[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juin 1791.] 517 res, convenables à l’état des choses, jusqu’au moment de l’arrivée du roi à Paris ; la seconde contient les dispositions relatives au no uvel état des choses, qui s’ouvre par le retour et la présence du roi à Paris; la troisième concernera l’examen approfondi des mesures que l’Assemblée aura à prendre pour la sûreté de l’Etat. Les articles qui nous ont été présentés hier se rapportaient à cette première période. Il pouvait paraître prudent alors de ne nas lever encore sur la fuite du roi, car qui peut se dissimuler que ce n’est qu’une fuite, le voile que vos précédents décrets n’avaient pas encore soulevé, et c’est sur ce peu de mots que les dispositions, et je dirai même le langage des articles était approprié ; mais il deviendra nécessaire de les abandonner au moment où le roi sera rentré, parce qu’on ne peut laisser subsister les relations qui existaient entre l’Assemblée nationale et lui. Est-il possible par exemple de compromettre de nouveau les décrets en les exposant à de nouvelles sanctions sujettes à désaveu? Il est impossible encore de laisser l’exercice du pouvoir exécutif à des intentions évidemment et nettement déclarées contre la Constitution. Le comité a donc pensé sur-le-champ à la seconde partie de son travail. Son projet de décret renferme les mesures qui doivent être prises pour mettre en pleine sûreté la personne du roi et celle de l’héritier présomptif de la couronne, et les mesures qui doivent être prises pour recueillir toutes les connaissances essentielles sur la complicité de la fuite du roi, sur toutes les circonstances qui serviront à déterminer la nature de cet événement, à l’égard de toutes les personnes qui y ont part. Le projet de décret renferme aussi des dispositions convenables, afin que le travail de l’Assemblée soit commué de la même manière qu’il l’a été depuis l’absence du roi, et que le pouvoir exécutif soit rempli d’après les décrets rendus en cette semaine. Ces mesures sont encore purement provisoires, sans rien préjuger sur l’état des choses et laissent à l’Assemblée nationale le moyen de prendre, après examen ultérieur, toutes les résolutions qui lui paraîtront utiles pour la sûreté de l’Etat. Voici le projet de décret que votre comité vous propose : « Art. Ier. Aussitôt que le roi sera arrivé au château des Tuileries, il lui sera donné provisoirement une garde qui, sous les ordres du commandant général de la garde nationale parisienne, veillera à sa sûreté et répondra de sa personne. « Art. 2. Il sera provisoirement donné à l’héritier présomptif de la couronne une garde particulière, de même sous les ordres du commandant général, et il lui sera nommé un gouverneur par l’Assemblée nationale. » ( Les tribunes applaudissent.) M. le Président. Je rappelle aux tribunes qu’elles doivent se tenir dans le silence et attendre avec confiance les décisions de l’Assemblée nationale. M. Thouret, rapporteur , continuant la lecture : « Art. 3. Tous ceux qui ont accompagné la famille royale seront mis en état d’arrestation et interrogés, le roi et la reine seront entendus dans leurs déclarations ; le tout sans délai, pour être pris ensuite par l’Assemblée nationale les résolutions qui serout jugées nécessaires. « Art. 4. Il sera provisoirement donné une garde particulière à la reine. « Art. 5. Jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, le décret rendu le 21 de ce mois, qui enjoint au ministre de la justice d’apposer le sceau de l’Etat aux décrets de l’Assemblée na tionale, sans qu’il soit besoin de la sanction ou de l’acceptation du roi, continuera d’être exécuté dans toutes ses dispositions. « Art. 6. Les ministres et les commissaires du roi, préposés à la caisse de lVxtraordinaire, à la trésorerie nationale et à Iq direction de liquidation sont de même autorisés provisoirement à continuer de faire, chacun dans son département et sous sa responsabilité, les fonctions du pouvoir exécutif. » J’observe sur cedernier article que l’Assemblée a rendu dans le décret dont il s’agit, mais que de fait ce décret ne subsiste pas; il n’a point été recueilli dans le procès-verbal et cependant les ministres ont opéré. M. Merle, secrétaire. J’observe à l’Assemblée que le procès-verbal n’a