[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 1“ frimaire . an Jl 601 1 J i 21 novembre 1793 sacre de l’ humanité, un ministre dn 10 août présider une assemblée dont la philanthropie dût être le caractère distinctif ! « Non, ce n’étaient pas des républicains qui le composaient alors, ce club trop fameux dans les fastes du girondinisme. C’étaient des conspi¬ rateurs qui, sous le dehors astucieux du civisme, cherchaient à pervertir l’opinion du peuple, pour, à l’aide de celle-ci, armer son bras tout-puissant contre son propre bonheur; la collec¬ tion de ces conjurés n’était autre chose qu’une ramification du grand système de conspiration qui devait précipiter le corps politique dans une dissolution prochaine. « Mais tant de projets furent vainement con¬ çus, le génie de la liberté était là pour les faire échouer, plus les obstacles sont nombreux pour entraver sa marche rapide, plus son triomphe est ressortissant aux yeux de ses ennemis : sem¬ blable au roc immobile qui brave le courroux simultané des vents et des flots, cette fille du ciel et de la raison domptera toujours les efforts redoublés de la tyrannie et la poursuivra jusque dans ses retranchements les plus cachés et les plus redoutables. « Grâces éternelles en seront rendues aux sénateurs Ysabeau, Monestier, Dartigoeyte et Cavaignac, le hideux fédéralisme a été abattu dans cette contrée, ses vils suppôts ne souillent plus les honorables fonctions de la magistrature. Les rênes de l’administration ont été ôtées de leurs mains parricides, et ont été placées entre celles des sans-culottes dont les principes purs et la conduite révolutionnaire nous garantissent leur fidélité pour l’exécution des lois. « Nous ne pouvons cependant pas vous le dissimuler, un amas effroyable de vapeurs in¬ fectes, qui s’étaient élevées de la vase du marais, empoisonnaient encore la Montagne de la So¬ ciété dite populaire de Bagnères. Il ne fallait rien moins qu’un violent coup de foudre pour les expulser dans le lointain. De bas valets de l’ex-ministre Joly, de vils girondistes s’y pa¬ raient forcément et avec une impudeur dont rien ne nous offre l’exemple du titre et du lan¬ gage des Montagnards contre lesquels naguère ils exhalaient les injures et le mépris les plus insolents; leurs délibérations portaient l’em¬ preinte de leurs principes, les patriotes gémis¬ saient sous le joug de l’oppression. « Tout d’un coup, les révolutionnaires Darti¬ goeyte et Cavaignac, par un de ces arrêtés mar¬ qués au coin de l’énergie, suppriment cette so¬ ciété qui souillait le nom qu’elle portait, mais sa non-existence ne devait être que momenta¬ née. De son abolition, elle se relève plus bril¬ lante et pure, sous le titre de société monta¬ gnarde, elle a pris le timon de l’opinion publique, et les citoyens qui la composent aujourd’hui, après avoir été pesés à la balance d’une censure régénératrice, croient convaincre la Convention de la pureté de leurs principes, en lui adressant leur profession de foi et leurs vœux de la ma¬ nière suivante : « Nous croyons que l’unité et l’indivisibilité de la République sont les bases uniques et assu¬ rées de son bonheur. En conséquence, nous te remercions, Montagne chérie, d’avoir lancé le décret d’accusation contre les conventionnaires (sic) convaincus d’avoir conspiré contre elle. « Mais, considérant que des 6 envoyés de ce département à la représentation nationale, deux seuls marchent dans la carrière du républica¬ nisme; que les quatre autres appelés Piqué, Oer-toux, Dupont et Laerampe doivent aussi être regardés comme conspirateurs, puisqu’ils écri¬ virent à notre département, alors girondin, et que celui-ci propagea, par la voie de l’impres¬ sion, que tous les événements des 31 mai, 1er et 2 juin et toutes leurs conséquences étaient une collection et continuation d’immoralités, que la force avait surpris les décrets à la Convention, qu’elle n’était pas libre, voulant dire par là que ses actes étaient tachés d’une nullité radicale; « Considérant que nous avons toujours été convaincus