344 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ? 6 nivôse an II 1 26 décembre -1793 Art 1er. De la loi du 5 brumaire. « Est réputée non écrite toute clause impéra¬ tive ou prohibitive insérée dans les actes passés, même avant le décret du 5 septembre 1791, lorsqu’elle est contraire aux lois et aux mœurs, lorsqu’elle porte atteinte à la liberté religieuse du donataire, de l’héritier ou du légataire; lors¬ qu’elle gêne la liberté qu’il a, soit de se marier ou de se remarier, même avec des personnes désignées; soit d’embrasser tel état, emploi ou profession; ou lorsqu’elle tend à le détourner de remplir les devoirs imposés et d’exercer les fonc¬ tions déférées par les lois aux citoyens. » Cet article n’a donné lieu à aucune observa¬ tion qui puisse y apporter des changements. Art. 2. « Les avantages stipulés entre les époux en¬ core existants, soit par leur contrat de mariage, soit par des actes postérieurs, ou qui se trouve¬ raient établis dans certains lieux par les cou¬ tumes, statuts ou usages, auront leur plein et entier effet; néanmoins, s’il y a des enfants de leur union, ces avantages, au cas qu’ils con¬ sistent en simple puissance, ne pourront s’élever au delà de moitié du revenu des biens délaissés par l’époux décédé; et s’ils consistent en des dispositions de propriété, soit mobilière, soit immobilière, ils seront restreints à l’usufruit des choses qui en sont l’objet, sans qu’ils puissent jamais excéder la moitié du revenu de la tota¬ lité des biens. » Ces mots, encore existants, qui se trouvent au commencement de eet article, et qui semblent retirer indistinctement à tout conjoint dont l’époux était décédé à l’époque de la loi, l’effet des avantages stipulés et recueillis avant et depuis le 4 juillet 1789, ont donné lieu à de vives réclamations; et c’est un point sur lequel il faut se fixer. Loin d’abord que les nouveaux principes aient diminué la faveur des avantages stipulés entre époux, ils l’ont même étendue; les anciennes coutumes y avaient apporté des limitations que la morale publique a fait écarter lors de la dis¬ cussion du Code civil. Nombre de voix s’élevèrent alors pour célé¬ brer cette heureuse influence qui, alimentée même par l’espoir des libéralités respectives, resserrerait les nœuds du mariage, et améliore¬ rait ainsi le principal état de l’homme en société. Ce principe alors consacré, n’est-il pas con¬ firmé encore par la loi que nous discutons, pour les époux en général? Votre comité, qui, lors de la présentation de son projet, était loin d’adopter le système indé¬ fini des libéralités entre époux, mais qui a dû s’incliner devant la volonté constante de la Con¬ vention nationale, doit aussi aujourd’hui faire accorder ce système avec la loi du 5 brumaire. Eh bien ! si cette loi avait voulu frapper le conjoint que le sort aurait privé de son époux, votre comité demanderait pourquoi cette res¬ triction. D’abord, s’il s’agit d’avantages recueillis avant le 14 juillet 1789, il ne paraît pas que la loi doive ni veuille réfléchir sur ce qui appar¬ tient à ces époques reculées. S’il est simplement question des avantages entre époux, recueillis depuis le 14 juillet 1789, pourquoi se perdraient-ils? Serait-ce par l’effet du droit nouveau? Mais ce droit nouveau ne fait qu’étendre la faculté, au lieu de la restreindre. Serait-ce par l’effet du droit ancien? Mais on suppose que l’avantage était alors légitimement conféré. Pressé par cette objection, à laquelle il n’y a rien, absolument rien à répondre, votre comité a considéré comme un de ses devoirs de faire disparaître une ambiguïté qui, aux yeux de plu¬ sieurs, pourrait être prise pour une inconsé¬ quence. Plaçons-nous en effet à toutes les époques, et comme toutes sont favorables au système des dispositions entre époux, pouvons-nous ne pas maintenir leur effet? Seulement, et dans le cas où il y aurait des enfants, la propriété, même irrévocablement conférée, si elle n’a été recueillie que depuis 1789, devra être convertie en usufruit qui ne pourra excéder la moitié : c’est condition commune, c’est d’ailleurs le vœu absolu de la nature; et comme notre législation nouvelle est impérative sur ce point, on peut y ramener le pacte ancien qui n’y serait pas conforme. Maintenant, citoyens, votre comité vous doit compte d’une objection principale qui se trouve, dans un assez grand nombre de pétitions, dirigées contre l’article que nous discutons, ou plutôt contre le système qui permet aux époux de s’avantager. 3 Beaucoup de citoyens y voient un moyen in¬ faillible et fréquent de détourner les successions de leur destination naturelle, à l’aide d’une union tardive qui remettra à une seule femme des biens que le sang assurait à une famille entière. Ceci devient la critique du système, et votre comité n’a pas dû s’y arrêter, lorsque vous l’avez consacré vous-mêmes. Il n’y a pas de bonnes lois dont on ne puisse abuser; vous avez vu dans l’état du mariage la source des félicités domestiques, vous avez craint de l’altérer par des entraves : la loi est faite, il faut bien que votre comité s’y conforme. En revenant à l’objet particulier de la discus¬ sion actuelle, il n’y a vu que là matière d’une explication devenue nécessaire, c’est l’esprit de la loi qu’il faut rendre clair et sensible à tous. Quand vous inscrivîtes dans la loi ces mots encore existants, vous le fîtes, non pour renverser les avantages qui auraient été légalement con¬ férés à un conjoint dont l’époux serait décédé depuis cinq ans, dix ans au plus, mais dans l’unique vue de ne point frapper de tels actes des modifications que vous introduisiez par votre article 2, dans le cas où ils ne les compor¬ teraient point. Eh bien ! cette insertion, faite en faveur des dispositions que le temps rendait inattaquables, a été autrement interprétée ; et du silence gardé sur le maintien de ces dispositions, on a induit qu’elles étaient annulées. C’est une équivoque à faire cesser. L’article 2 est bon et peut subsister ; mais un article exprès doit contenir les explications dont la nécessité vient d’être démontrée. Cet article sera proposé dans la suite. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \ J nivôse an II 345 L J (26 décembre 1793 Art. 3. De la loi du 5 brumaire. « La même disposition aura lieu à l’égard des institutions, dons ou legs faits dans des actes de dernière volonté, par un mari à sa femme, ou par une femme à, son mari, dont les succes¬ sions sont ouvertes depuis la promulgation de la loi du 7 mars dernier. » Il y a encore ici une équivoque à faire dispa¬ raître. Quelques doutes s’étaient élevés sur la vali¬ dité des dispositions entre époux, depuis la loi du 7 mars, qui défendait de tester en ligne di¬ recte. C’est pour les faire cesser que l’on avait créé un article dont l’intention était de valider ce qui avait été fait entre époux, même depuis la loi du 7 mars. Eh bien ! c’est l’omission de ce seul mot même qui a donné lieu d’élever des doutes sur la vali¬ dité des actes antérieurs; preuve trop vraie de l’extrême attention que l’on doit apporter dans la rédaction des lois. On a cru que l’article était limitatif, comme s’il eût pu venir à l’idée d’accorder plus de faveur aux dispositions dont l’effet était pos¬ térieur à la loi qui défendait de tester en ligne directe, qu’à celles qui avaient précédé cette loi prohibitive. Certes, si cette loi pouvait être ici rappelée, c’était surtout pour lui imprimer son effet, et non pour l’éteindre à dater précisément du jour où elle avait été rendue. Au reste, il n’a pas échappé à votre comité, et sans doute il ne vous échappera pas à vous-mêmes, que toute base prise dans cette loi du 7 mars, pour le fait que nous discutons, ne pouvait être que fausse et étrangère. Dans une discussion peu approfondie, l’on a cru apercevoir que l’époux qui aurait disposé, ou dont la succession se serait ouverte depuis le 7 mars, aurait contrevenu à la loi; ce qui, d’abord, ne pouvait s’appliquer qu’à l’époux père de famille, puisque la prohibition de tester n’était qu’en faveur de la ligne directe. Mais la fausseté de l’application en général se fait ici bien mieux sentir par les lois propres à la matière. La loi du 7 mars ne veut pas qu’un père de famille teste en faveur d’un de ses enfants, d’un collatéral, d’un étranger, etc... soit. Mais que faut -il dire de la disposition que ce père de famille ferait en faveur de sa femme? Qu’elle sera valide, sauf la conversion en usufruit de moitié. Voilà de quelle manière, dans le cas particu¬ lier, une loi spéciale a décidé la question; c’est ainsi qu’elle a pourvu aux intérêts des enfants. En un mot, c’est un principe rappelé de l’article 2, et avec lequel on ne peut raisonna¬ blement amalgamer un autre principe qui de¬ vient ici incohérent. Mais pourquoi s’occuper plus particulière¬ ment ici des institutions, dons et legs, que des avantages conférés à un époux par d’autres actes? La raison de maintenir ou de restreindre est la même dans tous les cas. Et c’est ici qu’il convient de rapporter l’article dont on a, plus haut, fait sentir la nécessité. C’est là que les institutions, dons et legs, se confondant avec les autres avantages faits par une femme à son mari, ou par un mari à sa femme, subsisteront dans leur intégrité, sous la seule modification que s’ils n’ont été recueillis que postérieurement au 14 juillet 1789, et qu’il y ait des enfants, ils seront sujets à la conversion réglée par l’article 2. Votre comité vous propose donc l’article sui¬ vant, en remplacement de l’article 3 de la loi du 5 brumaire : Art. 3. Les avantages légalement stipulés entre époux dont l’un est décédé avant le 14 juil¬ let 1789, seront maintenus au profit du survi¬ vant. A l’égard de tous avantages échus et recueillis postérieurement, ou qui auront lieu à l’avenir, soit qu’ils résolvent des dispositions matrimo¬ niales, soit qu’ils proviennent d’institutions, dons entre-vifs ou legs faits par un mari à sa femme, ou par une femme à son mari, ils obtien¬ dront également leur effet, sauf, néanmoins, leur conversion en usufruit de moitié, dans le cas où il y aurait des enfants du mariage. Art. 4. De la loi du 5 brumaire. « Les ci-devant religieux et religieuses sont appelés à recueillir les successions qui leur sont échues, à compter du 14 juillet 1789. » Art. 5. « Les pensions attribuées par les décrets des représentants du peuple aux ci-devant religieux et religieuses, diminueront en proportion des revenus qui leur sont échus, ou qui leur écher¬ ront par succession. Les revenus sont évalués, pour cet effet, au denier 20 des capitaux. » Art. 6. « Les ci-devant religieux et religieuses qui ont émis leurs vœux avant l’âge requis par les lois, sont réintégrés dans tous leurs droits, tant pour le passé que pour l’avenir; ils peuvent les exercer comme s’ils n’avaient jamais été engagés dans les liens du régime monastique. Les actes de dernière volonté qu’ils auraient pu faire avant leur profession, sont anéantis. » Art. 7. « Lorsque les ci-devant religieux et religieuses viendront à succéder en vertu des articles 4 et 6 ci-dessus, concurremment avec d’autres co-hé¬ ritiers, les dots qui leur auront été fournies lors de leur profession, par ceux à qui ils succéderont, seront imputées sur leur portion héréditaire : les rentes ou pensions qui auront été constituées aux ci-devant religieux ou religieuses par ceux à qui ils succèdent, demeureront éteintes. » Ces divers articles ne renferment rien que de juste : des hommes que des institutions barbares avaient séquestrés du reste des humains, y sont rappelés à l’exercice de leurs droits naturels, 346 [Convention nationale.] depuis la grande époque qui prépara la fin de leur esclavage. Grâces en soient rendues à la Révolution ! Cependant, quelques réclamations se sont élevées contre cette partie de la loi. Des familles composées d’hommes utiles et laborieux vont se trouver dépouillées et forcées de remettre toute leur fortune à un célibataire souvent vieux, infirme, peu ami de la révolution, et dont l’existence, sous plus d’un rapport, sera bien moins précieuse à la société entière. C’est ainsi que toutes les lois présentent des inconvénients, mais il faut aussi en voir les avantages. L’individu sacrifié à l’ambition de ses parents et au désü' d’enrichir son frère, viendra partager avec lui un patrimoine qui, remis aux mains d’un seul, insultait à la nature, à la raison, et à l’intérêt social. Dans cette diversité de situations dont l’une afflige le législateur, lorsqu’il sourit à l’autre, quel doit être son guide! Celui que vous avez suivi, l’ordre naturel; et s’il blesse l’indigent, vous y pourvoirez par des règles particulières. Mais d’autres réclamations ici se font enten¬ dre : tel religieux a été avant 1789, exproprié de droit par l’émission de ses vœux; tel autre, en testant, s’en est formellement dépouillé, tou¬ jours avant la même époque. L’un et l’autre ajourd’hui voudraient que la loi les autorisât à reprendre ce qu’ils ont ainsi abandonné ou cédé, bien que d’autres en aient légalement été saisis avant le 14 juillet 1789. Répondons-leur, comme déjà plusieurs fois on leur a répondu, que les législateurs doivent principalement craindre de blesser l’harmonie sociale; que la loi jette un voile sur tout ce qui s’est passé avant la régénération politique des Français, et qu’au surplus, il a été pourvu à leur intérêt particulier par les pensions natio¬ nales qui leur sont payées. Ici même, et à l’égard de ces pensions, un mot devient nécessaire. C’est très justement, sans doute, qu’il a été décrété qu’elles diminueraient à proportion des successions que pourraient recueillir les religieux restitués à l’exercice de leurs droits, depuis le 14 juillet 1789. Mais qu’est-ce qui garantira les intérêts de la nation, et qui la mettra à même d’y veiller, si l’on n’indique point à ce sujet et des obliga¬ tions et des peines? Ceci a fait naître à votre comité l’idée d’une disposition pénale envers ceux qui ne déclareraient point ce qui pourrait leur échoir, et donner lieu à la retenue. Art. 8 (Ajouté). « Pour l’exécution des articles précédents, en ce qui concerne l’intérêt national, tous ci-devant religieux ou religieuses seront tenus d’inscrire dans les quittances qu’ils fourniront aux receveurs des districts, la déclaration qu’ils n’ont rien recueilli, ou qu’ils ont recueilli une succession dont ils énonceront la valeur. « A défaut d’exactitude dans leurs déclarations fis seront à l’avenir privés de leurs pensions, et condamnés au profit du trésor public, à une amende quadruple des sommes qu’ils auraient indûment perçues. L’agent national près le district de la résidence, sera tenu de faire toutes diligences à ce sujet. » C’en est sans doute assez pour les religieux. 