pas été rédigé par ses secrétaires ordinaires, mais parles commissaires qu’elle a nommés à cet effet. (La discussion est ouverte sur le projet de décret du comité de Constitution.) M. Malouet. Messieurs, les mesures qui vous sont proposées sont d’uue si haute importance dans l’état actuel des choses, et pour les suites qu’elles peuvent avoir, que je ne pense pas que J’Assemblée les adopte sans la plus mûre délibération. Ces mesures, que je n’ai pas eu le temps de réfléchir, puisque je les entends pour la première fois, ces mesures sont hors de la circonstance ; elles changent dans un moment et dès ce moment-ci la nature du gouvernement; et cependant votre Constitution avait prévu le cas de l’absence du roi, et avait déclaré sa personne sacrée et inviolable. Les mesures que l’on vous propose constituent le roi prisonnier dans la capitale, les mesures que l’on vous propose transportent et circonscrivent dans le sein de l’Assemblée nationale tous les pouvoirs souverains. Dans le premier instant de la fuite, l’Assemblée nationale était la seule puissance publique, elle pouvait prendre les mesures néces>aires au salut de l’Etat, aucun pouvoir ne pouvait lui être contesté ; mais le roi revient, le roi va paraître dans quelques heures. Plusieurs membres : Au fait I au fait ! M. Malouet. Il peut être très pénible d’ouvrir une opinion dans une telle circonstance. Il faut avoir le besoin impérieux d’obéir à sa conscience pour vous expliquer franchement sa pensée. Quiconque la trahit, même dans des circonstances aussi graves, est un lâche. Celui qui vous en rend compte respectueusement, franchement, même en vous fâchant, mérite votre indulgence. ( Applaudissements .) Messieurs , je ne me dissimule pas qu’une circonstance aussi nouvelle, aussi grave, aussi embarrassante exige des mesures extraordinaires; mais encore une fois, je ne concevrai pas comment, après une simple lecture, vous pourriez adopter des mesures qui dénatureraient absolument le gouvernement que vous avez; constitué. (Murmures.) [Assemblée nationale.] Un membre à gauche : Laissons donc dire, Messieurs! M. Malouet. Il est possible que l’on voit dans l’adversaire de ces mesures uq enneipi public ; mais le développement de mes réflexions ne pi’eipbarrasserait pas même dans cette Assemblée. Quels que soient les spertateurs et les témoins qui nous environnent, jen’auraisjamais qu’pn seul témoin , p’est ma cqnscience.... (A gauche : Allons donc!) Lors même que l’on parle à des hommes justes qui veulent le salut ae l’Etat, qui le croient attachés à certaines mesures, si ces mesures sont contrariées, personne n’en doit être offensé. Il est très possible que Ton puisse voir dans l’adversaire de ces mesures un ennemi du bien public. Or, Messieurs, c’est ce que je ne suis et ne serai sous aucun rapport. C’est au point de vue des intérêts de l’Etat, des intérêts du peuple que je considère Jes mesures qui vous sont proposées. Le développement de mes réflexions exigerait et trop de temps et trop d’étendue. Je propose à l’Assemblée ou de se former en grand comité pour en délibérer, ou de trouver bon d’ordonner à son comité de Constitution dans l’instant (Non! non! — Murmures.) d’entendre tous les membres de cette Assemblée qui ont des objections, des réflexions, des propositions nouvelles à faire. (Murmures.) Il ne s’agit point de rien dérober à l’intérêt ou à la curiosité du public. Personne n’a rien à craindre ici et peut prendre pour confident le peuple tout entier. Quant à moi, je déclare que je n’entends jamais qu’un seul témoin, c’est ma conscience; mais encore une fois, je vous supplie de faipe attention qu’il ne s’agit' pas de discuter cette matière dans un discours suivi et dans un discours oratoire. Il s’agit de réflexions naissant l’une de l’autre ; il s’agit de répondre à une objection, d’y faire succéder une autre observation, et tout cela ne peut avoir lieu que dans un comité. Je vous supplie de faire attention au premier pas; à la première mesure que vous propose votre comité, c’est de constituer le roi prisonnier. Or, à quoi vous entraîne cette mesure? Céftes, je sais que vous devez à la chose publique, à la nation dont vous avez la confiance, toutes les’ précautions qui peuvent assurer sa liberté pt sa sûreté; mais est-ce qu’il