418 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 janvier 1790. six derniers mois de l’année 1789 ; le tout en sus i de sa contribution du quart. J On demande l’impression de celle de la ville de Péronne, qui annonce que le tribut patriotique I des habitants de cette ville s’élève déjà à la I somme de 92,605 livres., et que les officiers muni-] cipaux, comme juges civils et criminels, offrent de rendre la justice gratuitement: l’impression est ordonnée. Adresse de la ville de Péronne à l'Assemblée nationale. L’hommage le plus digne de l’Assemblée nationale est l’empressement à exécuter ses décrets : c’est celui que nous lui offrons en ce moment. La contribution patriotique a été ouverte en cette ville le 9 novembre dernier : tous les citoyens s’y sont portés en foule ; elle est finie, à l’exception des déclarations de quelques particuliers, qui ne tarderont pas sans doute à se faire inscrire sur la liste des bons patriotes. Nous avons la satisfaction de vous annoncer, Nosseigneurs, que le Je tribut patriotique de Péronne s’élève déjà à la somme de 92,605 livres. C’est peu pour les besoins de l’Etat, c’est peu pour notre zèle ; mais l’Assemblée Nationale aura peut-être l’indulgence de penser que c’est quelque chose pour une ville qui n’a point de commerce, et qui ne compte pas 4,000 habitants. Nous ne nous ferons point un mérite auprès de vous, Nosseigneurs, d’avoir délibéré, le même jour 9 novembre dernier, de rendre gratuitement la justice, comme juges civils, criminels et de police. Le patriotisme a cessé d'être une vertu particulière, depuis que l’exemple des représentants de la nation en a fait un devoir pour tous les Français. Puisse l’Assemblée nationale continuer avec le même succès les grands travaux qu’elle a entrepris ! Puisse l’année 1790 réaliser toutes les espérances que celle qui finit nous a permis de concevoir ! Tels sont nos souhaits, Nosseigneurs -, daignez les agréer et recevoir l’assurance de notre adhésion à tous vos décrets. Nous sommes, avec un profond respect, Nosseigneurs, Vos très-humbles et très-obéissants serviteurs, Les officiers municipaux de la ville de Péronne. Signé : Dehaussv, de Robecourt, Dournel, Fernet, Dehaussy fils,’ Classe, Fournier, Mercier et Naudé. M. Samary, membre de l'Assemblée, offre, au nom des chanoines et prébendiers de l’église de Carcassonne, 200 marcs d’argenterie. M. Rarrère de Tîeuzac, Vundes secrétaires, présente le don patriotique que font les officiers de la sénéchaussée de Bigorre, de la finance de l’office de lieutenant général d’épée, avec les arrérages dûs depuis 1775, et les arrérages des gages qui peuvent être dûs à tous ces officiers, avec offre de rendre la justice gratuitement, et de redoubler de zèle et d’activité pour l’administrer. Un membre du comité de la vérification des pouvoirs demande l’admission de M. Ouf au en qualité de député du pays de Marsan, à la place -de M. Pérez d’Artassan qui a donné sa démission. 11 observe que l’élection de M. Dufau n’est pas parfaitement régulière, et que le comité a pensé que M. Dufau ne devait être reçu qu’à la charge de faire confirmer son élection dans la première assemblée qui se tiendra dans le pays de Marsan, en vertu des décrets de l’Assemblée nationale. L’admission de M. Dufau est ajournée jusqu’à ce qu’il ait été fait un rapport des défauts de forme de l’élection de M. Dufau. M. Dubois de Crancé, député de la Champagne, rapporte que s’étant rendu dans cette province à cause des troubles qui y régnaient, il les a vus se calmer ; que les frontières sont bien gardées contre l’exportation des grains; que la circulation de l’intérieur est entièrement libre, et que le peuple a vu diminuer le pain ; il a offert ensuite, de la part de trente-deux communautés du bailliage de Vitry-le -Français, un don patriotique de 80,000 livrés. M. Thouret, membre et organe du comité de constitution, reprend la lecture de l’instruction sur les corps administratifs de district et de département, qui avait été commencée la veille. Il propose ensuite le projet de décret. M. Regnaud de Saint-Jean-d’ Angel y. J’observe