36 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 janvier 1791.] Voilà le mot : prononcez-le pour les dépositions qui seront écrites dans tous les cas, et vous aurez proscrit, par ce seul mot, le retour de ce prétendu système des preuves légales. Vous n’aunz rien fait de nouveau, en prononçant ce mot : jamais législateur n’a été assez absurde pour imaginer qu’il put prescrire à des juges des règles infaillibles, et généralement applicables pour prononcer sur des faits et d’après les dépositions des témoins. Tous se sont imposé un silence religieux à cet égard pour abandonner le tout à la conscience du juge. Vous n’aurez donc rien fait de nouveau ni de nécessaire, en disant à vos jurés : Je vous remets une instruction écrite pour soulager votre mémoire, vous affermir dans votre opinion, pour y avoir tel égard que de raison ; je vous ai procuré le double avantage de l’instruction orale et de l’instruction écrite. Je livre tout à votre conscience, ne suivez que la loi quelle vous dictera. Ditt s-leur ce mut inutile, si vous le voulez; et vous aurez .tranquillisé vos inquiétudes, et vous aurez jugé la question. Jo rentre, en me résumant, dans le véritable point de la question. C’est la plus importante de toutes celles que présenté la réformation de la procédure criminelle. Du parti que vous prendrez dépend le succès ou la ruine de celte nouvelle institution, et le sort de la Constitution. La méthode de ne point écrire les dépositions et la discussion u’est point la meilleure, par cela seul qu’elle renferme ces trois inconvénients : 1° Une presque impossibilité de prouver le faux témoignage, et d’en obtenir la réparation, surtout dans le cas où celte preuve ne s’acquiert qu’après le jugement; 2° impossibilité d’admeUre en faveur de l’innocence ce secours si précieux de la révision, lorsqu’il a été condamné sur une erreur de fait, qu’il n’était pas possible de découvrir lors du jugement; 3° Impossibilité d’accorder à la famille de l’innocent, qui a péri par une suite de cette même erreur, la triste consolation de purger sa mémoire. La méthode que je combats n’eût-elle que ces inconvénients, c’en serait assez pour prononcer qu’elle n’est pas la meilleure, et que celle de l’écriture est même nécessaire et indispensable. Ce n’est point un véritable inconvénient de regarder le témoin comme lié, lorsqu’il aura déposé tranquillement, avec gravité, à la face du public et des jurés, et qu’il aura persisté dans sa déposition relue gravement et tranquillement. Il y aurait un bien plus grand inconvénient à laisser au faux témoin la liberté de se rétracter impunément, et d’ecbapper à la preuve de son crime. Il est absurde de dire que ce qui se pratique depuis des siècles est une chose impossible; et il serait encore plus absurde d’établir entre l’accusé, les témoins et l’accusateur, un genre de combat qui dégénérerait en un spectacle scandaleux de disputes sans forme ni mesure, et qui rendrait impossible un jugement éclairé. Un jugera nt sur une instruction orale ne serait pas une chose impossible, lorsqu’il ne s’agirait que de juger un fait simple sur les dépositions d’un petifnombre de témoins. Mais un jugement sur uoe instruction purement orale est une chose impossible dans les cas compliqués, lorsqu’il y a plusieurs complices, et un certain nombre de témoins. L’éciiture, lorsque tout se passe eu présence des jurés, ne détruit pas les avantages de la conviction morale ; elle en rectifie et modère les inconvénients, et toute la question se réduit dès lors à ce seul point : vaut-il mieux réunir deux avantages que de se réduire à un ? L’option n’est pas difficile. Je n’hésite point dans mon choix, et je propose en conséquence le décret suivant ; « L’instruction de la procédure des jurés se fera publiquement en présence des juges et des jurés; elle sera écrite, et l’instruction écrite sera remise avec les autres pièces, pour y avoir tel égard que de raison. » Un membre demande l’impression du discours de M. Tronchet et du projet d’article dont il a donné lecture. (Celle motion est adoptée.) Un membre demande que la discussion soit fermée. M. le Pré§ident. Je vais mettre aux voix la motion de fermer la discussion. M. Fréteau. L’Assemblée a décrété l’impression du discours de M. Tronchet. Puisqu’il a fait tant de sensation sur l’Assemblée, il faut attendre pour juger qu’on ait eu le temps de le connaître. J’ai fait plusieurs tentatives pour inviter M. Tronchet à se rendre au comité, afin de nous faire part de ses lumières : il s’y est toujours refusé. Je demande qu’il soit au moins accordé au comité une soirée pour examiner et combattre son plan. M. Tliourct. Je demande l’ajournement de la discussion à lundi. M. Tronchet. Je regretterais moi-même que vous adoptassiez mon plan sans l’avoir mûrement examiné, ut que ceux qui connaissent la question l’eussent attaqué. Je sollicite donc de votre justice un ajournement. (L’Assemblée ordonne l’ajournement à lundi prochain.