ne peut pas y avoir de choix dans ces mesures? Est-ce que la grande démarche que l’on vous propose est la seule que la prudence, la sagesse et l’intérêt public peuvent exiger ? Si vous accumulez tous les pouvoirs, la natioq elle-même peut en être effrayée... Un membre à galoche : Oh ! que non. M. Malouet. Messieurs, je vous en prie au nom de la patrie... (Murmures à l'extrême gauche)... ; elle m’èst aussi chère qu’à aucun de ceux qui sont ici. Encore une fois, je ne peux dissimuler mou avis : je déclare d’abord que jamais ne voterai pour constituer le roi prisonnier... Un membre à gauche : Eh bien, on s’en passera. M. le Président. Les interruptions ne servent qu’à allonger une discussion qui, cependant, .est très pressante. Je prie qu’on entende M Malouet. [25 juin 1791.] M. Malouet. Je conclus, et je supplie l’As-seipblée de permettre à son comité de Constitution de se retirer dans ses bureaux. Nous devons nous détendre de la prévention comme de l’irréflexion. Epargnons au peuple bien des regrets et peut-être de grands malheurs. Je supplie ceux des membres, qui peuvent croire coin i e moi qu’il exis e une autre mesure également rassurante pour le bien publie, qui ne compromette pas les principes de votre Constitution, de venir en donner connaissance. Si cette mesure existe, t’e-père, Mes-ieurs, que vous cro rez devoir lui donner la préférence. Je demande donc que l’on se retire une heure dans le comité de Constitution. Je borne là mon opinion. Plusieurs membres : La question préalable ! M. Rœderer. Le préopinant ne peut justifier sa demanda que par les alarmes qu il conçoit relativement au principe de l’inviolabilité;* il croit le principe attaqué par le décret du comité de Constitution. L’on pourrait d’abord. Messieurs, définir ce que c’est que l’inviolabilité, et examiner si elle ne se réduit pas, comm*1 celle de l’Assemblée nationale, à des acies de l’administration de l’Etat; ou si elle s’étend à toute autre espèce d’actes personnels, par exemple, à la connivence avec des ennemis de l’État. Mais, mettant de côté un moment cette question, un fait suffit pour répondre aux inquiétudes du préopinant et éloigner sa motion. Ce fait est que le décret qui vous est proposé ne préjugé rien sur l’inviolabilité. Et en effet, ii ne s’agit ni de juger ni d’accuser le roi, il est question de le tenir en état d’arrestation provisoire... (Murmures prolongés.) M. Thouret. Non ! non ! Ce n’est pas cela, c’est affreux ! M. Dénieunier etM. Martineau demandent que M. Rœderer soit rappelé à l’ordre. Plusieurs memères interpellent vivementM. Rœderer et demandent aussi qu'il soit rappelé à l’ordre. M. Goinbert. Vous faites le procès à un homme qui a dit une vérité de fait, dont vous convenez tous. M. Rœderer. Je demande à défendre mon opinion. Un grand nombre de membres : Non 1 non 1 M. Prieur. Je demande que M. Rœderer soit entendu; il n’a pas été compris. Il rendait compte de ce qu’avait dit M. Malouet. C’est au nom de la patrie que je réclame la lib rté des opinions, plus nécessaire que jamais, surtout dans les circonstances importantes où nous sommes. (Applaudissements à l'extrême gauche. — Murmures à droite et au centre.) M. Rochebrune. M. Rœderer ne doit pas être entendu. M. Rœderer. Si l’Assemblée a entendu que j’attribuais au comité le projet de l’arrestation provisoire du roi, je me suis mal expliqué. ABCH1VES PARLEMENTAIRES. A droite : Ah I ah ! [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juin 1791. J M. Rœderer. M. Malouet, de qui je parlais et à qui je répondais, avait réduit la question à ces mots en disant : « Je ne puis pas voter pour constituer le roi prisonnier, et vous le constituez prisonnier. » Ainsi même en supposant que ce ne soit pas l’intention du projet de décret, on ne peut pas trouver répréhensible à moi d’avoir entendu ce projet de la même manière que M. Malouet, à qui on l’avait bien passé. Je reprends actuellement mon opinion, qui n’a pas besoin d’être appuyée sur cette discussion. Après avoir défendu le projet du comité contre M. Malouet, je propose aussi un amendement au projet de décret. En vertu des mêmes droits qu’a eus M. Malouet de dire son opinion et de parler selon sa conscience, je vous dirai un seul mot, c’est qu’on a l’air, par la tournure du décret, de