236 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 janvier 1790 ] nés, et l’Assemblée admet cette proposition. Sur la réflexion d’un de ses membres, l’Assemblée ajourne à jeudi prochain à deux heures la reprise de la discussion au sujet des matières criminelles. M. Dupont (de Nemours ), membre du comité de Constitution, fait un rapport sur les limites du département de Paris. 11 dit qu’il s’est élevé quelques légères difficultés entre les députés du département de Versailles et ceux du département de Paris relativement à Sèvres et à Saint-Cloud. Les premiers réclament ces deux endroits comme essentiels à leur arrondissement; les députés de Paris le réclament comme essentiel à leur administration et pour pouvoir empêcher la contrebande et avoir la garde et la police immédiate des ponts de Sèvres et de Saint-Cloud. Le comité, après avoir pris les raisons de convenance, a donné gain de cause aux députés de Versailles et fixé pour limite de ce côté le milieu de la Seine ; d’ailleurs le village de Saint-Cloud et la ville de Saint-Denis demandent à n’être pas compris dans la banlieue de Paris. M. Camus observe qu’il est très important pour la ville de Paris d’avoir dans son département les ponts de Sèvres, Saint-Cloud et Neuilly, tant pour son intérêt propre que pour celui de tout le royaume à cause de la surveillance qu’elle pourra exercer. M. Dupont (de Nemours ) répond que la ville de Paris aura tout le pont de Neuilly dans son département et que le comité de constitution a pensé qu’il lui suffisait de partager l’administration des deux autres avec la ville de Versailles. M. Ce Pelletier de Saint-Fargeau. J’observe aussi que des raisons de police et d’utilité publique doivent engager à ne pas considérer la rivière comme la limite de la banlieue ; si cela était ainsi, Sèvres offrirait une grande facilité pour la contrebande, et les bois de Meu-don présenteraient aux malfaiteurs une retraite sûre; il paraît, en conséquence, indispensable de placer sous la surveillance de la capitale ces deux parties de son voisinage. Au reste, je suis persuadé que la ville de Paris recevra la décision, quelle qu’elle soit avec la soumission dont elle doit donner l’exemple. On demande à aller aux voix. Le comité de Constitution présente un projet de décret qui est adopté en ces termes : L’Assemblée nationale décrète : « Que le département de Paris aura environ trois lieues de rayon, excepté depuis Meudon jusqu’au-dessous de“ Saint-Cloud, où il sera borné par les murs du parc de Meudon, et par une ligne, qui, embrassant GJamartet les Moulineaux, ira finir au pont de Sèvres, d’où le milieu de la rivière servira de limite, les deux ponts de Sèvres et de Saint-Cloud réservés néanmoins en entier au département de Paris; qu’au-dessous de Saint-Cloud, les limites s’élèveront au nord-ouest jusque vis-à-vis le village des Carrières de Saint-Denis, à partir duquel le milieu de la rivière bornera le département en remontant jusqu’au territoire de la paroisse d’Epinay; que depuis ce point, le rayon aura trois lieu es jusqu’au coude de la Marne à Champigny; qu’il aura trois lieues et demie depuis le coude de la Marne jusqu’à Bonneuil; et que depuis Bonneuil jusqu’au-dessus du Plessis-Piquet, le rayon de trois lieues, à partir du parvis Notre-Dame, servira déréglé, conformément au décret de l’Assemblée, qui a décidé que ce rayon s’étendrait à trois lieues au plus; enfin, que depuis les bornes du Plessis-Piquet, une ligne tirée jusqu’aux murs du parc de Meudon, clora le département. » M. le Présideut annonce un don patriotique de la paroisse de Greissy et de la commune de Largillière-en-Bourgogne. M. le Président. Conformément à l’ajournement prononcé dans la séance d’hier, je donne la parole à iM. le marquis de Bouthillier, chargé de faire un rapport au nom du comité militaire sur la force et sur la solde de l'armée française. M. le Marquis de Bouthillier (1). Messieurs, quatre questions importantes sont aujourd’hui soumises à votre décision : Quelle est la force nécessaire de l’armée à entretenir en temps de paix? Dans quelle proportion doivent être, entre elles, les différentes armes destinées à la composer? Quelle doit être celle des officiers de tout grade, avec les soldats qu’ils doivent commander? Enfin, quelle dépense son entretien doit-il occasionner annuellement? PREMIÈRE QUESTION. Force nécessaire de l'armée en temps de paix. La politique de la France ne doit point être de chercher à agrandir ses possessions. Le système destructeur des conquêtes rend les rois guerriers un fléau funeste pour l’empire soumis à leur administration. Une nation sage ne saurait prendre trop de précautions pour enchaîner leur ambition ; et si les principes nécessaires d’une monarchie prescrivent que les rois aient le-droit de faire la paix et la guerre; si la prudence exige que des forces nécessaires pour la défendre, et pour faire respecter son nom, soient déposées entre les mains de celui qui la gouverne, l’intérêt particulier de la nation lui fait impérieusement la loi de les fixer habituellement au simple nécessaire, non seulement afin de lui ôter la tentation d’en pouvoir abuser, mais encore afin de n’être jamais écrasée sous le poids des dépenses d’une armée, vain appareil de puissance toujours menaçante sans nécessité. La force militaire de terre doit avoir pour but de défendre le royaume contre ses ennemis extérieurs, et de fournir au dedans main-forte à l’autorité civile, lorsqu’elle pourrait la requérir pour la protection des lois. Une bonne constitution militaire sera celle qui, en réduisant pendant la paix les forces aux besoins indispensables du service, organisera l’armée de manière à être augmentée facilement, saris secousses, sans moyens violents, lorsque les attaques de nos ennemis obligeraient à des efforts extraordinaires. (I) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du rapport de M. le marquis de Bouthillier. 