[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 décembre 1789.] g()3 projet de décret du comité domanial, de s’exprimer trop vaguement dans le premier article proposé. Il met tous les bois indistinctement sous la sauvegarde de la nation; et, d’après les nouvelles idées dont le peuple est imbu, on pourrait bien ne pas distinguer assez les bois qui sont la propriété des particuliers, de ceux qui sont à la disposition de la nation. Je demande une distinction qui lève toute équivoque M. Prieur. Je demande que, suivant l’ordonnance, les pauvres soient autorisés à continuer de ramasser le bois mort. La discussion est fermée sur le fond du décret. On délibère article par article. M. le due de la Rochefoucauld demande qu’il y ait dans le décret une disposition particulière pour les arbres qui bordent les routes. M. Hutteau. Les peines prononcées par l’ordonnance de 1669 ne sont pas assez sévères pour intimider les délinquants. On coupe un chêne de huit pieds de tour ; on en est quitte pour 8 francs d’amende . Je demande s’il existe aucune proportion entre la peine pécuniaire prononcée en 1669 et Je délit. La valeur relative de cette somme a considérablement diminué; il faut augmenter la quotité de l’amende. M. Lepelletier de Saint-Fargeau. Il s’en faut de beaucoup que je convienne avec le préo-pinanl que le code pénal des eaux et forêts soit trop doux. Il a toujours paru tellement sévère aux tribunaux, qu’ils n’en ont jamais éxécuté les dispositions à la rigueur. L’amendement de M. Hutteau doit être rejeté. M. le comte de Mirabeau. J’observerai à l’Assemblée que l’on demande avec beaucoup de justesse, autour de moi, si nous voulons commencer la réforme du code pénal par les balivaux. Je remarquerai cependant qu’il n’est point de code où les peines soient plus disproportionnées au délit que celui des eaux et forêts. Un cerisier qui ne vaut pas 5 sous peut coûter mille écus à celui qui le coupe. (Un côté de la salle paraît im-prouver M. de Mirabeau.) Ce n’est pas une épi-gramme que je fais; je ne suis pas accoutumé à en mettre en délibération; que chacun en dise autant. En un mot, ce n’est pas ici le moment de réformer le code pénal. M. Dupont (de Bigore) s’oppose à ce que la perquisition soit permise. M. Bouche admet la perquisition pourvu qu’elle soit faite en présence d’un officier municipal. M. le Président met enfin aux voix le projet du comité des domaines qui, après avoir subi quelques amendements, est adopté ainsi qu’il suit ; DÉCRET. « L’Assemblée nationale, considérant qu’il importe non-seulement à l’Etat, mais à tous les habitants du royaume, de veiller à la conservation, et de maintenir le respect dû à toutes les propriétés, et notamment à celle des bois, objet de premier besoin ; avertie par l’administration des eaux et forêts des délits multipliés qui se commettent jour et nuit par des particuliers, et même avec armes, et par attroupement, soit dans les forêts royales, soit dans les bois des ecclésiastiques, des communautés d’habitants, et de tous particuliers du royaume, ainsi que sur les arbres plantés sur les bords des chemins; justement effrayée des suites funestes� que de tels délits doivent nécessairement entraîner pour la génération actuelle et pour celles à venir, par la disette des bois que des siècles peuvent à peine régénérer; a décrété et décrète, « 1° Que lesdites forêts, bois et arbres sont mis sous la sauvegarde de la nation, de la loi, du Roi, des tribunaux, des assemblées administratives, municipalités, communnes et gardes nationales, que l’Assemblée déclare expressément conservateurs desdits objets, sans préjudice des titres, droits et usages des communautés et des particuliers, ainsi que des dispositions des ordonnances sur le fait des eaux et forêts. « 2° Défend à toutes communautés d’habitants sous prétexte de droit de propriété, d’usurpation, et de tout autre quelconque, de se mettre en possession par voie de lait d’aucun des bois, pâturages, terres vagues et vaines, dont elles n’auraient point eu la possession réelle au 4 août dernier, sauf auxdites communautés