préserver uniquement le roi contre la nation; et moi je demande que le décret soit à deux tins , et en même temps préserve la nation contre le roi. ( Applaudissements .) En conséquence, je propose de rédiger ainsi l’article 1er : « Immédiatement après le retour du roi, il lui sera donné une garde qui, sous les ordres du commandant général, veillera sur sa personne pour sa sûreté et pour celle de la nation. ( Applaudissements.) i M. Alexandre de Lametli. J’ai demandé la parole pour appuyer le projet de décret présenté par le comité de Constitution et pour combattre les objections faites par M. Malouet. Que renferme le projet du comité? D’abord, des mesures relatives à la personne du roi ; sa sûreté et la sûreté nationale réclament également ces mesures. Le roi est près d’arriver à Paris et je ne suppose pas que M. Malouet voulût retarder des précautions si importantes; ces précautions sont sages; inutilement on se retirerait dans un comité, sous prétexte d’en vouloir concerter d’autres. Quant à la seconde partie du décret, relative à l’action provisoire du gouvernement, M. Malouet a avaucé qu’elle change la forme du gouvernement; cette allégation est fausse et il est important de la détruire. Que propose le comité de Constitution ? Que l’Assemblée ordonne que son décret qui statue que les lois n’auront pas besoin de sanction et que les ministres exerceront le pouvoir exécutif sous leur responsabilité continuera d’être exécuté. Eh bien, ce décret, bien loin de nous éloigner des principes, nous y ramène; les principes demandaient que pendant l’existence du pouvoir constituant, l’exercice du pouvoir exécutif fût suspendu dans les mains du roi, puisqu’on organisait le trône, et que les représentants de la nation ne devaient trouver aucun obstacle à remplir leur mission. Si des inconvénients pratiques nous ont empêchés de proclamer ces principes, les circonstances actuelles les réclament; mais je ne crois pas que l’intention nationale, que le vœu de la nation puisse être d’altérer la Constitution et de changer Ja forme du gouvernement. ( Applaudissements. ) On se rappellera, et il sera longtemps honorable pour l’Assemblée nationale, le moment où, apprenant le départ du roi, obligée de pourvoir à la sûreté du royaume, l’Assemblée a repoussé la proposition d’un comité exécutif, où elle a prouvé que la gravité, l’urgence la plus extrême ne changeaient rien à ses principes. ( Applaudissements, .) m Envoyés ici pour donner une Constitution à notre pays, nous avons cru que l’étendue du royaume et une population de 25 millions d’hommes demandaient une unité de puissance et d’action qui ne pouvait se trouver que dans une Constitution monarchique. ( Applaudissements .) Si cette vérité existait il y a un an, elle existe encore. Lesévénements arrivés n’ont rienchangé à la nature des choses, ils ne changeront rien à notre marche. ( Applaudissements .) Nous continuerons de travailler à la Constitution ; nous l’achèverons ; elle aura, j’espère, l’assentiment de la nation ; elle fera son bonheur et sera notre récompense. Je demande que, sans s’arrêter aux objections de M. Malouet, l’Assemblée adopte le projet de Constitution. (. Applaudissements .) Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Goupil-Préfeln. Je demande à proposer un sous-amendement qui répondra aux inquiétudes de M. Malouet : c’est d’ajouter que le roi demeurera toujours inviolable et sacré pour sa propre sûreté et celle de la nation, comme le demande M. Rœderer. M. Malouet. Je prie l’Assemblée de vouloir bien me permettre de faire quelques objections à l’avis de M. de Lameth. Les réponses à mon opinion n’en détruisent ni les principes ni les motifs. Je vous ai d’abord exposé qu’une démarche de cette importance pouvait avoir les suites les plus funestes. On répond à cela que le pouvoir constituant a le droit de réunir tous les pouvoirs, de les suspendre, et qu’il n’y a rien de changé à la nature du gouvernement par le projet de décret qui vous est proposé ; que lorsque vous avez fait votre Constitution, vous n’avez point annulé, vous n’avez pas effacé complètement l’action du pouvoir exécutif; vous avez au contraire reconnu l’autorité royale. Je réplique que vous n’avez reçu aucun mandat spécial pour suspendre tous les pouvoirs ; vous avez simplement reçu l’ordre de faire une Constitution. (Murmures.)