SÉANCE DU 1er PRAIRIAL AN II (20 MAI 1794) - Nos 40 ET 41 483 que enfant de 12 ans et au-dessus et celle de 250 pour chacun de ceux au-dessous de cet âge, mais que depuis ce décret il avait cru devoir cesser de délivrer des mandats pour cet objet. La lettre a été renvoyée à votre Comité des secours qui, après avoir examiné la question, s’est concerté avec celui de salut public sur les mesures à prendre. Ils ne se sont pas dissimulé combien la dépense qu’entraîne l’établissement dont il s’agit était exorbitante et hors des principes d’économie et d’égalité consacrés dans les lois rendues sur l’instruction publique; mais ils ont pensé que, jusqu’à ce qu’il ait été prononcé sur son existence, il convenait de continuer de payer, comme par le passé, la somme destinée à fournir de linge et de vêtements chacun des précieux enfants que la nation s’est empressée de recueillir. Voici le projet de décret qu’ils m’ont chargé de vous présenter (1) : (adopté) . « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses Comités des secours et de salut public, sur une lettre du chargé provisoire des fonctions du ministère de l’intérieur, par laquelle il demande qu’il soit statué sur le paiment du trousseau des orphelins de la patrie, admis, d’après les décrets, à l’école du citoyen Léonard Bourdon, ainsi que sur la caisse où seront pris les fonds à ce destinés, décrète ce qui suit : Art. I. — Provisoirement, et jusqu’à ce qu’il ait été prononcé sur l’existence de la société dite des jeunes Français, la commission des secours publics est autorisée à payer, comme par le passé, au directeur de cet établissement, à titre de trousseau d’entrée, et ce sur les fonds mis à sa disposition; savoir, la somme de 300 liv. pour chacun des orphelins de la patrie âgés de douze ans et au-dessus, et celle de 250 liv. pour chacun de ceux au-dessous de cet âge. Art. II. — Le présent décret ne sera point imprimé » (2) . 40 Un autre membre [COLLOMBEL] propose, au nom du Comité des secours publics, les deux décrets suivants. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité des secours publics, sur la pension de Marie-Sophie Gal-londe, veuve du citoyen Pénard, officier de santé, mort, il y a deux mois, d’une maladie contagieuse dont il a été atteint dans l’hôpital militaire d’Angeli-Boutonne, où il exerçoit son état depuis deux mois, décrète : Art. I. — La trésorerie nationale mettra à la disposition de l’administration du district d’Angeli-Boutonne, département de la Charente-Inférieure, la somme de 500 liv., pour être (1) Mon., XX, 526. (2) P.V., XXXVIII, 9. Minute de la main de Peyssard (C 304, pl. 1121, p. 1). Décret n° 9221. Reproduit dans Bin, 1er prair.; Débats, n° 608, p. 2; M.U., XL, 41; mention dans J. Sablier, n° 1351; J. Paris, n° 506; Rép., n° 152; C. Univ., 2 prair.; J. Fr. , n° 604; C. Eg., n° 641. délivrée sans délai, à titre de secours provisoire, à Marie-Sophie Gallonde, veuve du citoyen Pénard. Art. II. — La pétition de ladite veuve Pénard, et les pièces y annexées, seront envoyées au Comité de liquidation, pour les examiner et régler la pension à laquelle elle peut prétendre. Art. III. — Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance» (1). 41 MERLINO : « Citoyens, La nature semble souvent se plaire à nous offrir de nouveaux phénomènes et de nouveaux bienfaits. Lorsque ses effets donnent de nouvelles lumières, de nouvelles combinaisons, le philosophe les observe et les analyse : lorsqu’ils intéressent l’humanité, et sont un présent que la nature fait à la République, c’est à vous, législateurs, d’en prendre connoissance, et d’en remercier l’auteur de tous les êtres. Deux époux indigens et honnêtes, deux républicains viennent vous offrir les fruits de leur tendresse conjugale, pensant qu’ils ne peuvent pas vous présenter un plus digne hommage que celui de trois nouveaux nés qu’a portés à la fois le sein fécond