237 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 119 janvier 1790.] Pour déterminer ainsi avec sagesse le nombre de troupes nécessaires à entretenir en tout temps, il faut consulter notre population, et la situation des frontières que nous avons à défendre. Montesquieu, et tous les autres publicistes, estiment les rapports de la force militaire à la force civile, sur le pied d’un sur soixante tètes, ou au moins d’un sur centres faits mêmes démontrent dans l’Alsace, dans la Lorraine et dans la Franche-Comté, que ce premier calcul n’est pas exagéré, puisque la population y est augmentée, quoique depuis 10 ans ces provinces aient fourni dans cette proportion au recrutement de l’armée, par la voie des engagements volontaires. Notre population connue de 25,061,883 têtes, nous permettrait donc facilement de porter nos forces militaires à 350,000 hommes; elles ne seraient alors que sur le pied de 1 sur 72 à peu près. Une armée aussi considérable pourrait peut-être nous paraître nécessaire, si nous ne consultions que le nombre des troupes entretenues constamment sur pied par nos voisins; mais, si la France doit être militaire, elle doit être en même temps agricole, commerçante et maritime, et si elle énervait ses ressources par des armées de terre trop considérables, elle nuirait nécessairement aux autres parties qu’elle a, au moins, autant d’intérét à ménager ; d’ailleurs, en examinant la position de ses frontières, on doit sentir qu’elle n’a pas besoin de forces militaires aussi considérables, toutes les fois que son système militaire n’aura pour but que de se mettre en état de les défendre. La France est limitée d’un côté par la Suisse, puissance alliée de laquelle elle n’a rien à redouter; les Alpes la défendent du côté de l’Italie; la Méditerranée la borde au midi ; les Pyrénées sont sa barrière du côté de l’Espagne ; l’Océan est sa frontière au couchant, et des places fortes lui servent de rempart du côté des Pays-Bas et de l’Allemagne, d’avec laquelle elle est d’ailleuj's séparée par le Rhin. Ses moyens de défense, nécessaires en temps de paix, se bornent donc à garder ses côtes et les points principaux de ses frontières. Celles du côté de l’Allemagne et des Pays-Bas comprennent les provinces de Franche-Comté, d’Alsace, de la Lorraine, des Evêchés, de la Flandre, de l’Artois, et du Hainaut. Elles sont d’un abord facile, et ne sont défendues que par des places dispersées sur des frontières successivement reculées, et dont le nombre et la position n’ont point, en conséquence, été combinées sur un système de défense médité. Ces villes de guerre à garder ; quelques points intermédiaires entr’elles qu’elles ne couvrent pas suffisamment, exigent au moins 70,000 hommes, répandus dans ces différentes provinces, pour les défendre en cas d’attaque. Nos côtes de l’Océan comprennent les provinces de Picardie, de Normandie, de Bretagne, de Poitou, d’Aunis, de Saintonge et de Guyenne; elles sont exposées aux attaques de l’Angleterre, puissance rivale contre laquelle nous devons toujours nous tenir en garde, mais ce sont des vaisseaux qu’il faut principalement lui opposer, et ce n’est point à votre comité militaire à vous parler de ces moyens de défense; nous ne devons vous indiquer que ceux à employer contre les incursions qu’elle pourrait vouloir tenter dans ces provinces qui l’avoisinent. Cette étendue immence de côtes, depuis Dunkerque jusqu’à Bayonne, semblerait au premier coup d’œil exiger une quantité de troupes très considérable; mais, si l’on considère combien peu d’anses et de plages dans cette étendue de terrain sont suceptibles de débarquements, combien l’ennemi qui en tenterait un aurait peu de ressources de postes pour pouvoir s’y établir; et enfin, la facilité de les protéger par des batteries, on trouvera qu’environ 30,000 hommes, répartis dans les points les plus susceptibles d’attaque, doivent suffirent à leur défense. L’Espagne est notre alliée, nous n’avons rien à redouter de sa part; d’ailleurs, les Pyrénées, qui nous séparent d’avec elle, peuvent nous dispenser de garder nos frontières entre les deux mers, et quelques escadrons de cavalerie, pris dans le nombre de ceux destinés à la garde de nos côtes de l’ücéan, peuvent suffire pour le service intérieur, depuis Bayonne jusqu’à Perpignan. Nos côtes de là méditerranée depuis Perpignan jusqu’à Antibes, et la défense nécessaire de l’île de Corse, exigent au moins quinze mille hommes. Les frontières du côté de la Sardaigne, depuis le Var jusqu’à Lyon, paraissent si impénétrables, que peu de troupes sembleraient suffisantes pour les garder; mais dans la fixation des limites de la grande chaîne des Alpes, et dans les échanges des vallées, le roi de Sardaigne a tellement gardé l’avantage, qu’on ne peut guère se dispenser d’y entretenir environ dix mille hommes, jusqu’à ce qu’on ait reconnu un meilleur choix de postes, et travaillé à rendre cette barrière encore plus impénétrable ; et ce nombre assurément ne serait pas suffisant si nos alliances avec la Sardaigne n’étaient pas de nature à nous rassurer. Enfin la protection des communications intérieures du royaume, les besoins de consommations de certaines provinces, trop éloignées de nos frontières, pour que les quartiers des troupes destinées à leur garde puissent y être étendus, la protection souvent nécessaire” à donner, par la force militaire, à la puissance civile, semblent demander des troupes qui puissent remplir ces foutions, sans obliger à dégarnir les points intéressants à garder, et nous pensons qu’il doit toujours y avoir neuf ou dix mille hommes de troupes en réserve destinées à ces différents services. Tous ces besoins de défense, calculés au plus bas, doivent employer 134 à 135,000 hommes. Enfin, en y ajoutant seulement de huit à neuf mille hommes d’artillerie, nombre qui n’est pas certainement exagéré, dans un