6 nivôse an II 26 décembre 1793 Mais nous arrivons à la-question générale de l’invalidité des dispositions postérieures au 14 juillet 1789, et ce principe doit se trouver énoncé et consacré par un article qui bientôt servira de base à tous les autres. Art. 9. (Ajouté.) « Toutes dispositions entre-vifs faites depuis le 14 juillet 1789, et toutes institutions ou dis¬ positions à cause de mort, faites par des per¬ sonnes décédées depuis la même époque, sont nulles et de nul effet. « Les dispositions entre-vifs faites, ou à cause de mort déférées antérieurement, sont main¬ tenues. » Art. 10, qui est le huitième de la loi du 5 brumaire, avec quelques légers changements. « Néanmoins les enfants, descendants et collatéraux, ne pourront prendre part aux successions de leurs pères, mères, ascendants ou autres parents, sans rapporter les donations qui leur ont été faites par ceux-ci antérieurement au 14 juillet 1789, sans préjudice toutefois de l’ exécution des coutumes qui assujétissent les donations à rapport, même dans les cas où les donataires renoncent à la succession du donateur. « Le présent article sera observé nonobstant toutes dispenses de rapport faites dans les lieux où elles étaient autorisées. » Cet article est juste, sans doute, il ramène à l’égalité sans anéantir l'e pacte antérieur au 14 juillet 1789; il dit à l’homme qui fut gratifié avant cette époque : « Tu peux garder tes avantages ; mais si tu reviens à la succession, tu les y rapporteras. » Il n’y a rien là que de conforme à ce qui se pratiquait même autrefois. Mais il faut que cela s’opère, malgré toute stipulation ancienne qui eût dérogé au droit commun. Il faut aussi que cette disposition s’applique au collateral comme au descendant en ligne directe; il y a même raison quand l’un et l’autre viennent recueillir en vertu des droits du sang. Art. 1 1, qui est le neuvième de la loi du 5 brumaire. « Les successions des pères, mères, ou autres ascendants et des parents collatéraux, ouvertes depuis le 14 juillet 1789, et qui s’ouvriront à l’avenir, seront partagées également entre les enfants, descendants ou héritiers en ligne collatérale, nonobstant toutes lois, coutumes, usages, donations, testaments, et partages déjà faits; en conséquence, les enfants, descendants, ou héritiers en ligne collatérale, ne pourront même, en renonçant aux successions, se dis¬ penser de rapporter ce qu’ils auront eu à titre gratuit, par l’effet des donations que leur auront faites leurs ascendants ou leurs parents collatéraux, postérieurement au 14 juillet 1789. » Cet article ne contient rien que de conforme aux principes déjà développés, et sans doute il doit être maintenu. Mais isolé, il deviendrait insuffisant; voilà bien le partage égal décrété pour toutes les successions ouvertes depuis le 14 juillet 1789, mais de toutes parts on demande ce qu’il faut entendre par ce partage égal. C’est ici que se fait sentir la nécessité d’éta-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ [Convention nationale.] ARCHIVES. PARLEMENTAMES. | Si décembre 1793 347 blir au moins provisoirement, un ordre de succéder, qui rende la loi du 5 brumaire exécu¬ table. S’il restait simplement dit que le descendant ou le collatéral partagera également, cela ne préciserait rien pour les degrés ; et les six enfants d’un fils ou d’un frère prédécédé, venant à la succession de l’aïeul ou d’un oncle, pourraient chacun prétendre, comme descendant ou colla¬ téral, à une part égale à celle du parent du degré le plus prochain. Vous ne l’entendîtes jamais ainsi; et si le degré doit être pris en considération, c’est alors qu’il est nécessaire d’établir un ordre de suc¬ cessions, et un ordre tel que la nature ne soit pas perpétuellement blessée, comme elle l’était par certains statuts. Sans cela, et si, en écartant les dispositions de l’homme postérieures au 14 juillet 1789, les anciennes règles de partage pouvaient sub¬ sister encore, vous ne rendriez à la génération présente qu’une demi-justice. Dans cette conjoncture, qu’y a-t-il à faire? Il est fâcheux, sans doute, qu’il n’y ait pas sur ce point une loi générale définitivement adoptée ; mais puisqu’il faut un guide sans lequel il ne resterait qu’à renoncer à l’expcution de la loi, celui que votre comité vous proposera existe déjà, et déjà il a obtenu votre approbation : c’est le titre des successions, inscrit dans le projet du nouveau code civil. Votre comité sait qu’il est soumis à une révision, aussi ne vous propose-t-il pas de lui assurer force à l’avenir; mais il peut mériter la provision, et régir les successions ouvertes depuis le 14 juillet 1789, et celles qui s’ouvriront, jusqu’à ce qu’une loi meilleure ait prononcé sur cette importante matière. Il faut ici opter entre l’ajournement de l’exécution de la loi du 5 brumaire, ou l’adop¬ tion d’un mode général de succéder; autrement 500,000 familles vous accuseraient peut-être de leur avoir présenté un bienfait illusoire, et qui tournerait à leur ruine, en les engageant dans des procès dont nulle loi n’ offrirait la solu¬ tion. Ce qu’on ne peut dissimuler, citoyens, c’est que, dans cette matière, l’interrègne des lois est funeste, et qu’il y a loin encore de leur im¬ perfection à leur absence totale. Hâtons-nous donc de prendre un parti, il le faitt, et sans doute c’est votre volonté ! Eh bien ! adoptons, sans rien préjuger sur le travail de la Commission, les articles que vous aviez décrétés lors de la succession du code civil. Ils offrent déjà un grand pas de fait vers la vérité des principes, la nature et la raison. La distinction des propres ou anciens, sa source intarissable de difficultés, règle absurde et bien digne des siècles où les biens étaient comptés pour beaucoup plus que les rapports de la parenté, la distinction des propres s’y trouve abolie. Le privilège du double lieu qui excluait le frère consanguin ou utérin delà succession de son frère, si celui-ci avait des frères germains; cette insti¬ tution civile qui, en rendant étrangers les uns aux autres ceux que la nature avait unis, sem¬ blait n’avoir d’autre sollicitude que de reporter aux mains d’un seul un patrimoine dont la nature avait bien différemment marqué la distribution; le privilège du double lien y est effacé. Mais ce ne sont pas les seuls points dans les¬ quels le projet s’allie avec la morale et l’intérêt politique du peuple français. Autrefois, un grand nombre de coutumes barbares excluaient la représentation en colla¬ térale; ici l’enfant d’un frère décédé ne con¬ courait pas avec son oncle; là, le concours avait lieu dans ce degré, mais le petit-neveu ne pou¬ vait venir avec son grand oncle au partage de la succession d’un frère de ce dernier. Les nuances que les coutumes, à cet égard, offraient entre elles n’en pouvaient excuser aucune, toutes insultaient plus ou moins à la nature et à l’humanité. L’enfant privé de son père, de son aïeul, sortait-il donc de la famille? et sa qualité tou¬ chante d’orphelin pouvait-elle devenir pour lui un titre d’expropriation? La loi pouvait-elle ainsi frapper sans une injustice extrême celui qu’elle devait protéger davantage, puisque la nature l’avait privé de ses appuis? Cet abus, faiblement corrigé par l’article 16 de la loi du 5 brumaire, qui n’admet en colla¬ térale la représentation que jusqu’au degré de neveu, l’est bien mieux par le projet de code civil qui l’admet à l’infini. Ainsi, citoyens, se présente le nouveau système, et les avantages qu’il offre sont sensibles. t Ce serait, au reste, renfermer un rapport dans un autre rapport que d’entrer ici dans de plus longs détails sur ce point. Cette discussion a eu lieu dans son temps, et votre comité n’a d’autre proposition à vous faire que de donner force de loi à son résultat. Akt. proposé qui sera le 12. « Le partage ordonné par l’article précédent s’opérera selon les règles établies par les arti¬ cles 45 et suivants, jusques et y compris le 75e du titre 3 du livre deuxième du projet de code civil, auquel effet lesdits articles seront imprimés à la suite du présent décret, et auront force de loi, sans néanmoins rien préjuger à l’égard de la révision pour les cas futurs. » Art. proposé qui sera le 13. « Les mêmes règles seront observées à l’égard des ascendants, qui seront, en conséquence, tenus à rapporter, ou autorisés à revendiquer, d’après elles, toutes successions ouvertes depuis le 14 juillet 1789, nonobstant toutes dispositions contraires, soit de l’homme, soit de la loi, qui demeurent annulées. » Ce dernier article ne peut être considéré que comme un supplément à la loi du 5 brumaire, qui ne s’est nulle part occupée des cas où les ascendants étaient naturellement appelés à succéder. Il est bien vrai que l’ordre naturel n’est pas pour les ascendants, mais enfin cet ordre est quelquefois interverti; il est aussi bien vrai que, selon notre nouvelle législation, ils ne devront succéder qu’à défaut de tous descendants d’eux ; mais ce cas n’est pas sans exemples, même fréquents. Eh bien ! que deviendront à leur égard les dispositions postérieures au 14 juillet 1789, qui auraient blessé leurs droits de suecessibilité? Quel sera le sort des successions ouvertes depuis la même époque, et que certaines coutumes auront conférées, à leur préjudice, à des colla- 348 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { 2g décembre l" téraux très éloignés, non descendants d’eux? Ici, citoyens, la loi doit être égale; les droits de la nature sont pour tous, et ce sont ces droits naturels qui, restitués à tous les hommes depuis le 14 juillet 1789 font la hase de notre travail. Une seule observation peut être proposée contre cet article, c’est que lorsqu’il confère à Fascendant, il retirera souvent à plusieurs ce qu’il voudra donner à un seul. Si cet argument était solide, ce n’est pas une simple loi de circonstance, c’est la loi constante et pérenne du gouvernement qui devrait fermer à l’ascendant la voie de succéder. Mais que l’on ne s’alarme pas; ce qui repose pendant quelques jours sur la tête de l’ascendant, rentre peu après dans le sein de la grande fa¬ mille, et l’ordre social n’est point ici l’ennemi de la nature. Les bienfaits de la Révolution et de la loi sont donc pour le père comme pour l’enfant, et Féternelle justice établit entre eux des devoirs réciproques qu’un peuple républicain saura toujours maintenir. Mais sous les rapports mêmes de la distri¬ bution des biens, cet article ne peut être qu’avantageux à la société; car si l’ascendant est rappelé au préjudice des collatéraux non descendants de lui, combien plus souvent, sans doute, sera-t-il dans le cas de remettre à ses descendants ce qu’il aura recueilli par droit de concours depuis le 14 juillet 1789, droit aboli à son égard par la législation nouvelle? Art. 10 de la loi du 5 brumaire, qui sera remplacé par le quatorzième de la présente loi. « Les donations et dispositions faites par contrat de mariage, en ligne collatérale, sont seules exceptées de l’article précédent. » (C’est-à-dire celui qui prescrit la nullité des dotations postérieures au 14 juillet 1789.) Cet article offre une première 'exception, et a donné lieu de demander que la donation aussi faite par contrat de mariage en ligne directe, depuis le 14 juiller 1789, fût maintenue lorsque le donataire s’en tient aux libéralités qu’elle renferme, et renonce à la succession. Ceux qui demandent cette extension ont-ils donc pensé qu’il y eût parité? Les lois de Solon proscrivaient les dispositions dans la ligne directe, quoiqu’elles les admissent dans la colla¬ térale. Nous sommes allés plus loin, il est vrai; notre législation a étendu la prohibition de tester, même à la ligne collatérale : mais du moins pour le passé, et lorsqu’il s’agit de l’effet rétroactif, les nuances tracées par la nature restent-elles ; et le législateur, calculant la portée de son ouvrage sur des actes consommés a-t-il pu dire : « Les donations par contrats de mariage ont toujours été considérées comme des actes très favorables ; si quelque chose l’était davantage, c’était le droit égal imprimé par la nature aux autres enfants du donateur. Eh bien ! qu’à l’égard de ■ceux-ci, de pareils actes, conclus depuis le 14 juillet 1789, s’anéantissent, mais qu’ils subsistent à l’égard de tous autres. » C’est sans doute ce que vous avez dit, lorsque vous avez décrété cet article, et votre comité est loin de contredire cette exception, mais la rédaction n’en est pas complète. Ce n’est pas ici un don pur et simple, que l’on puisse garder sans autre condition, car si le donataire est successible et prend part à la succession, il doit y rapporter les avantages qu’il a reçus. D’un autre côté, il n’est parlé que des dona¬ tions contractuelles, faites en ligne collatérale, et non de celles qui l’auraient été par d’autres que des parents; ce qui, évidemment, appar¬ tient à la même classe, quand le donateur est sans enfants, et n’a point ainsi blessé l’intérêt de la ligne directe. Votre comité vous propose donc la rédaction suivante : Art. 14, proposé au lieu du dixième de la loi du 5 brumaire. « Les donations et dispositions faites par contrats de mariage, depuis le 14 juillet 1789, par tous citoyens parents ou non parents des époux, pourvu que les donateurs fussent sans enfants, sont seules exceptées de la nullité prononcée par l’article 9 de la présente loi. » « Néanmoins, et dans le cas où le donataire serait successible, et prendrait part à la succes¬ sion du donateur, il ne le pourra qu’en rappor¬ tant lesdites donations à la masse. » Art. 15, qui est le onzième de la loi du 5 brumaire. « Les dispositions de l’article 10 ci-dessus ne font point obstacle pour l’avenir à la faculté de disposer du dixième de son bien, si on a des héritiers en ligne directe, ou du sixième si l’on n’a que des héritiers collatéraux, au profit d’autres que des personnes appelées par la loi au partage des successions. » Cet article est juste et bon en soi; mais il ne prévoit pas le cas très fréquent sans doute, où, soit le donateur,, soit le testateur serait décédé dans l’intervalle du 14 juillet 1789 au 5 bru¬ maire; car, alors, la réserve est illusoire et comme non écrite. Il faut s’expliquer sur ce point, et d’abord il ne s’agit pas ici de l’héritier naturel; car appelé par la loi, il ne peut recueillir que ce qu’elle lui donne, et la légère portion de patrimoine que la r loi rend disponible, ne l’est qu’en faveur de ceux qui ne sont pas aptes à succéder. C’est donc de l’étranger ou du parent non successible qu’il est ici question. Un tel donataire ou héritier institué retien-dra-t-il, en cas que le donataire soit décédé avant la loi, la portion dont elle permettait à celui-ci de disposer? Si votre comité s’est décidé pour l’affirmative, ce sont les principes éternels et sacrés de la rai¬ son qui lui ont semblé solliciter cette décision : plaçons-nous en effet, à la double époque qu’il faut ici comparer. Quand la donation fut faite, elle était avouée par la loi, et elle embrassait tout. Une loi plus conforme aux vues de la nature est survenue ensuite, qui a restreint la faculté de disposer de ses bien à une quotité fixe depuis un temps donné. Peut-on maintenant supposer que celui qui avait tout donné et qui est sorti de la vie avant