de la mère; elle leur a donné la lumière, et tous trois respirent l’air de la liberté; ainsi, jusqu’aux reproductions extraordinaires de la nature, tout semble servir la cause de la République, en multipliant les êtres qui doivent un jour la défendre et consolider le temple que leurs pères ont élevé à la liberté et à l’égalité. Acceptez, législateurs : le don qui vous est offert est le présage certain qu’un jour ces trois enfans combattront les ennemis de la République. L’amour de la patrie et de ses lois, le désir de la servir, voilà les principes que leur père jure de leur donner, tandis que la mère formera leur cœur à la pratique des vertus et des qualités morales, premier devoir d’un vrai républicain. La municipalité de Puymeroles, lieu de domicile des père et mère Carrié, sollicite de la bienfaisance nationale un secours qui aide leur indigence à nourrir leurs enfans, que la fécondité de la mère vient de porter au nombre de 7. Votre Comité des secours publics, chargé de vous présenter un projet de décret à cet égard, est persuadé qu’il va au-devant de vos intentions en vous proposant de décréter un secours pour les pères indigens. Mais auparavant, qu’il me soit permis dé porter votre attention sur un décret que vous ren-dites dans le mois de ventôse pour un objet à-peu-près pareil. Une mère est abandonnée du lâche qui l’a mise enceinte : elle met au monde trois enfans; elle n’a pas de quoi leur conserver le jour, que peut-être sous l’ancien régime elle se fût reprochée de leur avoir donné. Un républicain indigent, un sans-culottes, voit les larmes de la mère, les essuie, la conduit à l’autel de la patrie, et partage avec elle son sort et les foibles gains journaliers qui le font vivre. Vous (D P.V., XXXVIII, 9. Minute de la main de Collombel (C 304, pl. 1121 p. 2). Décret n° 9218. Reproduit dans Bin, 1er prair.; mention dans J. Sablier, n° 1331; J. Fr., n° 604. SÉANCE DU 1er PRAIRIAL AN II (20 MAI 1794) - Nos 40 ET 41 483 que enfant de 12 ans et au-dessus et celle de 250 pour chacun de ceux au-dessous de cet âge, mais que depuis ce décret il avait cru devoir cesser de délivrer des mandats pour cet objet. La lettre a été renvoyée à votre Comité des secours qui, après avoir examiné la question, s’est concerté avec celui de salut public sur les mesures à prendre. Ils ne se sont pas dissimulé combien la dépense qu’entraîne l’établissement dont il s’agit était exorbitante et hors des principes d’économie et d’égalité consacrés dans les lois rendues sur l’instruction publique; mais ils ont pensé que, jusqu’à ce qu’il ait été prononcé sur son existence, il convenait de continuer de payer, comme par le passé, la somme destinée à fournir de linge et de vêtements chacun des précieux enfants que la nation s’est empressée de recueillir. Voici le projet de décret qu’ils m’ont chargé de vous présenter (1) : (adopté) . « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses Comités des secours et de salut public, sur une lettre du chargé provisoire des fonctions du ministère de l’intérieur, par laquelle il demande qu’il soit statué sur le paiment du trousseau des orphelins de la patrie, admis, d’après les décrets, à l’école du citoyen Léonard Bourdon, ainsi que sur la caisse où seront pris les fonds à ce destinés, décrète ce qui suit : Art. I. — Provisoirement, et jusqu’à ce qu’il ait été prononcé sur l’existence de la société dite des jeunes Français, la commission des secours publics est autorisée à payer, comme par le passé, au directeur de cet établissement, à titre de trousseau d’entrée, et ce sur les fonds mis à sa disposition; savoir, la somme de 300 liv. pour chacun des orphelins de la patrie âgés de douze ans et au-dessus, et celle de 250 liv. pour chacun de ceux au-dessous de cet âge. Art. II. — Le présent décret ne sera point imprimé » (2) . 40 Un autre membre [COLLOMBEL] propose, au nom du Comité des secours publics, les deux décrets suivants. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité des secours publics, sur la pension de Marie-Sophie Gal-londe, veuve du citoyen Pénard, officier de santé, mort, il y a deux mois, d’une maladie contagieuse dont il a été atteint dans l’hôpital militaire d’Angeli-Boutonne, où il exerçoit son état depuis deux mois, décrète : Art. I. — La trésorerie nationale mettra à la disposition de l’administration du district d’Angeli-Boutonne, département de la Charente-Inférieure, la somme de 500 liv., pour être (1) Mon., XX, 526. (2) P.V., XXXVIII, 9. Minute de la main de Peyssard (C 304, pl. 1121, p. 1). Décret n° 9221. Reproduit dans Bin, 1er prair.; Débats, n° 608, p. 2; M.U., XL, 41; mention dans J. Sablier, n° 1351; J. Paris, n° 506; Rép., n° 152; C. Univ., 2 prair.; J. Fr. , n° 604; C. Eg., n° 641. délivrée sans délai, à titre de secours provisoire, à Marie-Sophie Gallonde, veuve du citoyen Pénard. Art. II. — La pétition de ladite veuve Pénard, et les pièces y annexées, seront envoyées au Comité de liquidation, pour les examiner et régler la pension à laquelle elle peut prétendre. Art. III. — Le présent décret sera inséré au bulletin de correspondance» (1). 41 MERLINO : « Citoyens, La nature semble souvent se plaire à nous offrir de nouveaux phénomènes et de nouveaux bienfaits. Lorsque ses effets donnent de nouvelles lumières, de nouvelles combinaisons, le philosophe les observe et les analyse : lorsqu’ils intéressent l’humanité, et sont un présent que la nature fait à la République, c’est à vous, législateurs, d’en prendre connoissance, et d’en remercier l’auteur de tous les êtres. Deux époux indigens et honnêtes, deux républicains viennent vous offrir les fruits de leur tendresse conjugale, pensant qu’ils ne peuvent pas vous présenter un plus digne hommage que celui de trois nouveaux nés qu’a portés à la fois le sein fécond de la mère; elle leur a donné la lumière, et tous trois respirent l’air de la liberté; ainsi, jusqu’aux reproductions extraordinaires de la nature, tout semble servir la cause de la République, en multipliant les êtres qui doivent un jour la défendre et consolider le temple que leurs pères ont élevé à la liberté et à l’égalité. Acceptez, législateurs : le don qui vous est offert est le présage certain qu’un jour ces trois enfans combattront les ennemis de la République. L’amour de la patrie et de ses lois, le désir de la servir, voilà les principes que leur père jure de leur donner, tandis que la mère formera leur cœur à la pratique des vertus et des qualités morales, premier devoir d’un vrai républicain. La municipalité de Puymeroles, lieu de domicile des père et mère Carrié, sollicite de la bienfaisance nationale un secours qui aide leur indigence à nourrir leurs enfans, que la fécondité de la mère vient de porter au nombre de 7. Votre Comité des secours publics, chargé de vous présenter un projet de décret à cet égard, est persuadé qu’il va au-devant de vos intentions en vous proposant de décréter un secours pour les pères indigens. Mais auparavant, qu’il me soit permis dé porter votre attention sur un décret que vous ren-dites dans le mois de ventôse pour un objet à-peu-près pareil. Une mère est abandonnée du lâche qui l’a mise enceinte : elle met au monde trois enfans; elle n’a pas de quoi leur conserver le jour, que peut-être sous l’ancien régime elle se fût reprochée de leur avoir donné. Un républicain indigent, un sans-culottes, voit les larmes de la mère, les essuie, la conduit à l’autel de la patrie, et partage avec elle son sort et les foibles gains journaliers qui le font vivre. Vous (D P.V., XXXVIII, 9. Minute de la main de Collombel (C 304, pl. 1121 p. 2). Décret n° 9218. Reproduit dans Bin, 1er prair.; mention dans J. Sablier, n° 1331; J. Fr., n° 604. 