles, par le moyen de la tradition et des livres qui la renferment. J’ai ensuite, soit pour abréger le plus possible, soit pour ne rien omettre de ce que contient le rapport, j’ai placé, sous mes yeux, sur deux colonnes ; sur une première ce que le comité a imprimé, et sur une seconde, ce que j’ai cru devoir opposer à cet imprimé. Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre ; allez donc, enseignez toutes les nations et baptisez-les, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Voilà, Messieurs, cette grande, cette incontestable maxime que j’ai eu l’honneur de vous annoncer d’abord, comme faisant.la base de ma discussion, relativement à ma première question ; et dans la crainte que vous ne me soupçonniez de lui attribuer un sens autre que celui de la tradition de tous les siècles, j’ai cru devoir insérer ici au moins deux ou trois autorités, capables d’en imposer aux vrais impartiaux. Joindre la puissance politique au sacerdoce établi par le souverain prêtre, c’est filer ensemble deux matières incompatibles, disait le fameux Synésius, philosophe et évêque , en 412. (Voyez Fleury, tome 5, pages 335-447.) Ce monde, disait aussi un de nos saints et savants pontifes, au cinquième siècle, écrivant à l’empereur Anastase, ce monde est gouverné par deux puissances, la spirituelle et la temporelle. L’une appartient au sacerdoce ; l’autre, à l’empire ou à la puissance politique. La première est d’autant plus noble et plus importante que son objet est plus sublime, ou que les choses divines sont au-dessus des choses humaines; mais elle sont toutes indépendantes l’une de l’autre; nec imperator sibi jura pontificatûs arripuit, nec pontifex nomen imperatorium usurpavit (1). C’est, Messieurs, la première des trois autorités que j’ai cru devoir insérer en cet écrit. La seconde est celle deM. deFleury qui, au quatrième de ses discours sur l’histoire ecclésiastique, dit en son style toujours simple et toujours solide : les papes Saint Léon et Saint Grégoire étaient persuadés de la distinction des deux puissances, que le pape Gélase a si bien exprimée, en disant que les empereurs mêmes sont soumis aux évêques dans l’ordre de la religion ; et que, dans l’ordre politique, les évêques, même celui du premier siège, obéissent aux lois des empereurs... (2). (1) U y a cent passages semblables du pape Gélafe ; de Grégoire III, à Léon l’Isaurien ; de Nicolas I ; d’autres anciens cités dans le droit canonique, dist. 96 et alibi. (2) Là M. de Fleury continue : Ce n’est pas qu’il ne soit permis aux ecclésiastiques comme aux laïques, de posséder toutes sortes de biens temporels. Vous avez vu que dès les premiers temps, même sous les Empereurs païens, les églises avaient des immeubles, et que les évêques avaient en propriété même des esclaves. D’où il suit qu’ils ont aussi pu posséder les seigneuries.... Tous ces droits sont légitimes ; il n’est pas plus permis de les contester a l’Eglise qu’aux laïques. « Ainsi parlait un abbé très grave, très savant, que la philosophie [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790.] 753 Dans son septième discours, M. de Fleury disait : la juridiction essentielle à l’Eglise est celle « que Jésus-Christ a donnée à ses apôtres, en leur disant, après sa résurrection : toute puissance m'a été donné au ciel et en la terre : allez donc , instruisez toutes les nations et les baptisez ..... Cette autorité {de l'Eglise) est le fondement de la juridiction ecclésiastique, qui consiste à conserver la saine doctrine et les bonnes mœurs...,. Une autre partie de la juridiction ecclésiastique est le droit de f . ire des lois et des règlements, droit essentiel à toute société. Ainsi les apôtres, en fondant les églises, leur donnèrent des règles de discipline qui furent longtemps conservées par la simple tradition. » Pour reprendre en moins de mots encore ce que vient de nous dire le savant abbé, la foi, la morale, la discipline, voilà les objets de la puissance ecclésiastique. Quant aux moyens de l’exercice. Jésus-Christ a communiqué à ses disciples le pouvoir de faire des miracles, mais seulement pour autant de temps qu’il a jugé convenable pour établir suffisamment l’autorité de l’Eglise ; une fois cette autorité surnaturellement appuyée, il a voulu qu’elle se perpétuât par des moyens humains, comme sont la vertu, les talents, les richesses même. L’estimable auteur des lois ecclésiastiques n’est pas moins exprès sur ce point que les écrivains déjàcités : il dit (page 16). «Jésus-Christ a laissé à son Eglise le pouvoir d’établir des lois nouvelles quand elle le jugerait à propos et de punir ceux qui n’obéiraient pas à ses ordres... il n’y a point de pages dans les actes des apôtres où l’on ne les voie exercer la juridiction que Dieu leur avait confiée pour l’édification de l’Eglise militante. Les successeurs de ces ministres de l’Eglise ont conservé la même autorité que Jésus-GhrisUeur avait promise, puisqu’après avoir ordonné à ses disciples d’aller enseigner les nations, il a ajouté : voilà que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles ..... C’est au corps des pasteurs que Jésus-Christ a donné la puissance, etc... » Je me suis arrêté là, Messieurs, persuadé que j’en avais assez dit pour les hommes de bonne foi ; qu’en vain j’en dirais davantage pour ceux qui se croient plus de bon sens, que tous nos anciens ensemble. Sur ces autorités, soit séparées, soit réunies, j’ai formé ce très simple raisonnement. L’Assemblée nationale ne pourrait, sans une usurpation sacrilège, sans mettre la main à l’encensoir, porter seule aucun décret sur des objets appartenant à la puissance ecclésiastique. Aux pasteurs seuls appartient le pouvoir d’enseigner la loi divine, de prononcer sur la morale évangélique, d’établir des lois relatives au culte religieux, dans lequel entrent les titres, les offices, les emplois ecclésiastiques. Donc, sur ces objets, l’Assemblée nationale ne pourrait seule porter aucuns décrets ; elle pourrait bien en porter pour forcer à exécuter les lois de l’Eglise sur ces objets. Elle pourrait en porter pour inviter les pasteurs à proposer d'établir celles-ci ; à supprimer celles-là. Rien de plus : ici il n’y a ni établissement, ni suppression qui soit de son ressort. aurait placé parmi ses adeptes, s’il avait abjuré sa doctrine concernant la réalité des miracles et la multitude des martyrs. » Donc, à son avis, l’Eglise, quoique corps moral, est susceptible do propriété. Donc, elle en a possédé avant Constantin. lra SE RIE. T. XV. Ce raisonnement fait, j’ai mis en parallèle ce que le comité a dit de plus saillant dans son rapport, et ce que j’avais à lui opposer, de la manière suivante : comité, p. 1-6. Le travail dont vous avez chargé votre comité n’est pas la partie la moins importante, etc... RÉPONSE AU COMITÉ. Sur ces six premières pages, je me suis borné à trois observations, l’une générale, les deux autres particulières. Mon observation générale est celle-ci : Si quelques principes vrais suffisaient pour imprimer le sceau sacré d’un respect inviolable au corps entier d’un ouvrage quelconque, j’eusse humblement collé mes lèvres sur celui dont il s’agit, sans inquiétude, sans discussion, et ce, d’autant plus promptement que non seulement il avance parfois des maximes justes et édifiantes, mais qu’il les avance sous les appas séduisants d’une simplicité touchante, d’une diction pure, d’un zèle réfléchi et modéré. Telles sont les maximes que présente le préambule, pages 1-6 principalement. C’est ma remarque générale sur ces pages. Sur ces mots delà page 5, ligne 43 : Qu'avez-vous fait en exigeant le serment ? J’ai dit tout bas, à Messieurs du comité : En cela, et en vous en tenant à la formule du serment, vous n’avez fait que ce que faisaient les Grecs et les Romains encore païens. Je leur ai dit : Vous n’avez pas expliqué si vous juriez sur l’Evangile ou sur l’Alcoran; par le grand Jupiter ou par le Dieu trois fois saint d’Isaïe. Je leur ai dit : Vous voulez avilir la cérémonie du serment en rendant universel un acte de religion qu’on a jusqu’ici réservé pour des temps, des lieux, des circonstances importantes. Je leur ai dit : En invitant indistinctement tous les citoyens à prononcer une formule de serment que vous ne leur interprétez pas, que vous ne pouvez pas même leur interpréter dans toute son étendue, vous les exposez à jurer comme connu, comme certain, ce qu’ils ignorent, ce qu’ils peuvent révoquer en doute. Sur ces mots de la page 6, au troisième alinéa : Presque tous les abus sont nés de ce qu'on s'est écarté de Tesprit des premières institutions.]' ni dit : Le comité attribue d’abord presque tous les abus à ce qu'on s’èst écarté de �esprit des premières institutions; mais bientôt après il oublie ces expressions de f esprit ; bientôt après, il s’écarte lui-même de cet autre principe sacré, qu'on peut, qu'on doit quelquefois s'éloigner des premières institutions , qu’alorsmême on en conserve l’esprit; qu’alors même on vise et on atteint plus sûrement au but qu’on se proposait en ces premières institutions ; et qu’enfin une maxime respectée de tous les législateurs, est celle-ci de Saint Augustin : qu’en fait de coutume, le changement qui peut aider d’un côté par son utilité, souvent nuit encore plus de l’autre côté par le trouble que cause la nouveauté (1). (1) Mutatio consuetudinis, quæ eliam adjuyat ulili-tate, novitate perturbât. 