la loi qui restreignait cette faculté, n’eût pas, s’il eût vécu davantage, disposé au moins de la portion que la nouvelle loi rend disponible? [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. décembre 1793 3 49 Et si, sans insulter à la raison, on ne peut se dispenser de reconnaître que le moins est com¬ pris dans le plus, la question n’est-elle pas dé¬ cidée? C’est donc la nouvelle loi générale qui doit ici nous régir, et, certes, si la condition des dona¬ taires peut être différente, la, raison démontre assez que ce n’est qu’en faveur de celui qui avait pour lui un titre positif, plus étendu et conforme à des règles qui n’étaient pas formellement abrogées. Cette réflexion, nulle pour le principe, ne le sera pas moins pour quelques exceptions, que vous jugerez peut-être convenable d’admettre. L’héritier étranger déchu ne conservera-t-il que la portion que la loi a déclarée disponible à l’avenir, soit qu’il ait des enfants, ou qu’il n’en ait pas? Votre comité sait que cette distinction n’existe point dans le code, mais il s’agit ici de dispositions échues qui auraient eu leur effet sans la loi par laquelle vous les avez frappées de nullité, et vous pouvez, sans doute, modifier votre ouvrage pour les cas passés. Eh bien ! des milliers de pères de famille se trouvent atteints par votre loi et réclament au moins un allègement. Votre comité a cru qu’il entrerait dans vos vues de leur accorder une protection plus spé¬ ciale, parce que c’est la société elle-même qui la réclame, et qu’après tout l’héritier naturel se trouvera toujours de condition bien meilleure qu’il n’eût été sans la loi. Sans doute, il ne s’agit plus ici pour lui de droits aussi inviolables que ceux que la législa¬ tion doit lui assurer à l’avenir et c’est alors que le législateur peut accorder quelque chose aux con¬ sidérations politiques et à la situation de l’indi¬ vidu qui est frappé par la loi nouvelle. Cette situation n’est certainement point la même pour celui qui a des enfants et celui qui n’en a point. La loi peut donc venir plus particulièrement au secours du premier; et cette distinction, très morale en elle-même, satisfait encore au sys¬ tème social, qui doit placer l’aisance là où il y a plus d’enfants qui croissent pour la patrie. C’est dans ces vues que votre comité vous propose les articles suivants : Art. 16 (ajouté). Le nom parent, ou parent non successible (1), institué ou donataire à titre universel, déchu par l'effet de la loi du 5 brumaire, est autorisé, si son donateur est mort avant la promulgation de ladite loi, à retenir ou répéter, soit le dixième, soit le sixième qu’elle rend disponible net, et défalcation faite de toute espèce de charges, même des libéralités particulières maintenues par la présente loi. Le descendant du successible n’est pas pour cela répété successible, ni déchu de la retenue autorisée par le présent article, pour le passé. (1) ?i le comité n’eût pas été lié par des prin¬ cipes précédemment consacrés par la Convention, il eût proposé de rendre, pour le passé, les institués, même successibles, aptes à la retenue légale; mais U n’a pas perdu de vue qu’il n’était que chargé d’exécuter la loi, et il lui a fait le sacrifice de son opinion sur ce point. Art. 17 (ajouté). S’il y a plusieurs institués ou donataires, am même titre universel, déchus, ils concourront pour la retenue ordonnée par l’article précédent, et s’en diviseront le produit entre eux, au marc la livre, des portions qui leur étaient assi¬ gnées. Art. 18 (ajouté). En toutes successions rouvertes, au moyen de la présente loi, l’institué déchu et non sucees.- sible pourra, en outre, conserver, sur l’hérédité, autant de valeurs égales au quart de sa propre retenue, qu’il avait d’enfants au temps où il a recueilli l’effet de sa disposition. , Art. 12 de la loi du 5 brumaire, que Von propose de changer. « Toutes dispositions entre vifs, ou à cause de mort, faites par des pères ou mères encore vivants, au préjudice de leurs enfants et en faveur de leurs collatéraux ou d’étrangers, sont nulles et de nul effet. » Si cet article pouvait s’entendre des dona¬ tions faites par un père à l’un de ses enfants avant le 14 juillet 1789, il offrirait une contra¬ riété assez frappante avec l’article 8. Plusieurs ont cru l’y apercevoir; il faut donc y répondre; car l’obscurité des lois, source éter¬ nelle des procès, est l’un des plus grands fléaux de la société. L’article 8, en n’admettant l’enfant au par¬ tage de la succession de son père qu’à la condi¬ tion du rapport des donations qui lui auraient été faites antérieurement au 14 juillet 1789, pro¬ nonce bien implicitement qu’il pourra conserver • l’effet de ces donations, s’il s’abstient de revenir à la succession. * Que fait maintenant l’article 12? Il annule toutes dispositions entre vifs ou à cause de mort, faites par des pères ou mères encore vivants, au préjudice de leurs enfants, et en faveur de leurs collatéraux ou d’ étrangers. S’il ne fallait que concilier ces deux articles entre eux, cela serait facile sans doute, car les dernières expressions ne semblent avoir été placées dans l’article 12 que pour indiquer - qu’on entendait frapper, non les dispositions faites entre les différents membres de la ligne directe avant le 14 juillet 1789, mais celles qui conféraient à des collatéraux ou étrangers ce qui appartenait à cette ligne. Ce sont donc les collatéraux et étrangers donataires que cette disposition regarde, et ici mille époque n’étant fixée, la rédaction les. embrasse toutes, pourvu que le donateur soit père et qu’il vive encore. On ne peut disconvenir d’abord que par là nous ne soyons portés beaucoup au delà de la ligne révolutionnaire, tracée par les disposi¬ tions générales de la loi du 5 brumaire; car une donation entre vifs, faite et recueillie depuis dix, vingt ou trente ans, pourrait ainsi se trouver - anéantie. Dira-t-on que cette entension au principe > général se trouve ici fondée sur la plus grande lésion qu’ont éprouvée les droits de la na¬ ture? 350 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. * «j�ôse an H L ‘ î 26 décembre 1793 Mais étaient-ils moins blessés quand on enri¬ chissait un enfant aux dépens des autres? En ce cas, bien plus souvent qu’en tout autre, une injuste prédilection dirigeait tout, au lieu que les dispositions par lesquelles un homme confé¬ rait une partie de son héritage à des étrangers avaient souvent pour base des causes majeures et mieux avouées, sinon par la nature, au moins par la justice. ■ Ce n’est pas que votre comité entende ad¬ mettre un pareil système à l’avenir; mais il s’agit du passé et non seulement du temps qui s’est écoulé depuis le 14 juillet 1789 (car sur ce point on est d’accord) mais de tout le temps antérieur. Or, est-ce le cas de franchir les limites que vous aurez posées vous-mêmes, pour des espèces d’ailleurs très rares? Qu’est-ce enfin que peut signifier, pour le collatéral ou étranger donataire, la circonstance de la vie ou du décès de son donateur pour infirmer ou maintenir la disposition dont il avait recueilli i’efïet avant le 14 juillet 1789? Il n’y a rien là qui change le caractère de la donation entre vifs; irrévocable, du moment qu’elle est faite, et indépendante de la vie ou du décès de celui dont elle est l’ouvrage, comment se ferait-il que le citoyen qui a recueilli, il y a cinq ans, une donation entre vifs, et dont le donateur serait mort le 4 brumaire, fut de condition meilleure que cet autre citoyen qui aurait recueilli depuis trente ans et dont le donateur vivrait encore? Si c’est l’intérêt de la ligne directe qui a dicté cette disposition, il y avait tout autant de raison pour atteindre celui dont le donateur était mort, que celui dont le donateur vivait encore. Une loi extraordinaire comporte sans doute avec soi des caractères tout particuliers; mais l’accord n’en doit pas moins régner dans ses diverses parties; et peut-être le rapport de toutes les donations faites au préjudice de la ligne directe depuis trente ans, aurait-il en plus de consonnance avec la raison, qu’une distinc¬ tion fondée sur une base fausse. Si l’on a craint, par là, de blesser trop d’inté-rêts, revenons toujours aux vrais termes et reconnaissons que les principes même révolu¬ tionnaires ont leur limite, au delà de laquelle il ne reste que le chaos. Eh bien ! quelle est-elle cette limite? Vous l’avez vous-même fixée au 14 juillet 1789 : ne point la maintenir serait faiblesse; mais la dépas¬ ser, ne serait-ce point un mal, ne serait-ce pas au moins un funeste exemple, et pour d’autres cas même une source d’inquiétudes pour la société? S’agit-il donc de la donation entre vifs d’une chose constante et déterminée comme d’un champ, d’un meuble, d’une somme d’argent, et une telle donation est-elle antérieure au 14 juil let 1789; alors, on ne peut plus y voir qu’une vraie propriété, plus ancienne que la Révolu¬ tion, et à laquelle on ne saurait porter la main sans dépasser le principe qui fait la base de notre système. En un mot, notre loi est juste en même temps qu’elle est révolutionnaire : mais craignons qu’elle ne devienne ultra-révolutionnaire, et de rester nous-mêmes sans base et sans boussole, car si nous ne nous arrêtons pas au 14 juil¬ let 1789, où nous arrêterons-nous? Mais ceci nous conduit naturellement à pro¬ noncer sur le sort des institutions contrac¬ tuelles. S’agit-il donc d’une institution contrac¬ tuelle par laquelle, avant le 14 juillet 1789, on aurait promis à un de ses enfants, à un colla¬ téral, à un étranger, une certaine quotité de sa succession : que deviendra un tel acte? Irrévocable comme la donation entre vifs, il doit subsister comme elle, et la faveur due au contrat de mariage milite encore en sa faveur. Telles ont été, citoyens, les vues de votre comité sur les objets qu’il vient de mettre sous vos yeux; mais il ne peut déterminer cette dis¬ cussion, sans relever encore une imperfection sensible, qu’offre la rédaction de l’article 12 de la loi du 5 brumaire, En annulant, sans autre explication, toutes dispositions faites par des pères ou mères encore vivants, au préjudice de leurs enfants, et en faveur de collatéraux ou étrangers, ü semblerait en résulter que la disposition faite par un père mort la veille de la loi, serait valide, bien qu’elle fût postérieure au 14 juillet 1789, de sorte que le même article qui, d’un côté, nous porte au delà de la ligne, nous laisse en deçà sous un autre rapport. C’est pour éviter tous ces embarras et toutes ces ambiguités, et pour leur substituer une marche plus sûre, que votre comité vous pro¬ pose au lieu d’un article qui se trouve en con¬ tradiction avec les principes de la loi, un article nouveau qui expliquera le sort des institutions contractuelles, antérieures au 14 juillet 1789. Art. 19. Toutes institutions contractuelles, à l’instar des donations entre vifs, sont maintenues, lors¬ qu’elles sont antérieures au 14 juillet 1789. Art. 13 de la loi du 5 brumaire, dont-on deman¬ dera la suppression et le remplacement par un autre article gui sera le 20e. « Sont pareillement nulles et de nul effet toutes dispositions entre vifs, ou à cause de mort, faites par des parent collatéraux, au préjudice de leurs héritiers présomptifs, en faveur d’autres collatéraux ou d’étrangers, depuis le 14 juil¬ let 1789. » Au moyen de l’article 9, celui-ci devient au moins superflu, mais sa rédaction, si elle pou¬ vait être maintenue, présenterait de bien plus graves inconvénients : qu’y annule-t-on? les dis¬ positions entre vifs, ou à cause de mort, faites depuis le 14 juillet 1789. Et de là, nombre de citoyens ont inféré que le testament fait avant 1789, bien que la succes¬ sion se fût ouverte depuis, conservait son effet; cependant, en matière de successions, la date d’une disposition perpétuellement révocable, jusqu’au décès, ne fut jamais autre que celle du décès même. C’est ce qu’il faut expliquer à ceux qui nous ont chargé de leur donner des lois, car lorsque la raison a marqué une différence entre les dis¬ positions entre vifs et celles à cause de mort, il est bon de définir ces sortes d’actes, il le faut surtout lorsque les dispensateurs de la justice ne sont plus, comme autrefois, des hommes exclusivement admis à prononcer sur les droits des autres citoyens, sage et bellé réforme qui [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « “3 351 toutefois appelle plus de développement dans les lois, parce que leurs nouveaux ministres y seront moins exercés. Au lieu donc d’un article, non seulement redondant, mais qui donnerait matière à de fausses interprétations des principes, votre comité vous, propose l’article suivant : Art. 20. « Les dispositions entre vifs sont celles par lesquelles on a conféré irrévocablement une propriété à un tiers acceptant; leur date est celle de l’acte authentique qui en a été passé. « A l’égard des dispositions contenues dans les testaments, codiciles ou donations à cause de mort, elles n’ont, à quelque époque et en quelque forme qu’elles aient été passées, d’autre date que celle du décès du testateur ou donateur. » Art.. 14 de la loi du 5 brumaire, qui sera le 21 de la loi noxwelle. « Le mariage d’un des héritiers présomptifs» soit en ligne directe, soit en ligne collatérale, ni les dispositions contractuelles, faites en le mariant, ne pourront lui être opposés pour l’exclure du partage égal, à la charge par lui de rapporter ce qui lui aura été donné ou payé lors de son mariage. » Cet article n’admet aucune contradiction qui puisse faire mettre en doute s’il doit être main¬ tenu. Akt. 22, proposé par addition. « Dans le cas où un époux, décédé avant ou depuis le 14 juillet 1789, aurait conféré au con¬ joint survivant la faculté d’élire un ou plusieurs héritiers dans ses biens, l’élection, si elle a eu lieu postérieurement au 14 juillet 1789, demeure nulle et de nul effet, et tous les héritiers pré¬ somptifs, au préjudice desquels elle aurait été faite sont nonobstant toute exclusion, appelés à partager la succession de la même manière et par les mêmes règles que celles ouvertes depuis le 14 juillet 1789. » Cet article est d’autant plus nécessaire, qu’il sera d’une fréquente application. Parmi les abus qui se faisaient autrefois remarquer en matière d’institution, il en était un très commun, c’était la délégation de son propre droit de tester faite à un tiers ; c’était la faculté d’élire, conférée par un époux au con¬ joint survivant. Un tel acte n’attribuait aucun droit spécial à aucun des enfants jusqu’au moment de l’élec¬ tion. Eh bien ! quel doit être le sort de cette élec¬ tion, si, bien que le droit d’élire fut antérieur au 14 juillet 1789, l’élection néanmoins n’a été consommée que depuis cette époque! La réponse n’est pas difficile : si le prédécédé, en qui résidait le droit personnel de disposer de son bien, eut joui d’une plus longue vie, et vivant, le 14 juillet 1789, n’eut pas disposé avant cette époque, il ne pouvait plus dès lors le faire utilement. Il ne saurait