60 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Les autres dons patriotiques proviennent: De la ville de Beauvais, qui offre un marc deux onces trois gros vingt-quatre grains d’or; et cent quatre-vingt-sept marcs cinq onces six gros et demi d’argenl fournis, en partie par Je chapitrede Ja cathédrale, en partie par les chanoines réguliers de Saint-Quentin et en partie par les citoyens : ce produit ne forme que les deux tiers de l’offrande totale des différentes classes d’habitants, parce que le dernier tiers a été versé dans la caisse de l’atelier de charité, établi en faveur des ouvriers des fabriques de la ville, dont un grand nombre est sans travail par l’inaction des manufactures. Les représentants de la ville de Beauvais sont admis à la séance. Une députation du district de Saint-Germain-l’Auxerrois offre soixante-cinq marcs une once vingt-un deniers d’argent, provenant des boucles d’argent des citoyens de ce district; plus sept onces d’argent plus une once un gros et demi, douze grains d’or. Les représentants de ce district sont également admis à la séance. Une autre députation du district des capucins de la Ghaussée-d’Antic dépose sur le bureau quatre-vingt-dix paires et demie de boucles d’argent des habitants de ce district, avec plusieurs bijoux, deux couverts d’argents, plus trente livres en espèces. La députation est admise à assister à la séance. M. le Président annonce ensuite l’offrande des boucles d’argent de plusieurs citoyens de la ville de Privas en Vivarais, pesant ensemble quatorze marcs deux onces. Ces citoyens regrettent que la stagnation du commerce ne leur permette pas d’offrir davantage. M. Berthomier de la Villette, membre de l’Assemblée , présente, au nom de la paroisse d’I grande en Bourbonnais, un don patriotique consistant, 1° dans le produit de Uimposition des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789, qui montent à six cent vingt-neuf livres ; 2° dans la soumission de payer, pendant les trois années de la contribution patriotique, la corvée qu’ils payaient au seigneur, et montant à 750 livres. 3° Les habitants d’Igrande ont contribué entre eux pour la somme de 2,869 livres sur laquelle ils donnent comptant celle de 2,124 livres. M. ILavie, député de Belfort, présente, au nom de vingt-sept paroisses du bailliage de Thann en Haute-Alsace, la délibération qu’elles ont prise en présence de leurs syndics et de leurs pasteurs, aussi infatigables pour le bien delà patrie que pour le bonheur spirituel de leurs ouailles, d’offrir en don patriotique le montant des impositions des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789, ce qui produira une somme d’environ 20,000 livres. A cette offrande sont joints des mémoires et adresses contenant différentes demandes et adhésions à tous les décrets de l’Assemblée nationale. M. Vreilliard, l’un de MM. les secrétaires , fait lecture du procès-verbal du 31 décembre. M. de Bonnal, évêque de Clermont. Je demande que la lettre de M. Dubois de Crancé à l’armée ne soit pas insérée au procès-verbal. M. B&abaud de Saint-Etienne. L’Assemblée, [2 janvier 1790.] justement alarmée de bruits insidieux qui se sont répandus chez les militaires, au sujet des expressions de M. Dubois de�Crancé, dans son opinion sur le recrutement de l’armée, ayant à cœur de témoigner aux braves officiers et soldats les sentiments de confiance et d’estime dont elle est remplie pour des soldats citoyens, doit décréter que non-seulement Ja lettre de M. Dubois de Grancé sera insérée dans le procès-verbal, mais qu’elle sera envoyée à tous les officiers municipaux des villes où il y a garnison, avec injonction de la communiquer, au nom de l’Assemblée, aux bas-officiers et soldats des régiments, soit en leur faisant lire cette lettre à la parade, soit en la communiquant aux soldats dans les chambrées. M. d’Ailly, Nous avons ététémoins de l’acharnement avec lequel on a voulu faire lire la lettre du régiment d’Auvergne; il