[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 août 1791-] 183 en se retirant, assuré la tranquillité de notre délibération. M. Ooiipilleàa. On peut aller de suite au* voix sur cette motion très simple : « Tout membre de l’Assemblée qui protestera contre les décrets Sera déchu de ses fonctions de député ». M. de Montlosier. En ce cas, nous n’avons qu’à sortir dès ce moment. M. Malouet. j’appuie la motion de M. Gou-, pilleau. 11 est très important que l’Assemblée s’occupe enfin de l’examen de la question des protesta'ions et qu’elle fasse connaître, par sa décision, la différence qu’il y a entre protester de désobéissance aux lois et déclarer les motifs que l’on peut avoir de ne pas approuver une loi. (Murmures.) M. Lègrttnd, rapporteur. J’observe à l’Assemblée qué le projet de décret que je viens dé lui lire rie contient que lës dispositions relatives au* départements du NoiM et du Pas-de-Calais ; si l’Assemblée le trouve bon, je lui demande, avant qu’on n’accordé la parole, de me permettre de lui lire notre Second projet de décret qui contient les mesures générales applicables à tous les départements. (L’Assemblée consultée décrète que le rapport sera continué.) M; Legrand, rapporteur. Messieurs, voici les mesures générales, que vous présentent vos comités , pour les autres départements du royaume. « Art. 1er. Tous les évêques dont les sièges ont été supprimés ou qui ont été remplacés en exécution de la loi du 26 décembre defnier, tous les ci-devant grands-vicaires qui n’ont pas prêté le serment, tous les fonctionnaires publics ecclésiastiques� séculiers ou réguliers qui ont été remplacés à défaut de ladite prestation, seront tenus provisoirement, savoir: « Lesdits évêques et leurs grands-vicaires de se retirer à dix lieues au moins de la circonscription de leur ancien diocèse respectif; « Èt les ci-devant fonctionnaires publics à la même distance de dix lieues de leur ancienne paroisse, et ce, dans le délai de huitaine, à compter du jour de la publication dd présent décret. « Art. 2; Les ci-devaht chanoines des cathédrales et des collégiales, les ci-devant religieux qui ont renoncé à la vie commune seront tenus, dans le même délai, de se retirer à là même distance de dix lieues des paroisses où étaient situés leurs chapitres ou du lbu de leur dernière habitation (Murmures.), à moins qu’ils n’aient prêté le serment prescrit par la loi, dans ie même délai de huitaine, à compter du jour de la publication du présent décret. « Art. 3. C'iix desdits religieux qui ont préféré la vie commune seront tenus, dans le même délai, de se retirer dans les maisons qui leur ont été ou qui leur seront assignées par les directoires de département. « Art. 4. Tous les ecclésiastiques désignés aux articles précédents qui ne se conformeraient pas aux dispositions y contenues ou qui y contreviendraient par la suite pourront être mis en état d’arrestation , . . ( Murmures à Argile.) — 4 gauche : Oui! qui! ), et privés pour toujours de leur traitement par ie seul fait de leur désobéissance à la loi. « Art. 5. Les évêques diocésains pourvoiront* dans leurs diocèses respectifs, par des desservants provisoires, au rem placement, de ceux qui n’ont pas encore été remjfiacés; et dans la Huitaine de la signification qui leur sera faite aë la nomination des desservants, lesdits fonctionnaires ecclésiastiques non assermentés, seront tenus sousjes mêrries peines d’exécuter les dispositions portées aux articles précédents. « Art. 6. Nul ecclésiastique qui ne serait pas attaché en qualité de fonctionnaire à une église paroissiale ne pourra y dirje la messe, aux heures et pendant que les offices divins y seront célébrés par les fonctionnaires attachés à ladite église. « Art. 7. Sont exceptés des dispositions du présent décret, les septuagénaires, dans le cas Où il n’y aurait aucune plainte contre eux. Il pourra également être sursis à son exécution par le directoire du département, à l’égard des malâdes ou infirmes pendant