270 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] « Et sera, Sa Majesté, suppliée de sanctionner incessamment le présent décret et d’en ordonner la plus prompte exécution. » M. le Président. J’ai reçu du ministre des finances une lettre dont je donne lecture : « Paris, le 25 novembre 1789. « Monsieur, M. le marquis de Bouillé, commandant à Metz, ayant appris qu’on avait cherché à répandre dansl’Assemblée nationale qu’il s’exportait des graiDS par les frontières delà province des Trois-Évêchés, a cru devoir m’adresser les différentes attestations qu’il a reçues des municipalités de toutes les villes, bourgs et villages répandus sur la frontière où il a placé, depuis longtemps, un cordon de troupes destiné à surveiller l'exportation des grains, et il m’a prié d’avoir l’honneur de vous les communiquer. Je le fais d’autant plus volontiers qu’elles vous mettront à portée de juger que le service des détachements qui composent ce cordon paraît se faire avec toute l’exactitude désirable. « Je suis avec respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur, « Signé : NECKER. » « Vous voudrez bien, monsieur, mettre aussi sous les yeux de l’Assemblée nationale les renseignements ci-joints, qui m’ont paru devoir également tranquilliser sur les exportations qu’on avait dit avoir lieu par Dunkerque et par les frontières de la Flandre. » M. Lebrun. Des citoyens ont fait, au bureau des finances, des déclarations à raison des sommes qu’ils disent leur être dues par le gouvernement, et qui pour la plupart ont été examinées par le ministre et par des commissaires du conseil. Ils s’adressent à l’Assemblée pour éviter toute décision ministérielle, et ils demandent à être jugés par elle, ou qu’il leur soit assigné un tribunal ad hoc. Le comité n’entre pas dans l’examen du mérite de ces réclamations; il se rappelle que vous avez reconnu la compétence du conseil des dépêches, qui est ordinairement chargé de juger ces réclamations, et il en propose le renvoi au pouvoir exécutif. M. Duport. Vous auriez en vain rétabli l’ordre dans les finances, s’il restait toujours une masse de dettes inconnues, consistant dans des réclamations qu’il est impossible de prévoir. Je propose, en conséquence, que dans le délai d’un an pour ceux qui habitent en Europe, et de deux ans pour ceux qui demeurent hors d’Europe, toutes les personnes qui ont des réclamations à faire seront tenues de rapporter les titres sur lesquels elles seront fondées, sans quoi elles en seront déchues. M. le comte de Custine. Le préopinant propose une manière très-sûre de multiplier les réclamations, tandis que sans cette invitation il y en aurait beaucoup qui ne seraient jamais faites. Je pense qu'il serait dangereux de délibérer sur cette motion. M. de Lachèze. Il ne convient pas à une nation noble et généreuse de payer ses dettes par des fins de non-recevoir. J’appuie la question préalable. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Duport. M. Camus. La proposition du comité des finances doit être ajournée et renvoyée au comité que vous avez chargé d’examiner la juridiction du conseil. M. Eréteau de Saint-Just. Cet ajournement doit être attendu jusqu’au moment où le comité des finances aura fini son travail et présenté des plans, dans lesquels entreront nécessairement des dispositions relatives aux réclamations en finances. M. le Président consulte l’Assemblée qui prononce l’ajournement de la motion. M. Rabaud de Saint-Etienne a proposé de faire imprimer les listes des divers comités avec l’indication du lieu de la séance de chacun d’eux. — Cette proposition est adoptée. M. le Président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet présenté par le premier ministre des finances, pour convertir la Caisse d’escompte en Banque nationale . M. Bouchotte (1). Messieurs, je sens combien il est difficile de lutter contre l’opinion d’un ministre porté et rappelé à la direction des finances par la confiance publique; d’un ministre conservé dans ce poste difficile, et pendant des temps orageux, par cette même confiance; d’un ministre que l’estime des citoyens console dans ses revers, que leurs regrets suivent dans ses retraites, et dont la joie annonce le retour à l’administration. Aussi vous avouerai-je que, sije n’étais convaincu que les plans les plus simples sont les meilleurs, que souvent ils échappent à ceux qui les cherchent avec le plus d’ardeur et de moyens, je ne me permettrais pas d’attaquer celui présenté, ni d’en proposer un, et que si je ne regardais pas celui que je soumets à votre considération comme propre à remplir le but que s’est proposé le ministre, j’embrasserais le sien , en regrettant de ne pouvoir l’adopter sans avoir à craindre de très-graves inconvénients; je dis très-graves, parce que ses lumières et son expérience, du moins je le pense, ne pourront trouver de sûrs moyens pour arrêter leurs progrès, et en prévenir les suites. Si ces inconvénients, après avoir été bien démontrés, sont écartés du plan que je vous offre, et que cependant je parvienne aux mêmes résultats, j’aurai rempli mon devoir, votre but, celui du ministre et le mien. Celui du ministre des finances est de trouver au plus tôt les fonds nécessaires pour faire face aux dépenses extraordinaires de l’année 1789 et de la suivante, sans anticiper sur les revenus des années postérieures. Je tends aussi à ce but, et je désire même qu’il soit tellement réalisé, que dans peu de temps les revenus publics de l’année courante puissent être affectés aux dépenses de l’année suivante. Le ministre a besoin, pour venir à bout de ce qu’il propose, d’un crédit qui lui produise : 1° 90 millions pour les besoins de cette année; (1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du discours de M. Bouchotte. [27 novembre 1789.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 2° 80 millions pour ceux de l’année prochaine; 3° 70 millions pour d’autres objets qu’il détaille en gros (page 8 de son mémoire) sans les spécifier d’une manière exacte; Total, 240,000 millions à trouver. Je pense que la nation a besoin d’un crédit plus ample, puisque je propose de payer à terme fixe tous les objets arriérés, tels que les rentes, gages, pensions, et particulièrement les effets exigibles, ou qui ont un terme fixe. Je porte donc cette somme à 300,000 millions; l’augmentation de recette entre des mains aussi pures ne peut servir qu’à diminuer la dépense, et hâter la libération. Le moyen du ministre pour parvenir à trouver la somme de 240 millions est de la créer, d'après son vœu, en papier de banque, d’après ses expressions en papier-monnaie, manière très-simple, dit-il , de se tirer de toute espèce d’embarras, et que plusieurs personnes proposent ( Id ., page 8). Et pour trouver ces 300 millions, je propose une manière encore plus simple, celle de l’emprunter au meilleur marché possible. Mais, pour emprunter, il faut du crédit, et le crédit n’étant accordé qu’à ceux qui inspirent de la confiance, il faut donc la ranimer ; la circulation rendue aux espèces en sera l’agent et la preuve; et pour faire renaître cette circulation, il ne faut que savoir combiner l’intérêt du prêteur avec celui de l’emprunteur ; ils se réunissent l’un et l’autre pour écarter tout papier-monnaie. Mon travail, d’après ce que je viens de dire, se trouve donc naturellement divisé en deux parties : la première contiendra la réfutation du plan du ministre, la seconde présentera l’établissement du mien. PREMIÈRE PARTIE Réfutation du plan du ministre. Le ministre établit la création de la somme dont il a besoin, au moyen de deux actes qui se réduisent en un, mais que je séparerai pour plus de commodité; ils consistent .- 1° A donner aux opérations de la Caisse d’escompte plus d’extension, et à son papier le cautionnement de la nation; 2° A convertir la Caisse d’escompte en Banque nationale qui payera en papier-monnaie. Sur la première opération, je suis d’avis, au contraire, que la nation ne doit se rendre jamais caution du papier de la Caisse d’escompte, qu’elle doit la réduire aux bornes privées que lui prescrirait son titre d’établissement, et la forcer de satisfaire à ses engagements, à mesure que l’Etat remplira ceux qu’il a pris avec elle. 1° Je ne connais pas de moyens plus petits, et, quoiqu’on en dise, plus ruineux, pour trouver de l’argent, que d’obliger les particuliers à recevoir en payement dans Paris, ou même dans toute l’étendue du royaume, le papier de la Caisse d’escompte, parce que c’est établir du papier-monnaie ; et je démontrerai dans l’instant les inconvénients du papier-monnaie. 2° Je soutiens qu’il est dû de la reconnaissance aux actionnaires de cette caisse pour la confiance avec laquelle ils se sont prêtés aux désirs du ministère; mais qu’il faut les blâmer de s’y être prêtés sans mesurer les bornes de leur crédit, à moins qu’on ne suppose qu’ils ont calculé sur de 271 gros bénéfices; et, en le supposant, ne seraient-ils pas encore blâmables de l’avoir fait pour leur propre avantage, sans s’être rappelé leurs engagements envers les particuliers? 