siècle où le canon décide principalement le succès des guerres, et pour un corps que son instruction ne rend pas susceptible de réductions considérables pendant la paix, il en résultera que la force nécessaire et indispensable de l’armée doit être entre 142 et 143,000 hommes, sans compter les troupes à destiner à la garde et à l’éclat du trône. Quoique militaires, et quoique faites pour être employées avec succès contre nos ennemis, la nature de leur service et l’emplacement qu’elles doivent occuper ne permettent pas de les ranger dans la classe de celles utiles pour la garde de nos frontières. L’armée est aujourd’hui composée, sans les compter, de 162,690 hommes; la réforme serait donc d’environ 20,000 hommes. Cette force militaire, ainsi réduite, peut être suffisante sans doute dans des moments ordinaires et tranquilles, mais elle ne le serait certainement pas en temps de guerre ; il faut donc qu’elle soit organisée de manière à pouvoir être augmentée en raison des besoins et des circonstances. Les circonstances politiques peuvent nous mettre dans le cas d’avoir à nous défendre à la fois contre les forces réunies de l’Angleterre, de la Prusse, de l’empereur et de la Hollande. Pour faire un pareille guerre avec quelque 238 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 janvier 1790. succès, il pourrait être nécessaire que nous leur opposassions des armées en Allemagne, dans lés Pays-Bas, et dans l’Italie, sans négliger nos côtes èt nos colonies, Les deux armées principales en Allemagne et dans les Pays-Bas ne pourraient guère être au-dessous de soixante mille hommes chacune. Celle d’Italie devrait être de 40,000. La défense de nos colonies pourrait exiger qu’on y fît passer 20,000 hommes, et nous ne poumons guère en conserver en France moins de 40,000, pour la garde de nos côtes, de notre intérieur, et fournir à la marine les secours dont elle pourrait avoir besoin pour les garnisons de ses vaisseaux. Il faudrait donc alors porter nos forces à 200,000 hommes et parconsé-qent augmenter de 80,000 hommes l’état militaire que nous entretiendrions en temps de paix. Les succès d’une guerre dépendent souvent de son début. Une pareille augmentation à faire subitement pourrait, par la lenteur des moyens ordinaires adoptés pour le recrutement, retarder de grands efforts, si elle n’avait pas été prévue avant le moment des besoins. La prudence veut donc que nous entretenions une armée auxiliaire, inactive pendant la paix, mais toujours désignée, et toujours prête à fournir à toutes les augmentations que des circonstances de guerre pourraient exiger; et, nous avons pensé qu’elle ne pouvaitguère être au-dessous de 100,000 hommes, afin de ne jamais risquer de se trouver au-dessous des besoins. Cette armée auxiliaire ne porterait en totatité les forces militaires qu’à 214,000 hommes. Nous avons annoncé ci-dessus que notre population connue pouvait permettre des efforts beacoup plus considérables. Celui-ci sera d’autant moins pénible que i 00,000 hommes ne serviraient pas habituellement, n’abandonneraient pas leurs travaux, conserveraient leurs habitudes de citoyens, et ne seraient réellement dans le cas de faire partie de la véritable force militaire que momentanément, et dans des cas de guerre extraordinaire. Cette armée ne doit pas servir habituellement, elle ne doit jamais être dans le cas de se réunir pendant la paix ; il ne faut donc la considérer que comme des dépôts d’hommes à désigner dans chaque canton. C’est à votre comité de Constitution à vous présenter les moyens à prescrire aux assemblées de département pour fournir ces hommes. Lorsqu’ils seront déterminés par vous, nous aurons l’honneur, si vous l’ordonnez, de mettre sous vos yeux le détail de ceux qui pourraient être employés pour constater militairement l’existence de ces hommes, assurer la facilité de les rassembler lorsque leur service pourrait être né-cesaire ; et déterminer la durée de celui qu’on pourrait être dans le cas d’en exiger. Les gardes nationales, si vous jugez à propos d’en consacrer l’existence, appartiennentde même à la Constitution, puisque leurs fonctions consistent principalement à assurer et à maintenir l’ordre intérieur du royaume. C’est pareillement à votre comité de Constitution à vous indiquer les éléments et les principes de leur formation. Nous ne nous occuperons ici que de l’armée de ligne, c’est-à-dire de celle destinée à la défense extérieure du royaume. Une armée militairement organisée doit être composée, dans des proportions établies, de troupes à pied, de troupes à cheval, et de troupes d’artillerie. L’infanterie est l’âme des armées ; c’est elle qui porte principalement le fardeau du service; et la quantité plus ou moins considérable de troupes à cheval doit dépendre principalement de la nature local du pays qui doit être le théâtre de la guerre. Les proportions à établir entre ces deux armes ne sont pas bien militairement déterminées. Elles varient, pour ainsi dire, chez toutes les puissances, et nous ne nous permettrions même aucun détail à ce sujet, si une fixation quelconque ne nous avait pas paru indispensable pour établir des prix communs, nécessaires à connaître pour déterminer les dépenses totales de l’armée, qui doivent être plus ou moins fortes, suivant qu’elle sera composée d’une quantité plus ou moins considérable de troupes plus chères et plus dispendieuses pour leur entretien. IIe Question. Quelle doit être la proportion à établir entré les différentes armes ? Les troupes à cheval, d’après les calculs les )lus usités, doivent être aux troupes à pied dans a proportion du quart au cinquième formant entre e cinquième et le sixième au total ; ainsi une armée forte de 220,000 hommes doit être composée d’environ 170 mille hommes d’infanterie, et d’à peu près 40 mille hommes de cavalerie ; mais, comme l'infanterie, exigeant moins de temps pour son instruôtion que