142 [Convention nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES | 2 nivôse an II 1 22 décembre 1793 de prise de corps fait audit Bardou; l’extrait d’écrou de sa personne dans la maison d’arrêt tenant lieu de maison de justice; Le tribunal, disant droit de la plainte et réquisitoire de l’accusateur public et des preuves résultant de la déclaration des témoins, sans s’arrêter aux reproches libellés; Déclare : 1° qu’il est constant que, dans le mois d’août dernier, il a été dit dans la maison de Coustey de Monein et dans le cabaret de Mauba, de la même ville, « qu’avant la fin du mois d’août, nous aurions un roi, que la Répu¬ blique serait anéantie, que la nation ne réus¬ sirait pas, qu’on donnait la tête à couper si cela n’arrivait, que les aristocrates étaient les plus forts, que lorsque nous avions un roi nous n’avions qu’un tyran, tandis qu’ aujourd’hui nous en avions autant que de membres de la Convention nationale, que les émigrés revien¬ draient, que la Convention et ses membres seraient détruits; qu’il y avait à Bordeaux dix mille hommes armés contre la République, qu’ils s’étaient assemblés un jour sous les armes, et qu’on était du nombre, qu’on voulait y revenir »; que dans le cabaret de Mauba et dans une circonstance particulière, une per¬ sonne ayant dit que nous aurions un meilleur temps sans les émigrés, on tira un couteau de la poche avec menace d’en frapper la personne qui fit cette observation; 2° Qu’il n’est pas constant qu’on ait tenu ces propos et fait ces menaces dans l’intention de provoquer le rétablissement de la royauté en France; 3° Qu’il est néanmoins constant que ces pro¬ pos et menaces ont été par leur nature et l’inci¬ visme grave qui les a déterminés un sujet de trouble et d’agitation; 4° Que Jean-Baptiste Bardou, cultivateur, natif de Lescar, habitant à Monein, accusé, est convaincu d’en être l’auteur et de s’y être livré dans des intentions criminelles; En conséquence, acquitte ledit Bardou de l’accusation contre lui intentée pour avoir pro¬ voqué le rétablissement de la royauté en France. Néanmoins, pour les autres cas dont il est convaincu, le condamne à la peine de la déportation pour sa vie à la Guyane française, conformément à la loi du 7 juin dernier dont lecture a été faite, laquelle est conçue en ces termes : « Ceux qui, étant convaincus de crimes ou délits qui n’auraient pas été prévus par le Code pénal et les lois postérieures, ou dont la punition ne serait pas déterminée par les lois, et dont l’incivisme et la résidence sur le terri¬ toire de la République auraient été un sujet de trouble et d’agitation, seront condamnés à la peine de la déportation. La Convention nationale décrète, en outre, que les juges des tribunaux criminels, en appliquant cette peine aux cas prévus par l’article précité, pourront la pronon¬ cer temporaire ou à vie suivant les circons¬ tances et la nature des délits. » Déclare en outre les biens dudit Bardou confisqués au profit de la République, et ordonne que le présent juge¬ ment sera exécuté conformément à la loi. Fait et prononcé à Pau, le septième jour du second mois de l’an second de la République en l’audience publique du tribunal criminel où étaient présents les citoyens Cassaigne, pré¬ sident; Porchéron, Badière et Bayhaut, juges, qui ont signé la minute du présent. Au nom de la nation, mandons et ordonnons à tous huissiers de ramener ledit jugement à exécution, aux commandants et autres offi¬ ciers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront légalement requis, et aux commissaires nationaux près les tribunaux d’y tenir la main. Collationné : Cachait, greffier. Extrait des registres du tribunal criminel du département des Basses-Pyrénées (1). Le neuvième jour du second mois de l’an second de la République, une et indivisible. Les juges et accusateur public étant descendus à la salle d’auditoire du palais, dont les portes étaient ouvertes. Jean-Baptiste Bardou, ci-de¬ vant cultivateur, habitant à Monein, ayant été amené et introduit, l’accusateur public a dit : que ledit Bardou ayant été déféré au tribunal