3° Je soutiens enfin que les prêts d’argent ou de crédit que les actionnaires ont pu faire au Trésor royal n’ont pu lier l’existence de cette caisse à celle du Trésor public : car le propre du Trésor royal est de recevoir des derniers pour tout vivifier en les répandant sagement, et celui de la Caisse d’escompte, est, en dispersant son frêle papier, d’appauvrir, au moyen de l’escompte, ceux qui ont besoin d’un crédit étranger, et de compter sur les accidents pour bénéficier du tout sur quelques-uns des porteurs. Je n’entends pas dire que la Caisse d’escompte est inutile, ni qu’elle soit dangereuse par elle-même; mais qu’on juge d’après l’expérience, et personne ne niera que la Caisse d’escompte, utile aux banquiers et aux capitalistes de Paris, pour transporter commodément une plus grande quantité de richesses de l’un des faubourgs de cette ville dans un autre, dès qu’elle est devenue l’esclave du ministère, a cessé d’être utile et est même devenue dangereuse. Son utilité n’était fondée que sur la confiance, et cette dernière ne l’était que sur la certitude de réaliser au besoin; la confiance détruite par des faits n’a pas été ranimée par l’arrêt du mois de septembre 1788, qui n’eût été propre qu’à l’anéantir, si elle eût pu survivre au dénûment de fonds. Elle est devenue dangereuse : Parce que, ne pouvant livrer de l’argent, elle n’a prêté qu’un crédit factice fondé sur ses billets; qu’en les multipliant outre mesure, elle a fait craindre avec quelque apparence de raison qu’elle n’excédât ses forces, ce qui a détruit une partie de la confiance ; que cette multitude de billets répandus dans le commerce a fait resserrer l’or et l’argent monnayés; car leur propriétaire, assuré que les métaux auraient toujours une valeur réelle, a choisi le gage certain de la valeur des choses, et l’a préféré à une représentation suspecte de ce gage : il garde donc précieusement l’or et l’argent, et profite de la fatalité des circonstances pour n’offrir en payement que des billets qu’il n’est plus sûr de réaliser ; qu’il est, au contraire, devenu certain de ne pas réaliser à son gré, au moyen des arrêts de surséance qui ne garantissent sa propriété, ni du feu, ni des autres cas fortuits. Les profits des actionnaires doublant et triplant à proportion de l’intérêt qu’on payait à leur crédit, ils ne firent pas attention, en se félicitant de leur bénéfice, que lorsque la première ardeur qui avait fait rechercher leurs actions serait amortie, il en résulterait pour eux-mêmes une perte sur leurs capitaux, parce que la confiance diminuerait à mesure, mais ceux qui ont cru devoir depuis se défaire de leurs actions, en ont fait une cruelle expérience. Je n’ajouterai pas qu’étant de principe que les emprunts au nom de l’Etat sont des impôts réels sur le peuple, la Caisse, bien loin de servir la nation, lui fit tort, en donnant à des ministres déprédateurs un moyen d’augmenter la dette nationale, ce qu’ils n’auraient pu faire sans elle, parce que la confiance se refusait à remplir les emprunts qu’ils proposaient et que les cours n’obtempéraient pas à leur désir d’augmenter les impôts. Mais j’observerai que dans tous les cas l’Etat risque infiniment, s’il se rend caution d’un éta- 272 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] blissement dont le papier peut se multiplier à l’infini et sans proportion, soit par le désir naturel à tout établissement pareil d’augmenter ses bénéfices, soit par une satisfaction étrangère à son administration, soit enfin par l’abus qu’on peut faire de ses ressources. Tel fut en France le sort de toutes les banques; celle de Law fut utile tant qu’elle ne fut que la sienne ; elle devint dangereuse dès qu’elle fut Banque royale, et aux malheurs dont l’association de la Caisse d’escompte au Trésor royal nous menace, elle joignit ceux qui seraient encore en France la suite du papier-monnaie, et dont nous allons nous occuper dans l’article suivant. Séparons donc, pour sa propre sûreté, les intérêts de la Caisse d’escompte de ceux de la caisse nationale; soyons justes envers elle, rendons-lui le crédit qu’elle n’éût pas dû perdre, si elle eût été moins confiante; remettons-lui les fonds dont elle nous a prêté la valeur; mais veillons à ce qu’ils soient employés à retirer les effets, qui ne seraient plus chimériques, si leurs fonds avaient été divertis à d’autres objets. SECONDE OPÉRATION. L’établissement d’une Banque nationale qui payera en papier-monnaie, nous est présenté par le ministre des finances comme un moyen propre à résoudre dans un moment toutes les difficultés de finances. Je conviens de cela pour la première fois où l’on paye ; mais si l’on réfléchit qu’il faudra payer une seconde fois, en remboursant un jour les billets en papier-monnaie, et qu’il est possible que la ressource proposée en diminue la possibilité, on conviendra qu’il vaut mieux ne créer, ni Banque nationale, ni papier-monnaie; leur établissement est inutile, leur succès est plus qu’incertain , les inconvénients qui peuvent les suivre sont incalculables, les avantages qu’ils présentent sont illusoires, et les maux qu’ils produiraient n’ont besoin que d’être annoncés, pour être sentis et jugés inévitables. La confiance et le crédit ne se ranimeront en France que lorsque les signes de la valeur des choses, reconnus pour tels dans tout le monde commerçant, c’est-à-dire les métaux, seront donnés en échange des denrées ou des produits de l’industrie. Or, si non-seulement à raison de la commodité pour le possesseur, mais de sa défiance pour les effets qu’il offre; si, dis-je, des signes de convention particulière, si des billets de la Caisse d’escompte de 200 , 300 livres, et même de 1,000 livres présentés à échanger, pour payer les moindres objets, sont changés difficilement; si on les change même avec perte, je demande si l’on croit qu’il sera plus facile de faire ressortir le numéraire, lorsque des papiers-monnaie d’une plus petite valeur seront présentés en payement : je le pense d’autant moins, que si le capitaliste garde maintenant l’or, l’artisan et l’agriculteur garderont avec autant et plus de soin les pièces d’argent. Les habitants des provinces, les villageois, surtout, se défont très-difficilement de leurs préjugés; or on en aura d’immenses à vaincre; ceux qu’ils ont contre le papier-monnaie sont nourris dès leur enfance, et ils leur sont rappelés à chaque instant par les restes des billets du système, suspendus à la poutre de plusieurs de leurs chaumières, comme une leçon contre le trop de confiance. Mais je suppose leurs préjugés vaincus, et cette supposition est bien gratuite de ma part; pourra-t-on parvenir à dominer assez leur intérêt pour les disposer à recevoir le papier-monnaie , et parer à leur juste inquiétude. Laisseront-ils sans frayeur, dans des maisons rarement exemptes des incursions des animaux et insectes malfaisants, presque périodiquement sujettes au feu, quelquefois aux inondations, des valeurs fictives aussi peu solides, ou porteront-ils avec eux toute leur fortune, au hasard de la voir détériorée par la pluie et par le frottement ? ces hommes robustes qui s’exposent, pour le plus petit bénéfice, à l’inclémence de l’air et des saisons, y exposeront-ils toutes leurs richesses, ne craindront-ils pas plutôt de la perdre en entier, ou de la rendre tellement méconnaissable , que leurs voisins, qui souvent refusent des pièces de 2 sols encore marquées, ne veuillent pas prendre en payement du papier qui ne le sera plus? A ces défaveurs il s’en joint une autre incalculable dans ses détails ; quoiqu’on connaisse facilement par le son encore plus qu’à la vue si un écu est d’argent ou non, souvent la crainte de prendre une monnaie décriée, élève des difficultés entre l’acheteur qui veut payer, et le vendeur qui veut être sûr de l’avoir réellement été : il est peu de marchés considérables, peu de foires où de pareilles difficultés ne surviennent. L’officier qui veille à la police fait arrêter l’acheteur et tranquillise le vendeur ; mais ces craintes, entretenues par la vue des fausses pièces attachées au comptoir des marchands, sont réveillées par le moindre avis vrai ou faux qu’il en a été répandu quelques-unes. De quelle crainte ne sera donc pas saisie la paysanne qui entendra dire qu’on a tenté, qu’on est parvenu à imiter assez bien, même parfaitement les billets de caisse de 1,000 lives, lorsqu’on lui présentera une monnaie quelconque en papier ! ne sera-t-elle pas toujours tentée de la suspecter? et quel est l’officier public qui pourra la rassurer, et au témoignage des yeux duquel elle croira devoir s’en rapporter lorsqu’elle hésitait encore à le croire pour l’écu d’argent, sur le triple témoignage de sa vue, de l’ouïe et de la main qui en consultait le poids ? Des changeurs seront établis, me dira-t-on; d’ailleurs les papiers seront reçus dans toutes les caisse royales; je demanderai si cela pare à tous les inconvénients présupposés , et si cela ne donne pas lieu à de nouveaux abus. Le changeur fera-t-il le change pour rien? non certainement, donc surcroît de dépense. Le changeur et le receveur des impositions prendront-ils des billets suspects, plutôt que d’en faire perdre le montant aux particuliers qui les auront reçus de bonne foi? Je ne le pense pas; les réponses contraires présentent trop d’inconvénients pour m’être faites; et alors je réponds qu’il suffit que l’un n’ait pas d’espèces métalliques pour changer, et que l’autre n’en ait point pour rendre; qu’il suffit d’un seul soupçon indiscret de l’un ou de l’autre pour arrêter la circulation du papier-monnaie, et établir en un instant et dans tout le royaume, un agiotage équivalent pour le particulier, à l’effet d’une banqueroute. Or, la banqueroute, même partielle, a été décrétée infâme; que direz-vous d’un projet plus terrible encore, puisque chaque contribuable eût au moins été soulagé par le premier moyen, tandis que le bénéfice provenant de cet agiotage resterait entre les mains de ceux qui l’auraient amené, en resserrant les espèces; que la perte serait 273 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] en entier pour des malheureux pères de famille, sans qu’ils fussent déchargés de ia moindre contribution, à moins qu’on ne revînt à la banqueroute, à cette opération infâme, à laquelle nous mènera tôt ou tard l’usage du