le temps qui sera nécessaire pour leur rétablissements « Art. 8. Les directoires de département pourront aussi sufsëoir, S’ils le jUgëiit cdhveudble, à son exécution, relativement au* ecclésidsliqüéë non assermentés, lorsque lësditS ecclêsiastiqiles présenteront une délibération prise à la majorité des deux tiers des voix, au Ulëihs, du etinsëii général dé la commune dë leur domicile, poiTaUt quë leur présence dans le liëU de ledi ddmiellé âdtuel n’y à occasionné aüctifl trOübië, et fid’ils së sont toujours conduits en ciloyëhs paisibles et Sdüniis aux lois, et que l’avis du directoire de leur district sera conformé à ladite dëlibërâtibfl. « Art. fi. L’Àssemblêë natfohdlë n’entend pal préjudicier par ce présent décret â celui qü’ellë à rendu pour le département du Ëàs-Rhiîi, ainsi qu’à celui dé ce jctir pour lës départements, du Nord et du Pas-dë-UalaiS qui continiiëfdiit d’êtfe exécutés dahi ces detix dêjjàl'temetilS Suivant leur forme et tenetii. « Art. 10. Il est enjoint à toptes les municipalités d’empêcher qu'il ne so t commis aucune insulte, aucun mauvais traitement nj violence envers les ecclésiastiques compris au décret, soit lors de sa publication, soit lors de leur retraite. Il leur est aussi enjoint, ainsi qu’aux corps administratifs et aux fonctionnaires publics, sous leur responsabilité respective, de tenir la main à l’exécution du préSérit dëbëet; M.Iïëghùud (de SdlÜt-Jeaiï-d11 Ançjélÿ) , dëlîiânde l’ajournement. M. itéiHitfëad derridtide Id tjtieêtiofi préalable sur le projet du comité. M. Ce Chapelier. La gravité des circonstances dans divers départements; ie trouble qu’y, ont apporté des prêtres factieux , a nécessité un projet de loi, et certes il est nécessaire de prévoir, bar des lois, les moyens de les punir; mais ce n’est pas, à monavis,età celui de beaucoup d’autres, par une loi qui comprendra l'innocent avec le coupable (Applaudissements.), que Toit doit pro*- céder; ce n’est pas par une déportation générale de tous ceux qui ont porté i’babit ecclésiastique et monastique, et qui n’ont pas piété tin Serment qui n’a jamais été prescrit qu’aux fonctionnaires publics et qui n’a emporté d’autre peine que de n’être pas attaché à Ja fonction publique déférée par la loi ; ce n’est pas par d s lois pareilles que le législateur peut agir • il doit faire des loisj mais c’est aux tribunaux de les appliquer. 184 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. U août 1791.] Un membre à l’extrême gauche : C’est un aristocrate ! M. E-e Chapelier. Je demande donc le renvoi de ce projet tout à fait contraire aux principes de l’Assemblée , et qui serait trop condamné par la lecture très prochaine de la superbe Constitution que vous avez décrétée. J’en demande le renvoi aux comités pour qu’ils nous proposent, non des jugements, mais des dispositions législa-ives qui puissent être appliquées par les tribunaux, suivant les formes légales, à ceux qui auront encouru des peines. ( Applaudissements .) Je demande donc que, sous le plus court délai, les comités nous rapportent une loi dans les formes. On propose de joindre le comité de Constitution... M. Ooupilleau. Et de jurisprudence criminelle. M. Ce Chapelier. Je le veux bien, et j’adopte. M. le Président. Si l’Assemblée veut délibérer sur la proposition de M. Le Chapelier, je vais la mettre aux voix. M. Diilon. Je propose que le comité ecclésiastique soit renouvelé au scrutin et que les prêtres en soient nominativement exclus. ( Murmures violents.) J’ai entendu de ses membres prêcher la révolte publiquement. M. le Président. Monsieur Diilon, je ne vous ai pas donné la parole, et je vous prie de vous tenir en silence. Je mets aux voix la proposition de M. Le Chapelier qui est le renvoi aux comités de Constitution, des rapports, des recherches, ecclésiastique et de jurisprudence criminelle, des dispositions proposées par M. Legrand. (Ce renvoi est mis aux voix et décrété.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de ce soir et de celle de demain. