366 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j �novembre 17931 « Cette question a été soumise à la Convention nationale par le ministre des contributions pu¬ bliques le 3 janvier dernier. Je joins ici copie de la lettre qu’il a adressée à votre prédécesseur d’alors. Il serait à désirer que la Convention fît promptement connaître si les lois des 1er et 29 décembre 1790 doivent s’appliquer au ra¬ chat des rentes de la nature de celle-ci. Je vous prie, citoyen Président, de vouloir bien rappeler son attention sur cet objet, qui est intéressant pour la République. « Laumond. » Suit la lettre du ministre des contributions ‘pu¬ bliques (1). Copie de la lettre écrite par le ministre des con¬ tributions publiques , au Président de la Con¬ vention nationale, le 3 janvier 1793. « Citoyen Président, « La loi du 29 décembre 1790, concernant la liquidation des rentes foncières, porte, titre II, article 3, qu’il sera ajouté un 10e au capital de la liquidation d’une rente de cette nature, lors¬ qu’elle aura été créée sous la condition de non-retenue des 10e, 20e et autres impositions. « Les rentes établies, pour prix des biens don¬ nés à locaterie perpétuelle, sont créées sans sti¬ pulation expresse de non-retenue des imposi¬ tions; mais, dans l’usage particulier à plusieurs départements, notamment à celui, de l’ Ariège, il est sous-entendu que ces rentes sont exemptes de retenue, laquelle n’est jamais faite ni même proposée : le fait est attesté par le directoire de ce département. « Si l’on observait à la lettre les dispositions de la loi du 1er décembre 1790, articles 6 et 9, et de celle du 29 du même mois, titre III, ar¬ ticle 2, la retenue des impositions sur les rentes créées par baux à locaterie perpétuelle, devrait être faite et il n’y aurait pas lieu, lors de la liquidation de ces rentes, à ajouter un dixième au capital de l’évaluation, parce que les baux ne contiennent pas la condition de non-retenue. « Mais un usage étant uniforme dans tout un département; et, d’après cet usage qui forme un droit de localité, les rentes dont il s’agit étant considérées comme exemptes de retenue d’im¬ positions, ne serait-ce pas le cas de les assimiler à celles créées avec stipulation expresse de non-retenue? Beaucoup de ces rentes appartiennent à la nation qui se trouverait frustrée du 10e à ajouter, en cas de rachat, au capital de leur liquidation, si, à leur égard, on partait stric¬ tement des lois que je viens de citer, sans s’ar¬ rêter à un usage général et constant, qui semble équivaloir à une stipulation formelle de non-re¬ tenue. « Je vous prie, citoyen Président, de vouloir bien appeler l’attention de la Convention na¬ tionale sur cette difficulté qui intéresse essen¬ tiellement la République et dont la résolution me paraît exiger un décret interprétatif des lois des 1er et 9 décembre 1790. » (1) Archives nationales, carton Dm 19, dossier 1, pièce 11. Un membre [Merlin {de Douai ) (X)] propose de décréter que le rachat des rentes foncières constituées en grains avant 1789, et qui, pour diminuer les droits de contrôle, n’ont pas été portées à leur véritable valeur dans les baux à rente, soit réglé comme si ces baux ne conte¬ naient pas d’évaluation. Cette proposition est combattue et la Conven¬ tion nationale la rejette par l’ordre du jour (2). « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu la lecture d’une lettre écrite le 8 octobre dernier (vieux style), à son comité de législation [Merlin {de Douai), rapporteur (3)], par le com¬ missaire national près le tribunal du district de Billom, département du Puy-de-Dôme; « Décrète que le ministre de la justice fera remettre sous trois jours au comité de législa¬ tion, qui en fera incessamment son rapport à la Convention nationale, une expédition du juge¬ ment du tribunal de cassation, qui a annulé le jugement du tribunal criminel du département du Puy-de-Dôme, du 27 avril dernier, portant condamnation à mort contre plusieurs individus accusés d’avoir assassiné Louis