- Voilà, Messieurs, une partie des raisons pour lesquelles je demandais à discuter au comité. En vain vous dit-on que dans la nature du pouvoir constituant réside le principe du cjécret qui vous est présenté. Je le nie, et je le me d’anrès vos principes, d’après votre propre ponduite. Cette mesure est donc née de la circonstance; elle est contraire aux maximes que vous avez professées : elle fait cesser les relations que vous avez eues jusqu’ici avec l’autorité royale ; elle les interrompt au moins momentanément. D’après cela comment pouvez-vous dire qu’elle appartient au pouvoir constituant, qu’elle appartient aux principes? Il fallait prendre le pouvoir exécutif dès le premier moment si yous en aviez le droit. Vous ne l’avez pas cru, vous ne l’avez pas dû : le pouvez-vous aqjourd’hui, le devez-vous? L’intérêt du peuple le demande-t-il impérieusement ? Voilà, Messieurs, ce qu’il faudrait examiner. Comment ne voyez-vous pas toutes les suites funestes de l’effacement momentané de l’autorité royale, l’existence incertaine du roi dans ce mo-rmnt-ci? Vous décrétez une garde pour sa sûreté. Certes je m’attendais bien à cette mesure de votre part/certes vous lui deviez toutes ces précautions; mais au besoin le peuple lui aurait servi de garde. On vous propose aussi de décréter unp 520 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juin 1791.] garde pour la sûreté de la nation, ce gui préjuge une espèce de conspiration du roi contre la nation. A gauche: Oui 1 oui ! cela n’est que trop vrai. Plusieurs membres : La discussion fermée ! M. Thouret, rapporteur. Je demande à faire quelques observations. M. le Président. Plusieurs personnes qui avaient la parole pour répondre à M. Malouet demandent que la discussion soit fermée. M. Malouet. Puisque vous ne voulez pas lever ce voile-là, il ne fallait pas que l’amendement fût proposé. Pourquoi trouvez-vous indigne de votre sagesse d’envisager cet événement sous l’aspect le plus favorable? Pourquoi donc dans l’instant que vous avez aperçu de la part de l’universalité du peuple français, un même voeu, un ensemble de précautions, pourquoi, dis-je, la précaution cruelle de cet amendement ? Et com-ment peut-on trouver mauvais que j’y réponde avec la franchise et la liberté d’opinion que chacun de nous doit désirer de conserver? Mais je reviens au fond de la question, et je maintiens que ce décret est une nouvelle Constitution. Prenez garde, Messieurs, qu’en vous constituant ainsi, vous pouvez vous passer du pouvoir exécutif, et prévoyez les conséquences fnnestesqui pourraient en résulter. Prenez garde qu’un moment de douleur, d’indignation qui s’est manifesté dans toutes les parties du royaume n’ai de beaucoup plus loin que vous ne voulez. Prenez garde.... Plusieurs membres : Vous n’avez pas de bonnes raisons! Vous voulez nous faire perdre notre temps ! M. Prieur. Je demande à M. Malouet si la source de tous les pouvoirs n’est pas dans l’Assemblée nationale, et si quand un dépositaire abandonne le pouvoir, il ne rentre pas à la source. M. d’André. Messieurs, le préopinant n’a point examiné le décret qu’on vous a lu, il ne l'a pas compris; car il y aurait trouvé positivement les démarches les plus sages et les plus convenables que le corps constituant puisse faire dans ce moment-ci. Messieurs, si nous n’avions pas voulu conserver la Constitution que nous avons décrétée, aurions-nous rappelé le roi, aurions-nous laissé entre les mains de ses agents l’exercice du pouvoir exécutif ? Comment ose-t-on dire que nous confondons tous les pouvoirs dans ce moment-ci? Nous les laissons entre les mains de gens pris hors de l’Assemblée; nous avons rejeté unanimement la mesure qui nous avait été proposée de nommer un comité de l’Assemblée pour y exercer le pouvoir exécutif. Nous voulons la Constitution monarchique, parce qu’elle est la meilleure forme de gouvernement; nous voulons conserver la forme du gouvernement qui a été établie par la Constitution. (Vifs applaudissements.) Les ennemis de la chose publique s’élèvent inutilement contre nos dispositions : ils verront briser tous leurs efforts contre notre courage et notre fermeté. {Vifs applaudissements.) (L’Assemblée ferme la discussion