faut donner à la justification une publicité égale à celle de l’accusation. M. le Président met aux voix, et l’Assemblée décrète que la lettre de M. de Grancé demeurerait dans le procès-verbal. M. Duport. J’ajoute qu’il faut calmer l’inquiétude naissante de l’armée, et charger M. le président d’écrire une lettre à tous les régiments, pour exprimer les sentiments de l’Assemblée à leur égard. M. Buiaart. Je demande que l’on envoie en même temps Je discours de M. de Crancé. M. Charles de JCametEi. Je demande si l’intention du préopinant est que l’on trouve dans ce discours des expressions qui inculpent un de nos confrères: nous avons le projet de calmer une fermentation dangereuse et non de l’augmenter. M. le vicomte de Moaiiles. Je trouve inutile d’envoyer une lettre aux municipalités. Je donne la préférence à la motion de M. Duport, en ajoutant que la lettre sera lue à la parade. M. üfairac. C’est au ministre de la guerre à envoyer la lettre aux garnisons. M. de ILiancourt. La délicatesse et l’honneur sont les vertus caractéristiques du militaire français, et les représentants de la nation doivent maintenir cet esprit. Gomment peut-on douter, d’après cela, si l’on doit faire part à l’armée des sentiments d’estime que la nation a pour elle? M. Gaultier de Biauzat. Je déclare que l’on a écrit à tous les régiments du royaume, et je demande que le comité des recherchés soit chargé d’en découvrir les auteurs. M. le marquis de Vrigny. Je demande que l’on renvoie au comité militaire, pour déterminer ce qu’il y a à faire. M. de Cazalès. Je demande que l’on se borne à faire counaitre aux régiments, par M. le président, les sentiments de l’Assemblée nationale pour l’armée. N M. Emmcry. J’insiste pour qu’on délibère sur l’amendement de M. Gaultier de Biauzat, tendant à rechercher ceux qui, pour soulever l’armée, ont 61 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 janvier 1790.] altéré le sens d’un mot employé par M. de Grancé, et qui répandent des bruits contraires à la paix publique. M. Fréteau. Il ne suffit point de faire lire cette lettre à la tête de chaque corps, et je propose, par amendement, que dans la lettre qui serait écrite par M. le président, pour témoigner à tous les régiments de France l’estime particulière de l’Assemblée nationale, il les assure particulièrement que le membre de l’Assemblée, dont on s'est efforcé de rendre les opinions suspectes , a témoigné de la manière la plus authentique qu’il n’avait jamais cessé d’avoir pour tous ceux qui composent l’armée les mêmes sentiments d’estime que les représentants de la nation n’avaient jamais cessé un instant d’avoir pour eux. M. Muguet de Nantliou. Je propose, par forme d’amendement, qu’il soit fait mention, dans la lettre qui sera écrite à l’armée, du décret qui déclare « qu’aucun de ses membres ne peut ni ne doit être inquiété pour ses opinions.» Cet amendement n’est pas appuyé. M. le prince de Poix. Il est nécessaire que la lettre soit portée au roi, et que Sa Majesté soit suppliée de vouloir bien donner ses ordres, alin qu’il en soit fait lecture à tous les régiments. M. le’, vicomte de Mouilles. J’ajouterai à cette proposition, qu'il en soit fait en outre lecture dans chaque chambrée. La discussion est fermée. On va aux voix sur l’amendement de M. Fréteau, qui est rejeté. L’assemblée décrète que M. le président sera chargé d’écrire une lettre à tous les régiments de l’armée ; que cette lettre exprimera les sentiments de l’Assemblée nationale à son égard, et sera lue à la tête de chaque corps. M. le Président. J’annonce à l’Assemblée que le comité des finances a trois rapports à lui faire. M. Camus. Je n’ai point oublié que ma motion sur les pensions a été ajournée à ce matin, et je réclame qu’on s’en occupe avant d’entendre les rapports du comité des finances. Le peuple attend de nous une décision à cet égard. L’année 1790 est commencée; ne souffrons pas que la nation puisse imaginer que les abus