en être autrement d’une faculté transmise par emprunt, et qui non exercée dans le temps utile, n’a pu l’être valablement ensuite. Art. 23 proposé par addition. « Toutes donations à charge de rentes via¬ gères, ou rentes à fonds perdus faites en lignes directe ou collatérale à l’un des héritiers pré¬ somptifs ou à ses descendants, sont interdites, à moins que les autres cohéritiers présomptifs n’y interviennent et n’y consentent. « Toutes celles faites sans ce concours depuis le 14 juillet 1789 sont annulées, sauf à rapporter à l’acquéreur tout ce qu’il justifiera avoir payé au delà du juste revenu de la chose aliénée, le tout sans préjudice des coutumes ou usages qui auraient invalidé de tels actes, passés même avant le 14 juillet 1789. » Votre comité, citoyens, a aperçu dans le cours de son travail une source féconde d’abus dans les donations déguisées, que la cupidité ne manquerait pas de substituer aux disposi¬ tions directes, si la loi n’y mettait pas un frein elle-même. Telles deviendraient les ventes à fonds perdus, si elles étaient autorisées entre un père et l’un de ses enfants sans le concours des autres, entre un collatéral et l’un de ses héritiers présomptifs. Dans toutes les espèces semblables, disons, instruits par l’expérience du passé, que rien ne se ferait en faveur de l’un qui ne tournât au détriment de l’autre, et ne blessât ainsi les lois de l’égalité et de la nature. S’il est difficile d’atteindre la fraude dans tous ses repaires, frappons-la du moins dans ses premières retraites. Il n’est point ici question d’interdire en géné¬ ral les ventes à fonds perdu, ce serait blesser la propriété; tel dont les revenus sont insuffisants, et qui veut les doubler, le peut sans doute, et la loi qui l’en empêcherait serait tortionnaire et contraire aux premiers droits de l’homme. Mais la loi peut et doit aussi gêner la fraude. Eh bien ! conçoit-on que la bonne foi inter¬ vînt souvent dans le contrat par lequel un père vendrait son bien ou une partie de son bien, à fonds perdu, à l’un de ses enfants! Conçoit-on que le même pacte fut souvent accompagné de plus de loyauté entre le collatéral et l’un de ses successibles! [lÜ'L’on sait bien 'qu’en matière semblable on n’obtiendra jamais un effet complet, tant qu’il restera des hommes prêts à s’associer à la fraude; mais ce sera déjà quelque chose que d’avoir fermé la voie par laquelle on pouvait y arriver plus aisément. Agirait-on par personnes interposées! Il faut d’abord en trouver, et puis celui qui veut enfreindre la loi craint d’être trompé lui-même par l’instrument qu’il emploie; la défiance est naturelle entre les hommes immoraux, et de cette défiance même nait une hésitation utile à la Société entière. Enfin, si l’article que votre'comité vous pro¬ pose n’est pas toujours efficace, il pourra du moins l’être, quelquefois, et c’est assez pour l’admettre. Art. 24 proposé par addition. « La présente loi sera exécutée dans tous les cas qu’elle embrasse, si l’héritier naturel réclame à ee sujet, nonobstant toutes renonciations, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 6 nivôse an II 26 décembre 1703 352 [Convention nationale.] transactions et jugements intervenus avant le 5 brumaire dernier. » Cette question, renvoyée à votre comité par un décret formel, ne lui a présenté aucune diffi¬ culté. Il s’est dit : celui qui a renoncé ou transigé avant le 5 brumaire, n’a pu y être mû que par des motifs étrangers à la loi qui n’était point encore rendue; si elle l’eût été, ü n’eût peut-être ni renoncé, ni transigé. A l’égard des jugements, il est bien plus cer¬ tain encore qu’üs n’ont pu avoir pour bases que les lois préexistantes. Dans ces circonstances, peut-il être difficile de remettre les parties au même état, et n’est-ce pas le vœu de la loi? Mais il n’est pas de principes dont on ne soit porté à abuser. Par exemple, et lorsque l’article 40 de la loi du 5 brumaire a ordonné le partage de toutes successions ouvertes depuis le 14 juillet 1789, nonobstant... tous fartages déjà faits, la loi n’a eu sans doute en vue que d’anéantir ceux faits en exécution de dispositions annulées. Qu’arrive-t-il cependant? Que dans plusieurs successions échues depuis 1789, mais non infec¬ tées de ce vice, on réclame de nouveaux par¬ tages. Et pourquoi? Parce que tel lot se sera amé¬ lioré et l’autre non; parce qu’un cohéritier avide voudra priver son cohéritier du bénéfice de son industrie, ou de l’avantage progressif que tel ou tel fonds aura acquis dans les mains de ce dernier. Ce n’est plus là l’esprit de la loi; elle n’a vu et pu voir qu’un contrat favorable dans un acte qui, dans le temps même où il a été formé, n’était basé que sur les droits de la nature et de l’égalité. Mais ce n’est pas assez que la loi l’ait entendu ainsi, il faut en prévenir toute fausse interpré¬ tation, et c’est pour atteindre à ce but, que votre comité vous propose l’article explicatif qui suit : Art. 25 proposé par addition. « A l’égard de tous traités ou partages faits en exécution de dispositions non annulées par la présente loi, ils seront exécutés, pourvu qu’ils ne soient accompagnés d’aucun vice qui donne spécialement lieu à nouveau partage. » Art. 26 proposé par addition. « En toutes successions abandonnées par les héritiers naturels, les créanciers du défunt pour¬ ront de leur propre chef, poursuivre le rapport des avantages annulés par la présente loi. » Si cet article a offert d’abord quelque diffi¬ culté, la morale est bientôt venue la résoudre. En effet, et bien que notre loi puisée dans les principes de la nature, ne paraisse avoir pour objet que l’intérêt des familles, celui des créan¬ ciers n’est pas moins sacré, il l’est même bien davantage; ce n’es’t pas une libéralité qu’ils recueillent, c’est un droit qu’ils exercent, et si la nature se trouve blessée lorsqu’un homme dispose au profit de tel plutôt que de tel autre, ne l’est-elle pas bien davantage lorsqu’il dispose de ce qui ne lui appartient pas? Ne se fait-il pas d’ailleurs ici une subrogation naturelle du créancier à l’héritier qui renonce, et l’ordre social ne lui en adjuge-1 -il pas les droits ? Art. 27 proposé par addition. « Dans tous les cas où le rappel établi par les dispositions ci-dessus concernera des individus dont les biens sont acquis ou confisqués à la République, la nation exercera leurs droits. « Elle rapportera, ainsi qu’ils y eussent été tenus eux-mêmes, les dispositions qu’elle aurait recueillies de leur chef et qui se trouveraient annulées par la présente loi. » Cet article n’est pas inscrit ici sans nécessité; ici c’est l’institué qui demande à retenir cette portion, là, c’est l’héritier naturel qui demande qu’elle lui accroisse. Ce cas qui ne manquera point d’être très fré¬ quent, exige une disposition claire ou précise. On croit avoir rempli cet objet par l’article proposé, dont les motifs n’ont pas besoin au reste d’être analysés. Mais ce qui exige encore une explication, �’est le cas où la division ne peut s’opérer commodé¬ ment : et à cet égard votre comité vous propose l’article suivant : Art. 28 (ajouté). « S’il y a inconvénient à diviser les corps héréditaires, la nation pourra, lorsqu’elle con¬ court, les mettre tous sous sa main, sauf à faire état aux co-intéressés de leurs portions, soit dans les revenus, soit dans le prix de la chose. » Art. 29, proposé par addition. « En cas que la disposition ait été faite par un homme décédé sans parents, le donataire ou institué en conservera l’effet. » Ce cas sera très rare, sans doute, mais il suffit qu’il soit possible, pour qu’on doive le prévoir et y statuer. En l’examinant, votre comité a facilement saisi que la nature, cette loi préexistante à tout, n’était point blessée, et n’avait pas pu l’être là où elle n’avait placé personne qui dût recueillir un tel héritage. Et comme la lésion des droits naturels est la base des rapports ordonnés par la loi du 5 bru¬ maire, il n’a point vu de difficulté à maintenir une disposition qui n’attaquait point cette base sacrée. A la vérité, si le projet de code civil qui vous a été présenté obtient définitivement votre agré¬ ment en cette partie, c’est la République qui succédera nécessairement aux citoyens morts sans parents. Mais ceci appartient au droit positif, qui n’a de force que du jour de sa promulgation, et ce droit n’existe pas encore. Il ne peut donc réfléchir sur une disposition qui ne serait révocable qu’ autant que la nature serait blessée, et ici elle ne l’est point. Votre comité, citoyens, ne fera point passer sous vos yeux une multitude d’espèces parti¬ culières, pour lesquelles on sollicite autant d’ar¬ ticles. Là, on demande que la loi frappe nommément ce qui a été départi par privilège de masculinité, ici ce qui l’a été par droit d’aînesse; comme si la loi qui ordonne le partage égal de toutes succes¬ sions échues depuis le 14 juillet 1789, nonobstant [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. J1 353 toutes coutumes, lais, usages contraires, etc., ne renfermait pas implicitement tout ce qu’on demande. Il ne faut pas apporter dans les lois trop de spécialités; car l’article dont on aurait surabon¬ damment parlé, nuirait à celui qu’on aurait omis. Préciser les principes de manière que toutes les espèces puissent y aboutir et trouver leur solution dans les principes même, voilà tout ce que permet une loi de la nature de celle que nous discutons. Cependant il est de ces espèces trop fréquem¬ ment agitées et d’un trop grand intérêt pour ne pas mériter une explication particulière. C’est ainsi que l’on demande si les disposi¬ tions antérieures au 14 juillet 1789, mais grevées d’un usufruit qui n’a cessé que depuis, ou qui même dure encore, sont atteintes par la loi. Plusieurs le désirent, d’autres le redoutent et, dans cette situation, nous devons à tous une explication qui assure les droits de cbacun. Le point que nous discutons, s’il était admis pour l’affirmateur, établirait indubitablement une extension à la loi. Votre comité n’a rien vu dans cet usufruit qui changeât le caractère de la propriété. Il n’a aperçu aucun motif raisonnable pour priver une multitude de citoyens des droits acquis longtemps avant la Révolution, et de propriétés qui étaient irrévocablement les leurs avant l’époque qui sert de principe et de base à notre système; mais il a pensé aussi qu’un article exprès devait le dire, pour éviter une multitude de difficultés prêtes à naître sur ce point : il •vous propose l’article suivant : Art. 30 proposé par addition. « Ne sont pas comprises dans les dispositions de la présente loi les donations qui, bien que grevées d’usufruit, étaient, quant à la pro¬ priété, ouvertes et échues avant le 14 juillet 1789. » Nous arrivons à une discussion qui touche à d’autres intérêts. Que deviendront les legs ou dons particuliers compris dans les dispositions annulées par vos lois? Il ne s’agit pas ici des legs faits à un co-héritier pour lui tenir lieu de la portion que la loi lui déférait; replacé à son poste, il recueillera sa part héréditaire et son legs est annulé, car vous avez prononcé qu’il ne pouvait pas cumuler ce double titre. Mais il est beaucoup d’autres citoyens qui ne seront pas dans cette heureuse catégorie : ce sera souvent un instituteur, un homme que l’on aura eu à ses gages, un étranger ou un parent -non successible, qui auront été gratifiés d’un legs. Pareil legs se présentera fréquemment sous la forme d’un tribut que la reconnaissance et l’hu¬ manité auront payé à l’infortune. De telles libéralités crouleront-elles avec la déposition principale qui les contenait? Non sans doute, si le légataire est pauvre, et déjà vous avez manifesté à cet égard vos inten¬ tions par votre décret d’exception du 5 fri¬ maire. Par ce décret, vous avez chargé votre comité de vous présenter, dans la loi générale, des • articles qui exceptassent les legs faits aux domes¬ tiques peu fortunés, et à tout citoyen qui ne lre SÉRIE, t. Lxxxn. posséderait pas une fortune supérieure à 10,000 livres. Plusieurs systèmes se sont successivement offerts à l’esprit de votre comité, avec leurs avantages et leurs inconvénients, et il a pensé que ce ne serait point une chose oiseuse que d’en donner ici le développement, car c’est là que le peuple français trouvera l’esprit de la loi, et pouvant juger lui-même les motifs du légis¬ lateur, lui épargnera des réclamations qui naî¬ traient en foule, si l’on pouvait penser que quel¬ que chose eût échappé à son attention. Une objection principale est proposée contre la base offerte par le décret d’exception du 5 frimaire. Vous voulez, dit-on, venir au secours des indigents, et ce sont eux que vous allez atteindre, si vous n’avez égard qu’à la fortune du léga¬ taire, sans prendre aussi en considération celle de l’héritier naturel, car il peut être pauvre aussi, et dans cette concurrence, s’il s’agit d’un mo¬ dique héritage que le legs absorbe, vous allez priver plusieurs parents de la part que la na¬ ture leur assignait. Cet inconvénient, ajoute-t-on, se fera spécia¬ lement sentir dans les petites successions, sur lesquelles un legs de 5 à 10,000 livres fait un objet sensible, et ce sont les petites successions qui le plus souvent intéressent les familles pauvres. La difficulté d’un tel plan, les entraves qu’il eût entraînées, le bilan préalable qu’il exigeait, les procès qui n’eussent pas manqué de s’élever sur la consistance respective des fortunes, tous ces inconvénients, d’un ordre majeur sans doute, ont fait abandonner ce système. Et ce qui n’y a pas peu contribué, c’est, d’une part, qu’une petite succession comporte¬ rait à peine les frais d’un nouveau partage, et c’est, d’un autre côté, la réflexion toute natu¬ relle aussi que les dispositions qui contiennent des legs, et surtout des legs de 5 à 10,000 livres, sont rarement des dispositions de sans-culottes, et laissent presque toujours apercevoir dans l’héritier naturel un homme opulent. Si le contraire arrive une fois en cent, c’est un malheur sans doute; mais comme peu de lois sont sans inconvénients, le législateur embrasse le parti qui en offre le moins. Et si l’on adoptait celui dont l’idée vient d’être présentée, tarderait-on beaucoup à dire que notre loi ne serait qu’né loi de nivelle¬ ment; et, changeant perpétuellement de base, ne serait-ce pas par notre instabilité même qu’on attaquerait notre système. Si nous voulons qu’il marche, n’en compli¬ quons pas les rouages, et n’en faisons pas une source d’inquisitions et de procès. Une autre idée s’était offerte à votre comité, c’était de rendre le legs valide jusqu’à une cer¬ taine quotité de la fortune du légateur : Ce parti, indéfiniment adopté, eût pu compro¬ mettre le sort du légataire dans les petites suc¬ cessions, et puisque c’est la fortune ou du léga¬ teur ou du légataire qu’on doit prendre pour base, n’est-il pas plus simple et plus naturel de se fixer à celle de l’individu pauvre, que la société protège? Après d’assez longs débats, la discussion a ramené