48 JKÂ [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790.] Comité, p. 6-7. I. Nécessairement la discipline primitive de l’Eglise fut l’ouvrage des apôtres, le fruit des leçons de leur divin maître, il. Comment pourrait-elle n’être pas la plus utile? III. Votre comité ne pouvait rien faire de mieux que de prendre pour base de son travail les maximes de cette ancienne discipline. IV. Depuis huit à neuf cents ans elle est l’objet des regrets de tous les gens de bien; les plus saints personnages, les écrivains les plus distingués..., ont fait des vœux pour son rétablissement. V. Il fallait toute la force dont vous êtes revêtus pour entreprendre et consommer un si grand ouvrage. Réponse au comité. I. Prenant acte de cet aveu, je me suis d’abord dit : c’est à celui qui a institué, qu’il appartient de destituer et de supprimer. Ce sont les apôtres qui ont institué la discipline primitive. C’est donc à eux ou à leurs successeurs à la conserver ou à la supprimer, et non à l’Assemblée nationale. Les pasteurs qui y sont comme députés y assistent, non comme successeurs des apôtres, mais comme citoyens chargés des intérêts temporels de l’Etat et de leurs églises. Je me suis dit ensuite : cette proposition générale n’est-elie pas un peu hasardée? Saint Jacques à Jérusalem (1), Saint-Marc à Alexandrie, Tite à Ephèse, Timothée en Crète, etc., etc., n’ont-ils donc eu aucune part à l’ouvrage de la discipline primitive? Saint-Paul avait-il appris, de la bouche de son divin maître, toutes les lois qu’il a établies par sa lettre aux Corinthiens? Toutes celles qu’il promettait d’y établir encore lorsqu’il serait chez eux (2)? De plus, la puissance des apôtres ne devait-elle pas passer à leurs successeurs jusqu’à la consommation des siècles ? II. La discipline primitive était, sans doute, la plus sainte, la plus utilei pour les siècles pour lesquels elle avait été établie; mais le comité devait montrer que toutes ses lois ont été établies pour tous les siècles avenir; il devait le montrer au moins pour les points relatifs à son rapport. L’a-t-il fait ? III. Le comité s’est occupé 'd’un travail étranger à la mission des députés, c’est celui d’un concile national. Voulant s’en occuper, il devait prendre pour base Vesprit de l’ancienne discipline et non ses maximes. IV. Le comité s’est fort embarrassé lui-même, en fixant à huit ou neuf cents ans, les regrets causés pour le dépérissement de la discipline primitive. Il aurait dû dire de quels points de discipline il voulait parler, car les uns ont cessé bien plus tôt, les autres bien plus tard. Les Vaudois d’abord, puis les flussites, ensuite les Luthériens, et, après ceux-ci, les Jansénistes, ont témoigné des regrets sur la chute de la discipline primitive. Le comité prétend-il mettre ces hommes au rang des gens de bien ? de lumière? de sainteté éminente ? Telle a été, dans tous les temps, la marche des démagogues ; ils ont crié contre les abus présents; iis ont réclamé les usages anciens, pour éblouir et dévoyer les ignorants, pour en conclure que l’Eglise romaine n’était plus l’Eglise véritable ; pour attirer dans l’abîme du schisme et de l’hérésie; et, pour le dire encore, telle a été la marche de tous les tyrans de tous les siècles, des Cromwell, en Angleterre, tous ont crié contre les abus régnants ; tous en ont fait un prétexte pour appeler le peuple à l’administration, pour s’en emparer eux-mêmes ; et, comme l’observait déjà Cicéron, tous ont pensé à détruire le gouvernement, beaucoup plus qu’à l’améliorer. Le comité devait nous indiquer les conciles qui ont tenté de ramener (indéfiniment) à la discipline primitive ; il avance une proposition générale qu’il serait embarrassé de prouver en particulier. V. J’ai observé plus haut que toute la force dont l'Assemblée est revêtue ne suflit pas pour prononcer sur ce qui est abus dans l’Eglise. Gomment suffirait-elle pour les extirper ? Comité, p. 9-12. I. La suppression des bénéfices simples n’é prouvera sûrement pas de contradictions; II. 11 n’en sera pas de même des églises collégiales, III, et cathédrales ; les uns demandent que vous les conserviez pour servir de retraite aux curés. Réponse au Comité. I. La suppression des bénéfices simples éprou vera sûrement contradiction; elle ne peut même être légale sans contradiction de la part des patrons, des fondateurs, des églises qui ont reçu la fondation. Déjà, j’entends de toutes parts les héritiers des fondateurs réclamer leur droit aux biens donnés par leurs ancêtres, en cas de suppression. Que leur répondra-t-on de solide ? Us sont, je le suppose, de ces hommes instruits qui ont tout lu. Que répliquera-t-on à celui qui objectera ces mots qu’il aura lus dans les capitulaires de Charlemagne (t. 1, p. 220 et suiv., édit, de Bal.) : « Si quelqu’un ose détruire les lieux consacrés au culte du Seigneur, et leur ravir les biens qu’ils possèdent, qu’il soit déclaré coupable de sacrilège; qu’on lui fasse subir les peines portées par les lois contre les sacrilèges, les homicides, les voleurs de choses saintes ; qu’il soit anathématisé par les évêques, et qu’après sa mort il soit privé de la sépulture, etc. « IL On peut et on doit appliquer à la suppression des églises collégiales ce que je viens de remarquer sur la suppression des bénéfices simples. Est-il intéressant pour le bien spirituel des fidèles ? Jusqu’où l’est-il, que ces suppressions soient prononcées ou ne le soient pas? J’attendrai sur ce point la décision d’un concile légitime et non celle de l’Assemblée nationale, qui seule ne peut être juge compétent, même après une information, sur chaque lieu, de commodo et incom-modo. Si jamais j’étais nommé commissaire pour une telle information, bien sûrement on ne lirait pas dans mon rapport cette phrase du comité : Les collégiales ne tiennent par aucun point à la hiérarchie ecclésiastique. Les collégiales ne sont-elles pas des corps moraux composés de prêtres et d’autres ministres (1) ? Ces prêtres, ces autres (1) Il était probablement disciple et non apôtre. (2) Ccetera autem cum venero, disponam. 2 Gorint. 22 (1) C’est le terme du comité, page 4, page 16, etc. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790.] 7 HH ministres n’appartiennent-ils pas à la hiérarchie? Anathème à celui qui le nie (1). III. Il est impossible à tout prêtre iaibu des vrais principes concernant la hiérarchie ecclésiastique, de souscrire aux divers articles que le comité propose de décréter sur Y organisation du ministère ecclésiastique. En voici quelques-uns, de ces vrais principes, lesquels j’ai rapproché et opposé au moins à quelques-uns des points contenus sous le titre premier : Ie Que l’organisation du clergé soit l’ouvrage deJésus-Christ ; quand nous ne le lirions pas dans Saint-Mathieu, dans Saint-Luc, dans Saint-Jean, nous l’apprendrions de ces mots du comité : l'ouvrage de la discipline primitive est le fruit des leçons de notre divin Maître. Est-il donc nécessaire d’organiser? Est-il donc de la compétence d’une assemblée séculière d’organiser les pouvoirs du clergé ? C’est-à-dire des pouvoirs que le comité avoueavoir été organiséspar le souverain pontife du clergé ? Ce comité ne s’égare t-il point en provoquant un décrétées représentants de la nation sur cet objet ? C’est ce qu’il fait dè3 la première page de son préambule, sans égard à cette réclamation de M. l’évêque de Clermont, le 13 mars. Ce jour il échappa à un membre de l'Assemblée de classer, parmi les objets à traiter, l’organisation du ministère ecclésiastique; alors M. de Clermont s’éleva contre cette expression; i! dit que le ministère divin dans son origine, et uniquement spirituel dans son exercice , ne pourait recevoir aucune organisation de la part de la puissance temporelle. Ou ce premier principe est incontestable ou nous pouvons imiter les Anglais qui ont accordé la suprématie ecclésiastique à leur roi, à leur reine. 2e Gomme à l’Eglise universelle seule appartient la plénitude de la juridiction spirituelle, à elle seule aussi appartient la faculté d’étendre ou de restreindre cette juridiction dans chacun de ses membres. Elle seule donc pouvait l’étendre d’un département à l’autre, ou la restreindre à trois, à six lieues, en un évêque qui l’exerçait à quinze, à vingt lieues de distance de sa cathédrale. Jusqu’à ce qu’elle aura restreint les pouvoirs de M. l’évêque deMetz sur les diocésains deSarregue-mines, par exemple, celui-ci les exercera donc validement, licitement. Comment donc l’Assemblée nationale pourrait-elle porter le décret proposé par le comité à l’article III, page 21 ? 