qu’il y aurait nécessairement une grande ineompabilité entre la possession des fonctions municipales et celles des autres administrations ; c’est-à-dire que le même homme ne pourrait point posséder l’une et l’autre en même temps ; et cependant celui qui exerce l’une doit et peut être éligible pour une autre, sous la clause de se désister de celle qu’il remplissait précédemment. M. de Clermont-Tonnerre. On peut déclarer dans l’instruction que les cotes des différents contribuables, éprouvant un rejet inattendu pour l’année courante, par rapport à la taxe extraordinaire' des ci-devant privilégiés, on fixerait les qualités de l’éligibilité, pour l’année courante, au prorata de la cote pour laquelle chacun était imposé avant ce rejet. M. Toys. Il est encore essentiel d’expliquer com ment on procédera à l’égard de villes franches, dont les cotes ne pourraient pas être parfaitement assises dans ce moment. M. Gourdan. Je fais la motion que, dans chaque assemblée de district, et avant la composition de la liste des éligibles, tant aux districts j et départements qu’à l’Assemblée nationale, on fixe parmi les non-éligibles un certain nombre de membres qui pourraient être élus. ( Violents murmures.) M. de "Vlrleu. C’est une violation du décret du marc d’argent. Je demande le renvoi du tout au comité de constitution. M. Thouret. Il convient sans doute de rendre un décret particulier sur les propositions de MM. Regnaud et de Clermont-Tonnerre; mais 1 cela ne doit en aucune manière retarder la clô-I ture de l’instruction déjà lue, parce que les décrets l explicatifs porteront leurs instructions avec eux. I Je vous propose de présenter à l’acceptation du [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 janvier 1790.] ll£ roi les décrets déjà rendus sur la formation des corps administratifs, ainsi que l'instruction qui vient d’être lue. M. Target propose, par amendement, de dire que l’Assemblée se réserve de distinguer les articles constitutionnels de ceux qui ne le sont point. M. Fréteau demande qu’en agissant comme on l’a fait par les municipalités, on présente les décrets seuls à l’acceptation du roi, et qu’on requière simplement son approbation pour les articles d’instruction qui les accompagnent. M. de Toulongeon propose d’établir, par un règlement, que les députés de chaque province, qui auraient fixé les cantons de chacun de leurs districts, présenteraient cette fixation dans huitaine, et que cette même fixation serait provisoirement exécutée lors de la première formation des assemblées municipales et administratives. Les trois amendements de MM. Target, Fréteau, et le dernier de Toulongeon, sont successivement mis aux voix et adoptés. Quant aux autres amendements, l’Assemblée n’y a aucun égard. Enfin, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale. < Décrète : « Que les décrets de l’Assemblée nationale, rendus sur la formation, tant des assemblées primaires et d’électeurs, que des administrations de district, rédigés et classés dans l’ordre que l’Assemblée a adopté par son décret du 22 décembre dernier, soient présentés à l’acceptation du roi; l’instruction qui vient d’être lue, à son approbation; que Sa Majesté soit suppliée de les envoyer aux tribunaux, corps administratifs et municipalités, pour être transcrits dans leurs registres, et publiés sans délai dans tout le royaume; qu’elle soit également suppliée de prendre les mesures les plus convenables pour que l’exécution en soit utilement surveillée et dirigée en chaque département, et pour que la convocation des assemblées ui doivent élire les membres des administrations e département et de district, ait lieu, au plus lard, du 1er au 15 février prochain. « L’Assemblé nationale se réserve de distinguer, dans les articles de son décret relatif aux assemblées représentatives et aux corps administratifs, les articles constitutionnels de ceux qui ne sont que réglementaires » . ( Voy . plus loin, séance du 15 janvier, le texte de l’instruction de l’Assemblée nationale.) M. Bureaux de Pusy, autre membre du comité de constitution, demande la parole et au nom