[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, « 211 « Sur la motion d’un membre [Richard (1)], la Convention nationale décrète que le comité des secours publics sera tenu de prendre les me¬ sures nécessaires pour que les citoyens blessés en défendant la patrie, et les veuves et mères des défenseurs de la République, tués à la guerre ou hors de service par leurs blessures, reçoivent promptement les secours qui leur sont dus (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3). Deux soldats blessés, l’un dans l’armée du Nord, l’autre dans celle delà Vendée, demandent des secours. Richard. La Convention a décrété qu’il serait accordé des secours aux mères et aux femmes des défenseurs de la patrie. Cependant ces inté¬ ressantes citoyennes ne jouissent pas des bien¬ faits de votre décret, elles ne reçoivent pas l’indemnité à laquelle elles ont droit. Je demande que le comité des secours nous fasse un rapport sur l’exécution de votre décret. Ducos aîné fait observer que le comité des secours s’occupe de cet objet. « La Convention nationale, sur la proposition d’un membre [David (4)], décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les honneurs du Panthéon sont décernés à Marat, l’ami et le représentant du peuple, la Convention nationale dérogeant pour lui au dé¬ cret du ..... relatif à l’époque où ces honneurs doivent être décernés. Art. 2. « Le comité d’instruction publique présentera le plan de la cérémonie. Art. 3. « Les tableaux de Le Peletier et de Marat, peints par David et offerts par lui à la nation, seront placés dans le lieu des séances de l’Assemblée des représentants du peuple. Art. 4. « Ils seront gravés sous la direction de David, qui choisira lui-même le graveur. Art. 5. « La trésorerie nationale tiendra à la disposi¬ tion du ministre de l’intérieur jusqu’à la concur¬ rence de 24,000 francs, pour subvenir aux frais de gravure et d’impression. Art. 8. « Il sera distribué un exemplaire de ces deux gravures à chaque membre de la Convention et à chaque administration de département et de district. Les planches resteront à David. (1) D’après la minute du décret qui se trouve iux Archives nationales, carton C 277, dossier 732, (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 221. (3) Moniteur universel [n° 56 du 26 brumaire m II (samedi 16 novembre 1793), p, 227, Qol. 2]. (4) D’après les divers journaux de l’époque, Art. 7. « Les tableaux, après avoir été gravés, seront replacés dans le lieu des séances de la Conven¬ tion; ils ne pourront en être retirés, sous aucun prétexte, par les législatures qui lui succède* ront (1). » Suit le texte du discours de David d'après le document imprimé (2). DISCOURS PRONONCÉ A LA CONVENTION NATIO¬ NALE par David, député de Paris, en lui OFFRANT LE TABLEAU REPRÉSENTANT MARAT ASSASSINÉ. SÉANCE DU 24 BRUMAIRE, L’AN II de la République française. (Imprimé par ordre de la Convention nationale.) Citoyens, Le peuple redemandait son ami, sa voix désolée se faisait entendre, il provoquait mon art, il voulait revoir les traits de son Adèle ami : David î saisis tes pinceaux, s’écria-fc-il, venge notre ami, venge Marat; que ses ennemis vaincus pâlissent encore en voyant ses traits défigurés, réduis-les à envier le sort de celui que, n’ayant pu corrompre, ils ont eu la lâcheté de faire assassiner. J’ai entendu la voix du peuple, j’ai obéi. Accourez tous ! la mère, la veuve, l’orphelin, le soldat opprimé; vous tous qu’il a défendus au péril de sa vie, approchez ! et contemplez votre ami; celui qui veillait pour vous n’est plus; sa plume, la terreur des traîtres, sa plume échappe de ses mains. O désespoir ! notre infatigable ami est mort. Il est mort, votre ami, en vous donnant son dernier morceau de pain ; il est mort sans même avoir de quoi se faire enterrer. Postérité, tu le vengeras; tu diras à nos neveux combien il eût pu posséder de richesses, s’il n’eût préféré la vertu à la fortune. Humanité, tu diras a ceux qui l’appelaient buveur de sang, que jamais ton enfant chéri, que jamais Marat ne t’a fait verser de larmes. Toi -même je t’évoque, exécrable calomnie; oui, je te verrai un jour, et ce jour n’est pas loin, étouffant de tes deux mains tes serpents dessé¬ chés, mourir de rage en avalant tes propres poisons. Alors, on verra l’aristocratie épuisée, confuse, ne plus oser se montrer. Et toi, Marat, du fond de ton tombeau, tes cendres se réjouiront, tu ne regretteras plus ta dépouille mortelle, ta tâche glorieuse sera remplie; et le peuple, une seconde fois couron¬ nant tes travaux, te portera dans ses bras au Panthéon. C’est à vous, mes collègues, que j’offre l’hom» mage de mes pinceaux; vos regards, en parcou-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 221. (2) Bulletin de la Convention du 4e jour de la 3e décade du 2e mois de l’an II (jeudi 14 no¬ vembre 1793); Bibliothèque nationale, 3 pages in-8<* Leï8, n® 564; Bibliothèque de la Chambre des dé¬ putés 2 Collection Portiez (de l'Oise), t. 83, n® 12 bis; Moniteur universel [n° 56 du 26 brumaire an II (samedi 16 novembre 1793), p. 227, col. I]; Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 422, p. 325). 