lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 119 janvier 1791.] 331 sous ma main, il est à 10, 15 ou 20 lieues, il faudra bien de toute nécessité que vous interrompiez votre débat et que vous fassiez des articles réglementaires sur la formation de cette instruction. M. Démeunier. Avant que les débats commencent devant le juré du jugement, l’accusé a trois moyens de connaître les faits qu’on lui impute; il peut, dans ces cas, produire ses témoins; d’abord parce qu’on lui a dit devant le juré de police ce dont il était accusé; ensuite d’après ce que lui a dit le directeur du juré; et enfin parce que l’acte d’accusation lui a été communiqué. Après cette explication, Messieurs, il n’y a plus de difficulté que sur la rédaction. Je propose d’ajouter deux mots, et l’article sera ainsi conçu ; « Les nouveaux témoins que l'accusateur voudra produire devant le juré de jugement, ainsi que les témoins que l’accusé voudra produire à cette époque de la procédure, seront entendus d’abord devant un des juges du tribunal criminel. » Plusieurs membres : Aux voix ! M. Clou pii de Préfeln. Messieurs, il est intéressant que la rédaction soit plus claire sur un fait. Par exemple, je suis accusé; et dans le débat entre le témoin et moi, il m’apprend qu’il était en la compagnie de M. un tel. Je ne rn’en doutais pas; alors je lui dis: vous étiez dans la compagnie de M. un tel, je demande qu’il soit entendu, j’ai confiance en sa véracité. Il est sensible que je n’ai pas pu indiquer ce témoin avant le déb it; et comme en faisant des lois, et surtout des lois aussi importantes que celles dont il s’agit, il ne faut rien laisser à l’équivoque, je demande que la rédaction soit conçue de manière qu’elle indique bien précisément que l’accusé sera admissible à produire même après un débat long et terminé. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angèlÿ). Il me semble que l'on n’a pas répondu à mes observations ni à celles de M. Tronchet et que je vais répéter : je suppose que le débat apprenne à l’accusé que des faits qui ont été assignés contre lui peuvent être détruits par la preuve d’un fait justificatif; qu’il lui soit nécessaire d’appeler des témoins qui, éloignés du lieu où se fait l'instruction, ne pourront être arrivés qu'au bout d’un certain temps. Alors fera-t-on le débat en entier, et contestera-t-on ce qui s'est fait dans le débat pour faire revenir le témoin un autre jour; ou bien interrompra-t-on dès ce moment l’instruction de la procédure contre cet accusé, regardera-t-on comme non avenus tous les débats qui auraient été faits jusqu’à cet instant, et atten-dra-t-on à la recommencer à l’époque à laquelle il aura pu appeler ses témoins de la ville éloignée et les faire entendre? La seconde partie de l’objet de M. Tronchet est qu’il y a deux partis à preudre : ou d’achever le débat et d’en constater toutes les parties, ou bien de le faire cesser à l’instant même, pour le reprendre en entier au moment où l’accusé aura joint les témoins qui attesteront les faits justificatifs. M. Tronchet. Le préopinant a bien senti mon objection, mais j’ajoute à ce qu’il vient de dire, qu’il y aura un cas qui forcera d’interrompre les débats: car je suppose que ce n’est qu’au moment et dans le milieu du débat qu’un de mes amis vient de m’avertir qu’il a acquis la preuve de la subornation des témoins. J’articule et j’en demande la preuve. Il faut bien que l’on interrompe le débat, mais je n’en tire pas de là la conséquence qu’il faut, dans ce moment, faire un article pour régler la procédure. M. Démeunier a rempli mon objet en demandant que cet article fût tellement rédigé, que l’on vît que ce n’est que les témoins que l’accusé aura pu produire avant le commencement du débat. Je demande donc à l’Assemblée que l’on se réserve à statuer sur ce qu’il y aura lieu de statuer. M. Démeunier. Nous vous proposons une rédaction qui remplit les intentions de M. Tronchet, et la seconde observation de M. Goupil. De concert avec le rapporteur, je propose d’ajouter à l’article : le tout sans préjudice des nouveaux témoins que l’accusé pourra produire par la suite. Par le moyen de ces additions, l’article