3° Il est de foi que le souverain pontife a une primauté, non seulement d’honneur, mais même de juridiction, dans toute l’Eglise, dans toute l’église gallicane par conséquent, dans chaque diocèse par conséquent, sur chaque chef et chaque membre du diocèse par conséquent. Chaque diocésain, chef ou membre, est donc justiciable du souverain pontife, car juridiction et justiciable sont deux co-relatifs dont l’un ne peut exister sans l’autre. Celui-ci ne peut donc cesser, si celui-là doit, de droit divin, durer toujours; il cesserait, si les diocésains ne pouvaient avoir recours qu’au métropolitain. L’Assemblée nationale peut-elle donc décréter l’article V, qui, page 21, défend ce recours? Cet article n’est-il pas évidemment schismatique? L’article 20 (à la page 30) relatif à celui-ci, présente aussi un grand défaut : celui d’enpêcher un nouvel évêque de s’adresser à Rome pour en obtenir aucune confrmation ; c’est adopter le système janséniste, etc., etc. Sur ce point, c’est supprimer cette très ancienne, très respectable formule, de l’autorité du saint-siège ; c’est détruire un usage qui tient à cet article de foi, que le pape est, de droit divin, supérieur en juridiction à chaque évêque. En vain, pour couvrir ce défaut, le comité ajoute que le nouvel évêque pourra écrire au pape en signe de communion ; un pape, a son exaltation, en écrit autant à chaque évêque; sa lettre est-elle un aveu d’une juridiction quelconque de celui-ci, sur le successeur de Saint-Pierre (1) ? Je reviendrai encore à cet article. 4° Un évêque ne doit pas être obligé d'étendre trop loin ses soins et sa surveillance. Le comité le reconnaît, page 14 de son rapport. Ne s’écarte-t-il pas de ce principe dans les articles de son projet? Ces articles portent : 1° qu’il n’y aura que 83 évêques; 2° que chaque évêque veillera sur toutes les paroisses ; 3° qu’il administrera tous les secours spirituels dont les diocésains auront besoin, fussent-ils au nombre de 250,000 et au delà, comme cela doit être, en supposant 24 millions de Français; 4° qu’il fera ce qu’il ferait en ces temps, où il prêchait, confessait, baptisait, administrait journellement les sacrements, (p. 11) que le séminaire sera placé sous sa direction immédiate, page 13. Les forces humaines peuvent-elles suffire à tant, à de si pénibles occupations? On veut nous ramener à la discipline primitive, et on feint d’ignorer que, selon cette discipline, on multipliait les évêchés à peu près de cinq lieues en cinq lieues de rayons ; en Italie, en Afrique, en toutes ces provinces où la conversion des infidèles a été moins lente qu’en Allemagne, etc... Il en sera toujours d’un bon évêque, comme d’un bon curé ; l’un et l’autre cultiveront toujours mieux un champ d’une petite étendue, qu’un vaste champ qu’ils ne pourraient parcourir que très rarement, très difficilement. 5° Un curé ne doit pas être obligé d'étendre trop loin ses soins et sa surveillance. Le comité le reconnaît, page 14 de son rapport. A ce principe de spéculation, j’en ajoute un d’expérience : c’est qu’un curé serait obligé d’étendre ses soins bien trop loin, s’il avait dans sa paroisse six ou sept cents communiants. Un tel nombre l’a toujours autorisé à demander un vicaire, et sa demande a toujours été accueillie par les ordinaires, à qui seuls il appartient de juger de la proportion entre les besoins spirituels et les secours nécessaires. On ne m’objectera pas que cette réflexion m’a été dictée par les circonstances actuelles ; bien avant qu’elles n’existassent, je l’avais fait imprimer. Que penser donc et que dire de cet article : Le nombre des vicaires augmentera dans les villes à raison d'unpar deux mille âmes (2 ),et dans les campagnes, d’un par mille âmes ou environ. Ce que j’en pense, ce que j’ose en dire, c’est que le décret d’un tel article ferait tomber la confession, en rendant sa pratique impossible. Il toucherait donc au dogme même ; il induirait à croire qu’elle n’est pas nécessaire, étant devenue comme impossible. (1) Il serait long d’examiner, difficile de résoudre ici la question de la juridiction médiate ou immédiate du pape, tant agitée entre les Français et les ultramontains. (2) Suivant l’article 16, il n’y aurait qu’une paroisse en une ville de dix mille âmes, que six prêtres, pour cette effrayante multitude. Soit, ce que dit le comité, que « la dépense énorme qu’occasionne la multiplication excessive des curés, ne l’inquiète plus ; » ce qui est certain, c’est qu’elle inquié-(1) Conc. Trid. -jgg [Assemblée nationale.] A considérer le premier titre du projet du comité, du côté des avantages et des inconvénients relatifs aux évêques, il serait difficile de décider lesquels prévalent. Le projet les soustrait absolument à la juridiction papale; il rend les curés des villes épiscopales, leurs simples vicaires. Voilà ces prétendus avantages pour les évêques; il faut espérer qu’aussi justes, aussi éclairés qu’ils sont, ils éviteront le piège ; ils continueront: 1° à reconnaître la juridiction du souverain pontife; 2° à conserver aux curés tous leurs droits (1); 3° à perpétuer cette ancienne discipline, suivant laquelle, dans les villes même épiscopales, on a toujours établi des cures en proportion du nombre des fidèles dont le nombre augmentait successivement dans les temps de l’Eglise naissante. Aux prétendus avantages, opposons maintenant les inconvénients réels; les voici : 1° l’avis de l’administration de chaque département ne sera pas moins nécessaire, moins délibératif que celui de l’évêque sur la formation et la circonscription des paroisses ; 2° au lieu d’augmenter le nombre des curés, on travaillera à le réduire de cinqà quatre, de trois à deux, etc. 3e L’évêque n’aura seul, et indépendamment de son sénat, ni le pouvoir législatif (2), ni le pouvoir exécutif, pour ce qui concernerait l’administration de sa cathédrale ; 3° Dans les campagnes, chaque paroisse s’étendra en tous sens à trois quarts de lieue ou environ (art. 19). Dans les lieux écartés, etc., il sera conservé une chapelle où le curé enverra les jours de fêtes un vicaire. Les autres jours, ils se passeront de messes; ces jours même ils n’entendront pas de vêpres, s'ils ne veulent pas faire trois lieues par jour; par le mauvais temps, ils se tiendront tout mouillés, hors de l’église, insuffisante pour contenir six ou dix villages, etc. Voilà en partie les inconvénients du projet proposé par le comité. Qui ne voit que de son décret s’ensuivrait la désertion des paroisses ? l’ignorance ? la superstition ? l’ivrognerie? la barbarie ? etc. Ce qui me reste à vous dire, Messieurs, sur les chapitres de cathédrales, sur les bénéfices-cures et sur les séminaires, pourra répandre un nouveau jour sur ces réflexions générales. Comité, p. 11. I. L’institution des chapitres des églises cathédrales, est non seulement respectable par son antiquité. II. Elle est grande, infiniment utile à la religion. III. Mais s’il est certain : 1° que les chapitres lait déjà, et bien fort, grand nombre de députés allant à la chapelle assister au Te Deum, pour les opérations de la nuit du 4 août. Quant à l’étendue, ou d’un vaisseau capable de contenir dix mille âmes à une messe paroissiale, ou d’une voix assez forte pour se faire entendre d’un bout à l’autre de ce vaisseau . je l’avoue, je n’ai pas observé une inquiétude aussi vive, de la part de certains députés. Faut-il indiquer ici le principe de cette différence? (1) Sont-ils eux-mêmes de droit divin, comme les évêques? Je crois inutile de répéter ici ce que j’ai écrit de cette question, dans ma dissertation sur la juridiction, etc.... j’ai aussi réfuté les objections contre la doctrine affirmative de la faculté sur ce point. (2) En cela je ne vois rien que de juste ; mais enfin c’est mon opinion, et non l’opinion générale. [30 mai 1790.] des églises cathédrales ont cessé d’être les coopérateurs de leur évêque ; 2° qu’ils se sont séparés de lui; 3° que les chanoines ne consentiraient plus à redevenir les simples vicaires des évêques, vous ne pouvez balancer à décréter leur suppression. Réponse au comité. I. Le comité ne marque pas quelle est cette antiquité. Le père Mabillon prétend qu’avant le dix-huitième siècle, il n’y avait point eu de véritables chanoines dans les églises cathédrales; mais d’autres savants le contredisent et regardent comme véritables chanoines tous les prêtres immatriculés ou inscrits sur la matricule, sur le canoii de l’église cathédrale, pour avoir part à ses distributions; et, pour leur sentiment, ils citent surtout Saint-Augustin, qu’ils regardent comme instituteur de la vie commune pour h s ecclésiastiques (1). Quoi qu’il en soit de ces opinions opposées, je prends acte de l’aveu du comité, qui déclare l’institution des chanoines respectable par son antiquité et infiniment utile à la religion; et d’après cet aveu, que la discipline primitive est la plus utile à la religion , j’ose lui demander comment donc il propose de décréter leur suppression ? II. C’est, dit-il, qu'il sont cessé, etc.... 1° Les chapitres des églises cathédrales n’ont pas cessé d’être les coopérateurs de leur évêque, lorsque celui-ci a voulu les employer. 