du contraire, et qu’une pareille mis¬ sive de nos quatre députés n’est sans doute que le remplissement du rôle qui leur avait été dis¬ tribué dans la grande pièce contre-révolution¬ naire, nous demandons que la même accusation soumette au tribunal révolutionnaire nos dépu¬ tés infidèles, pour que leur accession au fédéra¬ lisme soit légalement punie. « Nous demandons de plus que la sainte Mon¬ tagne, qui tient en main le tonnerre, le lance sur tous les ennemis de l’égalité, qu’elle reste à son poste jusqu’à ce que le vaisseau politique soit parvenu et ancré invariablement au port ; nous demandons que Monestier, et Dartigoeyte, aux¬ quels nous devons la régénération sociale de ce pays, y soient conservés, afin que si quelques-unes des cent têtes du hideux fédéralisme ve - n aient à y repulluler, ils soient là pour les abattre. « Les membres composant le bureau de la So¬ ciété montagnarde de Bagnères -Adour, départe¬ ment des Hautes -Pyrénées, « Pinac, président ; J. Rousse-Bezy neveu, secrétaire; Auguste Fréchou, secrétaire. » VI. Lettre du représentait Mallarmé pour ANNONCER QU’UNE INDISPOSITION l’a EMPʬ CHÉ DE REJOINDRE SOI! POSTE A LA CON¬ VENTION (1). Suit le texte de la lettre de Mallarmé d’après un document des Archives nationales (2). François -Auguste Mallarmé, député de la Con¬ vention nationale, au citoyen Président. « Pont-à-Mousson, le 26 brumaire de la seconde année de la République, une et indivisible. « Citoyen Président, « Je me serais rendu à mon poste dans le sein de la Convention, aussitôt que j’ai été informé du décret qui m’y rappelle, si je n’en avais pas été empêché par une indisposition, dont je joins ici le certificat. Je vous prie d’en informer (1) La lettre de Mallarmé n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 1er frimaire an II; mais on lit en marge de l’original qui existe aux Archives nationales l’indication suivante : « Ren¬ voyé au comité de Salut public le 1er frimaire an II.» D’autre part, il y est fait allusion dans le compte rendu de la séance du 1er frimaire publié par le Mercure universel [2 frimaire an II (vendredi 22 no¬ vembre 1793), p. 20, col. 1]. (2) Archives nationales, carton AFn 151, pla¬ quette 1225, pièces 9 et 10. 602 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j frimaiKeea la Convention et de l’assurer de mon exactitude et de mon empressement à - me réunir à elle lorsque mes facultés physiques me le permet¬ tront. « Salut et fraternité. « Mallarmé. :> Certificat. Nous soussigné, docteur en médecine, méde¬ cin de l’hôpital ambulant de cette ville, certi¬ fions que le citoyen Mallarmé, député du dépar¬ tement de la Meurthe à la Convention nationale, est attaqué d’une affection catarrhale, dont les symptômes les plus sérieux le mettent hors d’état de pouvoir voyager. En foi de quoi nous lui avons donné le présent certificat. A Pont-à-Mousson, le 25 brumaire de l’an II de la République française, une et indivisible. Lefeure, d. m. ; Magot, d. m. VII. Le citoyen Laurent Romand, chef d’esca¬ dron DE LA 23e DIVISION DE GENDARMERIE, DEMANDE A TOUCHER SUR LES BIENS DE SON BEAU-PÈRE, LE CITOYEN JEAN -BAPTISTE Claude Tourtier, tombé sous le glaive DE LA LOI, UNE SOMME QUI L’iNDEMNISE DES FRAIS QU’IL EUT A SUPPORTER POUR SOUTENIR UN LONG PROCÈS (1). Suit le texte de la pétition du citoyen Laurent Eomand d’après un document des Archives na¬ tionales (2). Laurent Eomand, chef d’escadron de la 23e di¬ vision de gendarmerie, à la Convention natio¬ nale, salut et respect. « A Orléans, le 26 brumaire, l’an II de la République française, une et indivisible. « Législateurs, « La nation est essentiellement juste : ainsi je crois que vous ne refuserez pas un moment d’attention à l’exposé d’un défenseur de la République, parce que vous êtes les dispensa¬ teurs de sa justice distributive. Voici le fait. « Après neuf années de persécutions inouïes dans les antres de la chicane, par le père de mon épouse qui avait juré notre ruine, même aux dépens de la sienne propre, parce qu’il ve voulait pas que sa