[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 août 1791.] 35 Le sieur Tribert était chargé de faire les approvisionnements de Rochefort. Le ministre l’engagea à approyisioner Paris, on pilla ses magasins. Depuis, le département de Poitiers le pria de reprendre son commerce pour l’approvisionner. Il accepta cette proposition et alla s’établir à Poitiers; mais il ne fut pas plus heureux là qu’à Paris, car on le pilla de nouveau, et on lui proposa de le pen ire; il fut obligé de quitter Poitiers. Il demande aujourd’hui que l’Assemblée veuille bien acheter son établissement et lui remettre une somme sous forme d’indemnité. Il faut vous dire, Messieurs, que le département de Poil iers fui promit une somme de 45,565 livres pour l’indemniser des pertes qu’il avait essuyées. Le comité a pensé que la nation devait accorder au sieur Tribert cetie somme, mais que, pour son établissement, il devait être prié de le reprendre, en le mettant sous la sauvegarde de la loi: car, si on se chargeait de tous les établissements des personnes qui ne peuvent pas suivre leur commerce, les fonds de la nation ne suffiraient pas. En conséquence, le comité de liquidation vous propose de décréter que le sieur Tribert recevra de la caisse de l'extraordinaire la somme de 45,565 livres qui lui a été accordée paF des procès-verbaux du département de Poitiers; qu’il e?t tenu de reprendre son établissement et qu’il est mis sous la sauvegarde de la loi, pour qu’on ne l’empêche pas de faire son commerce. (Cetie motion est décrétée.) M. Dionts du Séjour, rapporteur , demande le renvoi de la rédaction de ce décret au comité pour être mis à la suite du premier décret de liquidation qui sera présenté à l’Assemblée. (Ce renvoi est décrété.) Un membre demande qu’il soit ordonné que l’on insérera dans le procès-verbal que dorénavant les indemnités à accorder par suite d’insur-fection seront sujettes à répétition contre les départements. (Cette motion est décrétée.) L’ordre du jour est pu projet de décret des comités de Constitution et de révision sur la prochaine Assemblée de révision. M. ILe Chapelier, rapporteur. Messieurs, les comités de Constitution et de révision vous apportent aujourd’hui le complément de vos travaux ; c’est moins le fruit de fours réflexions qme le résultat des opinions qu’ils ont recueillies; toutes bs idées sont faites pour ainsi dire sur cetie matière ; quelques écrits sensés ont paru pour l’éclaircir. En méditant sur cet objet, on aperçoit et plusieurs principes dont on ne peut pas s’écarter, et plusieurs dangers qu’il faut éviter : le premier principe est que la nation a le droit de revoir, ae perfectionner sa Constitution ; le second est que toute Constitution sage doit contenir en t lie le vœu et le moyen d’arriver à la plus grande perfection ; mais ce moyen doit, dans son principe et dans sa conséquence, être employé avec circonspection, car sous le prétexte de perfectionner une Constitution, on pourrait tellement en déranger les bases que perpétuellement une révolution succéderait à une révolution ; et c’est un grand péril que présentent plusieurs des systèmes qui ont été pro-jfOsés. 4 qlianün dfoux s�tmehent des inconvénients plus ou moins grands ; il faut, pour être sages, combiner les principes avec les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons, et avi c fos événements futurs que de loin nous pouvons calculer. On peut établir de ces cinq choses l’une : Ou une Convention générale à une époque déterminée, Convention qui examinera, qui revisera la Constitution, qui s’en emparera, qui aura le pouvoir delà changer en entier, qui sera enfin investie de toute la puissance que nous avons eue et que nous avons exercée ; Ou des Conventions périodiques, ce qui est à peu près la même chose avec une absurdité de plus ; On peut prescrire des formes pour provoquer et exiger la convocation d’une Assemblée constituante; On peut indiquer une assemblée de révision ; mais cette Assemblée ne peut qu’examiner si la Constitution a été sévèrement gardée par les pouvoirs constitués, et régler les points dont la réforme aura été demandée; On peut enfin, en prescrivant cette Assemblée de révision à une époque fixe, ou en prescrivant les formes par lesquelles on pourrait la demander et l’exiger, accorder le droit de la demander aux citoyens ou uniquement aux pouvoirs constitués, c’est-à-dire au Corps législatif et