2° On ne peut blâmer indistinctement tous les chapitres de ce qu’ils se sont séparés de leur évêque, de ce qu’ils ont sollicité et obtenu des papes, exemption de la juridiction de l’ordinaire. On peut voir, dans les canonistes, les raisons que les moines et les chanoines ont fait valoir près du saint-siège, pour se soustraire à la dépendance de leurs évêques; les réprouver toutes, ce serait, à mon avis, l’effet d’une aveugle prévention. 3° Soit que les chanoines actuels ne consentent point à devenir vicaires des évêques, à n’être plus ni chanoines, ni dignitaires, etc..., peut-on dire la même chose de leurs successeurs? Un décret de l’Assemblée nationale qui n’aurait aucun effet rétroactif, qui laisserait paisiblement vivre et mourir les titulaires dans leur place, qui porterait sur l’avenir uniquement, qui statuerait ce qui suit ; savoir, « que les emplois, dignités et « canonicats se donneront à tous prêtres nobles « ou non nobles, sans une autre distinction que « celle du mérite, après tant d’années de service, « en qualité de curés ou de vicaires, etc. » Un décret conçu de la sorte, ce décret qui réformerait les abus pour l’avenir, sans nuire aux bénéfices existants, ne serait-il pas digne de la sagesse de l’Assemblée? peut-elle classer parmi lesabus les noms et les titres de doyen, de chantre, etc... ? Ces dignités et autres, sont-elles donc des crimes de leur nature? est-ce d’ailleurs un mal réel qu’un chanoine soit bénéficier amovible, et non destituable à volonté d’un sujet quelconque? Comité, p. 11. I. L’église cathédrale était la seule paroissiale (1) Nous ne garantissons pas comme ouvrage du Saint, les cinquante discours, ad fratres in eremo , mais aussi nous n’en avons pas besoin pour prouver le sentiment pour lequel on les cite, trop d’autres de ces écrits y suffisent. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 757 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790.] de toute la ville, au moins d’une partie; toutes les autres églises paroissiales n’étaient que des églises auxiliaires. II. Vous suprimerez toutes les églises paroissiales particulières qu’il sera possible de réunir à la cathédrale. III. Vous donnerez à l’évêque tous les vicaires dont il aura besoin. Réponse au comité. I. Ici, Messieurs, je distingue deux époques que votre comité confond ; j’en distingue une première qui va du premier siècle au troisième; une seconde qui commence à Constantin, et qui va aux v° et vie siècles, etc... Avec votre comité, j’avoue comme principe que les évêques ont eu près d’eux leur clergé, formant leur sénat. Mais je nie, comme mal déduites, toutes les conséquences qu’eu tire le comité. De ce qu’en une petite ville épiscopale, à Icône, par exemple, il n’y aura eu qu’une seule église paroissiale, s’ensuit-il qu’en une grande, qu’à Rome, qu’à Alexandrie, la cathédrale ait aussi été la seule église paroissiale? Les faits déposent au contraire. De ce que la cathédrale est mère des autres églises (1), s’ensuit-il que celles-ci ne soient toutes des églises auxiliaires ? Appelle-t-on de ce nom des églises dont les pasteurs sont de droit divin. Tels sont les curés (2). De ce que pendant les trois premiers siècles, qui étaient des temps de persécution et de spoliation, il n’y avait qu’une église dans une ville, s’ensuit-il qu’il ne duive y en avoir qu’une dans des temps de paix? dans des temps où les fidèles ont pourvu à la dépense du culte? s’ensuit-il que nous devions retourner dans des souterrains obscurs pour y célébrer le3 divins mystères? Certes. ... Sous là deuxième époque, sont compris les quatrième, cinquième, sixième et septième siècles. Le comité eutend-il parler de cette époque lorsqu'il dit que l’église cathédrale était la seule paroissiale de toute la ville? L’assertion est trop absurde, trop contraire à l’histoire ecclésiastique, pour la lui prêter (3). Il en a toujours été des cures comme des évêchés; on a multiplié celles-là comme ceux-ci, à proportion que le nombre des fidèles s’est augmenté. IL Dans le vrai, et à considérer la chose du côté de la religion, il n’est pas possible de réunir les paroisses de la ville, ni toutes, ni aucune, à la cathédrale. Les inconvénients d’une telle union sont si grands, que pour les éviter, en bien des villes, dans les derniers temps, on a bâti des églises paroissiales particulières, aux frais des églises cathédrales. Soit qu’on considère ces ineonvé-(1) Quand des paroissiens équivoques m’ont quelquefois dit : Je vais à la cathédrale qui est ma mère ; c’est voire aïeule, lui ai-je répondu, c’est mon Église qui vous a engendré à Jésus-Christ. Un enfant entend sa mère de préférence à sa grand’mère. (2) Pour que les évêques et les curés soient de droit divin, il n’est pas nécessaire qu’ils aient existé en des limites circonscrites du temps de Jésus-Christ ; il suffit qu’il ait établi ce point de discipline comme devant exister, soit un demi-siècle, soit un siècle entier après son ascension. (3) On croirait hors de propos d’agiter ici ces importantes questions : l’évêque est-il seul législateur ? Son sénat l’est-il avec lui? de qui ce sénat est-il actuellement composé? nients du côté, ou du pasteur, ou des paroissiens, ou des églises mômes, ils sont sensibles. III. Le bien de la religion exige certainemen que l’Eiat multiplie le nombre des curés plutôt que celui des vicaires; 1° ceux-là plus que ceux-ci parlent : tanquam autoritatem habentes ; 2° ceux-là plus que ceux-ci peuvent se former et remplir un plan d’instruction ; 30 ceux-là plus que ceux-ci s’attachent à un peuple qu’ils adoptent pour enfants, pour amis, au milieu desquels ils sont moralement sûrs de vivre et de mourir. On ne me fora pas prendre le change sur ce grand objet, en me présentant l’ancienne discipline ; je ne verrai, en ce prétexte, qu’une méprise dont les funestes effets seront par degré l’indifférence pour le culte, la corruption des mœurs, l’extinction de la foi, etc... Ces pertes peuvent-elles être compensées par une sordide épargne résultant du retranchement du nombre des curés ? Comité, p. 9. 1° Il nous a paru que le projet de faire des dignités et des canonicats de cathédrale, des places de retraite pour les curés, était une idée plus brillante que solide. * Réponse au comité. 1° Il s’agit ici non d’idée et de spéculation, mais de goût et d’inclination. D’après ce principe, que personne ne me contestera, j’aurai l’honneur, Messieurs, de vous proposer ce dilemme. Tels curés, à qui les infirmités, ou de l’âge, ou de la maladie, ont rendu la retraite nécessaire, la prendraient volontiers dans un chapitre de cathédrale, ou non. Dans le premier cas, nul inconvénient de leur accorder ce qui leur plaît; les trois offices du jour, loin de leur être à charge, allégeront au contraire le poids de leur ennui; ils se trouveront soulagés dans la récitation de leur bréviaire ; ils se consoleront de leur absence les jours où leur conscience les excusera, etc... Dans le second cas (et ce goût est le mien), ils resteront titulaires; ils demanderont, non un substitut (1), qui diviserait l’autorité pastorale, en donnant deux chefs à un même corps (2), mais un vicaire qui les remplacera dans toutes leurs fondions, chaque fois qu’ils le voudront. Sous la sauvegarde d’un tel décret, ils continueront à être en qu’ils étaient ; ils vivront au milieu de leurs ouailles; ils leur diront un mot d’édification, quand ils ne pouront en dire deux-, iis n’éprouveront pas la peine de n’être plus rien, de quitter leurs douces habitudes de logement, d’air et de société pour en contracter de nouvelles, changement qui coûte encore plus à la nature dans la vieillesse que dans la jeunesse. Toujours et dans les deux cas, le bien se trouve. Dans le premier, le sénat épiscopal est formé de vieillards sages et instruits par leurs longues expériences ; dans Je second, toute une paroisse voit au milieu d’elle un vieillard, toujours père, (1) Ce mot, ou signifie vicaire, ou son sens n’est point canonique. (2) Ce corps serait monstrueux ; uu décret tout récent de l’Âssemblce, défendant de nommer aux cures qui auraient des chefs, le prouve. 788 [Assemblée nationale.