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre écrite à M. le Président par M. Arnelot, directeur de la caisse de l’extraordinaire, pour le prier de mettre sous les yeux de l’Assemblée l’état de caisse au 31 décembre dernier, annexé à cette lettre, lequel sera distribué à chacun des membres de l’Assemblée, après que l’impression en sera achevée. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de M. Bailly, maire de Paris, pour informer l’Assemblée que la municipalité a fait la veille trois adjudications de biens nationaux, et que depuis le 1er octobre jusqu’au 31 décembre dernier, ladite municipalité a adjugé 136 immeubles, qui ont été estimés 3,255,753 1. 19 s. 4 deu., et qui ont été adjugés à la somme de 5,856,226 1. M. Jllenou annonce que des domaines nationaux aliénés à la municipalité d’Angers pour 196,000 livres ont été vendus par elle 346,000 liv.; et à celle d’Orléans pour 88,000 livres, ont été vendus 155,000 livres. Dans le district de Saumur, un objet affermé 11,600 livres a été vendu 306,000 livres. M. Merlfu, au nom du comité d’aliénation. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 janvier 1791.] 37 Pour vous faire connaître les dispositions des provinces belgiques, je vais vous lire l’extrait d’une lettre de mon département, en dat" du 21 décembre : « On a fait aujourd’hui des adjudications de domaines nationaux; le concours est immense : les soumissions sont écrasées par les enchères; il semble que tous les citoyens veulent prouver ainsi leur attachement à la Révolution. (On applaudit.) Les aristocrates redoublent d’ardeur; ils répandent des libelles pour prouver le danger d’acheter des domaines nationaux. Pour toute réponse, on s’empresse d’en acquérir. On a vu un cultivateur, un de ces pamphlets à la main, doubler les enchères, en disant : « Il faut que j’essaye qui du clergé ou de la nation a tort. » Plusieurs membres du comité d'aliénation proposent différents décrets portant vente de biens nationaux à différentes municipalités. L’Assemblée les prononce dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par plusieurs membres du comité d’aliénaiion, des différentes soumissions faites par les municipalités ci-après dénommées, déclare leur vendre les biens naiionaux dont l’état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790 et pour les sommes ci— apt ès, payables de la manière déterminée par le même décret : Département de la Drôme. Aux municipalités désignées dans l’état, pour la somme de ........ A celle de Romans ..... A celle de Châtillon. . . . 286,384 1. 4 s. 11 d 43,518 6 36,888 Département du Pas-de-Calais. A celle de Saint-Hean.. 140,844 A celle d’Arras ......... 5,865,942 A celle de Boulogne-sur-Mer ................ 1,089,498 A celle de Ligny-sur-Can-che ................. 54,136 A celle de Bapaume. . . . 4,763,999 12 16 6 8 13 10 10 6 4 Département du Nord. A celle de Geneck ...... A celle de Saint-Auban. A celle de Taisniers. . . . 16,423 2 6 13,230 61,068 5 Département de l'Yonne. A celle d’Auxerre ...... 249,281 » » A la même ............ 755,752 9 « Département de Loir-et-Cher. A celle de Mer ......... 109,409 3 9 Département de l’Ailier. A celle de Saint-Marcel.. 1,060 8 4 Le tout ainsi qu’il est plus au long détaillé aux décrets de ventes et états d’estimation respectifs annexés à la minute du présent procès-verbal. M. le Président, après avoir annoncé l’ordre du jour pour demain, lève la séance à quatre heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du jeudi § janvier 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la stance de la veille, qui est adopté. Il est fait lecture des adresses suivantes : (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.