les troupes à cheval, est susceptible d’une augmentation plus forte à la guerre, et par conséquent d’une réduction plus considérable à la paix, nous avons pensé qu’il fallait outrepasser un peu cette proportion, et porter la cavalerie entre le tiers et le quart de l’infanterie pendant la paix. La force plus ou moins considérable de l’artillerie doit dépendre de l’espèce de guerre qu’on aura à soutenir ; ses proportions connues doivent être à peu près le vingtième de la force totale : mais, comme son instruction seule peut assurer les succès, il convient, en temps de paix, d’outrepasser aussi cette proportion, afin de n’être point dans le cas de lui faire éprouver, au début d’une guerre, une augmentation trop forte, si on la réduisait trop considérablement à la paix. Sa composition actuelle est de 8,585 hommes; tous les détails sont établis en conséquence : le moindre changement apporté à des bases calculées par le plus habile officier d’artillerie de l’Europe, pourrait être préjudiciable. Nous vous proposerons donc de la faire entrer dans nos calculs, en la comptant sur le pied auquel elle est portée actuellement, quoiqu’il fasse à peu prés le seizième de la force totale que nous avons regardée comme nécessaire à entretenir. D’après ces observations, Messieurs, nous avons pensé que l’armée dont nous vous proposons de déterminer la force, en temps de paix, entre 142 et 143,000 hommes, doit être composée de 102 à 103 mille hommes d’infanterie, de 30 à 32 mille hommes de troupes à cheval, et des 8,500 hommes d’artillerie qui composent ce corps aujourd’hui. IIIe Question. Proportion du nombre des officiers avec celui des soldats , cavaliers, etc. Les troupes doivent être partagées en différents corps, appelés armées, divisions, brigades, régiments; et chacun de ces derniers doit être divisé en d’autres parties, sous les dénominations de bataillons ou d’escadrons, susceptibles de se [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 janvier l?90.l £39 partager eux-mêmes en compagnies, sections, escouades, mais ce n’est pas à nous de nous occuper de cette organisation ; elle appartient au Roi, chef suprême de la nation; et devant nous renfermer dans la discussion des bases constitutionnelles, et nous borner à l’examen des dépenses quelles devront occasionner, nous ne chercherions pas même à établir ici le nombre nécessaire des officiers, si d’une part cette appréciation aperçue n’était pas indispensable à déterminer à peu près, pour le calcul des dépenses ; et si d’une autre part nous ne regardions pas comme bases constitutionnelles , dans un Etat où le préjugé de l’honneur appelle au service toutes les classes de citoyens, d’assurer leur existence trop incertaine jusqu’ici, et d’empêcher qu’un ministre, pour économiser impolitiquement les fonds qui lui seraient assignés, et voulant un jour en diminuer arbitrairement le nombre, ne pût, par une parcimonie mal entendue, détruire ce préjugé si précieux à entretenir. Il ne subsisterait pas longtemps, si une réduction d’emplois trop considérable les mettait dans une proportion trop inférieure aveo ceux qui désireraient en obtenir, ou si des suppressions trop fortes détruisaient l’espérance de l’avancement qui peut seul soutenir dans cette carrière. Les proportions, dans lesquelles les officiers doivent être aux soldats, ne sont pas bien exactement déterminées; elles varient dans tous les pays. La proportion, dans laquelle ils ont été jusqu’ici en France est plus considérable que chez les autres puissances. Le caractère des Français, vif, ardent, et plutôt conduit par l’honneur que par la crainte, rend le soldat moins passivement subordonné; l’exemple et les bons propos le mènent d’une manière plus certaine que les châtiments; c’est dans l’officier, c’est dans l’honneur qui doit l’animer que ces moyens peuvent se rencontrer plus essentiellement; il faut donc, pour conduire des soldats français, et même souvent pour modérer l’ardeur que l’honneur leur inspire, des officiers en plus grand nombre que chez des nations que la sévérité de la discipline, que Ja crainte qu’elle inspire, et que l’habitude, pour ainsi dire innée de la contrainte, retiennent presque naturellement dans le devoir. Chez les nations, nos voisines, l’état d’officier est un moyen de subsistance, d’aisance même, une profession enfin, à laquelle ceux qui s’y destinent se consacrent pour leur vie. Le régiment dans lequel ils servent devient leur patrie : ils abandonnent rarement leurs drapeaux. En France, au contraire, l’officier, plutôt dédommagé par l’honneur que par l’intérêt, des peines et des fatigues attachées à son état, appelé par ce sentiment et par préjugé au métier des armes, a ses affaires et une fortune à régir et à administrer ; il est indispensable de lui donner des facilités pour s’en occuper ; il en faut donc encore par cette raison un plus grand nombre que s’ils pouvaient rester constamment à leur service. S’ils sont plus nombreux, leur traitement n’est pas aussi considérable. C’est un tribut glorieux, mais peu lucratif, qu’ils payent à Ja patrie ; en diminuer le nombre c’est détruire le goût militaire par l’impossibilité d’y obtenir des places. Substituer l’intérêt d’un traitement fixé au delà des besoins réels, à l’honneur qui suffit seul pour les appeler à cette profession, c’est anéantir le préjugé. Il devient aujourd’hui d’autant plus précieux à ménager que, devant être partagé par toutes les classes des citoyens, il ne peut qu’augmenter la masse de l’honneur, caractère déjà distinctif de. la nation. Enfin, sera-ce dans un moment où cette carrière honorable , jadis abusivement fermée à une partie des citoyens, vient d’être ouverte à tous ; dans un moment où leur empressement de partager les travaux des défenseurs de la patrie leur fera désirer d’y trouver place, qu’il serait proposable de rendre le décret qui vient de consacrer leurs