comme prévenu de provocation au rétablisse¬ ment de la royauté, et d’avoir été un sujet de trouble et d’agitation, il fut rendu le 7 du cou¬ rant un jugement par lequel faute de preuves de la provocation il en fut acquitté; mais pour avoir été, par son incivisme, un sujet grave de trouble et d’agitation, il fut condamné à la peine de la déportation à vie, et à la confiscation des biens. Le comité de surveillance de cette ville, ins¬ truit de ce jugement, adressa ledit jour au tri¬ bunal la lettre suivante qui fut reçue hier : « Le comité de surveillance, aux citoyens com¬ posant le tribunal criminel à Pau. Nous sommes informés, citoyens, que Bardou, de Lescar, contre-révolutionnaire, a été jugé hier par votre tribunal et condamné à la déportation seule¬ ment. Nous n’accusons pas vos principes, ils nous sont connus, mais nous sommes instruits que vous n’avez pas suffisamment connu les délits dont il est coupable, et qu’entre autres il n’y a pas eu des témoins entendus sur le fait suivant : « Bardou portait à ses habits une garniture de boutons à face royale. Quand on lui deman¬ dait pourquoi il ne se dépouillait pas de ces emblèmes inciviques, il répondait : « Je ne quit¬ terai pas ces boutons, parce que le roi est dans mon cœur. » Le citoyen Maromet, de Lescar, doit avoir indiqué sur ce fait quelque témoin affirmatif. Nous vous déclarons, au nom de la vengeance, que nous avons juré contre les enne¬ mis de notre patrie, que nous formons opposition à votre jugement, et que notre président se rendra demain, huit heures du matin à votre audience pour renouveler la présente opposition contradictoirement avec le coupable. a Signé: Dulaut président; Jean Ambkoise; Foukcade; Dantv, secrétaire. » Il est de l’intérêt public de prendre ces objets dans la plus profonde considération, d’où vient qu’il requiert, recevant la dénonciation faite par le comité de surveillance des nouveaux faits consignés dans la lettre dont s’agit,- circonstances et dépendances, ordonne qu’il sera procédé à l’instruction, ce faisant et lui retenant acte de (1) Archives nationales, carton Dm 206, dossier Pau. 143 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES ! ® n,,v.ose ?n >■ 1 1 l 22 décembre 1793 l’opposition formée par ladite lettre au juge¬ ment du 7 du courant, surseoir à l’exécution dudit jugement jusqu’à ce que, par le tribunal il en soit autrement ordonné ; Sur quoi lecture de nouveau faite de ladite lettre audit Bardou, et ouï ce dernier dans sa défense; Le tribunal, considérant que, par la loi du 27 mars dernier, la Convention nationale a la ferme résolution de ne faire ni paix ni trêve aux aristocrates et à tous les ennemis de la Révo¬ lution, et décrète qu’ils sont hors de la loi, qu’ ainsi rien ne peut les mettre à l’abri de peines qu’ils ont encourues; qu’il est au contraire de l’intérêt et du salut du peuple qu’aucun de leurs attentats ne demeure impuni; Le tribunal, disant droit de la réquisition de l’accusateur public, reçoit la dénonciation faite par le comité de surveillance des nouveaux faits consignés dans sa lettre du 7 du courant, cir¬ constances et dépendances, ordonne qu’à la dili¬ gence de l’accusateur public il sera procédé à l’instruction; Ce faisant et lui retenant acte de l’opposition formée par ladite lettre au jugement dudit jour sept du présent mois, surseoit à l’exécution dudit jugement jusqu’à ce que par le tribunal il en soit autrement ordonné; Ce fait, l’accusé a été renvoyé dans la maison de justice. Fait à Pau, et prononcé ledit jour neuvième du second mois de l’an second de la République, une et indivisible, en l’audience publique du tribunal criminel du département des Basses-Pyrénées, où étaient présents les citoyens Cassaigne, prési¬ dent, Forcheron, Badière et Bayhaut, juges, qui ont signé la minute du présent. Collationné : Cachau, greffier. Extrait des registres du tribunal criminel du département des Basses-Pyrénées (1). Le neuvième jour du second mois de l’an second de la République, Les juges du tribunal criminel étant assemblés dans la chambre du conseil, un, des membres