} toujours ami, dont elle respecte les vertus, dont elle écoute les avis. Comité, p. 13. I. L’occupation d’un ministre de la religion ne doit pas être d’agiter des questions de métaphysique. ÏI. C’est des écoles (gouvernées par des évêques et leur clergé) que sont sortis les Athanase, les Cbrysostôme, les Cyrille. Réponse au comité. I. Il y a souvent des mots qui sont bons en eux-mêmes et qui deviennent dangereux à raison des circonstances des temps; sans en citer d’autres exemples, tel est ici le mot mètaphysigue ; il est certain qu’un ministre de la religion ne doit point agiter de questions de métaphysique , si par ce mot on entend une spéculation de pure curiosité; mais si on entend l’exposition des mystères du royaume des deux, il en est autrement (il est donné aux fidèles de les connaître par la voie de nos enseignements). Or, c’est aujourd’hui ce que signifie ce terme dans les bouches, non du comité sans doute, mais dans celles de nos incrédules : plus d’une fois j’en ai été le témoin. Si jamais nous prenions ces hommes pour directeurs dans la science de la chaire, nous bornerions notre ministère à prêcher les grandes maximes morales de l’Evangile, nous nous tairions sur nos mystères mêmes. Le pouvons-nous? Non, Messieurs, il ne suffit pas que nous instruisions sur la vertu, il faut que nous en indiquions les pratiques, que nous en montrions les moyens, que nous en donnions les motifs, que nous posions les deux bases essentielles, les principes et les objets de la foi, deux ressorts du mouvement desquels dépend la conservation des Etats et des fortunes particulières. IL Le comité, parlant de saint Athanase et de son éducation ecclésiastique, omet une chose qu’il aurait pu dire ; c’est qu’âgé de 19 ans, il quitta l’école de saint Alexandre, son évêque; il visita saint Antoine; il se forma à la piété sous sa conduite, et à son imitation, il embrassa la vie ascétique, qu’il continua même étant évêque. Même omission sur saint Chrysostôme.ll est vrai que ce saint, avant son baptême, fréquenta la maison de son évêque, saint Mélèce, mais ensuite, et après avoir reçu l’ordre de lecteur, il embrassa la vie solitaire, qu’il continua jusqu’à ce qu’épuisé de jeûnes, il retourna à Antioche, où, sans délai, il fut ordonné diacre. J’aurais bien voulusavoir de source sisaint Cyrille de Jérusalem était effectivement sorti de ces écoles épiscopales dont le comité (1) le fait sortir, mais mes recherches sur ce fait ont été inutiles. Quoi qu’il en soit, Messieurs, nous convenons sur les articles principaux, savoir : qu’il faut des séminaires, que ces séminaires doivent avoir des vicaires supérieurs, qu’il est bon que les séminaristes soient élevés sous les yeux de l’évê-(1) Le comité me semble partie d’une supposition très fausse ; il suppose que du temps de saint Athanase, et dès la fin du troisième siècle, les évêques avaient le choix ou de tenir leurs candidats près d’eux, on de leur bâtir des séminaires comme aujourd’hui. L’avaient-ils donc? N’ayant qu’un parti à prendre (plus utile ou non), ils le prenaient. [30 mai 1790.J que. Sensuit-il donc de là qu’il faille rassembler dans l'église cathédrale tous les établissements connus sous le nom de séminaire ? Ayant eu l’honneur de conduire un grand séminaire pendant quatorze ans, je pourrais résoudre la question, -peut-être aussi exactement que le comité; mais, Messieurs, n’est-ce pas avoir suffisamment discuté la première partie de son rapport ? De ce que j’ai observé dans une discussion de son premier titre, ne suit-il pas ce que j’avais à prouver, que l’Assemblée nationale ne pourrait seule, sans porter la main à l’encensoir, porter aucun décret sur les articles renfermés sous ce titre ? Seconde question. « L’Assemblée nationale pourrait-elle, sans de très grands inconvénients, adopter le plan d’élection que lui propose sou comité ecclésiastique ? » Non, Messieurs, elle ne le pourrait, sans les inconvénients les plus grands. Il n’v a ni abus présents, ni usages antiques qui infirment mon assertion. Il n'y a ni abus présents : on peut les réformer tous, sans éleciions; il n’y a ni usages antiques : on ne peut y revenir sans les dangers les plus funestes à l’ordre public. Ce sont, Messieurs, les deux moyens que je vais vous développer, en suivant la méthode que je me suis prescrite en cette discussion. Article concernant les abus présents. Comité, p. 16-17. Les élections n'étant plus d'usage, chacun a voulu être le maître de distribuer les bénéfices à son gré ; de là les droits de patronage, etc., etc. . Réponse au comité. Nous connaissons, Messieurs, tous les abus résultant de la manière actuelle de distribuer les grâces et les offices de l’Eglise. Avant de nous rendre à l’Assemblée nationale, nous eu avions dressé un état exact. Arrivés à Versailles, nous en avions proposé la réforme dans fa chambre du clergé. A la suite d’une longue discussion, nous avions eu la satisfaction d’entendre les prélats nous assurer que nous n’en avions pas trop dit. C’est une justice que nous devons ici au clergé du premier ordre, dont on ne nous accusera certainement pas d’être flatteurs rampants ; c’est un éloge qu’il fallait opposer à la critique amère de gens imbus de cette fausse idée, que jamais les abus n’auraient été corrigés par ceux qui en profitaient. Puisqu’il n’a pas eu le loisir de faire à petits bruits ce qui en produit de si grands, puisqu’il importe de rendre public l’usage des moyens de réforme qu’il adoptait déjà il y a un an, j’aurai l’honneur, Messieurs, de vous eu indiquer un petit nombre de ceux que je proposais dès lors ; je joignais, en ce temps, le remède au mal, et je disais : Premier abus à réformer. La pluralité des bénéfices ; un seul étant suffisant pour l’honnête entretien du bénéficier. Le remède est facile; il suffit de renouveler les anciens canons, et d’en ordonner l’exécution. La seule difficulté qui se présente ici est de dé-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 759 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790.] terminer le degré précis où un bénéfice suffit ou ne suffit pas; où il suffit pour l’un et ne suffit pas pour l’autre; où il suffit pour un curé, et où il ne suffit pas pour un évêque; où il suffit dans une province et où il ne suffit pas dans une autre. Second abus : les commendes. Demandons-nous donc leur suppression, sans réserve et sans distinction? Ma réponse à cette question sera celle du père Thomassin, cité par M. Maill, membre honoraire de l’auguste Assemblée. Pour régler ici notre zèle, dit le célèbre oratorien, nous devons conformer nos désirs à ceux du concile de Trente, prier le Seigneur qu’il lui plaise inspirer aux papes et aux rois une sainte résolution d’abolir les commendes, mais reconnaître en même temps qu’il faut que l’Eglise les tolère. On ne doit point absolument les condamner; un abbé commendataire peut faire un saint usage de ses revenus; il y a des commendes justes, utiles et nécessaires à l’Eglise ; il y a toujours eu une circulation entre les biens du clergé qui ont passé aux moines, et ceux des moines qui sont passés au clergé; des congrégations séculières sont devenues régulières, et des régulières ont été sécularisées. Le langage de MM. Fleuri et d’Héricourt est le même à peu près. Troisième abus à réformer : l’acception des personnes pour les bénéfices. Ou ces bénéfices sont de fondation noble dans l’origine, ou non. Dans le premier cas (qu’on ne peut censurer, puisque saint Charles Borromée fonda pour des gentilshommes un collège, dont il faisait ses plus chères délices); dans le premier cas, ces bénéfices doivent être conférés à des nobles, comme je dois, en qualité de dispensateur, donner l’aumône à ceux que le donateur m’a indiqués. Dans le second cas, ils doivent être conférés indistinctement, soit à des roturiers, soit à des nobles. L’application est aisée à faire à chaque chapitre qui a conservé les titresde sa fondation. Quantaux autres, la présomption est pour le droit commun qui interdit toute acception de personnes. (Cap. venerabilis de Presb.) Quatrième abus à réformer : celui de l’âge. En prononçant ce mot : âge dans la circonstance présente, on voit aussitôt un grand nombre d’abus sujets à une réforme sévère; en voici deux. À mes yeux , Messieurs, c’en est un premier, qu’aucun clerc ne puisse posséder aucun avant le sous-diaconat ; tout au plus, je souffrirais ces prébendes destinées à l’entretien d’un jeune homme qui se croit appelé à l’état ecclésiastique, et qui n’a pas le moyen de faire ses études. A mes yeux, c’en est un second, qu’un prêtre puisse être curé à vingt-cinq ans, évêqHe à vingt-sept. Je me dispense, Messieurs, de vous alléguer les raisons de mon opinion ; elles s’offrent d’elles-mêmes. Je coule rapidement sur les abus des nominations en cour de Rome, relatés à la page 17 du rapport; je ne pourrais, sans devenir excessivement diffus, vous dire tout ce que j’en pense. Article