papier-monnaie, dès que sa circulation sera même momentanément suspendue pour quelque cause que ce soit ? Ajoutez, à ce que j’ai dit, la possibilité de pouvoir faire des billets faux et de les jeter dans le commerce : on fera des réponses spécieuses sur la difficulté de les rendre absolument semblables aux véritables, mais elles sont détruites, si, malgré cela, on a fait des billets faux; s’ils ont imité assez bien ceux qui représentaient une valeur, pour être pris pour eux dans une ville oü l’usage habituel d’en recevoir devait les faire reconnaître plus facilement. Et certes, plusieurs billets de cette espèce auront déjà couru la province, auront déjà augmenté le discrédit du numéraire en papier, avant qu’on ait pu y remédier; c’est sans doute déjà un très-grand inconvénient. Mais permettez que je mette sous vos yeux un nconvénient encore plus grand. La Caisse d’escompte, pour soutenir son crédit, a supporté les pertes de cette nature; si ses billets ont été parfaitement imités, elle les a payés, parce que la justice ne pouvant les distinguer des autres, elle est censée à ses yeux les avoir faits ; si le faussaire a moins parfaitement réussi, elle les a payés, et par son honneur et par intérêt; l’un et l’autre sont attachés à la confiance qu’elle prétend mériter, et qu’elle s’efforce de soutenir; tout banquier particulier, qui veut maintenir son crédit, agit de même et dans les mêmes vues. La Caisse d’escompte jouit à la vérité pour cela d’un bénéfice résultant des billets perdus ou adirés. Et qu’on ne me dise pas que ce sera un profit peu considérable, en supposant le projet adopté, puisque c’est là presque le seul bénéfice de la Banque d’Angleterre. La Banque nationale, établie sous le cautionnement de ia nation; je dis plus, pour tous ceux qui ont lu avec attention le mémoire du ministre, la Banque nationale, agente de la nation, supportera-t-elle ces pertes, ou se croira-t-elle dispensée de le faire, parce que son honneur sera remplacé et que son intérêt sera à couvert par la force de la loi? Si on me répond qu’elle payera, je tremblerai pour la caution qu’on a même proposé de faire associer au bénéfice, en démontrant qu’un intérêt de 7 0/0 des fonds fournis ou crédités n’est pas exorbitant; article sur lequel je ne serai pas d’accord avec le ministre. Or, comme associée elle payera, parce que tel est le devoir d’un associé; comme caution elle payera encore, si le débiteur devient insolvable, ce qui ne manquera pas d’arriver, soit par les falsifications de billets, soit par une multiplication frauduleuse qu’il sera difficile d’éviter, même au moyen du timbre proposé. Si elle ne paye pas, nous arrivons à la non-circulation d’effets suspects, et ils le seront tous; de là à l’agiotage général, de là enfin à ia banqueroute, et du principal débiteur, et de la caution. Elle aura, répondra-t-on, le bénéfice des billets perdus ou adirés, et c’est indemnité si elle paye les billets trop bien imités, ou gain entier, si elle ne les paye pas. Je demanderai à la nation assemblée si elle est lre Série, T. X. d’avis de payer pour des faussaires ou des agents infidèles, dés sommes qui peuvent doubler des engagements qu’elle compte prendre, ou si elle aime mieux faire perdre des gens de bonne foi trompés par eux, et couvrir par une immoralité une injustice qui n’est pas de son fait. Je dis couvrir par une immoralité, et c’est trop peu ; car comment qualifierai-je un bénéfice fait en entier aux dépens de ceux qui auront perdu leur titre de créance ? Quoi ! une nation généreuse, qui regarde la foi due aux engagements comme sacrée, cette nation qui a proscrit le mot fatal que j’ai prononcé, croirait-elle pouvoir amener de loin l’occasion d’un pareil bénéfice, et compter autant sur les circonstances pour en profiter, que sur son pouvoir pour faire accepter dans le commerce un titre dont ia matière frêle et légère serait employée comme ia plus propre à opérer, et la perte de ce titre, et la libération du débiteur? L’homme juste et honnête qui vous a proposé ce plan n’a sans doute pas remarqué cet inconvénient, puisqu’il l’a présenté, lui qui, d’après sa probité reconnue, aurait en horreur un débiteur que les malheurs les plus grands feraient recourir à de pareils moyens pour se libérer. Mais il existe en outre une considération politique qui n’a pas dû échapper à l’homme d’Etat ; le numéraire représente les choses par une convention générale, donc la puissance qui a le plus de numéraire a le plus de facilité pour se procurer les choses en les payant, jusqu’à ce que l'équilibre soit établi partout entre la valeur de l’or et des productions. Cette vérité constante est justifiée par un exemple : la découverte des mines de l’Amérique fit de l’Espagne la plus riche nation de l’Europe ; mais pour se procurer ce qui lui manquait, et beaucoup de choses lui manquaient, elle les paya : bientôt la richesse se partagea entre les nations qui fournirent à ses besoins, l’Espagne alors devint aussi peu riche qu’elle était avant la découverte des mines, dès que son or fut répandu, et l’augmentation d’or n’a été qu’une surcharge pour le commerce, dès qu’il a fallu en porter cinq onces au lieu d’une pour acquérir les mêmes choses. L’augmentation de la monnaie, au moyen du papier, sera pour la France ce qu’on a fait pour l’Europe en y multipliant l’or. Elle augmentera le prix des productions, et par conséquent celui et des matières premières, et des objets d’industrie. Mais comme cette augmentation n’aura lieu que pour la France, elle donnera lieu à deux inconvénients nouveaux. L’un sera d’y faire renchérir le prix des denrées et de l’industrie. Or, la matière première et la nourriture de l’ouvrier augmentant en proportion de l’accroissement des richesses réelles ou fictives, les objets de commerce portés soit dans l’Allemagne, la Suisse et les Etats du nord, soit dans l’Italie, l’Espagne et les échelles du Levant, ne pourront soutenir la concurrence à prix égal avec ceux des autres nations ; d’où il résultera une perte évidente pour le commerce français. Le second inconvénient est la suite d’un aveu fait par le ministre, que notre traité de commerce avec r Angleterre nous rend débiteurs envers ce royaume d'une somme de marchandises manufacturées que nos propres fabriques fournissaient autrefois. La balance entre ces deux Etats nous est donc 18 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 274 [Assemblée nationale.] maintenant défavorable, si nous sommes débiteurs annuellement envers l’Angleterre ; le prix des marchandises qu’elle nous fournit croîtra à raison de ce que les nôtres le renchériront: la perte sera donc plus considérable, et le deviendra encore plus chaque année, puisqn’ayant été obligé de payer ce supplément en espèces, le papier combiné avec notre monnaie actuelle se trouvera augmenté annuellement à proportion de ce que l'argent et l’or diminueront. Le plan proposé est donc destructif du commerce extérieur avec les autres puissances commerçantes, et singulièrement avec l’Angleterre. Je ne puis, d’après ces réflexions, que persister à penser que le plan contenu dans le mémoire du ministre serait inutilement employé, et qu’il est insuffisant pour remplir l’objet qu’il s’est proposé, qu’il doit être rejeté, tant à raison de l’immoralité et des inconvénients qui y sont attachés, que comme absolument contraire à l’intérêt de notre commerce extérieur avec toutes les puissances en général, et en particulier avec celles dont la supériorité dans le commerce nous est déjà désavantageuse. Mais, Messieurs, il serait douloureux pour vous et pour moi de n’avoir à vous annoncer que l’impossibilité d’adopter un plan que j’envisage comme désastreux, si je vous laissais tirer de ce que j’ai dit la fatale conséquence qu’il ne reste donc plus de ressources, puisqu’il faut rejeter le projet que vous présente un ministre qui’ mérite notre confiance, comme une manière très-simple de se tirer d'embarras, et de résoudre en un moment toutes les difficultés de finances. Il vous paraîtra sans doute étonnant que je propose de recourir à des emprunts, que je veuille vous démontrer que dans ces moments d’alarmes et cle discrédit il est possible que cette voie vous fournisse les ressources nécessaires à un intérêt très-modéré, tandis qu’il a paru à un ministre consommé dans les affaires que l’on essaierait en vain d’y réussir, même en se soumettant à un intérêt usuraire : Daignez suspendre votre jugement, et que l’indulgence dont vous m’avez honoré jusqu’ici se prolonge encore :1a matière le mérite, et votre amour pour le bien public m’en répond. SECONDE PARTIE. Établissement du plan à y substituer. Pour venir au but proposé, permettez-moi de poser quelques principes : La confiance procure le crédit, et le crédit procure l’argent. Ainsi, tout établissement, comme tout particulier qui a besoin d’argent, et qui veut l’obtenir au moyen du crédit, doit commencer par établir la confiance. La circulation active des espèces est la preuve certaine de cette confiance , comme le défaut absolu de la circulation du sang est la preuve la moins équivoque de la mort. Effectivement, il faut que le possesseur d’objets, qui, comme le numéraire, ne rapportent rien par eux-mêmes, ait une grande défiance, pour qu’il ne tente pas d’augmenter sa fortune en les plaçant d’une manière utile. Nous sommes arrivés à ce point. La circulation est arrêtée : il faut donc la rétablir; et le papier de quelque teinte qu’on le colore, quelque nom qu’on lui donne, n’étant pas propre à la rétablir, il faut adopter un remède, sinon plus aisé, du moins aussi prompt et plus efficace. Ce remède est la diminution raisonnable des billets de la Caisse; et leur remplacement