droits, pour ainsi dire illusoires, par une.réforme trop considérable d’officiers, et par une diminution trop forte du nombre des emplois auxquels ils ont droit de prétendre. Nous ne l’avons pas pensé, Messieurs, et d’après toutes ces observations, nous avons cru qu’il était de l’intérêt de la patrie, et du devoir même des représentants de la nation, de ne point chercher à assimiler la France aux proportions d’officiers établies dans les services des nations étrangères, dont l’imitation n’a cessé de nous être funeste depuis longtemps ; et qu’en se bornant à supprimer toutes les places d’officiers inutiles et sans fonctions, il était de la politique d’en conserver un nombre assez considérable pour pouvoir entretenir le goût militaire par l’espérance d’obtenir des emplois, et l’émulation par l’espoir de l’avancement. D’ailleurs, les officiers sont des cadres précieux à conserver; de leur instruction dépend la bonté des régiments, de laquelle dépendent à leur tour les succès de l’armée. L’habitude peut seule la faire acquérir. Toute création d’emplois nouveaux, toute levée de nouveaux corps, au commencement d’une guerre, sont fâcheuses. La prudence veut donc qu’on entretienne à la paix, quelques réductions qu’on fasse dans le nombre des soldats, la quantité d’officiers qui pourraient être utiles à employer à la guerre, et que l’on conserve le plus possible les corps existants sans les dénaturer, afin de n’être pas obligé d’en lever alors de nouveaux, qui servent rarement bien dans leur début. Les ordonnances actuellement subsistantes établissent onze mille six cent soixante-douze officiers de tous les grades et de toutes les armes, ou commissaires des guerres, pour commander, ou surveiller les détails d’administration des soixante deux mille six cent quatre-vingt-dix hommes dont l’armée est composée. D’après les principes établis ci-dessus, quoiqu en diminuant le nombre des soldats, il semblerait prudent de réduire très-peu celui des officiers ; mais comme parmi eux il en existe plusieurs pourvus d’emplois sans fonctions réelles, ou n’ayant qu’un service mal réglé, dont l’utilité n’est pas bien reconnue, nous avons pensé qu’on pourrait supprimer ceux de cette espèce, et nous avons cru que le nombre des officiers généraux, supérieurs, et particuliers, ou commisssaires des guerres, devait être fixé entre neuf mille cinq cent ou dix mille. Le nombre plus ou moins considérable des officiers dans certains grades dépend de la formation des corps ; c’est au roi seul à la prononcer ; nous ne devons vous en présenter le nombre qu’en masse. Il ne pourra y avoir moins de neuf mille cinq cents officiers de tout grade : voilà ce qu’il importe à des législateurs de déterminer, pour conserver l’esprit militaire national, si précieux à maintenir. Il ne pourra pas y en avoir plus de dix mille ; voilà ce qu’il importe aux économes des revenus public de fixer d’une manière précise pour déterminer Ja dépense. L’intermédiaire entre ces deux nombres est une latitude indispensable à laisser au Roi, pour lui donner la facilité d’organiser l’armée dont il est le chef, de la 240 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 janvier 1790.] manière qu’il croira la plus utile au bien du service. Quelle est actuellement la dépense qu’une armée de cette force doit occasionner? C’est la quatrième et dernière question qui nous reste à examiner en ce moment. IVe Question. Quelle dépense l'entretien de l’armée doit-il occasionner annuellement ? Pour vous présenter avec méthode l’état des dépenses de l’armée, nous avons cru devoir les partager en trois classes. Dans la première, nous avons rangé les dépenses d’appointements des officiers, la solde des soldats et cavaliers, et les masses destinées à leur entretien particulier, ou à leur subsistance. Nous avons compris dans la seconde les masses de l’entretien général et commun des hommes, lesquelles, appartenant à tous, n’appartiennent cependant à aucun individuellement. Enfin la troisième sera composée de dépenses générales du département, qui ne peuvent pas être déterminées en raison du nombre d’hommes, ou qui ne tiennent pas d’une manière proprement dite à l’armée. Les armées doivent être commandées par des généraux : ceux-ci doivent avoir sous leurs ordres des lieutenants généraux et des maréchaux de camp. Nous avons pensé que les premiers de ces emplois doivent être fixés à 40,000 francs de traitement par an, les seconds à 24,000 et les troisièmes à 16,000 livres. Ces places seront désormais les seuls objets d’émulation, les seules récompenses des services. M. le comte de la Tour-du-Piu, dans le mémoire qu’il a déjà fait distribuer, a annoncé qu’il proposerait à Sa Majesté la suppression des gouvernements généraux et particuliers. Les officiers généraux qui seront, sans doute, employés désormais d’une manière plus active encore, n’ayant plus les ressources de ces grâces pour être indemnisés des frais d’un service dispendieux, doivent recevoir des appointements proportionnés à celui qu’on doit être dans le cas d’exiger d’eux ; et c’est ce qui nous a déterminés à vous proposer de fixer ainsi leurs traitements. Les commissaires des guerres ordonnateurs, ordinaires, ou élèves, ont à présent en appointements qui leur ont été attribués par les dernières ordonnances, savoir, les premiers 8,000 livres, les seconds 4,000 livres et les troisièmes 1,000 livres, tant pour traitements que pour frais de bureaux : nous n’avons pas pensé qu’ils fussent susceptibles d’augmentation. Les colonels dans l’infanterie ont à présent 4,000 livres d’appointements par an, les lieute-tenants-colonels 3,600 livres, et les majors 3,000 livres, indépendamment d’une ration de fourrage, évaluée 270 livres, sur le pied de 15 sols par jour, qui leur était accordée pour un cheval pendant le temps de leur service seulement. Obligés d’être montés lorsqu’ils commandent, il st difficile