concernant les usages antiques. Comité, p, 16-17. I. La discipline de l’Église primitive ne connaissait d’autre forme de pourvoir aux offices ecclésiastiques que celle des élections. II. Les apôtres en avaient donné l’exemple. III. La nation n’a jamais pu être dépouillée du droit de choisir celui qui doit lui parler au nom de Dieu. Réponse au Comité. I. J’ai mûrement examiné ces trois propositions, Messieurs, et d’après la connaissance des faits, d’après l’étude des principes, j’ai dit de la première: 1° elle est absolument fausse, à la prendre dans sa généralité. La discipline de l'Eglise primitive connaissait la forme des élections ; elles ont été plus ordinairement en usage; c’est une vérité de fait dont j’ai lu les preuves dans les saints pères et dans les divers conciles (1); mais ajouter que la discipline primitive ne connaissait d’autre forme que celle des élections, c’est une addition que l’exactitude de l’histoire ne comporte point. Pour plus grande sûreté, je l'ai relue sur ce point, et j’ai remarqué que les conciles de Laodicée et de Rome, sous saint Martin, défendait que l’élection des évêques se fît par le peuple. J'ai remarqué dans la lettre de saint Jérôme, à Evagre, que l’élection du patriarche d’Alexandrie se faisait par le sénat des douze prêtres de cette église. J’ai remarqué dans la lettre de saint Léon, qu’il distinguait dans la promotion d’un évêque, le vœu des citoyens, le témoignage des peuples (2), la souscription des notables, le choix des clercs. J’ai remarqué sur saint Grégoire, que, seul, il avait établi le moine Augustin pour l’Angleterre. J’ai remarqué dans les notes de l’éditeur de saint Cyprien, que la seule conséquence à tirer de la lettre du saint martyr, c’est que l’élection d’un évêque doit se faire, non par le peuple, mais en présence du peuple, pressente populo, afin qu’il puisse découvrir les défauts de l’un, publier les bonnes qualités de l’autre. G’est, dit l’éditeur, tout ce que signifient ces mots, que le peuple a le pouvoir de choisir les dignes sujets, de rejeter les indignes. Qu’ai-je remarqué de plus? Lisant saint Sidoine Appollinaire, saint Grégoire de Tours, les conciles tenus en France dans les beaux siècles de notre Eglise gallicane, je me suis parfaitement convaincu qu’alors il ne s’est pas fait une seule élection selon le rapport du comité. J’ai lu dans le troisième concile d’Orléans (canon 3) ce qui suit : « Le métropolitain sera choisi par lés évêques comprovinciaux, du consentement du cierge et des citoyens; étant juste, comme le dit le Saint-Siège apostolique, que celui qui doit être mis à la tête de tous, soit du choix de tous. » Pour l’élection des comprovinciaux, il faut, avec le consentement du métropolitain, le choix et la volonté du clergé et des citoyens, car tels sont les statuts des anciens canons. En lisant les capitulaires de Charlemagne, etc..., les lettres de Hincmar, de Flodoard, etc..., les conciles tenus pendant le neuvième siècle (siècle où l’Eglise gallicane fut si florissante), non, Messieurs, je n’ai pas aperçu une seule élec-(1) Dans saint Cyprien, lettre 68; dans saint Léon, lettre 84; dans le quatrième concile de Carthage, can. I; dans le conc. de Reims, en 991. (2) Le témoignage des infidèles même est un préalable nécessaire à lordination des prêtres; oportet autemet ilium testimonium habere bonumabiis qui foris sunt (1 ad lim. 3). S’ensuit-il que ce témoignage soit essentiel à la promotion au sacerdoce ? 760 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790.] tion faite alors selon la forme indiquée par le comité. En lisant ce qui se passa au sujet des concordats, entre Léon X et François Ier, non, Messieurs, je le répète une troisième fois, je n’ai pas remarqué la nouvelle forme d’élection, en celle que les parlements réclamèrent alors si vivement. II. Sur ce qu’observe votre comité, « que les apôtres ont laissé l’exemple des élections, » voici, Messieurs, les observations que j’aurai l’honneur de vous proposer. Au lieu de vous transcrire ici des faits historiques que vous avez lus clans leur source, je me bornerai à vous faire sentir les différences qui se trouvent entre les élections de saint Mathias et des sept diacres et celles dont votre comité vous présente la forme : 1° Celui qui convoque l’assemblée d’élection, c’est un supérieur ecclésiastique; c’est le chef des apôtres ; ce n’est pointleprocureur-syndicdu département de Jérusalem; 2e Quels sont ceux qu’il convoque pour faire l’élection ? Ce sont tous les frères ; ce sont les disciples de toute l’Eglise qui était alors présents; c’est le clergé, le peuple alors assemblé dans le cénacle. Aucun n’est exclu; 3° Qui est-ce qui préside l’assemblée? (Lest le supérieur ecclésiastique, c’est le chef du collège apostolique ; c’est lui qui expose aux électeurs les qualités dont le successeur de Judas doit être revêtu ..... Il faut, dit-il, qu’entre ceux qui nous ont accompagné pendant tout le temps que le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis le baptême de Jean jusqu’au jour où nous l’avons vu monter au ciel, on en choisisse un qui soit comme nous, témoin de sa résurrection....; 4° Dans l’exactitude des termes, c’est Dieu lui-même qui choisit ; « ostende quem elegeris. •> 5° Dans l’élection des diacres, ce sont les douze ..... qui exercent les fonctions de présidents et commissaires ; choisissez , disent-ils aux disciples, « sept hommes irréprochables d’entre vous, pleins du saint Esprit et pleins de sagesse que nous chargions de cet emploi. » Donc les fidèles choisissent comme en ayant reçu le pouvoir des apôtres. Il en est, Messieurs, tout autrement dans le projet de votre comité. On ne vous y dit pas qui présidera l’assemblée; on ne vous y dit pas si ce sera au .procureur-syndic du département à monter dans la chaire épiscopale; on ne vous y dit pas si ce sera lui qui, après avoir exposé l’importance du siège à remplir, après avoir fait le détail des vertus dont doit être orné l’élu, représentera aux électeurs avec quelle pureté de motifs il doit se conduire, combien il doit être éloigné de toute vue d’intérêt personnel, de, etc... Qn ne vous y dit pas si cela regardera ou le commissaire qui aura présidé à l’élection, ou le président du siège du département? Que de différences donc entre la forme des élections apostoliques et celle des élections dont le comité offre le plan ! III. J’ai, Messieurs, à vous demander une attention encore plus sérieuse sur la troisième proposition de votre comité : elle porte que « la nation ne peut être dépouillée du droit de choisir celui qui doit parler au nom de Dieu. » Je vous l’avoue, Messieurs, j’en ai été effrayé, surtout lorsque je l’ai eu accolée à celle-ci de Calvin: «Nous tenons de la parole de Dieu que la vocation d’un ministre est légitime, quand il est établi du consentement et de l’approbation du peuple ; » avec cette autre du concile de Trente : «Anathème à celui qui dira que les évêques choisis de l’autorité du souverain pontife ne sont pas de légitimes et de vrais évêques. » Comparez, Messieurs, ces trois assertions, et, dans votre sagesse, qualifiez vous-mêmes la première; je crois devoir m’en abstenir. Je vous le demanderai seulement : celui qui reçoit ici, avec vous et votre nom, la députation d’une municipalité distante de cent lieues, celui qui, comme votre délégué, répond à cette députation, a-t-il besoin d’être choisi par les citoyens quereprésente cette députation, par sa municipalité qui vous l’envoie? Et il faudra que l’envoyé de Dieu soit choisi par la nation vers laquelle il est envoyé? Dieu n’aura pas le droit, soit par lui, soit par ses ministres, ses vicaires et ses représentants, d’envoyer celui qui doit parlera son nom? Paradoxe jusqu’ici inoui dans l’Eglise catholique ! Voici, Messieurs, ses vrais principes sur l’objet dont il s’agit. 1° Il est de pure discipline, le comité même n’en parle pas autrement (l); 2° Le corps des pasteurs a relativement à la discipline (locale ou générale, n’importe), exercé le même pouvoir que ceux qui l’ont établi; 3° C’est à eux à juger si celle qui convenait dans un temps, n’a pas cessé de convenir en un autre; si, par exemple, des élections auxquelles concourait un peuple de saints, doivent subsister en un temps où il y aurait à craindre des factions, des brigues, des séductions, des divisions, des conventions simoniaques, des violences; 4° Les élections ont été une source d’abus de tous les genres que je viens de nommer. On en remarque déjà des vestiges dans les lettres de saint Augustin et dans l’histoire de Ruffin; dans celle-ci il est parlé de 137 hommes tués à l’occasion de l’élection du saint pape Damas. La chaîne de ces abus continuant à s’étendre du cinquième siècle au douzième, est-il étonnant qu’alors l’Eglise l’ait empêché d’aller plus loin? C’est ce qu’elle a fait au quatrième