au roi, ou faire concourir ensemble le? Pétitions des citoyens, les demandes du Corps législatif et du rofl Il fout examiner chacun de ces diverrs partis pour voir celui que nous devons préférer, et apprécier les motifs qui ont déterminé les comités. Quant au premier parti d’appeler à une époque fixe une Assemblée générale constituante qui s’emparera de toute la Constitution, et qui eu l’examinant, pourra la réformer en entier et nous donner une nouvelle forme de gouvernement, il nous semble que des inconvénients si Considérables sont attachés à cette détermination que vous devez l’éloigner de nous; car à l’annonce d’une Assemblée constituante qui pourrait changer en entier la Constitution, le crédit public serait anéanti, le commerce s’arrêterait dans toutes ses opérations, le numéraire se resserrerait : cela n’entraînerait peut-être pas une révolution ; mais la crainte même que cela pût en entraîner une, ferait fuir les grands propriétaires dès l’année qui précéderait la réunion du corps constituant; toutes les alarmes qui se répandent à la veille d’une révolution viendraient fatiguer fos citoyens; ces qualifications de bons et de mauvais citoyens voudraient encore semer les haines et les diversions dans la nation; c’est donc un malheur que nous devons éviter. D’ailleurs à quelle époque mettriez-vous cette Assemblée générale constituante? Eloignez-vous l’époque ? alors cela ne satisfait personne, celà ne donne lieu à aucune espérance, et les mêmes factions que vous voulez éteindre se perpétuent; en voyant à une époque trop éloignée l’espoir de faire changer quelque partie de la Constitution, elle?- cherchent les moyens delà renverser plus tôt : cette époque est-elle très rapprochée? Alors vous tenez les partis » n présence; les factions se conservent telles qu’elles s nt ; elles ne s’anéantissent pas par l’expérience, par le délai trop eourt qui doit s’écouler entre les législateurs et le moment où la Convention arrive, et le désordre se perpétue encore. Voilà les raisons qui nous ont fait éloigner l’idée d’une Assemblée constituante généralé, 30 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLËMENTAIRES. ayant et exerçant le même pouvoir que nous avons eu et que noos avons exercé. Préfère-t-on des Conventions à des époques fixes? C’est un système pris en Amérique, et qui ne peut appai tenir ni à la forme de notre gouvernement ni à l’étendue de notre* territoire. En Amérique, le gouvernement est composé de pe-tiies républiques et d’une association générale, d’un pacte fédératif entre toutes ces petites républiques ; une Assemblée constituante qui examine dans le pays la Constiiution trouve d’abord un territoire très étendu, peu d’habitants, des mœurs sattes et paisibles ; là l’examen de la Constitution ne fait pas une révolution; elle empêche une révolution. Ici, au contraire, où tous les hommes sont en quelque sorte pressés les uns contre les autres, où la popuiaiion est énorme, où tous les changements sont désirés avec u e sorte d’avidité, où les passsions sont vives et les caractères pétulants, où 1 esprit de la nation se porte souvent bien plus loin qu’il ne devrait aller, ici une Assemblée consiituante périodique serait toujours l’époque d’une révolution. Une autre combinaison est de prescrire des formes pour provoquer et exiger la convocation d’une Ass< mb ée constituante. Alors, Messieurs, les partis qui existent maintenant seraient encore perpétués, et vous verriez que, cherchant à acquérir la majorité pour provoquer une Assemblée constituante, on s’agiterait prodigieusement, on truublirait encore la tranquillité publique, et l’on parviendrait peut-être à obtenir sous très peu de temps une majorité factice qui appellerait une Assemblée de révision pour examiner la Constitution lorsque l’expérience n’aurait nullement éclairé sur les avantages ou sur les défauts de quelques-unes de ses parties. Ainsi un autre mode doit être suivi. J’arrive au moyen que vous proposent vos comités, c’est-à-dire à une Assemblée de révision, qui ne pourra jamais s’emparer de toute la G institution, mais bien examiner si les pouvoirs constitués sont restés dans les bornes prescrites, et si les points sur lesquels les citoyens, le Corps législatif et le roi se seront expliqués devront être réformés. C’est là le système où nous nous sommes arrêtés. Ce concours nous a paru le meilleur mode possible. Les grands