votre comité à la proposition libérale que vous avez adoptée par votre décret du 5 fri¬ maire. Par ce décret, vous avez maintenu les legs faits aux domestiques peu fortunés, et établi qu’il 23 354 y aurait des exceptions en faveur des citoyens dont la fortune est au-dessous de 10,000 livres. Cette dernière partie a semblé à votre comité rendre la première oiseuse; car ce domestique-là ne serait pas peu fortuné, qui aurait plus de 10,000 livres, indépendamment de la libéralité qui lui serait faite. C’est donc sous le rapport d’homme, de citoyen, qu’il doit être considéré, c’est dans l’exception générale qu’il doit trouver sa place, si cette exception lui est particulièrement appli¬ cable. Mais comment et jusqu’à quelle quotité avez-vous entendu que le legs fut maintenu! Tel est apte à recevoir parce qu’il n’a pas une fortune supérieure à 10,000 livres, voilà un premier principe bien établi, mais si le legs est de 100,000 livres, le oonservera-t-il dans son intégrité, et la société, qui vient au secours de l’homme peu fortuné, ne doit-elle pas remettre à l’ordre naturel ses droits, là où l’humanité est satisfaite? Votre comité n’a pas douté que ce fût là votre intention, et c’est d’après cela qu’il a lui-même réglé son travail. Mais il croit vous proposer une chose juste, en demandant que la fortune soit graduée; car le père de famille, avec 10,000 livres et plusieurs enfants est pauvre, lorsqu’ avec la même somme le célibataire est aisé. Ainsi, et en assignant 5,000 livres de plus à raison de chaque enfant, vous ne ferez que rendre une exacte justice; se sera d’ailleurs, une chose grande et morale, et le caractère paternel recevra ainsi l’hommage qui lui est dû. Si l’homme sans enfants, riche de moins de 10,000 livres peut conserver, à titre de legs, 10,000 livres encore, que le père de deux enfants, que celui qui en a quatre, et qui ne possède pas plus de 20 à 30,000 livres, puisse conserver au même titre la libéralité qui lui a été faite, jus¬ qu’à concurrence de 20 ou 30,000 livres, il n’en résulte qu’un parfait équilibre, et l’ordre social, loin d’en être ébranlé, n’en acquiert que plus d’aplomb et d’accord. Si nous en restions aux points discutés, on ne manquerait sans doute pas d’objecter que, par l’établissement même de ces règles, le ci¬ toyen qui a un peu moins de 10,000 livres, et que la loi proclame habile à conserver l’effet d’une libéralité équivalente, serait d’une condition bien meilleure que celui qui, ayant 11,000 livres, ne pourrait rien conserver du legs à lui fait. Cette objection, forte sans doute, peut dispa¬ raître en admettant ce citoyen à conserver jus¬ qu’à concurrence de la somme à laquelle sa fortune pouvait licitement s’élever par la réu¬ nion du don ou du legs. Mais ce que nous venons de dire s’applique spécialement aux successions modiques, et dans lesquelles le légataire se trouverait le plus sou¬ vent trop grevé, si ses droits étaient circons¬ crits à une faible quotité. S’agit-il d’une immense succession? D’autres règles peuvent être adoptées. L’ordre social déférera sans doute assez aux droits de la nature, en remettant aux héritiers qu’elle indique, et qui avaient été dépouillés, la majeure partie de ce grand patrimoine, et en conservant jusqu’à concurrence d’une certaine quotité de la succession les legs faits à tout autre individu, sans même aucun examen de sa fortune; car alors la loi ne voit dans les héritiers naturels rappelés, que des hommes devenus ( 6 nivôse an II J 26 décembre 1793 toht à coup très opulents, et dès lors moins favorables. Telles sont, citoyens, les idées générales aux quelles votre comité s’est arrêté sur ce point : le reste ne présente pas de grandes difficultés. Comment déferminera-t-on la fortune du donataire particulier ou du légataire? par ses contributions ordinaires. Si ce qu’il possède ne consiste qu’en viager, l’estimation s’en fera de telle manière qu’un revenu de 1,000 livres ne représente qu’un capital de 10,000 livres. Tout cela est simple, et c’est d’après ces don¬ nées que votre comité vous propose la série d’articles suivants : Art. 26. « Les dons particuliers et legs faits depuis le 14 juillet 1789, sont maintenus dans les cas ci-après, savoir : 1° lorsque le donataire parti¬ culier ou légataire n’avait pas, au temps que le don ou legs lui a été fait, une fortune excédant un capital de 10,000 livres; 2° lorsque le don ou legs particulier ne s’élève pas lui-même au-delà de cette somme. » Art. 27. « Dans le cas où soit le donataire particulier, soit le légatahe, aurait des enfants, lé maximum. de fortune serait fixé pour eux à 10,000 livres, plus autant de fois 5,000 livres qu’ils avaient d’enfants à l’époque du don ou legs qui leur a été conféré. « Le maximum du legs ne pourra surpasser, en ce cas, le maximum de fortune ainsi réglé. » Art. 28. « Pour vérifier le maximum de fortune, les arbitres, dont il sera parlé ci-après, se feront représenter l’extrait des diverses impositions du donataire particulier ou légataire. Ils pourront au surplus s’environner de tous» renseignements à ce sujet. » Art. 29. « Si la fortune que possède le donataire par¬ ticulier ou légatahe ne consiste qu’en simple usufruit ou viager, l’estimation s’en fera de telle manière qu’un revenu de 1,000 livres ne soit représentant que d’un capital de 10,000 livres. Art. 35 (ajouté). « De même les avantages à vie seulement, et qui ne consisteraient qu’en usufruit ou pen¬ sion, seront estimés d’après cette donnée. » Art. 36 (ajouté). « Dans tous les cas ci-dessus, si les avantages excèdent la somme à laquelle ils peuvent léga¬ lement s’élever, ils y seront réduits. » Art. 37 (ajouté). « Si la fortune du légataire à titre particulier, donataire ou pensionnaire excède le maximum [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Convention nationale.] ci-dessus, sans cependant atteindre la somme jusqu’à laquelle elle pourrait légitimement s’élever par la réunion du don ou legs, il pourra en conserver l’eflet jusqu’à cette concurrence seulement, et non au delà. » Abt. 38 (ajouté). « Néanmoins, et en toutes successions dont la valeur nette pour les héritiers excédera 200,000 livres, les legs particuliers, dons ou pensions sortiront, sans autre examen, leur effet jusqu’à concurrence d’un sixième, si mieux n’aiment les donataires particuliers, légataires ou pensionnaires, s’en tenir aux règles ci-dessus posées. » Nous venons, citoyens, de présenter des règles pour le cas bien favorable des libéralités par¬ ticulières, faites à des presonnes peu fortunées. Mais une autre espèce se présente qui appelle quelques explications. Que deviendra le don particulier ou le legs fait à celui qui, se trouvant successible, se verra ainsi rappelé au titre plus étendu d’héritier? Sans doute, il cesse d’être légataire parti¬ culier là où il prend une part héréditaire; telle conversion sera le plus souvent avantageuse à celui qui en sera l’objet. Mais il faut aussi prévoir un autre cas, celui où l’héritier naturel, non exclu de la succes¬ sion, aurait reçu, hors part, un don particulier ; le conservera-t-il, s’il réunit d’ailleurs les con¬ ditions ci-dessus exigées? Votre comité n’a vu à cet égard que la loi que vous avez portée contre l’institué succes¬ sible, et il a dû, d’après cela, refuser au légataire toute action autre que celle résultant de l’exercice de ses droits naturels; un article exprès doit le dire. Abt. 39 (ajouté). « La faculté accordée par les articles précé¬ dents, n’est qu’en faveur des donataires ou légataù’es à titre particulier, non parents ou parents non successibles, sauf à ceux qui sont héritiers naturels, à exercer les droits que cette qualité leur donne. » Votre comité doit actuellement vous entre¬ tenu’ des legs faits aux exécuteurs testamen¬ taires, legs qui, proposant des obligations, peuvent jusqu’à un certain point être consi¬ dérés comme un salaire. C’est sous ce rapport qu’il convient de les envisager, bien plus que sous celui des facultés de l’exécuteur testamentaire. Eh bien ! pour concilier la justice avec la répression des avantages immodérés que l’on a quelquefois conférés sous ce titre, il y a un parti simple que l’on croit avoir atteint par l’article suivant. Abt. 40 (ajouté). « Les avantages ou gratifications accordés aux exécuteurs testamentaires, depuis le 14 juil¬ let 1789, sont maintenus pourvu qu’ils n’excè¬ dent point la valeur d’une année des revenus du testateur. » « Si, néanmoins, ces revenus excédaient 6,000 livres, la gratification ne vaudra que 355 jusqu’à concurrence de cette somme, le sur¬ plus sera sujet à rapport. » Ici, citoyens, se présente une discussion d’un autre genre : que deviendront les droits des créanciers et tiers-acquéreurs? Sans doute, ils sont de condition bien favo¬ rable ceux-là qui de bonne foi ont contracté, non à titre gratuit, mais à titre onéreux, avec ceux qu’ils voyaient investis d’une propriété, depuis fugitive, mais que la loi n’avait point encore frappée de nullité. Il n’est plus ici question d’avantages re¬ cueillis ou conférés contre les droits de la na¬ ture et de l’égalité; il n’est plus question de l’institué ou donataire universel déchu, mais du citoyen qui aurait dans l’intervalle acquis une partie des fonds donnés, ou confié une partie de sa fortune à ce donataire sur la foi des mêmes biens. L’ordre social et la foi publique qui en est la base seraient sans doute énormément lésés, si des droits ainsi acquis pouvaient être mé¬ connus et altérés. Ils ne le seront pas : déjà dans une espèce absolument semblable, et lorsque vous avez rappelé les enfants nés hors du mariage aux successions qui pouvaient leur être échues depuis le 14 juillet 1789, vous avez formelle¬ ment consacré les droits des créanciers et tiers-possesseurs. C’est par vos mains que la route a été tracée; il ne reste qu’à la suivre. Abt. 41. « Les droits acquis à des tiers-possesseurs soit à des créanciers hypothécaires, et à tous autres ayant un titre authentique, antérieur au 5 brumaire dernier, sur les biens compris dans les dispositions annulées par la loi du même jour, leur sont conservés. » Nous avons traité, citoyens, des droits à restituer aux héritiers naturels, et de ceux à conserver aux légataires particuliers indigents. Nous nous sommes occupés aussi des droits des créanciers et tiers-possesseurs. Il nous reste à traiter des intérêts de l’ins¬ titué ou donataire universel déchu. Sans doute, ce n’est pas y avoir assez pourvu que de lui avoir attribué sur les biens qu’il doit relâcher, la seule portion qui était disponible, attribution étrangère d’ailleurs à l’institué suc¬ cessible. Sur ce point, comme sur le précédent, nous avons déjà l’avantage de trouver déjà des prin¬ cipes consacrés par la loi, rendue au sujet des enfants nés hors du mariage, et par celle du 5 brumaire même. Si celui qui a recueilli contre les dispositions du droit naturel ne doit pas conserver ce qui lui a été ainsi transmis, du moins et sous un autre rapport, mérite-t-il jusqu’à un certain point la protection des lois; car il pouvait se considérer comme possesseur légitime, et dis¬ poser de même. Si donc la propriété dans ses mains a souf¬ fert quelque altération par défaut de soins, il ne saurait être tenu d’un tel dommage, il usait pour lui et était présumé bien user, ou du moins ne devoir jamais compte à personne de sa manière de jouir. S’il a fait des impenses, elles doivent lui être remboursées, même celles de pur agrément; ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 6 nivôse an II 26 décembre 1793 356 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ® décembre l" car il les a faites de bonne foi et dans l’espoir d’en jouir. Enfin, dans le mode de remettre les biens, l’on sent assez qu’une extrême rigueur serait souvent une extrême injustice et que la loi doit surtout veiller pour la pleine indemnité de celui qu’elle prive d’un bien qu’il était auto¬ risé à considérer comme le sien. C’est à cause de sa bonne foi que l’article 15 de la loi du 5 brumaire le dispense de rapporter les fruits perçus; c’est le même principe qui fonde les diverses propositions qui viennent d’être énoncées et les articles que votre comité vous présente en conséquence. Art. 42 qui est le quinzième de la loi du 5 brumaire. « Dans les partages et rapports qui seront faits en exécution des articles précédents, il ne sera fait aucune restitution, ni rapport des fruits et intérêts qui, avant la promulgation de la loi du 5 brumaire, auront été perçus en vertu des lois, coutumes et dispositions aux¬ quelles il a été ci-dessus dérogé. » Art. 43 (ajouté). « Les héritiers naturels rappelés seront tenus de recevoir les biens en l’état où ils se trouve¬ ront actuellement, et de s’en rapporter sur la consistance de ces biens à l’inventaire qui en aura été dressé; et, à défaut d’inventaire, à l’état qui en sera fourni; sauf tous légitimes contredits. » Art. 44. « L’institué ou donataire déchu, qui ne pourra représenter en nature les effets et biens compris dans l’inventaire ou état, tiendra compte aux héritiers naturels du prix qu’il en aura tiré, ou de leur valeur, au temps où il les avait recueillis. » Art. 45. « D’un autre côté, il lui sera fait état par la masse de la succession de toute espèce d’im¬ penses de quelque nature qu’elles soient, qu’il aurait faites dans les biens sujets à rapport, et de toutes charges par lui légitimement acquittées, comme aussi de tous déboursés relatifs à l’acte annulé, faux frais et voyages. La succession poursuivra à ses propres risques et périls le recouvrement des charges qui, après avoir été légalement acquittées, se trou¬ veraient par l’effet de la présente loi sujettes à restitution. » Mais comment se réglera le cas où le donateur déchu n’aurait été avantagé qu’à la charge d’apporter son travail et ses revenus? C’étaient un père, un parent, et souvent même un étranger qui s’adjoignaient un de leurs enfants, un de leurs parents, ou tout autre citoyen vers lequel leur affection les portait. Une convention s’établissait entre eux; une donation était faite, non à titre purement gra¬ tuit, mais sous la charge imposée au donataire de conférer son travail ou ses revenus, et sou¬ vent l’un et l’autre. Qu’est-ce maintenant que la justice prescrit à cet égard? Si c’était l’un des cohéritiers qui était avan¬ tagé sous de telles conditions, exigera-t-on que le fruit de son travail lui échappe, pour n’y prendre qu’une part égale à celle que recueilleront des cohéritiers qui n’ont rien con¬ féré dans cette masse? Il n’y aurait ici que le simulacre de l’égalité et eette base sacrée de nos lois civiles et poli¬ tiques serait au contraire évidemment blessée dans une telle distribution; car les cohéritiers rappelés qui, dans l’intervalle, ont joui de leurs biens, rapporteront-ils aussi les fruits de leur industrie? Non, ce compte, ce partage ne sau¬ raient leur être demandés. S’agit-il, au lieu d’un cohéritier, d’un étran¬ ger, d’un homme non successible? Ce sera pis encore, car comment prétendre que le fruit de ses peines ait dû tourner au profit de gens qui ne lui tenaient pas même par les liens de la parenté ! Malgré cette difficulté, votre comité ne vous proposera point de maintenir de telles dona¬ tions, mais il est un tempérament commandé par la-justice et la raison, c’est de laisser au donataire déchu la faculté de partager les acquêts, si cette convention réduite aux termes d’une simple Société en a produits. A tout événement, il doit être indemnisé; et c’est à ce but que tendent les articles suivants. Art. 46 (ajouté). « Si le donataire déchu n’avait été avantagé que sous des charges et conditions particulières, comme de conférer ses travaux ou ses revenus, il pourra réclamer sa part des améliorations et acquêts faits pendant la durée de cette espèce de Société, si elle a été utile. » Art. 47 (ajouté). « Si les charges imposées se trouvent être de telle nature qu’on ne puisse en induire une Société, le donataire déchu est néanmoins auto¬ risé à faire la retenue des sommes auxquelles elles se sont élevées. « Il lui sera même fait état, s’il le demande, des intérêts des sommes par lui payées, à dater du jour des paiements, sauf en ce cas l’imputa¬ tion des fruits qu’il pourrait avoir perçus. » Mais combien de nouveaux partages vont se faire en exécution de cette loi ! Votre comité a du moins conçu le vœu de les rendre tous définitifs, et sans doute il n’a fait en ce point que prévenir le vôtre. Art. 48 (ajouté). « Tous les partages qui seront faits en exé¬ cution de la présente loi seront définitifs : s’il y a un mineur, son tuteur, d’après l’avis d’un conseil de famille, composé de quatre parents ou amis non cointéressés au partage, y stipu¬ lera pour lui, sans espoir de ratification de sa part. » Après avoir parcouru les diverses questions que présente la matière, il en est une qui s’offre naturellement encore, et qui a plus par¬ ticulièrement trait à l’exécution mécanique de la loi. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ® ™.™se an 357 Comment se termineront les difficultés qu’elle verra naître? La justice la plus prompte et la meilleure, sans doute, est celle qui est le moins embarrassée de formes, c’est celle des arbitres, et si cette juridiction paternelle convient plus particu¬ lièrement à quelque espèce, c’est bien à celle dont on s’occupe. Des débats de famille, des partages, sont naturellement de sa compétence; et c’est un bienfait envers toutes les parties que de leur éviter les circuits toujours longs et dispendieux de la procédure, même moderne. Ici, d’ailleurs, la route nous est tracée par la loi rendue en faveur des enfants nés hors du mariage, et les deux espèces offrent en ce point trop d’analogie pour ne pas conduire au même résultat. Art. 49 (ajouté). « Toutes contestations qui pourront s’élever sur l’exécution de la présente loi seront jugées par des arbitres. « Il est défendu aux tribunaux ordinaires d’en connaître, ou de donner suite à celles qui seraient actuellement portées devant eux pour ce fait, à peine de nullité. » Art. 50 (ajouté). « Il sera nommé deux arbitres pour chacune des parties. « Faute par l’une d’elles de le faire sur la sommation qui lui en aura été notifiée, le juge de paix du lieu de l’ouverture de la succession, en nommera d’office, après un délai de huitaine, auquel il sera ajouté un jour par 10 lieues de distance. « En cas qu’il y ait partage dans l’avis des arbitres, le tiers sera nommé par le même juge. » Art. 51 (ajouté). « L’instruction sera sommaire : les jugements des arbitres ne seront pas sujets à appel. » Nous venons, citoyens, de vous présenter de tous les modes le plus simple pour arriver au terme des contestations que cette loi verra naître. Mais dans la personne de qui placerez-vous le droit d’en poursuivre l’effet? L’accorderez-vous à celui-là même qui a fait la disposition, s’il vit encore? Votre comité a pensé qu’une telle mesure de¬ viendrait souvent subversive de l’intérêt social et du repos des familles. Combien de pères, combien de parents, en établissant depuis 1789 leurs enfants, ou ceux que la nature appelait un jour à leur succes¬ sion, leur ont fait en avancement d’hoirie quelques dons, très licites sans doute, et que l’intérêt même de la Société commande. Avaient-ils plusieurs enfants, plusieurs pa¬ rents, et le don est-il tel qu’il ne présente qu’ excès en faveur de l’un et désavantage pour les autres? c’est ce qui se vérifiera au moment où les droits de tous seront ouverts. Ce n’est pas, en effet, pendant que le dona¬ teur vit que ses héritiers naturels peuvent avoir une action. Ce n’est pas lui non plus qui peut revenir contre son propre ouvrage; et si la loi lui en faisait un devoir, l’on conçoit assez que, loin que les droits naturels y gagnassent rien, ils ne feraient qu’y perdre beaucoup; car l’objet donné rentrant aux mains du donateur, com¬ bien de fois n’arriverait-il pas que la restitution s’en effectuerait sous des formes indirectes, bien plus difficiles à atteindre que l’acte authentique, qui du moins offre un résultat certain et vrai lors du partage définitif? Quelles entraves enfin ne naîtraient point, si pendant la vie du donateur il pouvait être interrogé et le donateur recherché ! Quand un père marie le premier de ses enfants, quand un parent dote son successible, il faudrait donc qu’ils donnassent leur bilan pour constater que leurs autres enfants, leurs autres succes¬ sibles pourront avoir autant un jour : quel système serait-ce pour un peuple composé d’hommes libres? quelles formes seraient donc introduites pour rendre de tels actes valides, et quels moyens surnaturels pourrait-on inventer pour en assurer la base, c’est-à-dire la fortune, qui change sans cesse? Quel est le moment où tout cela peut se faire sans blesser les droits du citoyen, l’intérêt de la Société et la tranquillité de tous? c’est le moment du décès; c’est là que, tout étant connu, se compense, se rapporte, et prend son niveau sans rompre l’harmonie sociale. Art. 52 (ajouté). « Le droit de réclamer le bénéfice de la loi, quant aux dispositions qu’elle annule, n’appar¬ tient qu’aux héritiers naturels, et à dater seu¬ lement du jour où leur droit est ouvert. » Ici citoyens, s’élève une question sur laquelle il importe que vous prononciez pour faire cesser les incertitudes d’un grand nombre de familles naguère étrangères, aujourd’hui françaises. A quelle époque vos lois relatives aux suc¬ cessions deviendront-elles communes aux dé¬ partements réunis à la République, depuis la Révolution? Sera-ce toujours à dater du 14 juillet 1789? Sera-ce seulement à dater de leur union à la France? Des vœux divers, selon la diversité des inté¬ rêts, se sont sur ce point fait entendre. Arrêtons-nous aux grands principes; com¬ ment ces unions se sont-elles faites? A ia con¬ dition que nos lois politiques et civiles régi¬ raient également tous les pays unis. Voilà la loi qu’imposa un grand peuple, trop las sans doute des dissonances qui régnaient autrefois dans ses diverses parties, et qui n’a pas entendu les faire revivre à l’égard des peu¬ ples qu’il s’incorporait. Telle est, citoyens, l’idée à laquelle votre comité s’est arrêté, et n’est-ce pas d’ailleurs lé 14 juillet 1789 qui a ouvert la carrière que nous parcourons aux peuples même qui sont venus ensuite partager notre liberté et nos lois? Art. 53. « La présente loi est déclarée dans tous ses points commune à toutes les parties de la République, même à celles dont l’union a été prononcée depuis le 14 juillet 1789. » Dans le système général de nos lois, il ne doit plus à l’avenir exister d’étrangers pour un peuple [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 2® décembre 1793 358 qui ne veut dans tous les autres hommes aper¬ cevoir que des frères. C’est dans cette vue que le projet du Code civil appelle aux successions, dans l’ordre dé¬ terminé par la loi, tous les parents du défunt, sans distinction de Français ou d’étrangers. Belle et grande disposition qui, néanmoins et dans une loi de circonstances peut recevoir quelques modifications. Sera-ce donc au moment où nos lois politiques frappent les étrangers sujets des puissances avec lesquelles nous sommes en guerre, que nos lois civiles leur accorderont la faveur due aux répùblicoles. Non, sans doute, et si la commension de nos lois est de justice rigoureuse envers les peuples alliés ou neutres, il n’en saurait être de même à l’égard des autres, sans briser l’harmonie qui doit régner dans notre système. Art. 54. « Toutes les fois que les dispositions de la présente loi tourneraient au profit d’étrangers, sujets des puissances avec lesquelles la Répu¬ blique française est en guerre, elles cesseront d’obtenir leur effet, et les dispositions contraires faites au profit des répùblicoles, ou des étrangers alliés ou neutres, demeurent en ce cas main¬ tenues. » La discussion à laquelle nous venons de nous livrer nous a fait apercevoir la nécessité d’éta¬ blir, au moins provisoirement, un mode de succéder, qu’ aujourd’hui l’on cherche en vain et qu’on ne trouve qu’en projet. Cependant, des milliers de successions s’ou¬ vrent tous les jours, et placés dans la transition de l’ancien au nouvel ordre de choses, les Fran¬ çais de toutes parts demandent la règle de leur conduite. Les législateurs doivent faire cesser cette inquiétude; ce n’est point dans une telle matière qu’un grand peuple peut se passer de lois; chaque jour de retard nous accuse, hâtons-nous de remplir ce devoir et commençons par faire le bien aujourd’hui sans perdre l’espoir de faire mieux un jour. Akt. 55. « Toutes lois, coutumes, usages et statuts relatifs à la transmission des biens, par droit de succession, demeurent formellement abolis. « Jusqu’à la promulgation du Code civil, les successions seront réglées ainsi qu’il est indiqué par les articles 12 et 13 ci-dessus. » Après avoir ainsi recueilli le résultat des diverses pétitions et assis ses méditations sur ce qui pouvait conduire à un système complet, votre comité vous doit encore quelques obser¬ vations. Son respect religieux pour les principes posés dans les lois des 5 brumaire et 5 frimaire der¬ niers ne l’a pas placé dans une situation telle qu’il ne se crût fondé à vous offrir quelques lé¬ gères rectifications, lors surtout qu’il les a cru voir dans l’esprit de la loi même. Il l’a fait; et si vous les accueillez, si vous adoptez la nouvelle série d’articles qui vous est présentée et dans laquelle les anciens se trouvent rappelés, il deviendra inutile et peut-être il serait dangereux de laisser subsister plusieurs lois dont quelques contradictions apparsente ouvriraient un vaste champ aux commentaires et deviendraient l’aliment de la chicane prompte à s’en saisir. Si vous portez le même jugement, vous trou¬ verez peut-être convenable de rapporter les lois des 5 brumaire et 5 frimaire derniers. Mais tout est-il prévu dans ce projet ! Votre comité n’ose s’en flatter, quelque attention qu’il y ait apportée. Il ne vous fatiguera point du récit des espèces particulières qui ont passé sous ses yeux; elles doivent trouver leur solution dans le système général, autrement ce serait le système même qui serait vicieux et incomplet. Que chacun le suive et s’en pénètre : il doit y trouver ce qui a fait admettre ou rejeter le principe qu’il invoquait. Il est surtout des points généraux auxquels il convient de s’attacher. Tel, par exemple, demandait que la loi fût étendue à des époques plus reculées, et tel autre qu’elle fût restreinte : tel, qu’en considérant l’origine des biens, la donation qui les reportait aux familles d’où elles émanaient fussent main¬ tenues, et tel autre demandait le contraire. Qu’y a-t-il à répondre à tous? Que le 14 juillet 1789 est la grande époque où les droits de la nature ont repris leur empire, et seuls ont dû régir les hommes et les biens tels qu’ils se sont trouvés alors. Si l’on porte ses regards sur d’autres récla¬ mations, on verra de nombreux donataires prétendre qu’ils étaient considérés comme enfants adoptifs de leurs donateurs, et exciper ainsi d’une loi qui n’existait pas, pour rendre la nouvelle illusoire. Qu’y a-t-il à répondre à ceux-là? Que, s’ils sont indigents, ils retiendront la portion de secours que la loi détermine, et que c’est là que l’ordre social s’arrête pour laisser au delà son libre cours à la nature. Si l’on ouvre d’autres pétitions, on y verra le patriote quelquefois dépouillé pour remettre sa fortune à un aristocrate; l’homme peu riche dessaisi de son héritage, pour le transmettre à celui qui l’est beaucoup plus que lui. Ce sont les inconvénients inséparables d’une loi générale, qui ne peut opérer le bien sans quelques froissements particuliers; ce sont les torts de la nature elle-même, dont quelquefois la distribution peut être fautive, mais jamais perverse, et qui vaut mieux, en général, que celle opérée par la main des hommes. D’autres réclamations se sont fait encore entendre. Là, sur le fondement que le mobilier a souvent été recueilli sans inventaire, on demande qu’il soit dispensé du rapport; comme si le mobilier ne faisait pas partie de la fortune; comme si, à défaut d’inventaire, il n’y avait point là des arbitres qui sauront, sur des états et de sages renseignements, rendre justice à toutes les parties, sans en vexer aucune. Ici l’on demande que les dispositions sur lesquelles il y a litige, soient comprises dans la loi, bien qu’antérieures au 14 juillet 1789; comme si cela changeait quelque, chose aux principes, et qu’il fallût gratifier le chicaneur qui a pu intenter un mauvais procès, tandis que le citoyen tranquille et juste se trouve déchu, pour tout ce qui appartient à ces époques recu¬ lées. On ne cherchera point à répondre à d’autres espèces plus ou moins différentes, mais qui ont (Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { 4 décembre 1793 359 cela de commun, qu’attaquant ou dépassant le système, elles ont dû lui être sacrifiées. C’est une législation sûre et non hésitante qu’il faut aux Français, et sa marche trop ralentie par des systèmes accumulés, conver¬ tirait en un fléau la loi que vous avez créée comme un bienfait. Tel a été le plan du comité dans le travail qu’il vous soumet, travail qu’il croit bien plus révolutionnaire, qu’une loi qui ôterait tout aux uns, pour donner tout aux autres. S’il peut paraître long à quelques-uns, c’est que l’esprit . est prompt à concevoir des prin¬ cipes; mais l’exécution veut des détails, et sans eux l’on n’a souvent qu’une loi incomplète. Votre comité a trouvé, dans cette dernière réflexion, la règle de ses devoirs : heureux s’il approche du but, dans une matière aussi vaste, et qui embrasse tant d’intérêts divers. SÉRIE DES ARTICLES PROPOSÉS POUR RENDRE LA LOI DU 5 BRUMAIRE COMPLÈTE, CONSÉQUENTE DANS SES DISPOSITIONS, ET SIMPLE DANS SON EXÉCU¬ TION. Art. 1 (littéralement conservé). Est réputée non écrite toute clause impérative ou prohibitive insérée dans les actes passés, même avant le décret du 