concile de Latran, présidé par le savant pape Innocent III. Je croirais inutile, Messieurs, de suivre ici le fil des événements depuis ce temps, au concile de Bâle et à l’assemblée de Bourges ; il me suffit de mettresous vos yeux ce qui a été dit, il y a quatorze mois, dans la chambre du clergé de Metz, lors des élections. Les uns voteront alors pour, les autres contre l’usage des élections. Les premiers (entrés petit nombre) appuyèrent leurs vœux de ces considérations : 1° que si les évêchés, les abbayes et autres bénéfices consistoriaux, se conféraient selon la discipline primitive, le mérite porterait plus souvent aux premières places de l’Eglise -, 2° Que la pragmatique sanction une fois rétablie, il irait bien moins d’argent à Rome ; 3° Que les bons Français ont toujours conservé un désir de retour à l’ancien usage. (1) Les protestants ont prétendu que, de droit divin, les élections devaient se faire par le peuple ; ils ont même essayé de le prouver par l’Ecriture et par Saint-Gyprien ; mais les catholiques ont facilement réprimé l’abus de ces autorités respectables. Ils ont observé sur la première, que ses apôtres avaient laissé, non un précepte perpétuel, mais un exemple passager et convenable aux premiers temps de l’Eglise. Ils ont observé sur la seconde, que les conseils évangéliques descendent de l’autorité divine , et non du précepte divin, deux expressions bien différentes. D’où il résulte que le comité ne pourrait appuyer son projet d’élections sur ces mots : videmus aulorilate divina descendere, ut sacerdos, plebe præsente, sub omnium oculis eli-gatur. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790.] 761 Ceux qui votèrent pour le contraire, diren t équi-valemment ce que je vais avoir l’honneur de vous citer de M. d’Héricourt, au titre de la nomination royale : « Ce serait à présent une témérité de vom « loir attaquer un point de discipline établi « depuis deux cents ans; si les chapitres des ca-« thédrales ont pu faire exclure le peuple des « élections, sous prétexte des troubles que cau-« saient ces assemblées nombreuses, les chapitres « n’ont-ils pas mérité d’être privés du droit dont « ils ont abusé en élisant des pasteurs par simo-« nie? par faveur? contre le serment qu’ils fai-<•• saient de choisir celui qu’ils croiraient le plus « digne? » C’est-à-dire, Messieurs, que, comme d’Héricourt, on peut être bon Français et ne pas désirer le retour de la pragmatique sanction; c’est-à-dire qu’on a toujours effroyablement grossi les sommes qui allaient à Rome (on les a fait monter jusqu’à un million par an, tandis qu’elles n’étaient pas de 200,000 livres), c’est-à-dire que le mérite perce encore moins la foule que les avenues du trône (I). Ce sont là, Messieurs, les diverses observations, d’après lesquelles je vous priede prononcer sur cette seconde question : U Assemblée nationale pourrait-elle seule , et sans de très grands inconvénients, adopter le plan d'élection que son comité lui propose? Nul motif pour l’affirmation ; nombre au contraire de motifs, tous très puissants pour la négative, ceux de la paix, de l’ordre, etc... C’est, Messieurs, ce que je crois avoir mis en évidence, et de là je conclus ce qui suit : Le fondement de l’édifice une fois renversé, il faut que le bâtiment croule; le préambule du comité sur les élections, une fois réfuté, les articles contenus sous le titre dont il est la base, doivent être censés nuis. Donc, je pourrais, Messieurs, me dispenser d’en discuter aucun séparément. Aussi me bornerai-je à deux observations sur leur grand nombre : l’une générale; l’autre, particulière. Voici la première. J’ai examiné scrupuleusement s’ils s’accordaient tous avec la discipline primitive que votre comité revendique; j’ai été fort surpris de voir qu’aucun, presqu’aucun, ne s’y accordait effectivement. Serait-ce le second article du scrutin ? serait-ce le troisième du corps électoral ? serait-ce le quatrième du procureur général ? serait-ce le vingt-cinquième de l'élection des curés? où? dans quel temps, avez-vous vu, Messieurs, cette élection en usage? Même question à faire sur les suivants jusqu’à XLV. Eh! comment donc est-il arrivé que votre comité ayant réclamé les anciennes élections , en aient oublié toutes les formes? On peut s’en instruire en lisant les historiens qui en ont mieux parlé ; par exemple, M. Fleuri, tome X, page 206, tome XI, page 454, tome XXII, page 208. Sans attendre la réponse du comité, laquelle je n’ai pas le talent de prévoir, je passe à mon observation particulière, elle a pour objet l’article XX. Comité, p. 30. Cet article porte : le nouvel évêque ne pourra s'adresser à l'évéque de Rome pour en obtenir au-(1) C’est ce que nous apprennent ces vers trop véritables : Quatuor ecclesias portis intratur ad omnes, Cœsaris, et simonis, sanguinis atque Dei. Prima palet magnis ; sed nummis altéra ; charis, Tertia; sed paucis quarta patere solet cune confirmation ; il ne pourra que lui écrire comme au chef visible de l'Eglise universelle. Réponse au comité. Dans le doute si je me suis assez expliqué plus haut sur cet article important, sans éplucher cette expression : évêque de Rome .-j’aurai l’honneur de vous dire ici, Messieurs, que l’article donnant seulement la liberté, et n’exprimant point la nécessité d’écrire au chef visible de l’Eglise, pour être en communion avec lui, n’en dit pas assez pour être conforme à la doctrine et à la discipline des premiers siècles de l’Eglise. Alors on croyait, comme on l’a toujours cru, que la chaire de Pierre étant le centre de l’unité, un évêque ne pouvait être en communion avec l’Eglise catholique que par le moyen des lettres formées , adressées au souverain" pontife. Vous ne pouvez nier, disait Saint-Optat de Mi-lève, au schismatique Parmenien, liv. 2, art. 2, que dans la ville de Rome, la chaire épiscopale a été conférée d’abord à Pierre ; que Pierre, comme chef des apôtres, y a été assis ...... qu’à Pierre a succédé Lin ...... et enfin Sirice, avec qui aujourd’hui nous sommes en communion par les lettres formées que nous lui adressons; par elles aussi, nous sommes dans les liens d’une même communion avec tout l’univers ..... Jamais, disait Saint-Augustin à Cresconius, liv. 3. chap. 34, jamais l’église d’Orient n’oserait écrire à l’évêque de Carthage, sans avoir adressé auparavant ses lettres au pontife romain ..... Par conséquent, suivant la doctrine de ces pères, qui a été de tous temps celle des autres pères, celle de toute l’Eglise, et en particulier celle de l’église gallicane, l’on ne peut être en communion avec l’église catholique, si l’on n’est auparavant dans celle de la chaire de Pierre. De là, l’usage constant et universel des évêques, d’adresser aussitôt leurs lettres formées aux succes-cesseurs de Saint-Pierre. Afin donc que l’article XX du rapport soit absolument conforme et à la doctrine et à la discipline des premiers temps de l’Eglise, il ne suffit pas qu’il dise que l’évêque nouvellement élu pourra, mais il doit dire, qu'il sera tenu d’écrire au chef visible de l’église universelle, en témoignage de l’unité de la foi et de la communion, qu’il est dans la résolution d’entretenir avec lui comme avec son supérieur d’honneur et de juridiction, comme avec le successeur légitime de celui à qui J. -G. a donné le soin de paître non-seulement les agneaux, mais aussi les brebis (1), les évêques, disait Bossuet, et devais-je vous dire moi-même ici, Messieurs, d’après l’illustre Bossuet, ou plutôt d’après le saint Evangile. C’est par cette observation que je termine l’examen de ma seconde question. (1) Voudrait-on faire de l’Eglise gallicane une Eglise isolée, sous prétexte de la rendre libre? Voudrait-on soustraire les évêques à une dépendance, à une ui)ion qui fait la beauté de toute l’Eglise? le soutien de la foi? la terreur de l'impiété et le plus ferme appui de l’Eglise gallicane? Voudrait-on empêcher que les A(ha-nase ne pussent plus s’adresser aux papes ? les Chry-sostôme et les Augustin aux Innocents ? les Cyrille et les Flavien, aux Célestins et aux Léon, pour réprimer les innovations des Pélages, des Nestorius, des Euly-ches ? A Dieu ne plaise que j’attribue ce sens à l’article XX du comité ! Je crains cependant que d’autres n’en tirent malicieusement cotte conséquence. C’est pour prévenir un abus si dangereux que je viens de faire mes trois questions. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790. Tioisième Question. L’Assemblée nationale peut-elle adopter comme convenable le mode de cette subsistance dont son comité ecclésiastique lui propose Vidée , sous la troisième question? Vous prononcerez, Messieurs, lorsque vous aurez entendu successivement votre comité, et mes réponses à votre comité. Comité, p. 19. I. Il ne reste aux ministres de la religion aucun temps pour s’occuper des moyens de pourvoir à leur subsistance. II. Il faut donc que ce soit la nation qui la leur fournisse. Réponse au Comité. I. Je conviens du principe, Messieurs ; vaquer à la prière, à l’élude des saintes lettres, au gouvernement d’une paroisse quelconque, sont trois genres d’occupations qui suffisent pour remplir tous les moments d’un saint pasteur. II. Mais je ne connais rien à cette logique : il faut donc que ce soit la nation qui la leur fournisse. Je ne comprends pas pourquoi il faut que la nation fournisse à ma subsistance, et non pas mes paroissiens (et non pas mes diocésains, peut dire ici un évêque), surtout si ces paroissiens, si ces diocésains ont suffisamment doté leur pasteur. Je comprends encore moins pourquoi il faut que la nation, que les pauvres comme les riches de la nation fournissent à ma subsistance, si les richesses de ma paroisse, à la décharge des pauvres, m’ont permis de moissonner chez eux le temporel pour le spirituel que j’y sème. Je savais jusqu’ici de Saint-Paul que je pouvais boire du lait du troupeau dont j’ai la garde ; je ne savais pas que je pouvais aussi en boire du troupeau voisin. Explique donc l’énigme qui le pourra, en observant que ma réflexion tombe sur la logique du comité, et non sur aucun autre objet. Comité, p. 35. Il sera fourni à chaque évêque et à chaque curé un logement convenable. Réponse au comité. Le mot convenable est d’une grande latitude, il peut souffrir bien des difficultés dans l’application; comment déterminer quel logement conviendra à un évêque, surtout dans le système nouveau, selon lequel la maison épiscopale serait pour le prélat, pour les vicaires, pour cent et quelquefois cent vingt, cent trente séminaristes? Comment déterminer quel logement conviendra à un curé, surtout dans le nouveau système, selon lequel la maison curiale sera pour le curé, pour ses vicaires, surtout si ce curé aime (comme tout le monde), à loger seul, à tenir ses portes fermées lorsqu’il rentre. Cette maison ressemblera-t-elle à une chartreuse? à nos anciens cloîtres ? etc., etc. C’est ce qu’il fallait expliquer; déjà ce mol vague « convenable » ayant éprouvé tant de contradictions dans l’Assemblée, il me semble Messieurs, qu’il serait de votre sagesse de lui en substituer d’autres, avant de décréter l’article 2 du titre III. Comité, p. 37. La dépense totale des séminaires (celui de Paris excepté) ne pourra excéder la somme de 15,000 livres. Réponse au comité. En réduisant le nombre des séminaires à celui des évêchés, à quatre-vingt-trois, on doit supposer qu’il y aura au moins cent séminaristes en chacun d’eux (de mon temps, et lorsque j’étais directeur du séminaire de Saint-Simon à Metz, leur nombre était de cent-vingt à cent-trente). De ces cent, il y en aura soixante-dix ou quatre-vingts qui seront à pension gratuite (à Saint-Simon, il y en avait au moins quatre-vingts; on y recevait grand nombre d’élèves de la classe des pauvres, pour avoir à choisir, après un certain temps d’épreuves). Prenons un juste milieu; supposons soixante-quinze séminaristes, dont les parents seront hors d’état de payer les pensions; mettons les pensions à 250 livres ; multiplions 75 fois cette somme, nous aurons 18,750 livres. Ajoutons aux pensions des disciples, celles des maîtres, au nombre de cinq, dont un supérieur, un assistant, un procureur, deux professeurs en théologie (il faudrait augmenter le nombre de deux, s’il y avait aussi philosophie au séminaire). Ces hommes utiles et à talents, auront-ils moins qu’un religieux défroqué? Aussitôt calamistré? J’y consens ; je consens que, vivant en communauté, sans charge de fabrique, etc., etc..., ils soient réduits à 600 livres, 5 fois 6 font 30; voilà donc encore 3,000 livres qu’il faut ajouter à la somme principale de 18,750 livres; en voilà donc une de 21,750 livres. Ces maîtres et ces disciples n’auront-ils pas une maison de campagne, pour y prendre leurs ébats, une fois la semaine, comme il est d’usage nécessaire pour de jeunes étudiants, assujettis à une règle austère? La louera-t-on, cette maison? Voilà des frais de location. Y dînera-t-on ? Voilà des frais de fourgon, de bois, d’ustensiles de cuisine, etc... Voilà une dépense de 1,000 livres au moins. Ajoutez cette somme à celle de 21,750 liv., vous avez un total de 22,750 livres sans qu’il soit fait mention de médecins, de chirurgiens stipendiés, etc. . . Il résulte de ces observations, Messieurs, que votre comité ecclésiastique, ou connaît peu le régime des séminaires, ou qu’il prend un intérêt bien faible à des établissements qui sont de la première importance pour le bien de l’Eglise et de l’Etat. Comité, p. 39. Les curés et leurs vicaires ne pourront demander ni recevoir aucunes contributions, dons ou honoraires, sous quelque prétexte et sous quelque dénomination que ce soit; et s’il leur était fait, par les fidèles, quelques oblations volontaires, ils seraient tenus de les verser dans la caisse des secours destinés au soulagement des pauvres» [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES ■ [30 mai 1790.) 763 Réponse au comité. Je ne pourrai recevoir aucuns dons! pas même un cordon de montre? Pas même, en cette saison, une petite jatte de fraises?... Adieu donc, ces petits dons qui entretiennent l’amitié! Je serai tenu de verser les oblations ! Il y a, vous le savez, Messieurs, des oblations qui ne se font ni en monnaie, ni en grains, ni en liqueur, et qui, par conséquent ne se versent pas : que faire de celle-ci? Je l’entends : on les vendra, puis on versera le produit, etc... c’est-à-dire... Je serai tenu de les verser dans la caisse des secours! et sans exception quelconque! lors même qu’un riche aumônier me dira : vous avez beaucoup de pauvres honteux sur votre paroisse; je sais qu’ils s’ouvrent à vous �avec une pleine confiance sur leurs besoins; je sais encore que vous ne pouvez plus rien pour eux, puisque vous êtes, comme autrefois, les vils dissipateurs, réduits à la portion congrue ; souffrez donc que je me constitue votre suppléant, acceptez, je vous le demande au nom de vos pauvres, cette bourse, pour en faire tel usage que vous dictera votre prudence. Quoi I Messieurs, on vous propose de décréter que je ne pourrai accepter cette bourse, qu’avec l’obligation de la verser dans la caisse commune ! Je proteste à ce moment contre la proposition, comme contraire au bien public, comme attentatoire à la confiance qui doit régner entre le pasteur et les ouailles, comme tendant à affaiblir la considération qui convient à notre ministère et qui résulte en partie des secours que nous portons ou que d’autres, par nos mains, portent à l’indigence, comme sapant en sa racine ce précepte divin, que nous ayons soin des pauvres et des misérables (que deviendra-t-il ce précepte, quand nous n’aurons à donner que des soins stériles, que des mots tirés de lieux communs?) comme contradictoire et directement opposé à ce principe que le comité a donné pour base à son système de constitution, qu'il faut tout ramener à la discipline primitive; ce principe, aussi faux en lui-même que dangereux en ses conséquences, ou il l’oublie ici, ou il nel’ajamaisconnu ; il n’a jamais su ce que Saint Justin, martyr, né vers l’an 103, dit dans son apologie à Antonin le Pieux, qu’aux saints offices se fait une collecte , que le produit en est remis au pasteur, comme étant le protecteur et le curateur des indigents : « Ipse omnium indigentium curatorest. Apol. 2. » Que pensez-vous maintenant, Messieurs, d’un système dont les principes versatils tournent ainsi au gré de ceux qui les adoptent? (1) Sur cette observation et celles qui l’ont précédée, mon avis est donc, Messieurs : 1° Que l'Assemblée nationale se déclare tribunal incompétent, relativement au premier titre du rapport, à la plupart de ses articles ; Mon avis est 2° que l’Assemblée nationale renvoie à une seconde législature l’examen final des objets énoncés sous le second titre. Le temps, mille réflexions que le temps mûrira, me paraissent exiger ce délai ; Mon avis est 3° celui que j’établissais dans la seconde partie de ma discussion, sur les biens du clergé, article relatif à leur distribution, page 36 ; Mon avis est 4° enfin, que l’honoraire des mar-guilliers et autres officiers subalternes des églises, entre en ligne de compte, et soit porté dans la somme totale nécessaire aux frais du culte ; ces hommes méritent-ils l’oubli où le comité ecclésiastique les laisse? A Metz, le 20 mai 1790. Signé : Thiébault, député à l’Assemblée nationale, à Metz, par congé. (1) Sous le titre quatrième (pages 39 et 40) du rapport, j’observerai seulement qu’il est à souhaiter que les anciens canons, sur la résidence, soient observés; que nos rois, protecteurs des canons, peuvent en presser l’exécution; mais que les moyens proposés par le comité, pour y parvenir, présentent bien des difficultés. FIN DU TOME XY.