agents du gouvernement sont ceux qui doivent le mieux connaître quels sont les ressorts qui empêchent le jeu général de la machine. Ne voulant donner que l’aperçu des raisons des comités, et me réservant de faire les diverses observations que la discussion rendra nécessaires, je vais vous donner lecture du projet de décret des comités : « L’Assemblée nationale, après avoir rempli la mission qui lui avait été donnée par le peuple français, après avoir établi une Constitution fondée sur les droits imprescriptibles de l’homme et du citoyen, et sur les principes de la raison et de la morale; « Considérant, d’une part, que, si les maximes qu’elle a prises pour bases de son ouvrage portent le caractère de l’évidence, et si un assentiment général, l’adhésion la plus solennelle de toutes les parties de l'Empire, l’exécution rapide et scrupuleuse des lois nouvelles n’ont laissé aucun doute sur la volonté de la nation de consacrer et de suivre les décrets constitutionnels faits par ses représentants, et sur l’opinion générale que ces lois atteignent le but d’une grande et heureuse régénération ; ® Considérant que, si cette réunion de seuti-[29 août 1791.) ments, ce mouvement spontané vers la liberté, qui a porté tous les habitants de l’Empire à se presser, pour ainsi dire, les uns sur les autres, pour confondre leurs droits et leurs intérêts, se rallier aux mêmes principes et se soumettre aux mêmes obligations, donne à l’Assamblée nationale le droit et lui impose le devoir d imprimer à son ouvrage le caractère inviolable de la volonté générale, et dé disposer de toute la puissance publique pour l’affermir et le maintenir; cependant ayant eu à lutter contre toutes les passions et tous les préjugés, ayant été obligée de substituer rapidement un corps d’institutions nouvelles à un amas monstrueux d’abus décriés -, ayant enfin donné, au milieu des chocs de toute espèce, des dangers de tont genre, des désordres trop exagérés, mais pourtant réels et malheureusement inséparables d’une révolution; ayant donné une nouvelle forme à un grand Empire, on peut craindre que. dans ces institutions, il ne se soit glissé quelques imperfections que l’expérience seule peut découvrir; « Considérant, d’autre part, que la nation a le droit inaliénable de revoir, de réformer, de changer et le système de ses lois constitutionnelles, et l’a te même de son association ; « Qu’il est donc nécessaire qu’en même temps que, pour l’utilité de tous, les représentants de lu nation exigent en son nom l’obéissance aux lois qu’ils ont d< crétées et qu’elle a approuvées, ils indiquent un moyen sûr et prompt de les réformer, et de profiter, à cet effet, de tous les secours que la nation puisera dans les vertus, les lumières, l’expérience dont ces lois mêmes vont devenir pour elle et la source et l’objet; « Qu’il faut seulement que les formes par lesquelles elle fera connaître son opinion soient fixées de manière à ne pas entraîner des erreurs et à ne pas donner à des mouvements tumultueux ou à des délibérations irréfléchies le caractère imposant de la volonté nationale, et fixer un délai auquel cette volonté sera examinée; délai qui ne doit être ni assez éloigné pour que la nation souffre de quelques parties vicieuses de son organisation sociale, ni assez rapproché pour que l’expérience n’ait pas eu le temps de donner ses salutaires leçons, ou que l’esprit de parti, le souvenir des anciens préjugés prennent la place de la raison et de la justice par lesquelles tous les citoyens doivent désormais être guidés; « Considérant enfin que la fixation de ce délai et la détermination de formes rasurantes pour la volonté nationale doivent, en portant toutes les idées vers l’utilité commune et le perfectionnement de l’organisation sociale, avoir l’heureux effet de calmer les agitations de l’époque présente et de ramener insensiblement les esprits à la recherche paisible du bien public, a décrété et décrète ce qui suit : Section Ire. De la formation de l'Assemblée de révision. « Art. 1er. Il y aura, en l’année 1800, le 1er juin, une Assemblée de révision dont le pouvoir sera déterminé ainsi qu’il sera dit ci-après. « Art. 2. Elle sera composée de 249 élus dans chaque département, dont un tiers à raison du territoire, les 2 autres tiers à raison de la population active. « Art. 3. Pour former l’Assemblée de révision, les assemblées primaires seront convoquées, et