contre lesquels elle s’élève depuis si longtemps subsisteront encore cette année comme par le passé. M. de Cazalcs. La motion de M. Camus a pour objet une amélioration dans une partie de l’administration des finances. Il me paraît impolitique de s’occuper d’une partie des finances avant d’avoir établi un système général, ou tout au moins le plan d’un système général pour les finances ; sans cette précaution, nous nous exposerions à travailler sans ordre, sans méthode, et peut-être à rendre très-difficile un travail qui deviendra simple lorsque la marche que vous voudrez adopter sera connue. Je réclame donc la priorité pour les rapports du comité des finances. M. Target. Je n’ai qu’une observation bien simple à faire : il me semble que Je préopinant vient de confondre un travail détaché, et cependant fixe, du système général des finances, avec une précaution simplement provisoire, et que les circonstances rendent urgente et indispensable. Je demande que si, dans les trois rapports proposés par le comité des finances, il en est un relatif aux pensions, celui-là seul soit fait, et qu’on passe ensuite à la motion de M. Camus. L’Assemblée décide qu’elle entendra la lecture du plan de travail du comité des finances. M. le marquis de Montesquiou monte à la tribune et donne lecture du rapport suivant : (Nota. — Le rapport de M. le marquis de Montesquiou, ayantété imprimé par avance, a été annexé à la séance du 16 novembre 1789. — Voy. Archives parlementaires, tome X, p. 70). M. le Président a ensuite annoncé qu’il avait présenté au roi le décret sur l’affaire de Belesme et celui relatif au péage perçu à File Barbe sur la Saône, près de Lyon. M. Se Président a rendu compte à l’Assemblée de la députation faite hier au Roi à l’occasion du renouvellement de l’année, et a donné lecture, du discours qu’il a prononcé, ainsi que de la réponse de Sa Majesté, tels qu’ils suivent l’un et l’autre. Discours de M. le président au Roi: Sire, cc L’Assemblée nationale vient offrir à Votre Majesté le tribut d’amour et de respect qu’elle lui offrira dans tous les temps. Le restaurateur de la liberté publique, le Roi qui, dans les circonstances difficiles, n’a écouté que son amour pour la fidèle nation dont il est le chef, mérite tous nos hommages, et nous les présentons avec un dévouement parfait. « Les sollicitudes paternelles de Votre Majesté auront un terme prochain : les représentants de la nation osent l’en assurer. Cette considération ajoute au zèle qu’ils mettent dans leurs travaux : pour se consoler des peines de leur longue carrière, ils songent à cet heureux jour où paraissant en corps devant un prince ami du peuple, ils lui présenteront un recueil de lois calculées pour son bonheur et pour celui de tous les Français; où leur tendresse respectueuse suppliera un Roi chéri d’oublier les désordres d’une époque orageuse, de ne plus se souvenir que de la prospérité et du contentement qu’il aura répandus sur le plus beau royaume de l’Europe; où Votre Majesté reconnaîtra par l’expérience, que sur le trône, ainsi que dans les rangs les plus obscurs. les mouvements d’un cœur généreux sont la source des véritables plaisirs. « Alors on connaîtra toute la loyauté des Français; alors on sera bien convaincu qu’ils abhorrent et savent réprimer la licence; qu’au moment où leur énergie a causé des alarmes, ils ne voulaient qu’affermir l’autorité légitime; et que si la liberté est devenue pour eux un bien nécessaire, ils la méritent par leur respect pour les lois et pour le vertueux monarque qui doit les maintenir. » Réponse du Roi. « Je suis fort sensible aux nouveaux témoignages d’affection que vous me présentez au nom de l’Assemblée nationale. Je ne veux que le bonheur de mes sujets, et j’espère, comme vous, que l’année que nous allons commencer sera pour toute la France une époque de bonheur et de prospérité. » La députation s’est ensuite rendue chez la reine, qui avait auprès d’elle Mgr le dauphin et