par un numéraire quelconque, fût-il même de billon, pourvu qu’il n’ait pas les inconvénients du papier-monnaie, ni même ceux des billets de banque. Je propose donc, pour parvenir à ce but : 1° De remettre la Caisse d’escompte au même et semblable état où elle était avant 1787, et par conséquent de lui rembourser les 78 millions qui lui sont dus; 2° De mettre en circulation, en faveur des pauvres, pour 30 millions de monnaie de billon, divisée en pièces de 3 sols et de 6 sols; 3° D’établir en faveur du commerce extérieur une monnaie d’or, dont chaque pièce pesant 4 et 8 louis, sera créditée pendant 10 ans au moins pour 1/5 au plus pour 1 /3 au delà et remboursable à cette époque; 4° De diminuer les sommes annuellement dues pour les dépenses, les rentes et intérêts, et de convertir en contrats une portion des effets sus - pendus, au moyen d’une opération simple, volontaire, et aussi favorable au créancier qu’à l’Etat; 5° De détruire les abus de l’agiotage au moyen de l’établissement d’une caisse d’amortissement; 6° De mettre le décret du 6 août, relatif au rachat des droits seigneuriaux, dans le cas d’êlre facilement exécuté, sans ruiner le seigneur, et sans gêner ie propriétaire ; 7° Enfin de réunir les caisses des consignations et des dépôts judiciaires sous l’inspection d’un receveur général. Nous allons examiner chacune de ces opérations, en prouver la possibilité, démontrer qu’aucune d’elle n’a les mêmes inconvénients que celle proposée par le ministre, et que leur résultat est le même; or, la différence qui peut se trouver entre l’intérêt qu’il propose de donner à la Banque, et celui auquel chacune de ces opérations peut se faire, ne nuirait pas à la bonté du plan, quand elle ne serait pas couverte par une économie annuelle de 25 à 30 millions, que je me réserve d’expliquer ci-après. Effectivement, le ministre propose de donnera la Banque, pour l’intérêt d’un simple crédit de 24 millions, 6 à 7 0/0 dont plus de moitié sont payés par l’Etat. Je propose le moyen de trouver la somme effective de 300 millions à 5 0/0 et de réduire à 4 0/0 une infinité de créances plus coûteuses ; l’intérêt n’est donc pas usuraire, et les moyens de rétablir la circulation vont vous en faire voir la possibilité. PREMIÈRE PROPOSITION. Réduire la Caisse d’escompte au même et semblable état où elle était avant 1787. Cet établissement paraissant utile à la capitale, je propose de le conserver. Il chancelle, parce qu’ayant déposé au Trésor royal une somme de 70 millions qu’on a été dans l’impossibilité de lui rendre, cette caisse n’a plus été en état de satisfaire à ses engagements. Il est donc évidemment juste de lui remettre cette somme, et de l’obliger de retirer du commerce pour une pareille somme de ses billets. Ce qui subsistera au delà servira à la commodité de la circulation, et comme on sera libre de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 275 les prendre ou de les refuser, d’en exiger le remboursement ou de les garder, tous les abus disparaîtront, la confiance sera promptement rétablie; ce sera une grande maison de commerce, état dans lequel elle serait restée, si les actionnaires eussent été sages. Pmppelons-nous qu’il existait déjà en 1783 pour 43 millions de billets de Caisse d’escompte répandus dans le commerce, c’est-à-dire, avant que le gouvernement forçât cette caisse à manquera son exactitude; relisons en entser les réflexions sages contenues dans le chapitre XXVI de l’administration des finances de France, et appliquons les remarques faites sur le fonds et le nom même du système, au fonds et au titre pompeux de Banque nationale; nous ne craindrons pas de nous égarer, puisque nous aurons pour guide un administrateur sage, dont l’esprit n’était pas entraîné au delà du vrai par l’empire des circonstances. SECONDE PROPOSITION. Mettre en circulation, en faveur des pauvres habitants de la campagne, une somme considérable de monnaie de billon. Je propose de faire frapper avec une monnaie de billon une certaine quantité de pièces de trois et de six sols. L’argent qui doit être allié à la matière principale se trouvera facilement par les sacrifices qu’on fait journellement, et nous ne croyons pas, que dès qu’on le saura utile, les habitants des différentes paroisses et les monastères nous refusent un pareil sacrifice du superflu de leurs cloches. Gette monnaie sera aussi commode et très-utile pour les pauvres et pour les provinces où elle manque absolument, que les billets de caisse le sont à Paris pour les gens de banque et de commerce, et vous voyez, Messieurs, qu’elle peut être facilement fournie et frappée; car ma proposition est moins encore de compter sur tes dons de cette nature, que sur l’argent et le crédit pour acheter la matière. TROISIÈME PROPOSITION. Etablir en faveur du commerce intérieur une monnaie d’or dont les pièces, composées d’un poids égal à celui de quatre ou huit louis , seront accréditées d'un cinquième ou de deux sixièmes au delà. Dans la première supposition , la pièce du poids de quatre louis vaudrait cinq louis , et celle du poids de huit louis en vaudrait dix. Dans la seconde , la pièce du poids de quatre louis vaudrait six louis, et celle du poids de huit louis en vaudrait douze. Je remplace donc une partie des billets de banque par des pièces équivalentes, mais quelle différence ! 1° Je profite des observations de tous les monétaires, et singulièrement de M. Necker, pour ne pas proposer d’augmenter le titre de l’or. Des louis simples et doubles resteront avec leur valeur actuelle, ce qui ne changera rien avec le commerce étranger, et ce qui ne donnera à l’or monnayé ni plus ni moins de valeur. 2° Le particulier qui recevra une pièce du poids de quatre louis, en valant six dans le commerce parce qu’elle sera créditée pour deux , aura donc les deux tiers effectifs de sa créance, et il aura le titre de l’autre tiers d’une manière bien plus solide que si la reconnaissance était faite sur un papier sujet à mille inconvénients. 3° La falsification de ces pièces est bien moins à craindre, puisqu’avec quatre louis un faussaire adroit peut se procurer tout ce qui lui est nécessaire pour fabriquer des billets pour une somme très-considérable, tandis qu’il lui faut d’abord la valeur de quatre louis pour avoir l’essence de la moindre pièce , et que les outils nécessaires pour la fabrication sont infiniment plus chers, infiniment plus difficiles à faire ou à faire faire, et infiniment plus aisés à découvrir. Si les pièces sont fausses, il est aussi facile de le voir que pour un louis, la perte est moins considérable, et la fourberie bien plus tôt découverte. 4° Il est vrai que ces pièces peuvent être imitées, et qu’en Angleterre on se permet souvent de fabriquer des monnaies étrangères quand on trouve un bénéfice à Je faire; mais il est facile de parer à cet inconvénient eu joignant à la pièce d’or un papier qui fera corps avec elle. Ge moyen unirait à la difficulté d’imiter les pièces d’or, toutes les difficultés qu’on suppose dans l’imitation du papier qu’on nous propose (1 ). Mais où se procurer l’or nécessaire, me dira-t-on? Je réponds, au moyen d’un emprunt où l’or seul, tant monnayé que non monnayé, sera reçu jusqu’à concurrence de 200 millions. Quelles en seront les conditions avantageuses pour le préteur sans être usuraires pour l’Etat? L’or sera évalué suivant le tarifées monnaies; le capital qui en représentera la valeur sera remboursable dans dix ans, et portera un intérêt de 7 1/2 0/0. Il est avantageux au prêteur qui, l’or fourni, est dégagé de tous soins, puisqu’il surpasse de 1/2 0/0 celui que le ministre accordait aux actionnaires de la Caisse, non-seulement pour le crédit et les fonds, mais encore pour les soins, la surveillance et le travail que nécessitaient les opérations majeures dont il proposait de charger la Banque nationale. L’intérêt n’est point usurai.re , pas même onéreux pour l’Etat, puisqu’au moyen du crédit accordé aux pièces nationales, il ne lui reviendra qu’à 6 0/0 si le crédit est d’un cinquième, et qu’à 5 0/0 si le crédit est porté à un tiers de leur valeur. Le premier augmente l’m-(1) Je sais qu’au moment de la lecture de cet article, on a mal entendu ou mal saisi, en supposant que le papier donné avec la pièce ferait cependant un corps séparé; tandis qu’il existe deux moyens pour unir le billet à l’or : l’un, en frappant les pièces de la manière dont se frappent les plombs attachés aux étoffes, et qui renferment un papier ou parchemin ; l’autre, de fabriquer les pièces un peu creuses d’un côté, et d’attacher à ccite pièce un papier revêtu de trois signatures. Certainement quand un billet de caisse ou papier monnaie sera sale on adiré, il faudra trouver un dépôt où on pourra le changer, par conséquent mettre beaucoup de papiers ayant une valeur réelle entre les mains de différents caissiers, qui peuvent en abuser. On pourrait, dans la supposition que je fais, leur en laisser entre les mains une grande quantité sans inconvénients, puisque ces papiers n’ayant de valeur que lorsqu’ils seraient attachés à la pièce, et ne devant y être réunis par eux que lorsqu’ils détacheraient le papier qui aurait souftert quelque altération, ils auraient toujours entre les mains la même quantité, sans qu’ils pussent s’en servir à d’autres usages. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 276 térêt d’un sixième, mais il serait peut-être propre à faire introduire promptement une plus grande quantité de métal étranger; le second épargne ce cinquième ; et par la nature des sommes rondes qui forment ordinairement les payements, ils nécessitent tous deux davantage la circulation de l’argent monnayé. Dans tous les cas une portion de l’or de la nation et une portion de l’étranger viendront se fondre ici et se changer en pièces créditées ou billets nationaux plus solides que ceux proposés; et j’avoue avec plaisir que ne comptant pas assez sur une idée qui me paraissait aussi simple, par la raison que j’étais étonné que si elle était bonne elle ne se fût pas présentée au ministre des finances, j’ai consulté des gens fort instruits en cette matière, qui après avoir fait quelques objections les ont eux-mêmes détruites et m’ont assuré qu’ils prendraient part à cette opération pour une somme considérable. Mais la trop grande diminution du nombre des louis et des doubles louis fondus pour être transformés en pièces nationales n’aura-t-eile pas d’inconvénients? dira quelqu’un. A cela je réponds que non : 1° parce que qui pourra donner de l’or non monnayé ne donnera pas de louis ni doubles louis, puisqu’il gagnerait moins au marché; 2° que, sur les 2 milliards circulant dans le royaume, on sait à peu près de combien de pièces d’or est composé le numéraire français, puisque l’auteur de l’administration des finances dit qu’en 1780 il en existait pour 957 millions; que d’après cela et les registres de la refonte, il sera bien facile, si on veut, de n’en fondre que moitié, un tiers, un quart ou un cinquième, de s’arrêter à peu près à ce taux et de ne plus recevoir alors que des piastres, lingots, etc.: or, moitié produirait au delà de la somme demandée par le ministre, et un cinquième seulement, la somme nécessaire; 3° que le nombre des pièces étant fixé au montant, on n’aura pas même l’inconvénient de la refonte, puisque, soit en enlevant le billet que je propose d’y joindre, soit en les marquant d’un poinçon et payant le surplus, il est possible de les laisser dans le commerce pour leur véritable valeur. Le ministre ne dira pas sans doute que cela n’attirera pas l’or des étrangers, puisque plaçant dans nos fonds publics, l’espèce de métal qu’ils doivent fournir leur serait à peu près indifférente, si toutes étaient reçues dans un emprunt qu’ils jugeraient favorable. J’ajoute que, comme on ne rembourse que l’or que l’on a reçu, la hausse momentanée qu’il pourrait obtenir ne pourrait pas faire un tort très-grand à nos manufactures d’or filé ni à nos orfèvres. On m’objectera peut-être enfin que cette monnaie fera resserrer l’or, ou le fera passer chez l’étranger : elle me paraît produire l’effet contraire d’après ce que j’ai déjà dit; on en sera plus persuadé si on fait attention, d’une part que les pièces créditées ne sortiront pas du royaume, à moins que quelques étrangers n’en gardent par curiosité, et alors nous gagnerons 24 ou 48 livres ; et d’un autre côlé, que nos louis et doubles louis restant à leur valeur actuelle, cela suffît pour y attacher, tandis que nous rappelant la balance réelle de notre monnaie effective d’or avec la monnaie étrangère de pareille nature, cette circonstance pare à l’inconvénient qui résulterait de faire créditer tout l’or du royaume. Je m’arrête ici pour faire observer que la difficulté que trouverait le ministre de payer la Caisse d’escompte disparaît au milieu de cet emprunt, et que c’était principalement une des raisons qui faisaient pencher la balance en sa faveur par la crainte qu’on paraissait avoir, si l’on ne la servait pas, de lui faire souffrir une injustice qui eût pu entraîner sa ruine, sentiment bien précieux sans doute dans un ministre, et qui à vos yeux et aux miens rachèterait bien plus d’erreurs encore que je n’ai cru en trouver dans son système. Mais en admettant que la réunion de l’or et du papier donnât encore lieu à des abus, je me permettrai de répondre : Quoi ! deux difficultés opposées aux faussaires vous arrêtent, et vous croyez que dans votre plan une difficulté est insurmontable; alors convenez donc de bonne foi que votre plan est vicieux, parce que les métaux ne peuvent être remplacés par une monnaie de convention dont la loi fait seule le crédit. Eh! empruntez les ZOO millions en effectif, soit en or, soit en argent, soit même en effets exigibles. Vous me répondez que deux emprunts ont été ouverts et n’ont pas été remplis; mais remontez aux causes. Evitez les écueils que vous avez touchés, et la somme nécessaire pour le moment présent vous sera bientôt offerte à 5 0/0, si vous accordez à cet emprunt les avantages détaillés dans la proposition suivante. QUATRIÈME PROPOSITION. Diminuer les sommes annuellement dues pour la rente et intérêts, et convertir en contrats négociables une portion des effets suspendus au moyen d'une opération simple, volontaire et aussi favorable au créancier qu’à l’Etat. Ce moyen fait disparaître encore bien des objets embarrassants, puisqu’il peut servir à mettre au pair toutes les rentes et intérêts arriérés, et une partie des effets suspendus, et produire une bonification de 25 à 30 millions dans les revenus, ce que j’offre de démontrer d’après le compte rendu sous le ministère de M. l’archevêque de Sens. Je propose d’ouvrir un emprunt illimité, quant à la somme, dont l’intérêt au denier vingt-cinq sera payable au prêteur à la caisse du district dans lequel il demeure, ou dans telle autre caisse du royaume qu’il indiquera et qu’il pourra varier d’une époque de payement à l’autre , s’il change son domicile, ou si l’intérêt de ses affaires l’exige, condition dont la nouvelle division du royaume assure l’exécution. On ne recevra dans cet emprunt aucun argent, les fonds seront fournis en papiers et effets royaux, tels que contrats sur toutes les parties dont les rentes ou intérêts se payent au Trésor royal, à l’hôtel de ville, ainsi que ceux sur le clergé et les pays d’Etats, sauf à la nation à répéter à ces derniers un remboursement ou indemnité , jusqu’à ce qu’elle se soit chargée de leurs dettes. Lesdits effets, à quelque denier qu’en aient été faits les placements, ne seront reçus dans cet emprunt que pour autant qu’ils produiront de net , après avoir été liquidés sur ce pied, toute déduction faite, même de la partie des capitaux représentant les vingtièmes et sols pour livres. 11 sera expédié , par le garde du Trésor royal, un certificat portant reconnaissance des sommes liquidées pour être employées dans ledit emprunt. [Assemblée nationale.] 277 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] À la date du jour de ce certificat, les rentes anciennes seront rayées de l’état où elles étaient employées , et les nouvelles commenceront à courir. Chaque partie de l’emprunt sera divisée en contrats de 1,000, portant 40 livres de rentes, exempte de toute retenue. Pourvu que tout le capital liquidé soit employé dans l’emprunt, les rentes dues jusqu’au jour de la date du certificat, et dont sera fait mention sur icelui, seront payées sur-le-champ, à moins que le propriétaire rie désire les employer à augmenter ses capitaux, cas où elles seront également prises au comptant. Les appoints nécessaires pour compléter chaque contrat, seront fournis en argent, si les rentes et arrérages fournis ne suffisent pas pour cet objet; et si les arrérages excèdent, le surplus sera également payé en argent. Ceux qui fourniront , au lieu du contrat, la totalité de la somme nécessaire, en effets publics ayant une époque fixe pour le remboursement , pourront exiger que leurs contrats portent la clause d’être" remboursés auxdites époques pour les effets dont ils étaient porteurs; et dans le cas où les effets ne porteraient pas tous la même époque, le premier contrat de 1,000 livres de capital sera payable à l’époque du payement fixé pour le dernier effet qui complétera ladite somme, et ainsi de suite. Les contrats seront expédiés en papier en la forme qui sera fixée, signés par les commissaires auxquels on en aura donné pouvoir, et porteront chacun un numéro. Les habitants du royaume qui résideront dans les divers districts pourront transporter lesdits contrats, sans autre acte qu’une déclaration faite sans frais, en présence de t’assemblée du district, au moyen de laquelle l’ancien contrat sera déposé, et une nouvelle reconnaissance délivrée à l’instant sans frais. Elle portera le même numéro, et sera enregistrée sur le livre destiné à cet effet. La déclaration , si les parties le préfèrent , pourra être remplacée par un acte devant notaire. Si le propriétaire perd, soit le titre d’original, soit la reconnaissance qui lui en tiendra lieu, il pourra en demander une nouvelle expédition. La preuve de tous actes translatifs de cette propriété sera admise comme pour toute autre, notamment pour ceux qui, ayant succédé en vertu d’un testament ou ab intestat, pourront, en prouvant leur propriétéen la forme légale, se faire expédier gra-tuitementune nouvelle reconnaissance en la forme ci-dessus dite. Le payenient des arrérages se fera exactement de six mois en six mois, à dater du jour où les fonds auront été fournis par le receveur particulier du district, conformément à l’état arrêté au conseil pour chacun d’iceux, duquel état l’extrait arrêté pour chaque mois sera adressé dans le cours du mois précédent aux assemblées de chaque district. Deux membres de l’assemblée des districts seront présents au payement qui sera fait, signeront le registre du receveur, et conlre-signeront Jes quittances qui seront fournies, lesquels contre-seings, avec la mention que le propriétaire desdites rentes a déclaré ne savoir signer, vaudront décharge, comme si la quittance eût été passée devant notaire. Un emprunt fait de cette manière aura bien des avantages : 1° Il fera une espèce de papier-monnaie solide, absolument exempt des inconvénients de celui proposé en faveur de la banque. 