fille se mariât et le laissât pour un mari, j’apprends à mon retour de l’armée de la Vendée (pour cause de maladie grave, et par congé du ministre qui me permet de venir en cette ville auprès de ma famille pour un plus prompt rétablissement de ma santé) que ce père, unique en son espèce, que cet homme singulier, nommé Jean-Baptiste Claude Tour¬ tier, est tombé sous le glaive de la loi le 2 août dernier (vieux style) pour raison d’incivisme, (1) La pétition du citoyen Laurent Romand n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 1er frimaire an II; mais en marge de l’original qui existe aux Archives nationales, on lit l’indication suivante ! « Renvoyé au comité de législation le 1er frimaire an IL » (2) Archives nationales, carton Dm 131a (Or¬ léans). que par conséquent ma femme et mes enfant» se trouvent privés de son bien, et que ce der¬ nier coup de fatalité accomplit l’horrible me¬ nace qu’il nous avait faite tant de fois. « Cependant, législateurs, j’ose encore espé¬ rer de voir changer de si fâcheux destins pour de .trop malheureux époux, qui ont exclusive¬ ment consacré leur âme au saint amour de leur patrie, qui n’ont cessé de l’inspirer par-dessus-tout à leurs enfants et qui, enfin, n’ont jamais balancé de sacrifier à ces sentiments dignes de vous, tout ce que le vil intérêt de la fortune ou toute autre affection aurait pu leur suggérer pour adoucir leur sort et se relever de la pros¬ cription du cœur d’un père. « En effet, législateurs, serait -il juste qu’ après avoir été traîné si longtemps sur les ronces de la chicane par un père constamment im¬ placable, qu’ après m’avoir fait consumer le bien matrimonial de mon épouse, par plus de vingt sentences et autant d’arrêts également illusoires, nous ne fussions pas indemnisés de cette perte sur les biens mêmes de celui qui peut-être n’a pas craint de s’éteindre avec eux pour le seul plaisir de nous en frustrer. « Mais la nation est aussi grande et géné¬ reuse qu’elle est juste. En punissant le coupable elle n’atteint l’innocent que pour le protéger et même le récompenser s’il y a heu. J’espère donc, législateurs, que vous pèserez dans votre sagesse si, revenant malade d’une armée où j’étais dès le 20 mars dernier, avec ma division qui a beaucoup souffert, je suis susceptible de recevoir en bienfait de la nation, sur lesbiens mêmes qui lui sont acquis par le jugement et l’exécution à mort de ce père dénaturé (qui a ruiné ses enfants avec cette intention opi¬ niâtre), une indemnité qui réintègre et assure aux miens la modeste fortune dont leur mère avait vainement hérité de la sienne, car en effet elle n’a jamais pu en recouvrer la moindre parcelle dans les ménagements de la pitié filiale envers son père pour l’exécution desdits arrêté. « Ces tristes vérités sont connues de tout le pays, et la Convention nationale peut encore en éclairer sa justice, en y interpellant l’un de ses membres (le citoyen Lagueule) (1) qui fut souvent un des juges qui ont rendu lesdites sentences restées sans effet. « Ainsi je me repose sur la juste bienfaisance de la nation ou de ses représentants; et, lors¬ que je parle d’indemnité, j’entends seulement et espère par là obtenir que tous les frais que nous a faits injustement ledit Tourtier, pour continuer de jouir à notre préjudice du bien de sa fille, mon épouse, seront prélevés sur ceus de son père pour rétablir l’intégrité de sa portion de l’héritage de sa mère; comme aussi que la non-jouissance des fruits depuis l’ouverture de cette succession du 22 janvier 1785 nous sera pareillement précomptée. Enfin, nous nous aban¬ donnons à la justice et à la souveraine bonté de la Convention nationale, « Je profiterai pourtant encore de cet exposé pour dire aux représentants de la nation que je ne sais si ma transplantation de la résidence d’Orléans à celle de Limoges, en juin 1791, fut un nouvel effet de quelque machination du père de mon épouse, mais ce qu’il y a de certain, � (I) Il s’agit de Delagueulle de Coinces, député du Loiret et président du tribunal d’Orléans.