à se pourvoir par les voies de droit, contre les usurpations dont elles croiraient avoir droit de se plaindre. « 3° Décrète que toutes coupes, dégâts, vols et délits, commis dans lesdits bois, forêts, sur les arbres des chemins et lieux publics, dans les plantations et pépinières, seront poursuivis contre les prévenus, et punis sur les coupables des peines portées par l’ordonnance des eaux et forêts, et autres lois du royaume. « 4° Défend à toutes personnes le débit, la vente et l’achat en fraude des bois coupés eD délit, sous peine, contre les vendeurs et acheteurs frauduleux, d’être poursuivis selon la rigueur des ordonnances; décrète que par les gardes des bois, maréchaussées et huissiers sur ce requis, la saisie desdits bois coupés en délit, soit faite; mais la perquisition desdits bois ne pourra l’être qu’en présence d’un officier municipal, qui ne pourra s’v refuser. "5° Enjoint au ministère public de poursuivre les délits; autorise en conséquence les maîtrises des eaux et forêts, et tous autres juges, à se faire prêter main-forte pour l’exécution de leurs ordonnances, jugements et saisies, par les municipalités, gardes nationales, et autres troupes, pour arrêter, désarmer, et repousser les délinquants dans lesdites forêts et bois, à peine, en cas de refus desdites municipalités requises, d’en répondre en leur propre et privé nom. « 6° Autorise tous lesdits juges et municipalités à faire constituer prisonniers tous ceux qui seront trouvés en flagrant délit, tant de jour que de nuit. « Décrète enfin que le présent décret sera présenté inscessamment à la sanction du Roi, et qu’il sera supplié de donner les ordres les plus prompts pour son exécution dans toute l’étendue du royaume; qu’à cet effet, il sera envoyé dans tous les tribunaux ordinaires, maîtrises des eaux et forêts et municipalités, et qu’il sera lu au prône de toutes les paroisses, publié et affiché dans toute l’étendue du royaume, notamment dans les lieux qui avoisinent lesdites forêts et bois. M. Uénart, député suppléant du bailliage de Péronne , dont les pouvoirs ont été vérifiés, est 504 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 décembre 1789.] admis en remplacement de M. de Bussy, démissionnaire. M. de Boisgelin, archevêque d'Aix, demande à s’absenter pendant quinze jours pour affaire de famille. L’Assemblée y consent. La communauté de Montigny-les-Cherlieu , offre en don patriotique, une somme 20,000 livres, sur le produit d’une futaie de 60,000 livres dont elle a depuis longtemps demandé la vente au conseil. M. le Président dit que les dames, femmes d'artistes, qui avaient déposé le 25 novembre dernier sur l’autel de la patrie leur offrande de la valeur de 16,000 livres réclamaient l’inscription du tribut de leur dévouement dans les procès - verbaux de l’Assemblée. Un des commissaires chargés de la recette des dons patriotiques répond que les occupations multipliés de l’Assemblée l’ont empêché de lui en rendre compte et qu’il n’attend que le moment favorable pour réclamer, en faveur de ces dames, les justes éloges qui leur sont dus. M. Camus observe, que pour la satisfaction des personnes que le zèle et l’amour du bien public déterminent à des sacrifices, l’Assemblée avait ordonné que la liste des dons patriotiques serait exactement imprimée et rendue publique. L’imprimeur souvent forcé par des demandes particulières ou par l’impression de différents mémoires, a depuis longtemps suspendu celle des dons patriotiques; en conséquence, l’honorable membre fait la motion de nommer deux commissaires, pour s’assurer, par les précautions convenables, de l’exactitude du service de l’Assemblée. M. le Président ajoute que M. Baudoin, l’imprimeur, sollicite lui-même, depuis longtemps, cette surveillance. La motion mise aux voix est adoptée. Le rapport à faire par le comité des finances sur la ferme en Bretagne est renvoyé à demain à l’ordre du jour de deux heures. M. Ratier de Montguion, député de Sain-tonge, fait une motion sur la forme de répartition des impôts des privilégiés pour les six derniers mois de 1789 et