se trouverait ainsi conçu : « Les nouveaux témoins que l’accusateur voudra encore produire devant le juré, ainsi que les témoins que l’accusé voudra produire à cette époque de la procédure, seront entendus, et leurs dépositions écrites devant un des juges du tribunal criminel, le tout sans préjudice de nouveaux témoins. » M. Fréteau de Sainl-Just. Au titre II de la police de sûreté, il y a un article par lequel il est défendu à tout gardien de maison d’arrêt de recevoir un homme si le mandat d’arrêt ne contient les motifs d’arrestation ; ainsi il se sera écoulé près d’un mois et souveut plus, entre la première connaissance donnée à l’accusé de l’objet pour lequel il a été arrêté, et l’instant du débat. Je demande si l’accusé n’aura pas eu tout le temps de produire ses témoins? M. Tronchet. L'accusé n’a pu produire un témoin qu’il ne connaissait pas, puisqu’il peut arriver qu’il ne les connût que dans le débat. M. Démeunier. Pour ne rien préjuger, je voudrais qu’on ajoutât ces mots : ainsi qu’il sera réglé. M. Duport, rapporteur. La rédaction que M. Tronchet avait proposée d’abord m’a paru remédier à tout. Il ne faut pas mettre la dernière clause de M. Démeunier. Nous ne sommes pas dans l’intention de faire des articles comme dans t’ordonnance de 1570. L’article 2, mis aux voix, est adopté comme suit : Art. 2. « Les nouveaux témoins que l’accusateur voudra produire encore devant le juré de jugement, ainsi que les témoins que l’accusé produira à cette époque de la procédure, seront entendus, et leurs dépositions écrites devant un des juges du tribunal criminel : le tout sans préjudice des témoins que l’accusé pourra faire entendre par la suite, et il sera donné connaissance à l’accusé des dépositions, de la manière qui sera réglée par la suite. » M. Duport, rapporteur, donne ensuite lecture de l’article 3 qui est ainsi conçu : « L’examen des témoins et le débat seront faits ensuite devant le juré, de vive voix et sans écrit, après la lecture publique qui sera faite de toutes [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 janvier 1791.] 332 les dépositions, et ils serviront seuls à la conviction. » M. Malouet. Ici s’applique l’amendement que j’ai propo.-é hier, et qui résulte des deux projets de décret de MM. Tronchet et Goupil. Je ne demande pas que la lecture des dépositions soit faite devant le juré avant le débat. La déposition écrite étant communiquée à l’accusé, il est bien évident qu’il retirera le pari i le plus favorable à sa cause; mais je demande que, dans le cours du débat, l’accusé ou son conseil, et même l’accusa' teur public, puissent exiger que l’on rédige par écrit les nouveaux faits, les nouvelles circonstances qui seront exposes par les témoins, ainsi que leurs aveux ou désaveux. Je pense, comme le comité, qu’il serait dangereux de lier les témoins par leur première déposition. Il faut leur laisser la faculté de la modifier, et même de la réduire sans qu’ils puissent être pris à partie; mais je pense aussi qu’il faut assurer à l'accusé et à la société la poursuite certaine des faux témoignages. Le voici : « Il sera libro, dans le cours du débat, à l’accusé ou à son conseil, aiusi qu’à l’accusateur public, de requérir qu’on rédige par écrit les nouveaux faits, les nouvelles circonstances, aveux ou désaveux que pourraient faire les témoins, lesquels auront la liberté de rétracter ou de modifier leur première déposition écrite, sans pouvoir être pris à partie. Mais dans le cas où ils persisteront dans leur première déposition, ou si, dans le débat, ils articulent de nouveaux faits qui puissent être argués de faux, l’accusation en faux témoignage pourra être intentée, soit par l’accusé, soit par I’ac' usateur public. » Je demande qu’il soit délibéré sur les deux articles en même temps, car si vous commencez par décréter que rien ne sera écrit dans le débat, on m’opposera ce premier décret. M. Buzot. Le résultat de l’amendement du préopinant serait l’écriture entière du débat. Il n’y aurait pas un fait qui ne parût important à l’accusé, à ses amis, ou à son conseil. Cbaeun des jurés aura la faculté de prendre note des faits dont il se trouvera