Marcelin. « Décrète en outre que, jusqu’au rapport à faire par le comité de législation, il ne sera donné aucune suite au jugement du tribunal de cassa¬ tion ci-dessus mentionné. « Le ministre de la justice adressera sans délai une expédition du présent décret aux tribunaux criminels des départements du Puy-de-Dôme et du Cantal (4). » Suit la lettre du commissaire national près le tribunal de district de Billom (5) : « Billom, ce 8 octobre 1793, l’an II de la République française une et indivisible. « Citoyens, « Un horrible attentat a été commis dans notre district; des scélérats masqués, au nombre de 11 ou 12, s’introduisent pendant la nuit dans la paisible habitation du citoyen Lotus Marcelin, vieillard respectable par son âge. Cette horde coupable précipite tous les gens de la maison dans le plus profond de la cave, exerce toutes sortes d’horreurs sur la per¬ sonne de Marie Deviette, ex-religieuse de Saint-Benoît, et donne la mort au citoyen Marcelin. Trois sont arrêtés par jugement du 27 avril dernier; ils sont condamnés à perdre la tête sur un échafaud. Us se pourvoient en cassation. La requête est admise parce qu’on a cumulé ces deux questions : Sont-ils les auteurs ? sont-ils les complices ? Mon indignation s’enflamme, les cir-(1) D’après la minute qui se trouve aux Archives nationales, carton C 277, dossier 731. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 328. (3) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 277, dossier 731. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 329. (5) Archives nationales , carton Dm 202, dossier Billom. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j g�ovembre Sa1 367 «constances permettaient-elles de poser ainsi les questions? Les témoins ont été jetés dans une cave. Comment ont-ils pu discerner celui qui a porté le coup mortel au citoyen Marcelin. Le tribunal de cassation a donc pensé que les voûtes étaient diaphanes et transparentes? « Le jugement est rendu, il faut obtempérer. Mais j’ai une grâce à vous demander, qui est d’attribuer la connaissance de cette affaire au tribunal criminel du département de l’Ailier et non pas à celui du département du Cantal séant à Aurillac; tribunal qui, d’après le juge¬ ment du tribunal de cassation, en doit con¬ naître. En cela, je cherche uniquement l’intérêt de quelques témoins qui, à cause de leur faible complexion, ne pourront supporter les fatigues de ce pénible voyage et les risques de la saison qui approche, et l’intérêt de la société qui de¬ mande vengeance d’un pareil crime qui pour¬ rait rester impuni. La citoyenne Deviette est une femme impotente et qui peut périr dans les chemins d’ Aurillac, au heu que le chemin de Moulins est plus praticable et la saison y est moins rigoureuse. Je vous prie de me faire réponse le plus tôt possible, l’ accusateur public attend le moment pour les faire traduire à Au¬ rillac. Je lui ai donné avis de ma lettre. « Salut et fraternité. « Le commissaire national 'près le tribunal de district de Billom, département du Puy-de-Dôme, « Rougier. » Jugement du tribunal de cassation (1). Au nom de la République française, à tous, présents et à venir, salut.- Le tribunal de cassation a rendu le jugement suivant sur la requête à lui présentée dont la teneur suit : « Un assassinat horrible a été commis la nuit du vingt -neuf au trente décembre dernier, sur la personne du citoyen Marcelin, dans sa mai¬ son. Annel Aussize, dit Mezel, Annel Bouchet dit Quenasse, François Hermain, Jean Verniot dit Bellombre, Julien Bouchet dit Le Fournier, et Charles Cramier, prévenus de ce crime, ont été mis en état d’accusation. Annel Aussize, Annel Boucher, François Hermain s’étaient pré¬ sentés sur les mandats d’amener, les trois autres avaient fui. La procédure instruite après un débat de soixante-dix-huit heures, le juré de jugement a déclaré, le sept avril dernier, à une heure après-midi, les accusés convaincus des .délits portés en l’acte d’ accusation, et le tribu¬ nal les a condamnés à la peine de mort. Les