2121 [Convention nationale.) rant les traits livides et ensanglantés de Marat, vous rappelleront ses vertus, qui ne doivent jamais cesser d’être les vôtres. Citoyens, lorsque nos tyrans, lorsque l’erreur égaraient encore l’opinion, l’opinion porte Mira¬ beau au Panthéon. Aujourd’hui les vertus, les efforts du peuple ont détruit le prestige; la vérité se montre, devant elles, la gloire de l’ami des rois se dissipe comme une ombre. Que le vice, que l’imposture fuient du Panthéon; le peuple y appelle celui qui ne le trompa jamais. Je vote pour Marat les honneurs du Pan¬ théon (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). David. Citoyens, le peuple redemandait son ami, etc. (Suit le texte du discours de David que nous avons inséré ci-dessus d'après un docu¬ ment imprimé.) Romme. Je demande également les honneurs du Panthéon pour Marat, je demande en outre que les tableaux de Marat et de Lepelletier soient gravés, qu’il soit délivré au graveur qui en sera chargé 10,000 livres pour chaque ta¬ bleau; que David surveille l’exécution de cette gravure, et que les planches lui soient remises. Les honneurs du Panthéon sont décernés à Marat. (On applaudit.) Les propositions de Eomme sont décrétées. Romme. Je demande, puisque vous avez accordé à Marat les honneurs du Panthéon, le rapport du décret qui ordonne qu’on ne pourra les décerner à un citoyen que 10 ans après sa mort. Charlier. Je ne me suis point opposé aux hon¬ neurs décernés à l’ami du peuple; l’opinion publique l’appelait depuis longtemps au Pan¬ théon; mais je m’oppose au rapport demandé par Romme. Il faut que la vie d’un citoyen soit éclairée avant d’ honorer sa mémoire. Je demande qu’on dise dans le décret pour Marat, que c’est en dérogeant au décret qui fixe à 10 ans après la mort l’obtention des honneurs du Panthéon. Cette proposition est adoptée. Sur la proposition de Merlin, la Convention ordonne l’insertion, au Bulletin, du discours de David. Granet. Je demande que Mirabeau soit mis hors du Panthéon pour faire place à Marat. Le Président. Marat ne doit remplacer per¬ sonne. Sergent. L’opinion est souveraine, c’est la voix du peuple. Votre comité d’instruction pu¬ blique était chargé d’un rapport sur Mirabeau. Je demande qu’il soit fait prochainement. Cette proposition est décrétée. (1) Vifs applaudissements, d’après Y Auditeur national [n° 419 du 25 brumaire an II (vendredi 15 novembre 1793), p. 4] et d’après les Annales pairioliques et littéraires [n° 318 du 25 brumaire an II (vendredi 15 novembre 1793), p. 1475, col. 2]. (2) Moniteur universel [n° 56 du 26 brumaire an II (samedi 16 novembre 1793), p. 227, col. 1]. Voy. d’autre part, ci-après, annexe n° 2, p. 226,1e compte rendu de la même discussion, d’après divers journaux. 24 brumaire an II 14 novembre 1793 Le décret relatif à ces diverses propositions est adopté en ces termes (1) : La Convention nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les honneurs du Panthéon sont décernés à Marat, l’ami et le représentant du peuple , la Convention nationale dérogeant au décret du ..... relatif à l’époque où. ces honneurs doivent être décernés. Art. 2. « Le comité d’instruction publique présentera le plan de la cérémonie. � Art. 3. « Les tableaux de Lepelletier et de Marat peints par David, et offerts par lui à la nation, seront placés dans le lieu des séances des repré¬ sentants du peuple. Art. 4. « Ils seront gravés sous la direction de David, qui choisira lui-même le graveur. Art. 5. « La trésorerie nationale tiendra à la dispo¬ sition du ministre de l’intérieur jusqu’à la concurrence de 24,000 livres, pour subvenir aux frais de gravure et d’impression. Art. 6. « 1,000 exemplaires de chaque gravure se¬ ront distribués aux représentants du peuple et aux départements; le surplus sera déposé aux Archives. Art. 7. « Après avoir tiré 1,000 exemplaires, les planches resteront à David. Art. 8. « Les tableaux après avoir été gravés seront replacés dans les lieux des séances de la Con¬ vention, ils ne pourront en être retirés, sous aucun prétexte, par les législateurs qui lui succéderont. » La séance est levée à 5 heures (2). Signé' : P. -A. Laloi, président ; Merlin (de Thionvüle), C. Duval, Frecine, secré¬ taires. En vertu du décret du 29 prairial, Pan II de la République française une et indivisible. S.-E. Monnel, Eschassériaux, J.-P. Duhem. (1) On remarquera que le Moniteur, d’accord en cela avec le Bulletin de la Convention et avec le Journal des Débats et des Décrets, donne une rédac¬ tion du décret qui contient un article de plus que la rédaction du procès-verbal. Cela tient à ce que les articles 6 et 7 du Moniteur furent fondus le lendemain en un seul article, qui devint l’article 6 du décret définitif. Le Bulletin de la Convention reproduit la rédaction en 8 articles du Moniteur, mais avec une variante. Au lieu de mille exemplaires, on lit : six mille exemplaires. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p.222. ARCHIVES PARLEMENTAIRES j