5 septembre 1781, lorsqu’elle est contraire aux lois et aux mœurs, lorsqu’elle porte atteinte à la liberté religieuse du donataire, de l’héritier ou du légataire; lorsqu’elle gêne la liberté qu’il a, soit dé se marier ou de se remarier, même avec des personnes désignées, soit d’embrasser tel état, emploi ou profession, ou lorsqu’elle tend à le détourner de remplir les devoirs imposés, et d’exercer les fonctions déférées par la loi aux citoyens. Art. 4 (littéralement conservé). Les ci-devant religieux et religieuses sont appelés à recueillir les successions qui leur sont échues, à compter du 14 juillet 1789. Art. 5 (littéralement conservé), Les pensions attribuées par les décrets des repré¬ sentants du peuple aux ci-devant religieux et reli¬ gieuses, diminueront en proportion des revenus qui leur sont échus, ou qui leur écherront par succession. Les revenus sont évalués pour cet effet au denier vingt des capitaux. Art. 6 (littéralement conservé). Les ci-devant religieux et religieuses qui ont émis leurs vœux avant l’âge requis par les lois, sont réintégrés dans tous leurs droits, tant pour le passé que pour l’avenir; ils peuvent les exercer comme s’ils n’avaient jamais été engagés dans les liens du régime monastique; les actes de dernières volontés qu’ils auraient pu faire avant leur profession sont anéantis. Art. 7 (littéralement conservé). Lorsque les ci-devant religieux et religieuses vien¬ dront à succéder, en vertu des articles 4 et 6 ci-dessus, concurremment avec d’autres cohéritiers, les dots qui leur auront été fournies, lors de leur profession, par ceux à qui ils succéderont, seront imputées sur leur portion héréditaire; les rentes ou pensions qui auront été constituées à ces ci-devant religieux et religieuses par ceux à qui ils succèdent, demeureront éteintes. Art. 8 (ajouté). Art. 2 (littéralement conservé). Les avantages stipulés entre les époux encore existants, soit par leur contrat de mariage, soit par des actes postérieurs, ou qui se trouveraient établis dans certains lieux par les coutumes, statuts ou usages, auront leur plein et entier effet. Néan¬ moins, s’il y a des enfants de leur union, ces avan¬ tages, au cas qu’ils consistent en simple jouissance, ne pourront s’élever au delà de moitié du revenu des biens délaissés par l’époux décédé; et s’ils consistent en des dispositions de propriété, soit mobilière, soit immobilière, ils seront restreints à l’usufruit des choses qui en feront l’objet, sans qu’ils puissent jamais excéder la moitié du revenu de la totalité des biens. Art. 3 (ci-devant décrété) La même disposition aura lieu à l’égard des institutions, dons ou legs faits dans des actes de der¬ nière volonté par un mari à sa femme, ou par une femme à son mari, dont les successions sont ou¬ vertes depuis la promul¬ gation de la loi du 7 mars dernier. Art. 3 ( proposé en rem¬ placement). Les avantages légale¬ ment stipulés entre époux dont l’un est décédé avant le 14 juillet 1789, seront maintenus au profit du survivant. A l’égard de tous autres avantages échus ou re¬ cueillis postérieurement, ou qui pourront avoir lieu àd’avenir, soit qu’ils ré¬ sultent des dispositions matrimoniales, soit qu’ils proviennent d’institu¬ tions, dons entre vifs ou legs faits par un mari à sa femme, ou par une femme à son mari, ils ob¬ tiendront également leur effet, sauf néanmoins leur conversion en usufruit de moitié dans le cas où il y aurait des enfants du mariage, conformément à l’article 2 ci-dessus. Pour l’exécution des articles précédents, en ce qui concerne l’intérêt national, tous ci-devant religieux et religieuses seront tenus d’inscrire dans les quittances qu’ils fourniront aux receveurs des districts, la déclaration qu’ils n’ont rien recueilli, on qu’ils ont recueilli une succession, dont ils énoncerout la valeur. A défaut d’exactitude dans lesdites déclarations, ils seront à l’avenir privés de leurs pensions, et condamnés, au profit du trésor public, à une amende quadruple des sommes qu’ils auront indûment per¬ çues. Art. 9 (ajouté). Toutes dispositions entre vifs, faites depuis le 14 juillet 1789, et toutes institutions ou dispo¬ sitions à cause de mort, faites par des personnes décédées depuis la même époque sont nulles et de nul effet. Les dispositions entre vifs, faites, ou à cause de mort, déférées antérieurement, sont maintenues. Art. 10, gui est le 8 de la loi du 5 brumaire (avec un léger changement). Néanmoins, les enfants descendants et collatéraux ne pourront prendre part aux successions de leurs pères, mères, ascendants ou autres parents, sans rapporter les donations qui leur ont été faites par ceux-ci, antérieurement au 14 juillet 1789, sans préjudice toutefois de l’exécution des cou tûmes qui assujétissent les donations à rapport, même dans le cas où les donataires renoncent à la succession du donateur. Le présent article sera observé nonobstant toutes dispenses de rapport, faites dans les lieux où elles étaient autorisées. Art. 11, gui est le 9 de la loi du 5 brumaire (littéralement conservé). Les successions des pères, mères ou autres ascen¬ dants et des parents collatéraux, ouvertes depuis 360 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { �mbre 1793 le 14 juillet 1789, et qui s’ouvriront à l’avenir, seront partagées également entre les enfants, descendants ou héritiers en ligne collatérale, nonobstant toutes lois, coutumes, usages, donations, testaments et partages déjà faits. En conséquence, les enfants, descendants et héritiers en ligne collatérale ne pourront, même en renonçant à ces successions se dispenser de rapporter ce qu’ils auront eu, à •titre gratuit, par l’effet des donations que leur auront faites leurs ascendants ou leurs parents collatéraux, postérieurement au 14 juillet 1789. seront le produit entre eux, au marc la livre des portions qui leur étaient assignées. Art. 18 (ajouté), En toutes successions, ouvertes au moyen de la présente loi, l’institué déchu et non successible pourra, en outre, conserver sur l’hérédité autant de valeurs égales au quart de sa propre retenue, qu’il avait d’enfants au temps où il avait recueilli l’effet de sa disposition. Art. 12 (ajouté). Le partage ordonné par l’article précédent, s’opérera selon les règles établies par les articles 14 et suivants, jusques et y compris le 75 du titre 3 du livre 2 du projet de Code civil; auquel effet, lesdits articles seront imprimés à la suite du présent décret, et auront force de loi, sans néanmoins rien préjuger à l’égard de la révision pour les cas futurs. Art. 13 (ajouté). Les mêmes règles seront observées à l’égard des ascendants, qui seront, pn conséquence, tenus à rapporter, ou autorisés à revendiquer, d’après elles, toutes successions ouvertes depuis le 14 juillet 1789, nonobstant toutes dispositions contraires, soit de l’homme, soit de la loi, qui demeurent annulées. Art. 14 correspondant à l'article 11 de la loi du 5 brumaire. Article décrété. Les donations et dis" positions faites par con~ trat de mariage en ligne collatérale, sont seules exceptées de l’article pré¬ cédent (le 9e) qui annule les donations postérieu¬ res au 14 juillet 1789. Nouvel article proposé. Les donations et dis¬ positions faites par con¬ trat de mariage, depuis le 14 juillet 1789, par tous citoyens, parents ou non parents des époux, pour¬ vu que les donateurs fus¬ sent sans enfants, sont seules exceptées de la nullité prononcée par l’ar¬ ticle 9 de la présente loi. Néanmoins, et dans le cas où le donataire serait successible et prendrait part à la succession du donateur, il ne le pourra qu’en rapportant lesdites donations à la masse. Art. 15, qui est le 12° de \la loi du 5 brumaire (littéralement conservé.) . Les dispositions de l’article 10 ci-dessus ne font point obstacle pour l’avenir à la faculté de disposer du dixième de son bien, si on a des héritiers en ligne directe, ou du sixième si on n’a que des héri¬ tiers collatéraux, au profit d’autres que des per¬ sonnes appelées par la loi au partage des successions. Art. 16 (ajouté). Le non-parent, ou parent non successible, institué ou donataire, à titre universel, déchu par l’effet de la loi du 5 brumaire, est autorisé, si son donateur est mort avant la promulgation de ladite loi, à retenir ou répéter soit le dixième, soit le sixième, qu’elle rend disponible, net et défalcation faite de toute espèce de charges, même des libéralités parti¬ culières maintenues par la présente loi. Le descendant du successible n’est pas pour cela réputé successible, ni déchu de la retenue, autorisée par le présent article pour le passé. Art. 17 (ajouté). S'il y a plusieurs institués ou donataires, au même titre universel, déchus, ils concourront pour la re tenue ordonnée par l’article précédent, et s’en divi-Art. 19 et 20 proposés au lieu des articles 12 et 13 de la loi du 5 brumaire dont on demande la sup¬ pression. Articles décrétés. Art. 12. Toutes dispositions en¬ tre vifs ou à cause de mort, faites par des pères ou mères encore vivants, au préjudice de leurs en¬ fants et en faveur de leurs collatéraux ou d’é¬ trangers sont nulles et de nul effet. Art. 13. Sont pareillement nul¬ les et de nul effet toutes dispositions entre vifs ou à cause de mort, faites par des parents collaté¬ raux au préjudice de leurs héritiers présomp¬ tifs, en faveur d’autres collatéraux ou d’étran¬ gers, depuis le 14 juil¬ let 1789. Art. 19 et 20 proposés. Art. 19. Toutes institutions con¬ tractuelles, à l’instar des donations entre vifs, sont maintenues, lorsqu’elles sont antérieures au 14 juillet 1789. Art. 20. Les donations entre vifs sont celles par les¬ quelles on a conféré irré¬ vocablement une pro¬ priété à un tiers accep¬ tant. Leur date est celle de l’acte authentique qui en a été passé. A l’égard des disposi¬ tions contenues dans les testaments, codicilles et donations à cause de mort, elles n’ont à quel¬ que époque, et en quel¬ que forme qu’elles aient été passées, d’autre date que celle du décès du tes¬ tateur ou donateur. Art. 21, qui est le 14e de la loi du o brumaire (littéralement conservé.) Le mariage d’un des héritiers présomptifs, soit en ligne directe, soit en ligne collatérale, ni les dis¬ positions contractuelles faites en le mariant, ne pourront lui être opposées pour l’exclure du partage égal, à la charge pour lui de rapporter ce qui lui aura été donné ou payé lors de son mariage. Art. 22 (ajouté). Dans le cas où un époux, décédé avant ou depuis le 14 juillet 1789, aurait conféré au conjoint survi¬ vant la faculté d’élire un ou plusieurs héritiers dans ses biens, l’élection, si elle a eu lieu postérieurement au 14 juillet 1789, demeure nulle et de nul effet, et tous les héritiers présomptifs, au préjudice desquels elle aurait été faite sont, nonobstant toute exécu¬ tion, appelés à partager la succession de la même manière, et par les mêmes règles que celles ouvertes depuis le 14 juillet 1789. Art. 23 (ajouté). Toutes donations à charge de rentes viagères, ou ventes à fonds perdus, en ligne directe ou collatérale à l’un des héritiers présomptifs ou à ses descendants, sont interdites à moins que les autres cohéritiers présomptifs n’y interviennent et n’y consentent. Toutes celles faites sans ce concours depuis le 14 juillet 1789 aux personnes de la qualité ci-dessus désignée sont annulées, sauf à rapporter à l’acqué¬ reur tout ce qu’il justifiera avoir payé au delà du [Convention nationale.] juste revenu de la chose aliénée : le tout sans préju¬ dice des coutumes ou usages qui auraient invalidé de tels actes passés même avant le 14 juillet 1789. Art. 24 (ajouté). La présente loi sera exécutée dans tous les cas qu’elle embrasse, si l’héritier naturel réclame à ce sujet, nonobstant toutes renonciations, transactions et jugements intervenus avant le 5 brumaire der¬ nier. Art. 25 (ajouté). A l’égard de tous traités ou partages faits en exé¬ cution de dispositions non annulées par la présente loi, ils seront exécutés, pourvu qu’ils ne soient accom¬ pagnés d’aucun vice qui donne spécialement lieu à uouveau partage. Art. 26 (ajouté). En toutes successions abandonnées par les héri¬ tiers naturels, les créanciers du défunt pourront, de leur propre chef, poursuivre le rapport des avan¬ tages annulés par la. présente loi. Art. 27 (ajouté). Dans tous les cas où le rappel établi par les dis¬ positions ci-dessus concernera des individus dont les biens sont acquis et confisqués à la République, la nation exercera leurs droits. De même, elle rapportera, ainsi qu’ils y eussent été tenus eux-mêmes, les dispositions qu’elle aurait recueillies de leur chef, et qui se trouveraient annu¬ lées par la présente loi. Art. 28 (ajouté). S’il y a inconvénient à diviser les corps hérédi¬ taires, la nation pourra, lorsqu’elle concourt, les mettre tous sous sa main, sauf à faire état aux coïn-téressés de leurs portions, soit dans les revenus, soit dans le prix de la chose. Art. 29 (ajouté). En cas que les dispositions aient été faites par un homme décédé sans parents, le donataire ou institué en conservera l’effet. Art. 30 (ajouté). Ne sont pas comprises dans les dispositions de la présente loi les donations qui, bien que grevées d’usufruit, étaient, quant à la propriété, ouvertes et échues avant le 14 juillet 1789. Art. 31 (ajouté). Les dons et legs à titre particulier, faits depuis le 14 juillet 1789, sont maintenus dans les cas ci-après, savoir : 1° lorsque le donataire particulier ou légataire n'avait pas, au temps que le don ou legs lui est échu, une fortune excédant un capital de 10,000 livres; 2° lorsque le don ou legs particulier ne s’élève pas lui-même au delà de cette somme. Art. 32 (ajouté). Dans le cas où, soit le donataire, soit le légataire à titre particulier, auraient des enfants, le maximum de fortune sera pour eux fixé à 10,000 livres, plus autant de fois 5,000 livres qu’ils avaient d’enfants à l’époque du don ou legs qui leur a été conféré. Le maximum du legs ne pourra surpasser, en ce cas, le maximum de fortune ainsi réglé. Art. 33 (ajouté). Pour vérifier le maximum de fortune, les arbitres dont il sera parlé ci-après, se feront représenter l’ex-6 nivôse an II Ofil 26 décembre 4793 trait des diverses impositions du donataire à titre-particulier ou légataire. Ils pourront, au surplus, s’environner de tous autres renseignements à ce sujet. Art. 34 (ajouté). Si la fortune que possède le donataire ou légataire-à titre particulier ne consiste qu’en simple usufruit ou viager, l'estimation s’en fera de telle manière qu’un revenu de 1,000 livres ne soit représentatif que d’un capital de 10,000 livres. Art. 35 (ajouté). De même, les avantages à vie seulement, et q ut ne consisteraient qu’en usufruit ou pension, seront estimés d’après cette donnée. Art. 36 (ajouté). Dans les cas ci-dessus, si les avantages excèdent la somme à laquelle ils peuvent légalement s’élever,. ils y seront réduits. Art. 37 (ajouté). Si la fortune du légataire à titre particulier, dona¬ taire ou pensionnaire excède le maximum ci-dessus, sans cependant atteindre la somme jusqu’à laquelle elle pourrait légitimement s’élever par la réunion du don et du legs, il pourra en conserver l’effet jusqu’à cette concurrence seulement, et non au delà. Art. 38 (ajouté). Néanmoins et en toutes successions dont la valeur nette pour les héritiers naturels excédera 200,000 liv,, les legs particuliers, dons ou pensions sortiront sans autre examen leur effet jusqu’à concurrence d’un sixième, si mieux n’aiment les donataires, légataires ou pensionnaires s’en tenir aux règles générales ci-dessus posées. Art. 39 (ajouté). La faculté accordée par les articles précédents n’est qu’en faveur des donataires ou légataires à titre particulier, non parents ou parents non suc¬ cessibles. sauf à ceux qui sont héritiers naturels à exercer les droits que cette dernière qualité leur donne. Art. 40 (ajouté). Les avantages ou gratifications accordés aux exé¬ cuteurs testamentaires depuis le 14 juillet 1789 sont maintenus, pourvu qu’ils n’excèdent point la valeur d’une année des revenus du testateur. Si néanmoins les revenus excédaient 6,000 livres, la gratification ne vaudra que jusqu’à concurrence de cette somme, et le surplus sera sujet à rap¬ port. Art. 41 . Les droits acquis soit à des tiers possesseurs, soit à des créanciers hypothécaires et à tous autres ayant un titre authentique antérieur au 5 bru¬ maire dernier, sur les biens compris dans les dis¬ positions annulées par la loi du même jour, leur sont conservés. Art. 42 (ajouté), qui est le 15e de la loi du 5 bru¬ maire (littéralement conservé). Dans les partages et rapports qui seront faits en exécution des articles précédents, il ne sera fait aucune restitution, ni rapport des fruits et inté¬ rêts qui, avant la promulgation de la loi du 5 bru¬ maire, auront été perçus en vertu des lois, cou¬ tumes et dispositions auxquelles il a été ci-dessus dérogé. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. | 362 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j Sérambrê «93 Art. 43 (ajouté). Les héritiers naturels, appelés par la présente loi, seront tenus de recevoir les biens en l’état où ils se trouveront actuellement, et de s’en rapporter sur la consistance de ces biens à l’inventaire qui en aura été dressé, et à défaut d’inventaire |à [l’état qui en sera fourni, sauf tous légitimes contredits. Art. 44 (ajouté). L’institué ou donataire déchu, qui ne pourra repré" senteren nature les effets et biens compris dans l’inventaire, tiendra compte aux héritiers naturels du prix qu’il en aura tiré, ou de leur valeur au temps où il les aura recueillis. Art. 45 (ajouté). D’un autre côté, il lui sera fait état par la masse de la succession de toute espèce d’impenses, de quelque nature qu’elles soient, qu’il aura faites dans les biens sujets à rapport, et de toutes charges par lui légitimement acquittées, comme aussi de tous déboursés relatifs à l’acte annulé, faux frais et voyages. La succession poursuivra à ses propres risques et périls le recouvrement des charges qui, après avoir été légalement acquittées, se trouveraient, par l’effet de la présente loi, sujettes à restitution. Art. 46 (ajouté). Si l’institué ou donataire déchu n’avait été avan¬ tagé que sous des charges ou conditions particulières, comme de conférer ses travaux ou ses revenus, il pourra réclamer sa part des améliorations et acquêts faits pendant la durée de cette espèce de société. Art. 47 (ajouté). Si les charges imposées se trouvent être de telle nature qu’on ne puisse en induire une société, le donataire déchu est néanmoins autorisé à faire la retenue des sommes auxquelles elles se seront éle¬ vées. Il lui sera même fait état, s’il le demande, des intérêts des sommes par lui payées, à dater du jour des paiements, sauf, en ce cas, l’imputation des fruits qu’il pourrait avoir perçus. Art. 48. Tous les partages qui seront faits en exécution de la présente loi seront définitifs : s’il y a un mi¬ neur, son tuteur, d’après l’avis d’un conseil de famille, composé de quatre parents] ou amis non coïntéressés au partage, y stipulera pour lui, sans espoir de ratification de sa part. Il répondra personnellement des fautes qu’il pour¬ rait commettre par dol ou fraude. Art. 49. Toutes contestations qui pourront s’élever sur l’exécution de la présente loi seront jugées par des arbitres. Il est défendu aux tribunaux ordinaires d’en con¬ naître, et de donner suite à celles qui seraient actuel¬ lement portées devant eux pour ce fait, à peine de nullité. Art. 50. Il sera nommé deux arbitres par chacune des parties. Faute par l’une d’elles de le faire sur la somma¬ tion qui lui en aura été notifiée, le juge de paix du lieu de l’ouverture de la succession en nommera d’office, après un délai de huitaine auquel il sera ajouté un jour par 10 lieues de distance. En cas qu’il y ait partage dans l’avis des arbitres, un tiers sera nommé par le même juge. Art. 51 (ajouté). L’instruction sera sommaire; les jugements des¬ dits arbitres ne seront point sujets à appel. Art. 52. Le droit de réclamer le bénéfice de la loi, quant aux dispositions qu’elle annule, n’appartientj qu’aux héritiers naturels, et à dater seulement du jour où leur droit est ouvert. Art. 53. La présente loi est déclarée, dans tous ses points, commune à toutes les parties de la République, même à celles dont l’union a été prononcée depuis le 14 juillet 1789. Art. 54. Toutes les fois que les dispositions de la présente loi se trouveraient tourner au profit d’étrangers, sujets des puissances avec lesquelles la République française est en guerre, elles cesseront d’obtenir leur effet; et les dispositions contraires, faites au profit des républicoles ou des étrangers alliés ou neutres, demeurent en ce cas maintenues. Art. 55 (ajouté). Toutes lois, coutumes, usages et statuts relatifs à la transmission des biens par droit de succession demeurent formellement abolis. Jusqu’à la promulgation du Gode civil, les suc¬ cessions seront réglées ainsi qu’il est indiqué par les articles 12 et 13 ci-dessus. Articles Extraits du projet de Code civil, aux¬ quels il est proposé de donner force de loi, jusqu’à la promulgation défi¬ nitive d’un Code de lois civiles. Livre II. — Titre III. Art. 45. La loi ne reconnaît aucune différence dans la nature des biens, ou dans leur origine, pour en régler la transmission. Art. 46. Il y a trois espèces de successions pour les parents : la succession des enfants, ou de leurs descendants; celle des pères ou mères, ou de leurs ascendants; et la succession des parents collatéraux. De la succession des descendants. Art. 47. Si le défunt laisse des enfants, ils lui succéde¬ ront également. Art. 49. A défaut d’enfants, les petits succèdent à leur aïeul ou aïeule. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j nivôse an II ( 26 décembre 1793 363 Art. 50. A défaut de petits-enfants, les arrière-petits-enfants succèdent à leur bisaïeul ou bisaïeule. Art. 51. A défaut de ceux-ci, les autres descendants succèdent dans l’ordre de leur degré. Art. 52. Lorsqu’il y a des petits-enfants ou des des¬ cendants des degrés ultérieurs, la représentation a lieu. Art. 53. L’enfant adoptif ou ses descendants succèdent concurremment avec les autres enfants ou leurs descendants, de la manière qui est réglée au titre 7 du livre 1er. De la succession des ascendants. Art. 54. Si le défunt n’a laissé ni descendants, ni frères ou sœurs, ni descendants de frères ou de sœurs, ses père et mère, ou le survivant d’entre eux lui succèdent. Art. 55. A défaut de père et mère, les aïeuls et aïeules, ou les survivants d’entre eux succèdent, s’il n’y a pas de descendants de quelqu’un d’entre eux. Art. 56. A défaut d’aïeul ou aïeule, les ascendants supérieurs sont appelés à la succession, suivant la proximité du degré, s’il ne reste pas de des¬ cendants du même degré. Art. 57. Dans tous les cas, les ascendants sont tou¬ jours exclus par les héritiers collatéraux qui descendent d’eux ou d’autres ascendants au même degré. Art. 58. Les ascendants succèdent toujours par tête* sans aucune représentation. Art. 59. Les biens donnés par les ascendants à leurs descendants, avec stipulation de retour, ne sont pas compris dans les règles ci-dessus; ils ne font pas partie de la succession du descendant, tant qu’il y a lieu au droit de retour. Des successions collatérales. Art. 60. Les parents collatéraux succèdent, lorsque le défunt n’a pas laissé de parents en ligne directe. Art. 61. Ils succèdent même au préjudice de ses ascen¬ dants, lorsqu’ils descendent d’eux, ou d’autres ascendants au même degré. Art. 62. La représentation a lieu jusqu’à l’infini en ligne collatérale. Ceux qui descendent des ascen¬ dants les plus proches du défunt excluent ceux qui descendent des ascendants plus éloignés de la même ligne. Art. 63. Ainsi, les descendants du père excluent tous les autres descendants des aïeul et aïeule pater¬ nels. Les descendants de la mère excluent tous les autres descendants des aïeul et aïeule mater¬ nels. Art. 64. A défaut des descendants du père, les des¬ cendants des aïeul et aïeule paternels excluent tous les autres descendants des bisaïeul et bi¬ saïeule de la même ligne. Art. 65. A défaut des descendants de la mère, les des¬ cendants des aïeul et aïeule maternels excluent tous les autres descendants des bisaïeul et bisaïeule de la même ligne. Art. 6. La même exclusion a lieu en faveur des des¬ cendants des bisaïeuls et bisaïeules ou ascen¬ dants supérieurs, contre ceux des ascendants d’un degré plus éloigné dans la même ligne. Art. 67. Par l’effet de la représentation, les représen¬ tants entrent dans la place, dans le degré et dans tous les droits du représenté. La succession se divise en autant de parties qu’il y a de branches appelées à la recueillir, et la subdivi¬ sion se fait de la même manière entre ceux qui en font partie. Art. 68. Si donc les héritiers du défunt descendent les uns de son père et les autres de sa mère, une moitié de la succession sera attribuée aux héri¬ tiers paternels, et l’autre moitié aux héritiers maternels. ARCHIVES PARLEMENTAIRES, f J nivôse an 0 ( 26 décembre 1793 364 [Convention nationale.] Art. 69. Si le défunt n’a pas laissé d’héritiers descen¬ dants de son père, la portion paternelle sera attribuée, pour une moitié, aux descendants de l’aïeul paternel, et pour l’autre aux descendants de l’aïeule maternelle. Art. 70. Si le défunt n’a pas laissé d’héritiers descen¬ dants de sa mère, la portion maternelle sera pareillement partagée entre les descendants de l’aïeul paternel et ceux de l’aïeule maternelle. Art. 71. Il en sera de même, si le défunt n’a pas laissé d’aïeul ou d’aïeule, soit dans l’une, soit dans l’autre branche; les descendants du bisaïeul et ceux de la bisaïeule prendront chacun une moitié dans la portion qui aurait appartenu à l’aïeul ou à l’aïeule. Art. 72. Il en sera de même encore pour les descen¬ dants des degrés supérieurs, lorsque le bisaïeul ou la bisaïeule n’auront pas laissé de descen¬ dants. Art. 73. Ces règles de représentation seront suivies "dans la subdivision de chaque branche; on par¬ tagera d’abord la portion qui lui est attribuée en autant de parties égales que le chef de cette branche aura laissé d’enfants, pour attribuer chacune de ces parties à tous les héritiers qui descendent de l’un de ces enfants, sauf à la sub¬ diviser encore entre eux dans les degrés ulté¬ rieurs, proportionnellement aux droits qu’ils représentent. Art. 74. La loi n’accorde aucun privilège au double lien ; mais si des parents collatéraux descendent tout à la fois des auteurs de plusieurs branches appelées à la succession, ils recueilleront cumu¬ lativement la portion à laquelle ils sont appelés dans chaque branche. Art. 76. A défaut de parents de l’une des lignes pater¬ nelle ou maternelle, les parents de l’autre ligne succèdent pour le tout. Sur la proposition d’un membre [Billaud-Va-RENNE (1)] : « La Convention nationale rapporte son décret (1) D’après les divers journaux de l’époque. portant établissement d’une Commission pour s’occuper uniquement de la mise en liberté des gens suspects (1). » Suit le texte du rapport fait par Barère au nom du comité de Salut publie, et en vertu du décret du 30 frimaire, rapport qui a donné lieu au décret que nous insérons ci-dessus d'après le procès-verbal. Rapport (2) fait au nom du comité de Salut PUBLIC SUR LES MOYENS D’EXÉCUTION DU DÉCRET DU 17 SEPTEMBRE (3), CONCERNANT LES PERSONNES SUSPECTES, ET DU DÉCRET RENDU LE. 30 FRIMAIRE (4), DANS LA SÉANCE DU 12 NIVÔSE, AN II DE LA RÉPUBLIQUE, par B. Barère. ( Imprimé par ordre de la Convention nationale pour être envoyé aux comités de surveillance de la République.) Citoyens, je viens, au milieu des victoires sur nos ennemis extérieurs, vous proposer d’en remporter une autre sur nos ennemis de l’inté¬ rieur. L’aristocratie incorrigible nous accuse d’injustice, parce que les aristocrates ne sont pas libres d’arrêter nos succès. Voici la réponse qu’elle provoque. Vous avez fondé une Répu¬ blique, vous avez dû être d’une sévérité in¬ flexible. Vous êtes venus après deux mille ans changer des lois despotiques ; vous avez dû être d’un courage audacieux; vous avez changé tout à coup les usages, les mœurs, le gouvernement, les habitudes d’une grande nation; vous avez dû calculer toutes les résistances pour les vaincre. Vous avez aboli pour jamais la servitude et le despotisme; vous avez dû incarcérer les esclaves et les partisans de la tyrannie. Si, le 14 juillet 1789, quand le plus juste des incendies consumait les châteaux de la féoda¬ lité, et détruisait la noblesse, cette rouille des sociétés politiques; si à cette époque première, mais éludée, où la crainte des brigands arma tous les citoyens, les représentants du peuple avaient secondé les mouvements révolutionnaires, tous les abus monarchiques auraient disparu et les crises successives et violentes qu’éprouve la liberté eussent été moins violentes. Si le 21 juin 1791, quand la nation, unanime¬ ment indignée, demandait la République à l’Assemblée constituante, mais monarchique, les représentants du peuple eussent été à la hauteur des circonstances, le trône d’un roi parjure et fugitif aurait disparu avec les suppôts ordinaires, les aristocrates, les prêtres, les nobles et les fripons. Si le 10 août, à jamais célèbre, les représen¬ tants du peuple avaient mis en état d’arrestation tout ce qui tenait à ces castes privilégiées et dévorantes qui pullulent à l’ombre des trônes, alors une bienfaisante déportation aurait dé¬ blayé le sol de la liberté de tout ce dangereux mobilier de despotisme et la Convention, au (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 115. (2) Bibliothèque nationale : 14 pages, in 8°, Le38, n° 635 Bibliothèque de la Chambre des Députés ; i Collection Parliez (de l’Oise), t. 206, n° 22. (3) Voy. Archives Parlementaires, lre série, t. LXXIV, séance du 17 septembre 1793, p. 303. (4) Voy. ci-dessus ce décret, séance du 30 fri¬ maire an’ II (vendredi 20 décembre 1793), p. 35.