pour l’année 1790. Votre intention est que les sommes qui proviendront de ces impositions tournent à la décharge de tous les contribuables et non du Trésor public, vons en disposerez de la même manière que vous avez disposé de celles qui proviendront de l’imposition pour les 6 derniers mois de 1789 et vous ordonnerez qu’elles seront réparties en moins imposé sur tous les contribuables de la province ou plutôt de chaque département. Cette opération simple, claire et naturelle, lève toutes les difficultés et fait que les privilégiés seront imposés pour 1790, de la même manière que pour les 6 derniers mois de 1789. L’opération de 1789 sera la base de celle à faire pour 1790, qui consistera simplement à doubler, pour 1790, la contribution à payer pour 1789. Cette nouvelle disposition facilitera la confection des rôles. Les sommes imposées pourront se lever sans délai et sans réclamation. Les malheureux jouiront de l’espoir des remises qui leur seront faites par la répartition en moins imposé et cette répartition sera un de plus grands travaux des assemblées administratives que vous allez organiser. Je propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale considérant que l’article 4 de son décret du 26 septembre contient des dispositions dont l’exécution entraînerait de grandes difficultés, consumerait un temps précieux et nécessiterait des délais incompatibles avec la situation critique des finances. « Décrète : « 1° Que en interprétant l’article 4 de son décret du 26 septembre, les ci-devant privilégiés seront imposés pour 1790, dans la même somme et les mêmes proportions que celles prescrites pour les 6 derniers mois de 1789, par l’article 2 dudit décret et par son décret du 28 novembre; « 2° Que les sommes qui proviendront desdites impositions seront réparties en moins imposé sur tous les contribuables de chaque département, de même que celles qui proviendront, des impositions pour les 6 derniers mois de 1789. « Cette motion est renvoyée au comité des finances. La séance est levée. ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 11 décembre 1789. Dénonciation de crime de lese-peuple ou lèse-nation à Nos seigneurs de l’Assemblée nationale et mémoire pour la ville de Bellême au Perche (1); contre les sieurs JulLIEN, intendant d'Alençon , et Bayard-La-VingïRIE , son subdélégué à Bellême (2), par Thoumin, député suppléant du Perche. Si quis Rex, si qua natio fecisset aliquid, in eivem Romanum, ejusmodi, non ne publicè vindicaremus ? Non bello persequeremur ? Num ergo tibi ullam, salutem ullum perfugium putern ? Cicero in Verrem. Si un Roi, si une nation étrangère eût commis un attentat de cette espèce en la personne d’un citoyen ; s’il eût ordonné à ses archers de frapper, de tirer sur des Romains, est-ee que nous n’en demanderions pas une vengeance éclatante? Est-ce que nous ne lui déclarerions pas la guerre ? Puis-je donc croire que vous, qui avez donné un tel ordre, échappiez à la peine, et trouviez un seul coin de terre où vous réfugier ? Cicéron contre Verrrs. C’est pendant que l’auguste Assemblée de la nation est constamment et imperturbablement occupée à détruire les abus, à régénérer le royaume, à recréer, pour ainsi dire, l'homme, pour le rendre à la nature, à lui-même et au bonheur, qu’on voit encore un intendant et un (lj Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Depuis longtemps cette affaire, dénoncée au comité des rapports, eût été référée à l’Assemblée nationale, si le sieur la Vingtrie n’eût intéressé plusieurs médiateurs, et n’eût encore tout récemment reçu avec transport la trop généreuse disposition du représentant de la ville de Bellême, à s’en remettre à la prudence, sagesse et impartialité de M. le comte de P... membre de l’Assemblée nationale, pour aviser aux moyens d’assurer aux habitants de Bellême l’exécution de la promesse verbale, tant de fois donnée par l’accusé, de ne jamais retourner au Perche, et de lui procurer en même temps le loisir d’aller finir sa carrière sous un ciel étranger, sans que la publicité de l'indignation d’une ville entière