[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mars 1791.) 824 Ne craignez pas qu’en offrant ainsi l’alternative de l’hôtel ou de la pension à tous vos vétérans, une désertion générale condamne cet asile à la solitude dont on le menace. Conservez et améliorez l’établissement; et j’ose vous promettre les bénédictions de cette grande famille, dont vous êtes les protecteurs et les pères. Hélas I à peine avais-je annoncé, dans cette Assemblée, le projet de m’opposer à cette suppression, sollicitée avec une ardeurtrès suspecte parle rapporteur de votre comité, qu’un très grand nombre de ces braves invalides, rassemblés et pressés sur mon passage, ont daigné m’en manifester leur reconnaissance avec une sensibilité si touchante, qu’il ne m’est permis ni de l’oublier ni de l’exprimer ! Je m’aperçois dans ce moment, Messieurs, avec la satisfaction la plus consolante, que le même intérêt vous touche ; et votre émotion ne me permet pas de suspendre [dus longtemps votre décret. Je me hâte donc de conclure, en vous invitant à conserver l’hôtel des Invalides, et en vous proposant de demander à votre comité militaire un travail relatif à la réforme des abus dont je viens de vous indiquer les principaux objets. (Applaudissements.) M. Vernier. Vous venez d’entendre, Messieurs, cet étonnant orateur qui, marchant toujours entre des contrastes, tantôt nous ravit des applaudissements, tantôt nous force à des improbations; mais vous avez dû remarquer que ce qu’il prend le plus grand soin d’embellir, ce sont les erreurs. En effet, vous avez sans doute observé comment, en terminant son discours, il vous présente simplement la vérité, telle qu’elle devrait vous être présentée toujours. A quoi se réduit la discussion actuelle ? A chercher le plus grand bien des Invalides. Or 27,000 sont répandus dans les provinces; 3,000 sont à l’hôtel. Les 27,000 qui sont en province ne réclament point. Des 3,000 qui sont à l’hôtel, les trois quarts réclament. Or, si c’est leur intérêt que vous cherchez, n’est-ce pas eux que vous devez consulter? Il n’est pas question, là, de les forcer. On nous dit : Et comment seront-ils payés? — Est-ce que nous ne les classerons pas Tes premiers dans les premières dépenses de l’Etat? L’invalide de l’hôtel manquera cent fois plutôt ?[ue celui qui sera retiré dans les provinces. Il aut donc écarter tous les moyens étrangers ; il faut qu’on ne croie pas que les applaudissements donnés aux phrases de l’orateur sont l’applaudissement des opinions. Voilà la seule chose que je voulais démontrer à l’Assemblée. M. Dubois-Crancé, rapporteur. Je demande l’ajournement à demain. (L’Assemblée renvoie la suite de la discussion à demain.) M. le Président lève la séance à dix heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE MONTESQUIOU. Séance du jeudi 24 mars 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir, qui est adopté. Un des MM. les secrétaires fait lecture d’une adresse des administrateurs provisoires du département du Bas-Rhin, qui est ainsi conçue : « Monsieur le Président, nous croyons devoir vous donner connaissance de l’exportation considérable de numéraire qui se fait dans ce département, et dont les suites, dans les circonstances actuelles, pourraient devenir funestes à la tranquillité publique. « Nous avons été instruits que depuis longtemps les chariots des postes d’Allemagne et des rouliers ordinaires étaient constamment chargés de numéraire, de piastres et de lingots. Nous avons pensé devoir surveiller ces transports qui nous paraissaient frauduleux et, en conséquence, nous avons donné les ordres les plus sévères à des agents publics de porter l’œil le plus attentif à ce que l’exportation du numéraire n’eût pas lieu. « Nous sommes, etc. » M. JLe Chamelier. Ce qui amène l’exportation du numéraire, c’est précisément les mesures inquisitoriales prises pour la défendre. Ainsi je demande que la lettre des administrateurs provisoires du département du Bas-Rhin soit renvoyée au pouvoir exécutif, pour faire exécuter les lois rendues sur la circulation du numéraire. M. de Clioiscul-Praslin. L’Assemblée a renvoyé hier au pouvoir exécutif une affaire du même genre; je demande que l’Assemblée nationale adopte aujourd'hui la même mesure. (La motion de M. Le Chapelier est décrétée.) Un membre : Messieurs, en 1788 et 1789, plusieurs cantons composant le département d’Eure-et-Loir ont été affligés par les malheurs d’une grêle; il se trouve une somme de 45,000 livres d’arriéré sur les impositions, je suis chargé par ce département d’en demander la remise. Je vous supplie de vouloir bien renvoyer cette adresse à vos comités d’impositions et des finances, mais je vous supplie en même temps d’ordonner qu’il sera sursis à toute poursuite jusqu’à ce que les comités que j’ai l’honneur de vous indiquer aient fait leur rapport à l’Assemblée nationale. M. Bouche. La demande qui vous est faite présente des inconvénients funestes ; car si chaque département veut remonter vers les années précédentes de 1786, 1788 et 1789, il est certain qu’il n’y aura aucun d’entre eux qui ne présente un tableau très affligeant de malheurs très réels. La Provence, par exemple, en 1788, a perdu tous ses oliviers, et n’a rien demandé. Je demande que vous rejetiez cette proposition. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur . [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 mars 1791. ] Le même membre : Sans doute, Messieurs, ce n’est point sur l’arriéré de 1788 que je demande la remise; mais voici ce qui s’est passé : 11 est à la connaissance de tout le monde que la province de Beauce a été abîmée par la grêle de 1788, et de plus par une grêle subséquente en 1789. La perte de 1788 a été évaluée à six millions dans ce département. Au surplus, Messieurs, si vous ne faites pas droit à cette demande, ordonnez que les percepteurs seront armés de la force publique. (Murmures prolongés.) M. Gaultier - Biauzat. Si vous renvoyez cet objet au comité, je crois nécessaire d’y faire un léger amendement. Je désirerais qu’il soit dit dans le décret : Pour, par le comité, vous présenter un décret général. (Murmures.) Eh bien ! l’ordre du jour. M. l