[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 août 1790.) 409 les monnaies, il n’a pas même pressenti l’importance de cette dernière partie; il n'a pas pensé que l’ordre et la bonne administration des monnaies sont un des principaux soutiens de la prospérité publique. Mais il est temps encore de réparer cette négligence. Formez, Messieurs, dans le sein de votre Assemblée, un comité peu nombreux de personnes dignes de votre confiance; adjoignez à leurs travaux une commission de cotte cour respectable qui, par ses lumières sur cette partie, mais surtout par son incorruptible fidélité à défendre les lois monét, lires, dont la garde et l’observation lui étaient particulièrement confiées, n’a cessé dans aucun temps de bien mériter de la nation. Si le nouvel ordre que vous venez d’établir dans les tribunaux ne vous permet plus de conserver cette cour antique et vénérable, honorez les derniers moments de son existence, en rendant ses lumières et ses vertus utiles à la nation. Il ne faut pas vous le dissimuler, Messieurs, si vous enlevez à la fabrication des monnaies la surveillance de cette compagnie, il faut nécessairement en changer le régime. Qui peut mieux que ces magistrats vous révéler les défauts et les vices de ce régime qui, malgré les lois les plus précises, les plus prévoyantes, mais presque toujours éludées par le despotisme de l’ancien ministère, ont donné lieu à des crimes obscurs et publics, qui ont procuré à des hommes peu délicats, des fortunes scandaleuses et exagérées dans un temps où l’or remplaçait les vertus et ennoblissait tous les vices. Appelez aux conférences de ce comité au moins deux personnes prises dans l’administration supérieure des monnaies. Il existe parmi ceux que de longs et utiles travaux ont consacrés à cette partie délicate de l’administration, des hommes pleins de lumières et de probité, dont les connaissances et les talents vous donneront d’utiles et indispensables secours. Appelez enfin, au milieu de ces citoyens utiles et éclairés, trois membres choisis parmi les députés du commerce près l’Assemb ée nationale, ces hommes instruits de tout ce qui a trait au change qui règle les intérêts des nations commerçantes, et influe immédiatement sur leur prospérité. Instruits sur la valeur que les nations ont fixée dans le rapport de leurs monnaies, ainsi que da ns la hausse et la baisse du prix des métaux, comme marchandises, ils achèveront de compléter les instructions que votre comité sera chargé de réT diger pour préparer des décrets que la nation attend de vous, Messieurs, avec une juste impatience pour fixer immuablement ses propriétés mobilières et ses créances, et mettre enfin un terme à cette exportation effrayante de ses mon-; naies, qui chaque jour augmente la détresse et la méfiance, et priverait en peu de temps ce royaume de ses richesses et de son crédit. Dans ces circonstances, Messieurs, j’ai l’honneur de vous proposer le décret provisoire qui suit : PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, considérant que le changement introduit par la déclaration du 30 octobre 1785, dans la proportiou depuis longtemps observi e en France entre les monnaies d’or et d’argent, est une des causes principales de la dise te du numéraire, dont la rareté, en dérangeant les fortunes particulières, pourrait ébranler la fortune publique ; Considérant qu’il est de son devoir et de sa « justice de faire cesser les inquiétudes et les désordres que le dépérissement des menues monnaies d’argent et de billon, effacées et altérées par un long service, occasionnent journellement, soit en provoquant des contestations parmi le peuple, soit en facilitant l’introdution des basses monnaies étrangères, au détriment de la chose publique ; Considérant enfin que les décrets par lesquels elle a aboli la vénalité de tous les offices de judi-cature lui imposent l’obligation d’établir un nouveau mode de surveillance sur la fabrication des métaux fins employés dans le commerce, et notamment sur le régime et la fabrication des monnaies, a décrété et décrète : Art. 1er Qu’il sera formé, dans son sein, un comité de sept membres, qui sera spécialement chargé de s’occuper de tout ce qui a trait à la législation des monnaies, à leur titre, à leur poids, et à la proportiou qui doit être rétablie entre leurs valeurs respectives. Art. 2. Que ce comité sera chargé de prendre tous les renseignements nécessaires pour rechercher tous les abus qui auraient pu s’introduire dans le régime et la fabrication des monnaies. A l’effet de quoi la cour des monnaies de France sera requise de nommer, parmi les magistrats qui la composent, cinq commissaires que son comité des monnaies invitera à l’aider de leurs lumières et de leur expérience. Art. 3. Que ce comité appellera à ses discussions deux des personnes employées dans l’administration supérieure des monnaies, et trois des députés des villes de commerce près l’ Assemblée nationale, les plus versés dans la connaissance des changes étrangers et du commerce des métaux, pour, d’après leurs observations, et sur le rapport qui sera fait à l’Assemblée par son comité, être ensuite par elle décrété ce qui sera reconnu le plus utile à l’intérêt de la nation, relativement à la refonte des menues monnaies d’argent et de billon, à la propoition qu’il conviendra de fixer emre les monnaies d’or et d’argent, et à ce qu’il sera jugé nécessaire de réformer ou d’établir dans le régime et la fabrication des monnaies. Plusieurs membres demandent l’impression du discours de M. de Gussy. (L’impression est unanimement ordonnée.) M. de Talleyrand, évêque d’Autun, demande et obtient la parole sur la question des monnaies. Il se dirige vers la tribune. M. Riquetti l'aîné, ci-devant de Mirabeau. Il y a des nouvelles importantes des garnisons de Metz et de Nancy. Je demande que, si les comités sont prêts, toutes affaires cessantes, il en soit rendu compte. M. de la Tour-du-Pin a dû envoyer une lettre. Y en a-t-il une, oui ou non? M. Fréteau appuie cette interpellation. M. Riquetti l’aîné , ci-devant de Mirabeau. Si la lettre de M. de la Tour-du-Pin n’a pas été reçue, je demande une assemblée extraordinaire pour ce soir. La lettre du ministre de la guerre est remise à M. le président au même instant. Elle est ainsi conçue (I). (1) Nous emprunions cette lettre au journal Le Point du jour, tome XIII, page 375 ; le Moniteur u’eu donne qu’un extrait.