à la presque unanimité.) M. Thouret, rapporteur, donne une nouvelle lecture ou projet de décret article par article : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Aussitôt que le roi sera arrivé au château des Tuileries, il lui sera donné provisoirement une garde qui, sous les ordres du commandant général de la garde nationale parisienne, veillera à sa sûreté et répondra de sa personne. » (Adopté.) Art. 2 « Il sera, provisoirement, donné à l’héritier présomptif de la couronne une garde particulière, de même sous les ordres du commandant général, et il lui sera nommé un gouverneur par l’Assemblée nationale. » (Adopté.) Art. 3. « Tous ceux qui ont accompagné la famille royale seront mis en état d’arrestation et interrogés; le roi et la reine seront entendus dans leurs déclarations ; le tout sans délai, pour être pris ensuite, par l’Assemblée nationale, les résolutions qui seront jugées nécessaires. » M. Malouet. Je demande à M. le rapporteur si cet article n’étabiit pas une juridiction qui interroge le roi et la reine. M. Thouret, rapporteur. Je réponds que le préopinant commet encore la même imprudence qu’il vient de commettre dans sa première opinion. Il n’est pas permis dans un décret de cette importance de donner aux expressions qu’il renferme un autre sens que celui qu’elles ont. Vous avez entendu que ceux qui ont accompagné la famille royale seront interrogés , et que le roi et la reine seront entendus dans leurs déclarations. Cette distinction très précise de déclaration et d’ interrogatoire n’a sans doute pas échappé à M. Malouet. Il est certain qu’on entend les déclarations du roi et de la reine dans les procédures, même quand ils ne sont pas accusés, et que la procédure n’est pas dirigée contre eux. L’histoire de France en fournit des exemples. Ainsi il est d’une impolitique dont le préopinant doit se repentir, d’élever à chaque instant des questions de cette nature. (Applaudissements .) M. Rochebrune. Ce n’est pas sur la vigoureuse sortie de M. le rapporteur que je réclame, mais je déclare que l’article dont il est question est en soi-même très impolitique, et qu’il est très sage et très prudent de le supprimer. (Murmures. — Aux voix l'article!) Je suis étonné qu’on m’interrompe üe la sorte, et je vous déclare, au nom de la nation, que cet article est impolitique eu soi-même. M. le Président. Je mets aux voix l’article 3. M. Rochebrune. La question préalable! Plusieurs membres: Allons donc! Taisez-vous! M. le Président. Je mets aux voix la question préalable. M. Rochebrune. J’ajoute que, pour faire cesser le tumulte, il n’y a rien de si simple que de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juin 1791. ] 521 diviser l'article, de mettre aux voix la première partie de l’article, et d’admettre la question préalable sur la dernière partie. M. Duport. Les opinants n’ont pas assez de connaissance de nos lois, autrement ils ne feraient pas de semblables difficultés. Dans la supposition la plus favorable, celle que nous désirerions tons adopter, il n’y a pas de doute que ceux qui ont conseillé et protégé la fuite du roi sont connus de lui, et que, de plus, c’est un crime d’avoir concouru à cet enlèvement. Il doit donc être entendu sur ce fait, quand bien même il serait étranger sur ses intentions ; cela a été pratiqué dans les tribunaux. Il est certain que toutes les fois que le roi et la reine ont été à même de connaître personnellement un fait porté en justice, on a dérogé, par respect pour eux, à l’ordonnance qui enjoint à tout particulier de se rendre par-devant le juge, et on a changé cela en une déclaration que les juges ont à recevoir de leur bouche. D’après cela, je demande que si le préopinant soutient encore la question préalable, il veuille bien la motiver. M. Rochebrune. Je soutiens la question préalable. M. Thouret, rapporteur. Nous vous proposons des mesures importantes à la chose publique. Elles seraient d’un effet absolument nul, si vous ne preniez pas les moyens les plus propres à réunir tous les renseignements possibles sur le grand délit qui a été commis. Je demande donc la question préalable sur l’amendement de M. Rochebrune. M. Rochebrune. Sur des réflexions ultérieures, je retire mon amendement. (L’article 3, mis aux voix, est