qu’ils puissent se défaire de leur cheval, lorsque leur service est fini. Nous avons l’honneur de vous proposer que cette ration de fourrage leur soit accordée toute l’année, en la c umulant avec leurs appointements. Nous avons cru inutile de vous proposer de les augmenter ; ils le seront lorsqu’ils commanderont le régiment, par un traitement extraordinaire de deux cents francs par mois que nous vous proposons d’attacher au commandement. Il occasionne des dépenses, et il nous a paru juste d’en indemniser celui qui en sera chargé, soit officier supérieur, soit capitaine en leur absence. Les deux premiers capitaines de chaque régiment d’infanterie ont aujourd’hui 2,400 livres d’appointements, et les autres 2,000 ou 1,300 livres. Nous avons pensé avec M. le comte de la Tour-du-Pin, qui nous en a fait la proposition, qu’il ne pouvait qu’être très-avantageux de les partager en cinq classes, et d’accorder à chacune d’elles une augmentation progressive de traitement. Nous avons l’honneur de vous proposer, en conséquence, de prononcer que leurs appointements seront déterminés à 2,600 livres pour le premier capitaine, à 2,400 livres pour le second, à 2,100 livres pour ceux de la troisième classe, à 1,700 livres pour ceux de la quatrième, et enfin, à 1,500 livres pour ceux de la dernière. Les lieutenants, aujourd’hui partagés en deux classes, ont 900 et 800 livres de traitement : nous avons pensé, par la même raison, qu’il fallait conserver cette gradation, et accorder 1,100 livres à la première classe, et 1,000 livres à la seconde. Les quartiers-maîtres ne jouissent aujourd’hui que de 1,200 livres ; leurs détails sont considérables et demandent des sujets choisis : nous avons cru qu’il était de la justice de les augmenter de 200 liyres, en les portant à 1,400 livres. Enfin, les sous-lieutenants et les porte-drapeaux n’ont aujourd’hui que 720 livres : il nous a paru juste aussi de leur accorder une augmentation; mais les appointements de ce dernier grade d’officiers ne nous ont pas semblé dans le cas d’être partagés en différentes classes ; nous avons cru qu’un moyen de subsistance était tout ce qui était dû à un grade dans lequel ceux qui en sont pourvus, n’ont pas mérité comme officiers; et en conséquence, nous avons l’honneur de vous proposer de fixer leur traitement à la somme de 800 livres. Les officiers de tous les grades des troupes à cheval nous ont paru dans le cas d’être traités, relativement à eux, comme ceux des grades correspondants dans l’infanterie; mais la nécessité d’entretenir un cheval, et la dépense qu’il occasionne pour son achat et pour son équipement, pour son ferrage et pansage, etc. demandent une augmentation ; et nous avons pensé qu’elle devait être fixée à 200 livres pour chaque officier de tout grade : aussi nous vous proposons que chacun d’eux soit d’abord augmenté de la somme nécessaire pour le porter au prix du traitement fixé pour le grade qui lui correspond dans l’infanterie ; et ensuite, de 200 livres, relativement à son cheval. Par ce moyen, les colonels, qui n’avaient que 4,000 livres, seront portés à 4,200 livres ; les lieutenants-colonels et majors, qui jouissaient déjà de 3,800 livres et de 3,200, c’est-à-dire, de deux cents francs de plus que le même grade dans l’infanterie, ne seront pas augmentés. Le premier capitaine sera porté à 2,800 livres, par une augmentation de 300 livres ; les quatre suivants composant la seconde classe, à 2,600 livres au lieu de 2,500 livres; et ceux de la troisième, à 2,300 livres au lieu de 1,700 livres. L’augmentation des capitaines de cette classe paraîtra peut-être trop considérable au premier coup d’œil ; mais on cessera d’en être étonné, et on la trouvera sûrement indispensable, si l’on pense que par les ordonnances actuelles, il existait une différence de 800 livres entre les chqfs d’escadron et les autres capitaines et qu’il n’en peut 241 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 janvier 1790.] exister raisonnablement une pareille entre des officiers commandant une troupe égale, et assujettis aux mêmes dépenses. Les lieutenants seront portés de 950 à 1,300 livres et à 1.200 livres, par une augmentation de 350 livres pour ceux de la première classe, et de 250 pour ceux de la seconde. Les sous-lieutenants et porte-étendards en éprouveront une de 280 livres, qui les portera à 1 ,000 livres au lieu de 720 livres, et le quartier-maître une de 400 livres, au moyen de laquelle son traitement sera fixé à 1,600 livres. Chacun des officiers des troupes à cheval recevrait en outre de ses appointements, et par forme de masse, une ration de fourrage fixée à 15 sols par jour, pendant toute l’année, pour la nourriture d’un cheval. Nous n’avons pas pensé que rien dût être changé à cet égard, et nous avons cru devoir vous en proposer la continuation. Enfin, Messieurs, il nous a paru juste que les officiers, qui commandent les régiments]de troupes à cheval fussent traités de la même manière que ceux des régiments d’infanterie, et nous vous proposons de déterminer pareillement une somme de 2,400 livres par an, affectée au commandant, sur le pied de 200 livres par mois. Les régiments suisses ont leur traitement fixé par les capitulations qui les attachent à notre service ; eiles nous ont paru sacrées, et quoique leur traitement soit en général plus fort que celui des officiers français du même grade, nous nous bornerons à vous proposer d’arrêter qu’il sera continué sans aucun changement et tel qu’il est établi par leurs capitulations et par les ordonnances actuelles. Les inspecteurs d’artillerie jouissent aujourd’hui d’un traitement de 12,000 livres, les commandants d’école en ont un de 8,400 livres. Les appointements des colonels directeurs sont de 5,600 livres ou de 4,800 livres, selon qu’ils sont attachés aux arsenaux, c’est-à-dire en activité, ou aux résidences. Les sous-directeurs d’artillerie, attachés