2° Il épargnerait 1 0/0 et au delà à l’Etat. 3° Le particulier cependant y gagnera, tant par la possibilité de s'en défaire facilement, que parce qu’il sera exempté des soins et peines qu’il était obligé de prendre pour être payé en l’holel de ville; des inquiétudes que semblaient lui donner à plaisir ceux chargés de demander les actes qui à chaque mutation prouvaient la propriété, les désagréments d’éprouver les retards, et de la part du payeur des rentes, et de la part de son receveur; enfin les inquiétudes que lui causaient l’état de la fortune de ce dernier, les gages qu’il était obligé de lui payer, les ports de lettres, etc. 4° C’est là le véritable moyen de lier avec utilité l’habitant de la province à la dette publique; jusqu’ici Jes désagréments que nous venons de détailler l’empêchaient de placer sur le Roi; il est fatigué lorsqu’il aplacésur ses voisins, même avec un privilège, par les peines que lui causent à la moindre vente, toutes les formalités prescrites par l’édit de 1771. Jusqu’ici il a toujours payé les intérêts d’une dette immense, cet argent était perdu pour le pays. Chaque écu qui sort de nos provinces éloignées enlève à la circulation une valeur estimée par les calculateurs à un crédit de 72 livres. Avec un de ces contrats l’ habitant des campagnes ne se verra pas forcé de vendre à perte une" partie de ses denrées pour payer la taille dans de mauvaises années; et dans les" bonnes cet argent lui procurera la facilité d’acheter des engrais, de réparer sa chaumière, etc. 5° Le capitaliste de Paris même, dont l’argent ne sera pas dans une continuelle activité, préférera souvent ces contrats aux billets de la Caisse d’escompte, puisqu’ils ne pourront pas lui être volés, qu’il pourra les réaliser en peu de temps, et que pendant leur repos ils lui procureront un honnête intérêt. Rien n’est donc plus possible et plus à propos que cet emprunt, surtout si on y joint Rétablissement de la caisse d’amortissement dont je parlerai tout à l’heure. CINQUIÈME PROPOSITION. Diminuer l'agiotage au moyen cl'une caisse d'amortissement (I). Non content de vous avoir proposé d’augmenter le numéraire et de diminuer l’intérêt de l’argent, j’y joins un nouveau moyen d’accélérer la circulation. L’agiotage est poussé à un tel point que, devenu nuisible pour l’Etat, dangereux pour les mœurs et fatal pour les créanciers de bonne foi, un sage gouvernement ne peut différer de s’en occuper. L’abus détruit, l’agiotage se transit) Je suis toujours étonné de voir depuis longtemps le ministre plus occupé des intérêts de ceux qui veulent gagner, que de ceux qui ont droit et intérêt à ne pas perdre : cela vient sans doute de ce que les premiers sont toujours hardis à solliciter l’appui du gouvernement, sous quelques prétextes spécieux, tandis que le besoin oblige les autres de souffrir la loi que leur dictent l’avarice et la rapacité. On a beaucoup crié, et avec raison, contre tous les genres d’aristocratie, j’espère que bientôt on attaquera la plutonarchie : c’est bien la pire de toutes les aristocraties; aucun sentiment de noblesse, qu’on me passe ce terme, aucune grandeur d’âme n’animeront jamais ceux que leurs richesses seules appelleront au gouvernement. 278 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] forme en un échange modéré, toujours utile pour celui qui fournira les fonds, mais indifférent pour le crédit de la nation, et peu coûteux pour le débiteur qui sera forcé d’y recourir, puisqu’il n’excédera pas les bornes d’une simple commission, jointe à l’intérêt de l’argent qu’il sait trouver au lieu du papier. Tel est le but de la Caisse d’amortissement. Et comme la nature place les remèdes à côté des plan les qui, bien que salutaires, peuvent cependant produire du mal, je place cette caisse près de la Bourse et de la Caisse d’escompte. Dépendante entièrement du Trésor royal qui fournira les premiers fonds, ou totalement séparée de lui si on en forme une compagnie qui fournisse les fonds réels pour cet objet, la caisse serait alimentée par la rentrée des deniers devant servir à l’acquittement des dettes; distraction préalablement faite de ceux nécessaires pour payer les effets à terme, à mesure qu’ils écherront. En supposant qu’on en forme une compagnie particulière, ceux des capitalistes sur l’argent desquels le ministre des finances comptait pour acheter de nouvelles actions y placeront sûrement leurs fonds. L’emploi en sera d’autant plus honnête que ces fonds serviront à sauver les créanciers de l’Etat, des efforts que font les accapareurs d’effets pour les obtenirs d’eux à bon marché, et par conséquent au détriment des possesseurs légitimes. Je m’explique : un certain nombre d’actions payables en argent effectif formera le premier fonds de la caisse montant à 50 millions, desquels l’intérêt sera payé à 4 0/0 par la nation. Le Trésor royal y fera verser exactement le dernier jour de chaque mois 2 millions, à compter du dernier décembre de la présente année, quand même les fonds destinés aux amortissements ne les auraient pas produits, sauf à les reprendre sur les premiers deniers. 11 y fera verser en outre, comme nous venons de le dire, tous les fonds de ia caisse du receveur d’extraordinaire, défalcation faite des sommes nécessaires pour acquitter les effets à terme fixe, ces fonds seront employés ainsi qu’il suit : Tous les jours cette caisse sera ouverte, et après que le cours des effets royaux aura été arrêté à la Bourse en présence de deux commissaires nommés par les actionnaires, elle recevra le lendemain les effets royaux au moins à 1 0/0 de bénéfice, au profit des propriétaires, et les leur payera argent comptant. il lui sera libre de les prendre à un denier encore plus favorable, jusqu’à ce qu’ils soient réduits au taux naturel de l’intérêt légal. Elle ne pourra prendre et escompter aucuns autres effets, à moins que ce ne soit des effets publics; mais alors cet article sera fait sur ses propres fonds ou sur ceux des compagnies qui en auront donné la commission pour soutenir leurs effets au pair. La caution de la compagnie sera la remise des effets royaux acquittés, montant à la somme équivalente à ses actions. Les effet royaux ainsi liquidés seront repris par le Trésor royal au prix pour lequel ils auraient dû être payés à leur échéance, et à l’instant adirés. Le bénéfice que le cours ordinaire des effets aura produit, sera partagé entre le Trésor royal et les actionnai i es, qui prendront sur leur portion tous frais de bureau, logement, dépense, caisse, etc. Pour indemnité, la totalité des bénéfices leur sera accordée, lorsque le porteur des effets n’aura essuyé d’autre perte que celle de 4 0/0 sur es arrérages et intérêts, et 1 0/0 sur les capitaux. Il leur sera payé en outre un intérêt de 5 0/0, tant pour l’argent qu’ils auront fourni au delà de celui destiné à ce par l’Assemblée nationale, jusqu'à ce qu’ils aient été remboursés sur celui que le receveur de l’extraordinaire aura pu fournir, que pour 3 millions de billets payables à terme fixe dans deux ou trois mois, dont ils seront autorisés à se servir dans le cas où cet arrangement conviendrait à ceux qui présenteraient des effets à amortir. 11 suffit d’indiquer le plan en grand pour faire sentir combien il est avantageux et combien il est plus utile de répondre aux actionnaires de l’intérêt de 7 0/0, qu’il ne l’eût été de prendre un pareil engagement avec ceux de la Banque nationale proposée. SIXIÈME PROPOSITION. Rachats des droits seigneuriaux. Je ne dirai qu’un mot sur cet article : pour son exécution le décret ne veut pas sans doute ruiner les seigneurs en les forçant de recevoir journellement une portion minutieuse de leurs capitaux. Mais comme il serait impossible cependant de prétendre que les particuliers doivent tous s’entendre pour faire le remboursement en un seul jour, et par un même, mais de toutes les portions de ces capitaux qui forment pour chacun d’eux un principal séparé; il faut donc trouver un plan qui ne nuise ni à l’un ni à l’autre, pour cela je propose que les droits seigneuriaux dont lé rachat a été ordonné, soient estimés pour chaque particulier dans chaque terre. Chacun des redevables sera inscrit sur un rôle; deux colonnes le partageront; l’une indiquera le capital, l’autre la somme due pour la rente. Le collecteur fera la levée de la rente ; mais les particuliers qui voudront se libérer du capital de ladite rente porteront le montant d’icelui à la caisse du receveur des impositions, qui le fera passer à la recette de l’extraordinaire. Dans le cas cependant où les propriétaires ne se seraient pas libérés et vendraient les immeubles répondant du capital, les acquéreurs seront tenus de payer, dans les trois mois, intérêts et capitaux; et il ne pourra leur être expédié de lettres de rectification , si la quittance du receveur n’est attachée sous le contre-scel, ou que mention n’en ait été faite dans de précédentes lettres. Les deniers provenant du payement des rentes et capitaux seront versés au Trésor royal, chaque seigneur sera payé annuellement de la rente à lui due, savoir: les seigneurs ecclésiastiques au denier 25 seulement, et les seigneurs laïques au denier 20, jusqu’au remboursement effectif. La différence du denier vient de ce que des gens de mainmorte ne peuven t placer que dans des fonds publics, et que le Trésor royal n’empruntera sans doute pas à un plus gros intérêt. Les seigneurs laïques au contraire pouvant placer leurs fonds comme bon leur semble, il est juste de leur accorder ce qu’ils trouveraient légalementailleurs. Ces fonds pourront être utilement employés pour le payement des dettes de l’Etat dans là caisse d’amortissement. Si vous croyez de votre sagesse, après avoir supprimé des biens ecclésiastiques, et sans aucun rachat la dîme qui en faisait