(Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 8 ™ifre?793 527 seil. Je te prie, citoyen Président, de substituer ce dernier exemplaire au précédent que je t’ai adressé, afin que, s’il en est encore temps, cette faute ne soit pas répétée dans les papiers pu¬ blics. Je me bâterai de t’adresser 25 autres exemplaires qui seront cartonnés. Voudras-tu bien les déposer sur le bureau pour ceux des députés qui désireront les lire? « Salut et fraternité. « Pierre-Anastase Torné. » Renoncement a l’épiscopat et a la prêtrise, FAIT LE 22 BRUMAIRE DE L’AN II DE LA Rɬ PUBLIQUE, DANS LA SÉANCE DE L’ ADMINISTRA¬ TION SUPÉRIEURE DU DÉPARTEMENT DU CHER, par Pierre-Anastase Torné, président de cette Administration (1). Extrait du procès-verbal des délibérations du conseil général du département du Cher. Séance publique du 22 brumaire de Van II de la République française, une et indivisible. Le citoyen Torné, président du département et évêque métropolitain, a prononcé un discours dont l’insertion a été ordonnée au procès-verbal, et conçu en ces termes ; « Citoyens administrateurs, « J’avais abjuré par le fait la prédication et le sacerdoce vingt-cinq ans avant la Révolu¬ tion. Après avoir prêché un carême à la cour en 1764, j’ai vécu en solitaire philosophe dans une gorge des Pyrénées jusqu’en 1789. A cette époque, le plus puissant attrait pour la liberté nationale m’entraîna de ma solitude autour du Corps législatif; je ne quittai ses tribunes qu’en 1791, pour passer au siège de la métropole du centre où m’avait appelé le choix d’un peuple avec lequel je n’avais jamais eu le moindre rap¬ port. J’avais bien précédé la marche de l’As¬ semblée constituante par quelques écrits révo¬ lutionnaires : mais ces écrits ne m’auraient ga¬ ranti ni du blâme public ni des reproches de ma propre conscience, si j’eusse refusé de servir encore la Révolution dans des fonctions utiles. J’acceptai donc l’évêché du Cher, et je fis en cela pour la patrie le plus grand des sacrifices, celui de ma liberté, d’une liberté que j’idol⬠trais, et dont je jouissais avec délices depuis vingt -sept ans. « Je n’attendais, pour reprendre cette liberté, que de voir celle de la nation à jamais affermie : j’aurais craint d’encourir, par une abdication précoce, le reproche de quitter, pendant les dan¬ gers de la patrie, un poste où semblait me re¬ tenir impérieusement l’article 4 de la loi du 18 septembre dernier. « Plein de ce scrupule civique, je n’ai pas applaudi aux premiers exemples donnés par de bons prêtres, de leur retraite précipitée, dans des circonstances où ils me paraissaient néces¬ saires plus que jamais pour réparer les crimes contre-révolutionnaires des mauvais prêtres. « Je craignais que ces exemples, imités par la plupart des prêtres citoyens, ne laissassent le peuple livré aux prêtres fanatiques; et que (1) Archives nationales, carton F10 892, dossier Torné; Second supplément au Bulletin de la Conven¬ tion nationale du 1er frimaire au II de la Répu¬ blique (jeudi 21 novembrô 1793), le culte abandonné par les ministres, avant de l’être par le peuple lui-même, ne devînt une source de troubles intérieurs ajoutés à ceux du dehors. « Je pensais qu’avant d’ôter au peuple le frein religieux, quoique mensonger, il convenait de le contenir par le frein d’une meilleure police; qu’il convenait encore de perfectionner aupara¬ vant l’enseignement de la morale fondée sur la raison universelle s que pour cela il fallait, avant toutes choses, inviter les sages de la nation à composer d’excellents écrits moraux qui nous manquent;, établir d’innombrables éeoles de mœurs républicaines, qui sont encore en projet. « Ces idées, vraies ou fausses, me retenaient encore pour quelque temps dans une place où je croyais faire quelque bien en défanatisant les prêtres et en préparant graduellement le peuple à une révolution dans son culte, qui devait un jour lui faire substituer à l’aveugle croyance des dogmes incompréhensibles, le culte intérieur de l’Etre suprême; religion seule digne d’un homme libre qui fait usage de sa raison. « Pendant que je calculais, en observateur politique, ce qui me restait de temps à passer dans l’épiscopat, pour n’avoir en l’abdiquant ni le tort réel ni l’odieuse apparence de la défec¬ tion envers la patrie en danger, l’esprit public a fait tout à coup des progrès rapides qui m’ont étonné. Des prêtres-citoyens se sont dépouillés en grand nombre de la prêtrise, avec cet em¬ pressement si naturel à des hommes qui quittent un état abhorré. Des communes entières élevées tout à coup comme par enchantement à la hau¬ teur d’une philosophie éminente ont paru re¬ noncer à tout culte extérieur ; et, ce qui est décisif, l’évêque de Paris et ses vicaires, accom¬ pagnés à la barre de la Convention des auto¬ rités constituées de cette cité, ont fait une abjuration solennelle du sacerdoce, que les repré¬ sentants du peuple ont couverte d’applaudisse¬ ments et honorée de leur sanction. « Après cet exemple imposant, pourrais-je encore douter que le moment soit venu de re¬ noncer au caractère de prêtre, dont la tache odieuse ne peut être effacée par le patriotisme le plus fervent et le plus pur? Certes il me suffit que la Convention compte une telle abjuration au nombre des actes vraiment civiques, et dont l’heure est sonnée, pour que je ne diffère plus un instant de faire la mienne entre vos mains, citoyens administrateurs, et de vous en deman¬ der acte. « Ma confiance sans bornes dans la sagesse des représentants du peuple, ne me permet d’au¬ tre crainte pour l’avenir, que celle de ne pas voir de tels exemples se multiplier assez, ni d’autre regret que celui de n’avoir pas donné le premier exemple. « Moi qui ai toujours couru en avant de la Révolution, pourrais-je aujourd’hui me traîner après elle? Iles motifs d'intérêt pourraient-ils m'arrêter un instant f (1). Non, non, cette infa¬ mie n’approchera jamais de mon âme. J’ai dans ma philosophie un grand patrimoine. Je serai assez riche, et ma vieillesse sera assez heureuse si elle me laisse la force et la santé pour être dans mon pays un des instituteurs primaires. (I) La phrase en italique manque dans l’im¬ primé, elle a été rétablie à la main en marge; c’est celle dont il est fait mention dans la lettre de Torné du 26 brumaire. 528 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J® *>™maire an II « Je dirai à mes élèves : « Votre paradis, c’est « la République; l’état de servitude est l’enfer « de l’homme pénétré de sa dignité; les vrais