484 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE décrétâtes une somme de 300 liv. de récompense pour l’auteur d’une action si généreuse, pour celui qui sacrifia ainsi les préjugés à l’humanité : cependant les lâches libellistes, stipendiés par les brigands couronnés, de criminels gaze-tiers écrivant leurs impudiques pages dans les marais de Bruxelles, osent dire que, par ce décret, vous avec déifié l’impudeur et recompensé la prostitution. Législateurs, vengez l’humanité outragée, en la servant encore; décrétez les secours que votre comité vous propose en faveur du père Carrié; et qu’ils osent encore, les perfides écrivains du crime, opposer aux vertus, à vos travaux sublimes et à votre bienfaisance nationale, le fiel de leur impuissante rage, comme les rois opposent en vain aux foudres de la République les vils ressorts de leur infâme politique et les armes chancelantes de leurs esclaves. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter [adopté comme suit] (1) : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MERLINO, au nom de] son Comité des secours publics, sur la lettre du citoyen Géraud, président de la section de Saint-Romain, district d’Agen, département de Lot-et-Garonne, et le certificat de la municipalité de Puymirol, qui annoncent l’accouchement de trois enfans mâles de la femme du citoyen Carrié, son patriotisme, son indigence, et la difficulté où il est de fournir par son travail à l’entretien d’une famille dans cet instant composée de 7 enfans; » Décrète que la trésorerie nationale mettra à la disposition du district d’Agen, département de Lot-et-Garonne, la somme de 400 liv., pour être comptée au citoyen Carrié, habitant de la section Saint-Romain, municipalité de Puymirol, et ce, à titre de secours. » Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance (2). 42 LEQUINIO : Je viens fournir à la Convention nationale une occasion d’exercer un grand-acte de justice populaire. Il existoit dans le département de la Charente-Inférieure, où vous m’aviez envoyé, un de ces despotes subalternes auxquels on donnoit la qualité de comte ou marquis : celui-ci se nommoit Gombaut; il a plusieurs fois porté le mépris et la barbarie à un tel excès, qu’il s’est permis de fusiller des sans-culottes. Dans un temps où l’on ne comptoit pour rien la vie de ceux qui n’étoient pas nobles, Gombaut obtint facilement des lettres de grâce. Je ne fus instruit de ces faits que peu de temps avant de quitter le département de la Charente -Inférieure, et j’ai aussitôt donné ordre d’arrêter cet assassin. Je voulois réunir les familles qu’il avoit privées de leurs soutiens, et (1) Débats, nos 608, p. 2 et 615, p. 106; MU., XL, 120. (2) P.V., XXXVni, 10. Minute imprimée (C 304, pl. 1121, p. 3). Décret n° 9220. Reproduit dans Bin, 1er prair. (suppl‘) et 5 prair. (1er suppl1) ; mention dans Rép. n° 152; J. Mont., n° 25; J. Sablier, n° 1331; Mon., XX, 526; Feuille Rép., n° 322; S. -Culottes, n° 460; J. Fr., n° 604; J. Perlet, n° 612; S.- Culottes, n08 460 et 466. dans une fête que l’on célébroit chaque décadi, faire juger par le peuple même les indemnités qu’ils devoit à ces familles; mais il a été saisi trop tard. L’accusateur public près le tribunal révolutionnaire de Rochefort m’a écrit pour savoir quelles étoient les charges à porter contre cet homme (1) . Il donne lecture de cette lettre et de celle qui lui a été adressée par le fils de Gombault : [Rochefort, 9 flor. II.] Sur le vu d’un ordre de toi, j’ai fait constituer à la maison de justice, dite Maurice, le nommé Gombault, ci-devant noble, je voudrais instruire de son affaire, et comme j’ignore ce qui t’a porté à le faire arrêter, je t’invite à me faire passer au plutôt les motifs qui l’ont rendu coupable à tes yeux. [Le cn Gombault au repr. Lequinio']. Citoyen, Tu ne trouveras pas mauvais qu’un fils réclame ta justice et ton humanité envers son père âgé de 75 ans, noirci dans ton esprit par les odieuses