a dit : « Citoyens, le salut du peuple est la suprême loi ; vous venez de consacrer ce principe par le jugement que vous avez rendu contre Bardou. Ce particulier, ci-devant cultivateur, habitant à Monein, vous avait été déféré comme prévenu de provocation au rétablissement de la royauté, le défaut de preuves vous avait forcé de l’absoudre, et réduits à l’assurance qu’il avait été un sujet d’agitation et de trouble vous l’aviez seule¬ ment condamné à la déportation à vie avec con¬ fiscation de biens. Le comité de surveillance instruit de votre jugement, vous l’a dénoncé comme prévenu d’un nouvel attentat. Au nom de la vengeance qu’il a jurée contre les ennemis du bien public, il s’est opposé à l’exécution de ce jugement; rendant justice à la pureté de vos principes, il vous a dit que les délits de Bardou n’avaient pas été connus, mais qu’ils peuvent et doivent l’être, votre énergie, votre attachement inviolable à la chose publique (1) Archives nationales , carton Dm 206, dossier Pau. vous a élevés à la hauteur des circonstances; vous avez cru que les ennemis de la Révolution, étant hors de la loi, ne pouvaient exciper de la maxime qui garantit le citoyen déjà acquitté de subir l’épreuve d’une seconde instruction, vous avez lu dans le fond de vos cœurs que la Convention nationale, ayant déclaré comme loi inviolable la ferme résolution de ne leur accorder ni paix ni trêve, vous imposait le devoir de tenir le glaive de la loi élevé sur leurs têtes, d’agir et de réagir sans cesse pour les convaincre et les punir, vous avez, en conséquence, aujourd’hui retenu acte de l’opposition formée à votre juge¬ ment, et, en recevant la dénonciation qui vous était faite, vous avez ordonné l’instruction. Si vous n’écoutiez que votre zèle, vous prononce¬ riez sur le premier délit comme sur le second, dès que les nouvelles recherches seraient épuisées; mais le salut de la République qui vous anime, vous impose le devoir de soumettre vos prin¬ cipes et votre marche au comité de Salut public de la Convention nationale. Le décret du 19 du mois dernier qui vous met sous sa surveillance vous en fait la loi. Dites-lui ce que vous avez fait, et demandez-lui de confirmer votre marche si le principe qui vous a dirigé est aussi sacré que vous l’avez cru, ou de la rectifier s’il le faut. C’est ainsi qu’agissant sans cesse pour le bien public, vous le rendrez encore plus certain par l’attache d’un comité autorisé à régler votre marche. Sur quoi, ouï, Casebonne, accusateur public, il a été arrêté qu’il sera fait le prochain courrier une adresse au comité de Salut public de la Con¬ vention pour lui demander : 1° Si dans les affaires révolutionnaires, des individus mis hors de la loi, l’accusé acquitté d’un défit peut néanmoins, dans le cas de nou¬ velles preuves, être mis en jugement pour le même défit; 2° Si dans le cas particulier il doit être passé un second jugement sur le premier attentat dont Bardou a été acquitté, en même temps qu’au jugement du défit nouvellement dénoncé; Qu’à cet effet, il sera adressé au comité de Salut public copie collationnée tant du présent arrêté que des jugements, et, au ministre de la justice, autant, avec prière d’employer son ministère suivant l’exigence du cas. Délibéré à Pau, en la chambre du conseil du tribunal criminel ledit jour, neuf du second mois, de l’an second de la République, séans les ci¬ toyens Cassaigne, président; Forcheron, Badière et Bayhaut, juges, qui ont signé. Collationné : Cachatj, greffier. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation Merlin (de Douai), rapporteur ] (1), sur la pétition du citoyen Antoine Despierres, juge de paix du can¬ ton de Saint-Julien-de-Civny, district de Cba-rolles, département de Saône-et-Loire, tendant à faire excepter de la réquisition portée par la loi du 23 août 1793 un de ses fils, marié posté¬ rieurement à la publication de cette loi, et sub¬ sidiairement à le faire remplacer par un autre de ses fils qui est parti volontairement, quoiqu’il (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales , carton C 286, dossier 849.