aux places, jouissent de 3,000 livres et les capitaines en résidence, de 2,400 ou de 1,800 livres, selon qu’ils sont de la première ou de la seconde classe. Nous ne croyons ces officiers, dans le cas où Sa Majesté jugerait à propos de les employer de la même manière, susceptibles d’aucune augmentation ni diminution ; les seuls qui nous aient paru dans le cas d’être augmentés sont les lieutenants-colonels, sous-directeurs des manufactures : leur traitement est de 3,360 livres. Aussi en activité que ceux du même grade attachés aux régiments, nous avons cru devoir vous proposer de les porter, comme eux, à 3,800 livres. Les élèves attachés aux écoles jouissent de 480 livres d’appointement : c’est une facilité nécessaire pour leur éducation ; on ne peut guère donner moins, mais aussi il nous a paru inutile de leur accorder davantage. Les colonels des régiments d’artillerie jouissent déjà de 800 livres de plus que ceux de l’infanterie : ils ne nous ont pas paru dans le cas d’une augmentation ; nous avons pensé que les lieutenants-colonels, majors, capitaines et autres officiers de ces régiments doivent, en raison de leurs fonctions plus multipliées par les travaux et les détails de l’artillerie et par les écoles, avoir un traitement plus fort que dans l’infanterie, et qu’ils devaient être augmentés dans la même proportion ; en conséquence nous avons l’honneur de vous proposerde fixer les appointements des lieutenants-colonels à 3,800 livres au lieu de 3.600 livres, ceux des majors à 3,200 livres au lieu de lre Série. T. XI. 3,000 livres, et d’accorder aux capitaines, partagés en cinq classes, savoir: à ceux de la première 2,800 livres, à ceux de la seconde 2,500 livres, à ceux de la troisième 2,400 livres, à ceux de la quatrième 2,200 livres, à ceux de la cinquième 1,800 livres, au lieu de 2,700 livres, 2,400 livres, 2,200, livres et 1,500 livres qu’ils avaient auparavant. Les lieutenants en premier jouissent de 250 livres. Nous avons cru qu’ils devaient être partagés en deux classes de 1,200 livres et de 1,100 livres, et que les lieutenants en second devaient avoir 1,000 au lieu de 840 livres, qui forment aujourd’hui leur traitement. Les capitaines en second, détachés pour la suite de leurs instructions, jouissant de 1,500 livres, le quartier-maître ayant le même traitement déjà plus fort de 100 livres, que celui des quartiers-maîtres de l’infanterie, et enfin l’aide-major aussi aux appointements de 1,500 livres, ne nous ont pas paru dans le cas d’une augmentation. Enfin, Messieurs, le traitement de commandement de 200 livres par mois à l’officier commandant les régiments nous a paru aussi nécessaire que dans l’infanterie et dans les troupes à cheval. Nous avons l’honneur de vous proposer de le fixer pareillement à cette somme pour les régiments d’artillerie. Les officiers des compagnies de mineurs et d’ouvriers doivent avoir le même traitement que ceux de l’artillerie. Nous vous proposons donc que leurs capitaines de première classe soient fixés à 2,800 livres, ceux de la seconde à 2,500 livres; leurs capitaines en second, correspondant avec ceux de la cinquième classe de l’artillerie, à 1,800 livres, et leurs lieutenants en premier et lieutenants en second, de même à 1,200 livres, 1,100 livres et 1,000 livres, et que l’aide-major attaché au corps des mineurs conserve les 1 ,800 livres dont il jouit à présent, en y comprenant 300 livres pour les frais de son bureau. Les directeurs du génie, partagés aujourd’hui en trois classes, ont leur traitement fixé à 12,000 livres, 10,000 livres et 9,000 livres : nous ne vous proposerons pas d’y rien changer. Les colonels, lieutenants-colonels, majors, capitaines, lieutenants en premier et en second de ce corps nous ont paru devoir être traités comme les mêmes grades de l’artillerie. Les colonels seuls avaient les mêmes appointements ; ainsi nous vous proposons d’augmenter les lieutenants-colonels de 440, les majors de 200 livres, les capitaines de première classe de 400 livres, ceux de seconde de 500 livres, ceux de troisième de 400 livres, ceux de quatrième de 200 ; les lieutenants de première classe de 120 livres, ceux de seconde de 200 livres, et les lieutenants en second de 100 livres, pour les porter à 3,800 livres, 3,200 livres, 2,800 livres, 2,500 livres, 2,400 livres, 2,200 et 1,200 livres, 1,100 et 1,000 livres, ainsi que les mêmes grades correspondants dans l’artillerie. Les élèves du génie jouissent de 720 livres de traitement : obligés à un travail constant et suivi pour acquérir les différentes connaissances qu’ils doivent avoir avant d’être reçus ingénieurs, nous avons cru qu’ils devaient être portés à 840 livres, par une augmentation de 120 livres. Voilà, Messieurs, les augmentations et les traitements que nous avons l'honneur de vous proposerde déterminer en faveur des différents grades des officiers de toutes les armes de l’armée : passons à présent à ce qui peut intéresser les soldats, cavaliers, etc. 16 242 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 janvier 1790.] Le soldat d’infanterie le moins payé de l’armée n’a pour tout traitement aujourd’hui que 7 sols 4 deniers par jour, dont 4 sols, sous le nom de prêt, sont destinés à sa nourriture ; 2 sols 6 deniers, par forme de masse, à lui fournir vingt-quatre onces de pain de munition, et 10 deniers, pareillement sous le nom de masse, de linge et chaussure à subvenir à son entretien personnel. Depuis longtemps l’on désire et l’on sent la nécessité d’augmenter un traitement aussi modique ; mais chaquesold’augmentationfaisantune somme de plusieurs millions, la crainte de la dépense justifiée par la pénurie des finances, a toujours arrêté : il n’appartient qu'aux représentants de la nation de trancher cette grande difficulté; et l’honneur d’améliorer le sort et l’état de ses défenseurs, doit leur être réservé à juste titre comme une récompense de leurs