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DUPONT (DE NEMOURS), EX-PRÉSIDENT. Séance du jeudi 4 août 1791, au soir(l). La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 31 juillet 1791, qui est adopté. M. Père* de Lagesse fait lecture d’une adresse des administrateurs composant le directoire du département de la Haute-Garonne. Cette adresse est ainsi conçue : « Messieurs, « Les sentiments que nous font éprouver votre courage et votre sagesse, dans un moment qui décide du sort de la patrie, sont au-dessus de toute expression; c’est dans les circonstances les plus difficiles que vous avez toujours déployé cette force, cette grandeur, cette élévation qui commandent l’admiration, même à vos plus injustes détracteurs. Dans celle-ci, vous vous êtes élevé au-dessus même de l’humanité. Vous avez arrêté votre propre puissance au moment où elle pouvait devenir formidable et anéantir la liberté. « Vous avez résisté à ces clameurs qui n’usurpent que trop souvent les droits de l’opinion publique, et qui, sans votre fermeté, entraîneraient cet Empire dans sa chute; le pouvoir souverain, délégué par le peuple, était sans frein ; il pouvait élever sur les débris du trône et d’une Constitution sage une aristocratie terrible ; vous avez donné au monde le premier exemple d’hommes qui, portés au faite du pouvoir par les circonstances, savent se prescrire eux-mêmes des bornes, et n’en faire usage que pour le bonheur public. Rome, étonnée du pouvoir qu’elle avait confié à ses décemvirs, perdit sa liberté. La France, étonnée de votre sagesse, conservera la sienne, et vous la devra deux fois. « Vous avez rempli votre mandat en constituant un gouvernement monarchique, gouvernement dont les principes ont été ignorés des peuples anciens, qui seul peut altier la liberté avec l’ordre, la tranquillité et la paix avec le commerce, l’industrie, les arts, les progrès delà civilisation et les vices qui en sont la suile, avec l’union des hommes en grandes sociétés, enfin avec la force et la puissance d’une nation, eu égard aux sociétés étrangères. Mais c’est surtout dans ce moment critique que vous avez bien mérité de la patrie, en conservant cette forme de gouvernement que vous avez établie, en opposant aux cris des factieux cette inébranlable fermeté qui vous a fait triompher de tant de dangers et de tant d'ennemis dont vous avez été sans cesse environnés pendant deux ans. « Jamais la Constitution et la liberté n’eurent de plus redoutables ennemis que ceux qui égarent le peuple, en le portant à l’amour du pouvoir, pour s’en emparer en son nom ; qui, sous le prétexte d’une liberté plus étendue, cherchent à détruire la forme de gouvernement que vos sages lois ont établie : ils mettraient l’Empire aux mains des intrigants et des factieux, toutes les convulsions de l’anarchie à la place de l’ordre et de la liberté. Les républiques grecques perdirent leurs libertés, aussitôt qu’elles perdirentcette sévérité de mœurs qui ne peut se trouver que dans des sociétés naissantes, et qui tiennent, pour ainsi dire, à la barbarie des premiers siècles. La chute de Ro me commença presque aussitôt que cette République étendit son empire au delà des portes de la ville. « Vous avez conservé la monarchie et sauvé la France deux fois, en décrétant l’inviolabilité du monarque et en maintenant ce décret dans toute son intégrité. « La royauté est une magistrature. Elle appartient à la nation avec toute son étendue et ses prérogatives. C’est un attentat national de la détruire ou de la détériorer. Elle est propre à resserrer le gouvernement, à lui donner la force et l’unité d’action, sans lesquelles un vaste empire ne peut subsister. Elle est propre à contenir, dans ses justes bornes, l’action du pouvoir législatif, qui, sans ce frein, deviendrait nécessairement tyrannique; et, sous ce rapport, la royauté est le seul garant de la liberté contre ses repré-(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.