adopté.) M. Thouret, rapporteur, donne lecture du surplus des articles üu projet de décret : Art. 4. « Il sera provisoirement donné une garde particulière à la reine. Art. 5. « Jusqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné, le décret rendu le 21 de ce mois, qui enjoint au ministre de la justice d’apposer le sceau de l’Etat aux décrets de l’Assemblée nationale, sans qu’il soit besoin de la sanction ou de l’acceptation du roi, continuera d’être exécuté dans toutes ses dispositions. Art. 6. « Les ministres et les commissaires du roi pour la trésorerie nationale, la caisse de l’extraordinaire et la direction de liquidation, sontde même autorisés provisoirement à continuer de faire, chacun dans leur département et sous leur responsabilité, les fonctions du pouvoir exécutif. (Ges différents articles sont successivement mis aux voix et adoptés.) M. Démeunier. II me paraît important de faire publier, le plus tôt possible et à son de trompe, le décret qui vient d’être rendu. Je demande que M. le président donne sur-le-champ les ordres nécessaires. (Oui! oui!) M. Thouret, rapporteur. On pourrait rédiger comme suit cette disposition qui formerait le dernier article du décret : Art. 7. « Le présent décret sera publié à l’instant même, à son de trompe, dans tous les quartiers de la capitale, d’après les ordres du ministre de l’intérieur, transmis au directoire du département de Paris. » (Get article est adopté.) M. Démeunier. Il ne reste plus, et cela est moins instant, qu’à rétablir dans le procès-verbal du 21 de ce mois, le décret qui autorise les ministres à exercer sous leur responsabilité les fonctions du pouvoir exécutif. Cette disposition se trouve omise dans le procès-verbal qui a été rédigé et imprimé; je demande que, pour l’ordre, on rétablisse cela dans le procès-verbal. (Oui! oui !) Voici le projet de décret que je propose : L’Assemblée nationale, instruite que son décret rendu dans la journée du 21 de ce mois, par lequel les ministres ont été autorisés, à raison de l’absence du roi, à exercer les fonctions du pouvoir exécutif sous leur signature et leur responsabilité, a été omis dans le procès-verbal dudit jour, confirme ces dispositions et ordonne que le décret oublié sera rétabli dans le procès-verbal du 21. » (Ge décret est adopté.) M. Muguet de Nanthon, au nom des comités des rapports et des recherches. Messieurs, vous avez renvoyé à vos comités des rapports et des recherches les pièces qui ont été apportées de Verdun par un courrier extraordinaire. Le directoire du district de Verdun vous annonce que MM. de Ghoiseul, Gh tries de Damas, de Floriacet Rémy, quartier-maître, officiers dans les régiments ci-devant Royal et Monsieur, ont été conduits dans les prisons de Verdun. Le directoire vous consulte sur ce qu’il doit faire à leur égard. Je vous rappellerai , Messieu rs, que M. de Damas com mandait le détachement qui avait été envoyé à Sainte-Me-nehould, et M. de Ghoiseul commandait également uu autre détachement de l’armée. Ges deux officiers ont paru suspects aux officiers municipaux de Varennes. Je dois cependant vous dire qu’ils prétendent, par des lettres qu’ils ont écrites à M. le président, qu’ils n’ont fait qu’exécuter les ordres deM.de Bouille, dont ils ne connaissaient pas les intentions. Sans rien préjuger sur la question de savoir si ces officiers ont été jouer un rôle purement passif, ou s’ils ont counulesintentions de M. deBouillé et s’ils ont favorisé le départ du. roi; vos comités ont pensé que vous ne pouviez vous empêcher de continuer leur état d’arrestation jusqu’à ce que vous ayez pris les mesures nécessaires. Voici, en conséquence, notre projet de décret: « L’Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de ses comités réunis des recherches et des rapports, décrète que les sieurs de Damas et de Chmseul, colonels, commandant les 2 régiments ci-devant Monsieur et Royal-Dragons, ainsi que les sieurs de FJoriac, capitaine, et Remy, quartier-maître du régiment ci-devant de Monsieur, détenus dans les prisons de Verdun, continueront à y demeurer en état d’arrestation jusqu’à ce que l’Assemblée nationale ait pris des mesures ultérieures sur les personnes qui pourront avoir favorisé le départ du roi; enjoint à la municipalité de Verdun de prendre toutes les pré-