partie, d’imposer 279 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PAÉLEMENTAÎRÈé. [27 novembre 1789.] l’équivalent sur toutes les espèces de biens et possessions, vous penseriez peut-être alors que les possesseurs de fonds, ci-devant sujets à la dîme, qui ont acheté avec cette charge, doivent une indemnité quelconque aux propriétaires des bois, prés, marais, etc., qui ont au contraire payé la totalité de ce qu’ils possèdent, parce que leur propriété n’était pas sujette à la dîme; et certes, si cet avis prévalait parmi vous, Messieurs, pour que cette indemnité fût payée sans inconvénients, il ne serait sans doute pas de meilleur rhoyen que celui que je viens de vous proposer pour le rachat des droits seigneuriaux, et il n’existerait entre eux aucune différence parce que l’équivalent des dîmes étant remplacé sur l’universalité des biens, les capitaux représentant cette indemnité, et servant a acquitter les dettes de l’Etat, ils déchargeraient, au prolit de tous les contribuables, la caisse nationale des intérêts dus aux débiteurs qui seraient à ce moyen remboursés. SEPTIÈME PROPOSITION. La réunion des recettes de consignations en une ■ seule main à la charge de payer l’intérêt à 3 0/0 sur le pied proposé par le ministre des finances est une trop belle opération pour que je ne répète pas ici qu’elle doit être adoptée. Je ne crois pas qu’il y ait de doute qu’en faisant cette réunion , le Trésor royal ne doive être préféré à une compagnie de banque, surtout si en ordonnant que ces deniers seront versés dans la caisse d’amortissement, l’Etat en retire un avantage. Je proposerai d’ajouter un article à ce plan: ce serait d’autoriser tout tuteur à verser à la recette des consignations les deniers appartenant à leurs pupilles à la charge de les rendre lors de la majorité , et de leur en payer, jusqu’à ce, un intérêt de 4 0/0. Tous ces moyens réunis et combinés me paraissent propres à nous tirer de rembarras où nous sommes. Le point nécessaire est de rétablir une circulation active qu’un trop grand nombre d’effets en papiers a du nécessairement ralentir ; il a pu sortir du numéraire de la France, il a pu en être moins apporté par les étrangers ; mais tout cela est d’une petite considération en comparaison de celui qui est resserré par la défiance, et par conséquent enlevé au commerce et aux finances. On peut faire fondre , si on veut, toute l’argenterie du royaume , ce moyen violent ne rétablirait pas la circulation ; des qu’on augmentera la masse déjà trop considérable du papier, il en résultera seulement que le métal transformé eh écus ira grouper de quelques sacs de plus le trésor que le capitaliste enserre et que sa transformation ncser a pas plus ' utile à l'Etat, que ne l est la forme bien dessinée qui fait l’ornement d’un buffet. Puissé-je avoir rempli le but ; mais quelle que soit votre opinion sur les moyens que je propose, j’aurai beaucoup fait, si après vous avoir démontré combien le plan de banque serait nuisible, j’ai pu vous rassurer sur les craintes exagérées que le désir d’opérer plus promptement le bien avait inspirées au ministre. Cependant en emplovant tous ces moyens pour rétablir la circulation, il ne faut pas négliger d’inspirer d’une autre manière la confiance des prêteurs : car on prête rarement à ceux qui ne justifient pas qu’ils sont en état de payer. Sûretés à donner aux préteurs. Après la première faute faite lors de l’ouverture de l’emprunt de 30 millions qu’on n’a pu remplir à 4 0/0 on s’est vu forcé non-seulement d’en accorder 5 pour l’emprunt de 80 millions , mais même de recevoir moitié eu effets royaux, ce qui a porté l’intérêt à 7 1/2 à en juger par le cours ; et cependant cet emprunt n’est pas à moitié rempli. On eut fait les conditions moins favorables si on eût pu n’exiger que du papier ; mais en exigeant de l’argent la circulation n’étant pas rétablie, on doit n’êtrepas étonné du peu de réussite. Il n’y avait qu’un seul moyen : c’était, après avoir pris l’engagement de mettre au niveau les recettes et les dépenses, de donner une hypothèque certaine qui répondît des capitaux et des intérêts. Tel sera toujours le parti qu’il faudra prendre lorsqu’on sera obligé de faire des emprunts, et si la Caisse d’escompte ne demandait pas l’assurance de cette hypothèque, c’est qu’elle comptait bien, ainsi que ie ministre vous l’a annoncé, sur la vente dès différents immeubles, qui, en diminuant les autres dettes de l’Etat, assurerait ia leur; que d’un autre côté elle était d’autaut moins jalouse de son remboursement , qu’elle désirait pouvoir continuer et augmenter ses bénéfices pendant trente ans, et même peut-être obtenir ensuite une prolongation de privilège. Ces motifs ne peuvent animer ceux qui vous prêteront l’or remboursable dans dix ans, ou les sommes qui en tiendront lien. Ainsi je propose de leur assurer une hypothèque spéciale : je ne renonce certainement pas à l’aliénation d’une portion des domaines, et même des biens ecclésiastiques ; mais 'l°j’en distrais les forêts qui, suivant moi, ne peuventsans inconvénients cesser d’être à la disposition et sous la surveillance de la nation, pour que cette denrée, presque aussi nécessaire à la vie que le sel, ne soit sujette à aucun monopole et à aucun accaparement; 2° j’observerai que, les fonds des domaines étant déjà hypothéqués aü payement de toutes les dêltes contractées, on ne peut donner d’hypothèque spéciale sur ces biens, ni sur ceux du clergé, affectés au payement de ses dettes particulières, aux dépenses du culte et au soulagement des pauvres, sans dimiuuer d’autant J’iiypotbèquegénéraie, accordée aux anciens créanciers. Je propose donc de déclarer qu’en l’année 1799, au mois de mai, il sera procédé à la vente des biens du domaine autres que les forêts, et, s’il est nécessaire, à la vente de la portion des biens ecclésiastiques désignée par les provinces, jusqu’à concurrence de 300 millions nécessaires au remboursement de l’emprunt de 300 millions, proposé; et pour que les anciens créanciers de l’Etat ne puissent pas se plaindre qu’on ait diminué le gage de leur créance, je propose de déclarer affectée à l’hypothèque des contrats non remboursables dont ia valeur a été fournie en papier, la portion de tous les fonds du royaume, représentative de l’impôt du vingtième, et d’assigner spécialement le produit de cet impôt pour le payement des rentes de ceux renouvelés en ia forme de ceux que nous avons indiquée. Certainement, ni le clergé, ni les provinces qui pourraient avoir un avis contraire à celui du ministre qui semble vous avoir conseillé cette vente, en ne paraissant se permettre que de nous présenter un projet, ne pourront trouver mauvais un arrangement qui ne rend nécessaire cette ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] 280 [Assemblée nationale.] vente, que dans le cas où, après avoir pris l’avis des provinces, ou n’aurait pu parer au remboursement des 300 millions, que de cette manière ; et ils regarderaient sans doute alors ce sacrifice pour la libération de l’Etat, comme leurs pères ont regardé ceux de pareille nature, qui ont eu lieu sous les règnes des rois Jean et François Ier. Les créanciers actuels de l’Etat, ceux du clergé et des provinces y consentiraient volontiers, puisque de quelque manière que s’opérât la libération ils seraient plus assurés et du sort du principal, et du payement des arrérages de leurs créances. Enfin, une spécification plus particulière d’une hypothèque spéciale sur la portion des fonds pour le payement des contrats, remboursables à volonté, ne sera certainement pas repoussée par les possesseurs de fonds qui, devant payer la totalité de ces arrérages, et le remboursement des capitaux, de quelque manière que ce soit, doivent sentir que la totalité de leurs possessions est réellement affectée au payement des dettes de l’Etat, puisque les créanciers nepeuvent compter, pour leur remboursement, que sur les impôts dont ces fonds sont chargés. Cette promesse d’une hypothèque spéciale ne dérange rien à l’ordre naturel des possessions, puisque chaque possesseur ne sera tenu que de ce dont il l’eût été sans la mention de cette hypothèque de surérogation, et l’acquéreur ne sera pas plus grevé alors qu’il l’est maintenant; tandis que tous les créanciers de l’Etat, assurés du payement de leurs arrérages, s’efforceront d’y contribuer par le léger sacrifice, dont ils seront payés et au delà par la certitude de loucher exactement leurs arrérages, de les toucher sans frais, et de ne voir détruire leurs titres, ni en tout, ni en partie, par aucun accident. (Ce discours a été interrompu fréquemment par des témoignages d’impatience.) M. Duport. Si nous voulons nous livrer à une discussion utile, il faut que nous adoptions un ordre constant de travail. La connaissance de. nos besoins doit nous occuper avant la recherche de nos ressources. Pourquoi songer à une banque, à un papier-monnaie, sans savoir s’il sera nécessaire d’en établir? Je propose d’examiner le travail du comité, non comme plan, mais comme détail sur notre situation. M. le baron de Cernon. Je reconnais la justesse de l’observation qui vient d’être faite et comme j’avais à proposer un plan de libération générale des finances, je demande à être autorisé à l’envoyer au comité. — L’Assemblée ordonne l’impression et le renvoi au comité des finances. (Voy. ce document aux annexes de la séance.) M. Fréteau de Saint-Jnst. J’appuie l’observation de M. Duport et j’ajoute que par un décret du 21 vous avez ordonné la nomination de 6 commissaires pour examiner l’état de la Caisse d’escompte. Ils ont commencé leur travail hier, ils espèrent à peine le terminer demain dans la journée. Nous avons vu, par des titres bien