le plus frappé. On pourra pratiquer ce qui se fait en Angleterre; le juge avertit les jurés qu’un tel fait est intéressant, pour qu’ils en prennent note; d’après cette observation, je demande la question préalable sur l’amendement de M. Malouet. M. Tronchet. Ce n’est point ici le moment d’examiner l’amendement qui vous a été présenté par M. Malouet, ceux qui pourrai nt rentrer dans Je même sens, et celui que je vous avais présenté. Je me réduis en ce moment, et en réservant tous autres amendements, à l’unique que-tion d’examiner l’amendement qui consiste à supprimer la lecture publique des dépositions. Je dis que si l’on adopte un pareil amendement, c’est détruire la conviction murale et ôter aux juges le meilleur moyen de se déterminer sur la conviction des preuves testimoniales ; je dis que c’est ôter à l’accusé le plus sûr moyen de défense pour prouver qu’il est innocent. M. Duport, rapporteur. Y os comités sont unanimes pour dire que les dépositions seront lues en public. M. Tronchet. Je n’ai pas dû compter sur cette déclaration-là; mais je sais que le projet de décret, t‘d qu’il nous a été présenté, et qui paraissait complet, ne donnait que la communication à l’accusé, et cela 24 heures, disait-on, avant de comparaître. Si l’on nous fait décréter que les dépositions seront communiquées par écrit à l’accusé avant qu’il comparaisse, alors mon objection lomb»; mais je finis par avouer que je n’entends pas ces mots par lesquels on finit l’article : « Et le débat servira seul à la conviction ». Une pareille phrase est à mes ye x absolument insignifiante; car jene connais pas, dans une conviction morale, quelle est la différence entre le débat et la déposition. Le débat n’est rien sans la déposition, cornu e la déposition n’est rien sans le débat, puisque la conviction du juré n’est que le résultat de la déposition et du débat. M. Duport, rapporteur. Je retire cette dernière disposition. L’article 3 est décrété dans ces termes : Art. 3. « L’examen des témoins et le débat seront faits ensuite devant le juré, de vive voix et sans écrit. » M. Goupil de Préfeln. Je demanda à proposer un article additionnel, et la permission de faire une observation sur celui de M. Malouet. C’est ici le moment de mettre l’un et l’autre sous les yeux de l’Assemblée, pour qu’elle juge lequel des deux mérite son approbation. Voici l’article : « Si dans les déclarations faites par un témoin en présence du juré, l’accusé ou son conseil remarque quelque cnose qui puisse servir, soit à infirmer le témoignage, soit à l’éclaircissement ou à la justification de l’accusé, ils pourront requérir que la réfaction par écrit eu soit faite; et cela ne pourra leur être refusé. » Plusieurs membres demandent la question préalable. M. Duport, rapporteur : Ce n’est ni par oubli, ni par négligence que vos comités ne vous ont point présenté de dispositions sur cet objet; mais je vous prie d’observer que la disposition que l’on vous demande n’est autre chose que l’écriture entière. Or, je demande à l’Assemblée si, en rejetant l’écriture du débat, elle n’a pas décidé précisément que les dires de l’accusé, de ses conseils et dos témoins ne seront pas écrits. Si on écrit ce qu’ils disent, on écrit le débat; si on écrit le débat, il faut renoucer aux jurés. M. Begnaud {de Saint-Jean-d'Angély). Je crois que M. Malouet a mis dans son amendement une trop grande latitude, et que M. le rapporteur y a opposé un refus trop absolu. Il résulterait de l’amendement de M. Malouet, par la disposition naturelle de tous les individus intéressés au débat, ta nécessité presque absolue de tout écrire, si le directeur du juré était obligé d’adhérer à toutes les demandes qui lui seraient faites. Il est au contraire, comme l’a dit M. le rapporteur, dans l’essence de cetie institution de laisser à ce directeur toute la latitude possible pour la découverte de la vérité : aussi je voudrais que lorsque le témoin on même l’accusateur publie désireront qu’une al légation du témoin ou de l’accusé, qu’une portion du nébat enfin soit constatée par écrit, ils aient alors la faculté de le requérir, et que le directeur du juré, qui ne peut avoir