calomnies de ses ennemis; ne pouvant l’attaquer du côté de son patriotisme, ils ont fabriqué mille mensonges pour l’accabler, et mon malheureux père a été la victime de leur noirceur et de leur perfidie. Conduit à Rochefort et détenu dans la maison d’arrêt de cette commune par tes ordres, confondu avec les vils conspirateurs, accablé des infirmités de la vieillesse, augmentées par un voyage long et pénible, tout cela, Citoyen, est bien fait pour affecter la sensibilité d’un fils envers le meilleur des pères. Ce ne sont pas des grâces, Citoyens, que je te demande, je ne réclame autre chose de ta justice et de ton humanité qu’un prompt jugement afin que mon père puisse prouver son innocence sur les faits qu’on lui impute; tu es trop juste et trop humain, Citoyen, pour vouloir accabler un bon citoyen pour satisfaire des haines particulières, et tu es trop éclairé pour ne pas sentir combien ça serait dangereux pour la cause de la liberté. Il est évident que ceux qui ont noirci mon père dans ton esprit ne l’ont fait que pour satisfaire leur haine. Leur animosité les a portés à faire revivre une affaire, jugée il y a plus de trente ans au parlement de Paris, où l’innocence de mon père triompha de la puissance et de la tyrannie qu’exerçait alors contre lui le ci-devant comte de S* More, l’homme le plus despote qui ait jamais existé, et son ennemi implacable. Citoyen, je ne demande pas que la décision du parlement de Paris, et le long espace de temps mettent une prescription à cette affaire, il reste encore des anciens dans le pays, tu peux faire des enquêtes et faire juger mon père devant quel tribunal que tu jugeras à propos. Permets que ses accusateurs soient mis en cause avec lui, qu’ils signent leurs accusations et que la loi prononce contre les coupables. Il ne sera pas difficile de prouver que tous les faits que l’on a allégués contre mon père sont (1) Débats, n° 608, p. 2. 484 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE décrétâtes une somme de 300 liv. de récompense pour l’auteur d’une action si généreuse, pour celui qui sacrifia ainsi les préjugés à l’humanité : cependant les lâches libellistes, stipendiés par les brigands couronnés, de criminels gaze-tiers écrivant leurs impudiques pages dans les marais de Bruxelles, osent dire que, par ce décret, vous avec déifié l’impudeur et recompensé la prostitution. Législateurs, vengez l’humanité outragée, en la servant encore; décrétez les secours que votre comité vous propose en faveur du père Carrié; et qu’ils osent encore, les perfides écrivains du crime, opposer aux vertus, à vos travaux sublimes et à votre bienfaisance nationale, le fiel de leur impuissante rage, comme les rois opposent en vain aux foudres de la République les vils ressorts de leur infâme politique et les armes chancelantes de leurs esclaves. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter [adopté comme suit] (1) : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [MERLINO, au nom de] son Comité des secours publics, sur la lettre du citoyen Géraud, président de la section de Saint-Romain, district d’Agen, département de Lot-et-Garonne, et le certificat de la municipalité de Puymirol, qui annoncent l’accouchement de trois enfans mâles de la femme du citoyen Carrié, son patriotisme, son indigence, et la difficulté où il est de fournir par son travail à l’entretien d’une famille dans cet instant composée de 7 enfans; » Décrète que la trésorerie nationale mettra à la disposition du district d’Agen, département de Lot-et-Garonne, la somme de 400 liv., pour être comptée au citoyen Carrié, habitant de la section Saint-Romain, municipalité de Puymirol, et ce, à titre de secours. » Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance (2). 