accusés présents ont fait au greffier du tribunal leur déclaration qu’ils entendaient se pourvoir en cassation du jugement rendu contre eux, en conséquence ils vous présentent aujourd’hui la présente requête. Leurs moyens se tirent de plusieurs nullités dans l’instruction et dans le débat. « La première est le défaut d’un procès-verbal qui constate d’une manière précise le corps du défit, soit à l’égard de l’état de dégradation où les auteurs du défit mirent la maison du citoyen Marcelin, soit à l’égard de l’état où ils le lais-(1) Archives nationales, carton Dm 202/ dossier Billom. sèrent, et des blessures et mauvais traitements qu’ils avaient exercés contre lui. Il existe bien une apparence de procès -verabl; maie c’est moins, en effet, un procès-verbal qu’une audition de témoins sur les circonstances du défit, et une déclaration d’un chirurgien reçue par l’officier de police. Ce même chirurgien a fait, à la vé¬ rité, après la mort du citoyen Marcelin, une espèce de rapport sur l’état des blessures qu’il avait reçues et des mauvais traitements exercés sur lui : il n’a pas été catégoriquement prononcé que le citoyen Marcelin fût mort de la suite de ses blessures et de ces mauvais traitements; il n’était pas difficile ni dangereux de le soup¬ çonner après la mort; mais le jour où il fit sa déclaration devant l’officier de police, il n’in¬ diqua pas même qu’il fût possible qu’il ne mourût. « Vous jugerez, citoyens, en prenant lecture de ce qu’a fait l’officier de police, le jour où il s’est présenté dans la maison du citoyen Marce¬ lin, s’il a vraiment dressé un procès-verbal du corps du défit ; vous jugerez si le rapport du chirurgien fait après la mort du citoyen Mar¬ celin peut en tenir fieu; vous jugerez enfin si, lorsqu’il s’agit de la vie de 6 hommes, la forma¬ lité d’un procès-verbal exigé par la loi sous peine de nullité, dans tous les cas où il a été possible d’en dresser un, est indifférente; et s’il con¬ vient de souffrir qu’une simple déclaration en tienne lieu et y supplée. « La seconde nullité vient de ce que l’acte d’accusation a cumulé deux délits absolument étrangers l’un à l’autre, et dont l’un n’est rela¬ tif qu’à un seul des accusés; la loi ne permet pas, la raison ne veut pas ainsi une discussion entre¬ mêlée sur des délits différents. « La troisième nullité résulte de ce que les contumaces étalés présents ont été soumis au même débat, la loi a fixé un mode particulier d’instruction pour les contumaces : elle veut que les déclarations des témoins soient écrites en présence du juré ; elle ne leur accorde pas de conseils : A cette forme d’instruction, moins favorable sans doute aux accusés contumaces, pourquoi en frapper ceux qui n’ont pas douté de la justice et de la loyauté de leurs conci¬ toyens. « La quatrième nullité se tire de ce qu’il n’y a eu qu’un seul et même débat pour tous les coaccusés, tandis que l’article trente-six du titre septième exige formellement un débat pour chacun d’eux sur les circonstances qui peuvent leur être particulières. « La cinquième nullité est fondée sur ce que, dans le cours du débat, la loi exigeant que tous les accusés y soient présents, le tribunal en a fait retirer un dans une circonstance pour inter¬ roger les deux autres séparément. « La sixième nullité a pour objet la nécessité où on a mis les accusés de ne pouvoir employer le ministère de leurs conseils, en les forçant de répondre personnellement sur d’autres faits que sur ceux sur lesquels la loi exige uniquement cette réponse personnelle, lorsqu’il s’agit de reconnaître des effets trouvés hors du défit ou depuis : elle résulte encore de ce que les conseils et co-accusés n’ont eu la liberté de parler, non pas immédiatement après la déposition de chaque témoin, comme le porte l’article sixième du titre septième, mais après que le président et les jurés ont eu épuisé leurs interrogats. « La septième nullité se tire de la manière dont les questions ont été posées, et de l’appli¬ cation de la loi qui en est résultée.