en règle, que le Trésor royal devait en ce moment à la Caisse 80 millions, qui dans peu se trouveront portée à 100. Nous avons examiné la correspondance avec les ministres et avec le Pmi lui-même au sujet de ces opérations. La masse des 114 millions de billets doit être rendue certaine à nos yeux, et nous ferons une inspection très-scrupuleuse pour nous assurer que le nombre n’en a pas été accru arbitrairement. Dans cette situation il vous manque un des éléments nécessaires de votre délibération . Il résulte des conversations particulières que nous avons eues avec les actionnaires, que le plan du ministre ne peut prendre de consistance qu’après l’établissement de la balance entre la recette et la dépense. La dépense des départements est la première base de cet équilibre. Pour employer utilement le temps, il serait important que l’Assemblée examinât séparément cet objet, soit sur les pensions, soit sur la guerre, soit sur la marine. Je crois aussi qu’il est nécessaire de faire exécuter le décret par lequel vous avez ordonné que beaucoup d’étals authentiques vous fussent communiqués. M. le marquis de Montesquiou propose de décréter : que chacun des ministres et ordonnateurs des dépenses publiques sera tenu de présenter dans quinzaine un état de dépenses de son département, réglé avec la plus sévère économie et montant aux sommes arbitrées par le comité des finances: lequel état servira de règlement provisoire pour l’année 1790, sans préjudice des autres réductions que le travail du comité mettra en état de faire. M. l’abbé Maury. Nous avons examiné les moyens avant les besoins. Cet ordre n’est pas très-régulier; il serait cependant facile d’en proposer un qui répandit une grande lumière. Voici la route que, en cherchant à étudier la matière qui nous occupe, j’ai cru reconnaître comme la plus sûre et la plus courte. Je pense d’abord qu’il faut donner trois jours aux finances au lieu de deux : nous approchons du 1er de janvier, époque bien importante à laquelle nous devrions arriver avec un travail qui ne sera peut-être pas terminé en y consacrant trois séances. Chacune de ces séances commencerait par un rapport : le premier jour sur la dette foncière de l’Etat; un autre jour sur les rentes viagères; ensuite sur les anticipations, sur l’arriéré des départements ; enfin sur toutes les parties de la dette, quelles que soient leurs dénominations. Alors nous nous occuperons successivement et séparément des dépenses de chaque département, et nous ferons marcher d’une manière parallèle les dépenses et les économies. Nos besoins se trouvant ainsi connus, vous vous occuperez des moyens d’y subvenir... Nous ne pourrons simplifier le travail qu’en le particularisant. M. de Cusllne s’oppose à ce qu’on ôte un jour de travail de la Constitution : il demande que le comité des finances présente un ordre de travail, et qu’il soit obligé de faire le mardi de chaque semaine l’énoncé des matières dont la discussson commencera le vendredi suivant. M. Dœderer. Dans le plan qui vous a été proposé par l’un des préopinants pour la distribution de vos travaux, rien n’a été oublié, si ce n’est le cas urgent : il n’a parlé que des besoins perpétuels et journaliers, et non de la crise où nous sommes. La question est de savoir comment vous allez subvenir aux besoins du moment, indépendamment des impôts; c’est en janvier qu’est l’époque d’un redoutable payement, c’est sur ce payement qu’on vous a demandé des mesures promptes; c'est méconnaître l’urgence du cas, ou bien c’est vous condamner à l’alternative malheureuse, ou de la méconnaître vous-mêmes, ou de mettre de la précipitation dans les impôts; et quand il s’agit [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1789.] de faire que les moyens de recettes soient plus honnêtes et moins oppresseurs, quand il s’agit de porter le dernier coup à ces compagnies de finances qui ne peuvent pas exister avec notre régénération, il faut en parler plus d’un jour; mais avant tout, il faut se souvenir que c’est pour le 1er de janvier qu’on vous demande des secours considérables et nécessaires. Je demande qu’on ajourne à demain cette première question préalable, mais essentielle, non de l’ordre proposé par le préopinant, mais des moyens de sortir de l’inextricable labyrinthe où la discussion se perd. C’est perdre un jour pour en gagner cent. Je demanderai aussi que le comité de constitution prépare votre détermination sur la question de savoir si une banque peut être mise sous la garantie suprême de la nation; si son établissement serait constitutionnel et se concilierait avec les principes fondamentaux de toute grande société. M. Pétlon de Villeneuve. Le dernier préopinant a perdu de vue ce qui a été décrété, en vous proposant de décider si une banque nationale est constitutionnelle. Il vous a dit qu’il fallait s’occuper des besoins du moment ; mais, pour trouver les moyens d’v subvenir, il faut obtenir la confiance, et la confiance ne naîtra que quand votre état de situation sera connu; pour accélérer votre opération, vous risqueriez de la manquer. La première chose est donc de présenter cet état, celui du comité des finances est insuffisant. On vous a proposé un plan de travail très-sage; si vous n’adoptez pas un ordre certain, les projets se croiseront et vous marcherez lentement et péniblement. M. le comte de Mirabeau. Le préopinant n’a pas parfaitement répondu à M. Rœderer, il n’a peut-être pas bien entendu sa conclusion. Il faut d’abord relever une erreur de fait ; il n’y a point de décret sur cet objet : M. Fréteau a seulement proposé un arrêté qui a un rapport fort indirect avec la question. Je maintiens que M. Rœderer a lancé parmi vous une grande vérité qui mérite toute votre attention. Il faut voir si une banque tout à la fois commerciale et politique est bonne; il ne serait plus temps d’examiner le principe, quand vous l’auriez violé. Je maintiens enfin que M. Rœderer a dit une chose infiniment raisonnable, et qu’il a fait ce qu’il faut toujours faire, commencer par le commencement. Quand au plan lumineux d’un préopinant, il conviendrait à un lycée; il pourra nous convenir quand nous nous occuperons de la régénération particulière et générale des finances; il ne convient pas au provisoire, et c'est du provisoire que nous sommes étouffés dans ce moment. Je demande que la motion de M. Rœderer soit décrétée. 11 s’élève plusieurs discussions sur l’ordre à donner à la délibération des différentes motions proposées. MM. d’Aïlly et Anson représentent que le comité peut offrira l’instant à l’Assemblée un état détaillé sur les besoins urgents d’ici au 1er de janvier ; il faut délibérer demain sur la manière de trouver les 91) millions qu’il est indispensable de se procurer. Si nous ne pouvons les avoir avant la fin de l’année, il est inutile de faire une constitution. M. le Chapelier. La question se réduit à ceci : 281 Voulez-vous demain vous occuper du plan général, ou du besoin urgent et de la manière d’y subvenir ? L’Assemblée délibère, et décrète qu’elle s’occupera demain des dépenses à acquitter jusqu’à la fin de l’année, et des moyens d’y pourvoir. M. le Président lève la séance à trois heures et demie après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin. lre ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 27 novembre 1789. Plan de libération générale des finances proposé par M. le baron de Cernon (1). (Imprimé par ordre de l’Assemblée.) Messieurs, il est si pressant de faire usage des ressources qui restent à la France; il est si important de ne pas se tromper dans le choix des moyens, les conséquences d’une erreur peuvent devenir si funestes, si irrémédiables, les résultats d’une opération mûrement réfléchie, sagement combinée et fidèlement exécutée, paraissent au contraire si avantageux, si nombreux, si prochains, si évidents, que j’ose espérer quelque indulgence et quelque attention pour le travail que je viens soumettre à vos lumières. Je ne perdrai pas le temps à vous démontrer la nécessité d’agir, et d’agir sur-le-champ. L’état actuel de la France, et surtout celui de la capitale, parle trop haut et trop clairement. J’entre en matière, sans vous offrir le tableau des biens immenses dont la France serait privée si nous adoptions une marche fausse, et que nous pouvons lui procurer très-promptement, en réalisant une idée fort simple et que je crois vraie. On a toujours dit qu’il fallait vendre les biens du domaine et du clergé pour payer les dettes de l’Etat. Je crois, au contraire, qu’il faut et que nous pouvons payer les dettes de l’Etat pour vendre les biens de la couronne et du clergé, ou plutôt pour n’étre pas même dans la nécessité de les vendre. L’erreur opposée à la vérité que je veux établir a sa source dans la vieille opinion de l’importance des métaux précieux monnayés; on croit ne pouvoir jamais se passer d’eux. On les regarde comme la réalité dont ils ne sont que le signe. On rabattrait beaucoup de l’importance qu’on leur attache, si l’on voulait bien observer qu’ils ne commencent jamais à être utiles qu’au moment où on ne les a plus. Mettez une pierre à la place , elle vous vaudra tout autant, disait le bon La Fontaine à l’homme au trésor. L’argent-monnaie n’est donc autre chose qu’un signe. Mais on peut le remplacer par d’autres signes, et par d’autres signes qui lui soient constamment préférables. Ces signes lui sont réellement préférables, lorsqu’à l’avantage d’un moindre volume, d’un moindre poids qui les rend plus propres au commerce, plus faciles à transporter, à mettre à l’abri des accidents, ils joignent celui de représenter des valeurs réelles plus solides (1) Le projet de M. Cernon n’a pas été inséré au Moniteur.