42 LEQUINIO : Je viens fournir à la Convention nationale une occasion d’exercer un grand-acte de justice populaire. Il existoit dans le département de la Charente-Inférieure, où vous m’aviez envoyé, un de ces despotes subalternes auxquels on donnoit la qualité de comte ou marquis : celui-ci se nommoit Gombaut; il a plusieurs fois porté le mépris et la barbarie à un tel excès, qu’il s’est permis de fusiller des sans-culottes. Dans un temps où l’on ne comptoit pour rien la vie de ceux qui n’étoient pas nobles, Gombaut obtint facilement des lettres de grâce. Je ne fus instruit de ces faits que peu de temps avant de quitter le département de la Charente -Inférieure, et j’ai aussitôt donné ordre d’arrêter cet assassin. Je voulois réunir les familles qu’il avoit privées de leurs soutiens, et (1) Débats, nos 608, p. 2 et 615, p. 106; MU., XL, 120. (2) P.V., XXXVni, 10. Minute imprimée (C 304, pl. 1121, p. 3). Décret n° 9220. Reproduit dans Bin, 1er prair. (suppl‘) et 5 prair. (1er suppl1) ; mention dans Rép. n° 152; J. Mont., n° 25; J. Sablier, n° 1331; Mon., XX, 526; Feuille Rép., n° 322; S. -Culottes, n° 460; J. Fr., n° 604; J. Perlet, n° 612; S.- Culottes, n08 460 et 466. dans une fête que l’on célébroit chaque décadi, faire juger par le peuple même les indemnités qu’ils devoit à ces familles; mais il a été saisi trop tard. L’accusateur public près le tribunal révolutionnaire de Rochefort m’a écrit pour savoir quelles étoient les charges à porter contre cet homme (1) . Il donne lecture de cette lettre et de celle qui lui a été adressée par le fils de Gombault : [Rochefort, 9 flor. II.] Sur le vu d’un ordre de toi, j’ai fait constituer à la maison de justice, dite Maurice, le nommé Gombault, ci-devant noble, je voudrais instruire de son affaire, et comme j’ignore ce qui t’a porté à le faire arrêter, je t’invite à me faire passer au plutôt les motifs qui l’ont rendu coupable à tes yeux. [Le cn Gombault au repr. Lequinio']. Citoyen, Tu ne trouveras pas mauvais qu’un fils réclame ta justice et ton humanité envers son père âgé de 75 ans, noirci dans ton esprit par les odieuses calomnies de ses ennemis; ne pouvant l’attaquer du côté de son patriotisme, ils ont fabriqué mille mensonges pour l’accabler, et mon malheureux père a été la victime de leur noirceur et de leur perfidie. Conduit à Rochefort et détenu dans la maison d’arrêt de cette commune par tes ordres, confondu avec les vils conspirateurs, accablé des infirmités de la vieillesse, augmentées par un voyage long et pénible, tout cela, Citoyen, est bien fait pour affecter la sensibilité d’un fils envers le meilleur des pères. Ce ne sont pas des grâces, Citoyens, que je te demande, je ne réclame autre chose de ta justice et de ton humanité qu’un prompt jugement afin que mon père puisse prouver son innocence sur les faits qu’on lui impute; tu es trop juste et trop humain, Citoyen, pour vouloir accabler un bon citoyen pour satisfaire des haines particulières, et tu es trop éclairé pour ne pas sentir combien ça serait dangereux pour la cause de la liberté. Il est évident que ceux qui ont noirci mon père dans ton esprit ne l’ont fait que pour satisfaire leur haine. Leur animosité les a portés à faire revivre une affaire, jugée il y a plus de trente ans au parlement de Paris, où l’innocence de mon père triompha de la puissance et de la tyrannie qu’exerçait alors contre lui le ci-devant comte de S* More, l’homme le plus despote qui ait jamais existé, et son ennemi implacable. Citoyen, je ne demande pas que la décision du parlement de Paris, et le long espace de temps mettent une prescription à cette affaire, il reste encore des anciens dans le pays, tu peux faire des enquêtes et faire juger mon père devant quel tribunal que tu jugeras à propos. Permets que ses accusateurs soient mis en cause avec lui, qu’ils signent leurs accusations et que la loi prononce contre les coupables. Il ne sera pas difficile de prouver que tous les faits que l’on a allégués contre mon père sont (1) Débats, n° 608, p. 2.