du comité fait un rapport sommaire sur la nouvelle division du royaume (I). Il s’exprime en ces termes : Messieurs, le comité de constitution et les membres que vos ordres y ont adjoints pour procéder à la nouvelle division du royaume, ont cru qu’avant de vous rendre compte de leur travail, ils devaient, d’abord, mettre sous vos yeux les principes qui les ont guidés, la méthode qu’ils ont suivie ; et ils espèrent que cet exposé pourra les justifier du reproche d’une lenteur qu’il n’a pas dépendu de leur zèle d’éviter. La première règle, à laquelle le comité s’est invariablement soumis, a été celle d’une obéissance scrupuleuse à vos décrets. Des circonstances particulières, des localités ont quelquefois commandé des exceptions; mais, dans ces cas assez rares, le comité, forcé de s’éloigner du sens littéral de vos décisions, a du moins tâché de se conformer à l’esprit qui les avait dictées. Il a pensé que, le bonheur des peuples étant le but de la nouvelle division du royaume, il fallait d’abord assurer le succès de cette opération, et que pour y parvenir, il était essentiel de ne pas rompre trop brusquement les rapports moraux et politiques qui existent entre les différentes parties de l’empire. Il a pensé qu’il ne suffisait pas que l’Assemblée nationale eût saisi une idée grande, sublime ; mais qu’il fallait encore convaincre la nation de l’utilité qui devait résulter pour elle de cette étonnante entreprise ; que la persuasion ne pouvait être le fruit que de la douceur, de la patience, de la raison et au temps; et que par conséquent celui qui serait employé à discuter méthodiquement et à démontrer la nécessité ou les avantages des dispositions proposées par le comité, procurerait un bien plus réel qu’une rapidité d’exécution qui ne pourrait que difficilement se concilier avec les ménagements dûs aux intérêts et aux vœux de tant de concurrents. Mille obstacles vont contrarier l’exécution de ce dessein : des préjugés, des préventions à vaincre, des habitudes à effacer , des avantages à perdre, d’autres à obtenir, des rivalités qui s’élèvent, des prétentions qui se manifestent, le choc de tant de passions opposées, les espérances trompées, l’amour-propre déçu; que de difficultés, que d’écueils, que de germes d’aigreur et de dissension ! Et combien il était nécessaire que votre comité, qui n’a pu former Je projet insensé de concilier tous les intérêts, s’attachât du moins à n’en blesser que le plus petit nombre possible ! Dans cette intention, il a d’abord engagé les provinces à convenir entre elles des limites respectives qui devaient les séparer ; ensuite, à proposer les divisions qu’elles croiraient les plus utiles et les plus convenables à leur commerce, à leur agriculture, à leurs manufactures, à leurs localités; et jamais il ne s’est permis de faire un changement à des dispositions convenues entre les parties intéressées, à moins qu’il n’y ait eu obligation démontrée de le faire, ou des réclamations formelles, ou des contraventions aux décrets de l’Assemblée nationale; et dans ces cas divers il n’a usé du droit que vous lui avez confié de décider provisoirement les contestations, qu’a près avoir employé, qu’après avoir épuisé tous les moyens de conciliation qu’il a cru praticables. Sa conduite a été la même à l’égard de plusieurs villes qui, n’étendant leur vue qu’à une vingtaine de lieues à l’entour d’elles, avaient projeté leur réunion à celle-ci, leur séparation de celle-là, et en conséquence étaient parvenues à se composer des départements; mais le défaut de relation entre ces dispositions particulières et les dispositions générales ayant forcé le comité de contrarier plusieurs de ces projets, même d’en détruire quelques-uns tout à fait, il a toujours justifié sa résistance par l’exposé des motifs, qui le déterminaient; et plus d’une fois il a eu la satis-fation de voir l’intérêt particulier céder loyalement à l’évidence de l’utilité publique. L’affluence des députés extraordinaires des villes annonce la grande importance qu’elles attachent, (1) Le rapport de M. Bureaux de Pusy n’a pas été inséré au Moniteur.