travaux pour le bonheur et la liberté publique qu’ils s’empressent de consolider. Un sol de plus, ajouté au prêt, nous a paru une augmentation raisonnable, et capable de procurer aux troupes une bonne subsistance; deux deniers que nous proposons de plus au linge et à la chaussure, pour porter cette masse à 1 sol au lieu de 10 deniers, ne seraient pas certainement suffisants pour empêcher le soldat d’être astreint à toutes sortes de petits moyens, fatigants ou inquiétants pour lui, pour subvenir à son entretien, si cette masse devait seule y fournir. Mais un nouvel ordre de service amènera (il faut du moins s’en flatter, lorsqu’il sera déterminé par un ministre honnête et qui connaît les troupes) une diminution dans les fatigues inutiles qu’il cause aux soldats ; il permettra de leur donner plus de congés ; et chaque soldat trouvant, soit dans les économies de sa paye pendant son absence, soit dans les arrangements prescrits à ceux de ses camarades qui s’absenteraient et dont il ferait sans fatigue le service pendant ce temps-là, des moyens de fournir à son entretien, pourra par-là, et au moyen de cette légère augmentation faite à sa masse, se voir dispensé d’un travail forcé, et n’être plus dans le cas de s’y livrer que pour s’entretenir dans le métier qu’il pourrait avoir, et se procurer des moyens d’aisance personnelle. C’est a une administration sage et réfléchie à ordonner ces détails, et nous ne pouvons douter de la sagesse de ceux qui seront proposés à cet effet à Sa Majesté, lorsque nous connaissons celui qu’elle a honoré de sa confiance. Enfin, 6 deniers de plus par jour à la masse du pain pourront fournir aux troupes 4 onces de pain d’augmentation, ou la même quantité de 24 onces dans une qualité supérieure. M. le comte c}e la Tour-du-Pin fait faire des essais à ce sujet, et nous ne pouvons que nous livrer à l’espérance de leur succès en voyant le zèle et l’humanité dont il est animé. D’après cet exposé, nous avons l’honneur de vous proposer de déterminer à 1 sol 8 deniers par jour l’augmentation qui sera faite à la paye du simple fusilier : par ee moyen il aura 9 sols par jour ; il sera en outre habillé, logé, chauffé, entretenu en maladie au moyen des autres masses qui lui seront fixées. Les différents grades doivent être traités en proportion : le plus ancien des soldats de chaque escouade, connu jadis sous le� nom d’appointé, aura 6 deniers par jour au prêt de plus que le simple soldat: le caporal aura 2 sols de plus que le premier soldat, le sergent 4 sols 6 deniers de plus que le caporal, faisant 7 sols de plus que le soldat ; et enfin, le sergent-major 3 sols de plus que le sergent, indépendamment des 8 deniers de plus au linge et chaussure, en faveur de ces deux derniers grades de bas-officiers : telle était la gradation établie entre eux et les soldats, et telle est celle que nous avons l’honneur de vous proposer, Les grenadiers, espèce de soldats choisis, jouissaient dans tous les grades d’un sol par jour d’augmentation. Les chasseurs, autre espèce de soldats choisis ou qui devraient l’être, mais moins grands que les grenadiers, n’avaient aucun avantage sur les fusiliers : nous avons pensé qu’une haute pave intermédiaire entre celle des grenadiers serait un moyen d’émulation et une distinction pour des soldats choisis, et nous avons, en conséquence, l’honneur de vous proposer de conserver la haute paye d’un sol par jour dans tous les grades des grenadiers, et d’en accorder une de 6 deniers dans tous ceux des chasseurs, ce qui portera à 2 sols 2 deniers par jour l’augmentation à faire à ces derniers, Les adjudants avaient 30 sols par jour, mais sans pain ; les tambours-majors, 13 sols 4 deniers seulement. Les fonctions importantes des premiers méritent une augmentation ; nous croyons qu’elle doit être de 3 sols pour la valeur de leur pain, mais cumulée à leur solde. Les seconds ont le grade de sergent-major ; ils en remplissent les fonctions, vis-à-vis des tambours : il vous paraîtra juste sans doute de leur accorder le même traitement qu’aux sergents-majors de fusiliers. Énfip, Messieurs, il existait jadis des fraters-perruquiers dans chaque compagnie, utiles pour le soin et la propreté des hommes ; ils ont été supprimés, mais leur réforme n’a fait qu’en rejeter la dépense sur les soldats qui les payent. En améliorant leur, sort, il paraîtra peut-être juste à Sa Majesté d’en ordonner le rétablissement, et dans le cas où elle le jugerait à propos, nous pensons que la haute paye qu’ils doivent avoir pour ce service doit être de 4 sols par jour, indépendamment de la solde qu’ils auront, soit comme grenadiers soit comme chasseurs, soit comme fusiliers. Ils ne sont à présent traités que comme soldats : ainsi augmentés comme eux pour leur solde ordinaire, l’augmentation totale à prononcer pour eux sera de 5 sols 8 deniers pour ceux des grenadiers et des fusiliers, et de 6 sols 2 deniers pour ceux des chasseurs. Les bas-officiers et soldats suisses ont leur traitement fixé par leurs capitulations; nous ne vous proposerons pour eux ni augmentation ni diminution de solde. Indépendamment de celle qui leur est attribuée, et sur laquelle on leur retenait pour le pain 18 deniers par jour, le Roi leur accordait, comme aux autres troupes, une plus-value d’un sol. Elle est aujourd’hui établie à 18 deniers, pour porter la masse du pain à 3 sols. Il est juste de porter pour eux ce moyen de subsistance au même prix, ce qui fera 6 deniers d’augmentation sur le traitement actuel, et 18 deniers par jour indépendamment de leur solde : c’est tout ce que nous avons l’honneur de vous proposer à leur sujet. Les troupes à cheval ont les mêmes besoins de subsistances que celles d’infanterie; mais leurs moyens d’entretien sont plus dispendieux; il ne doit donc y avoir de différence entre elles que relativement à cet objet, et nous croyons qu’en fixant Ja masse d’entretien des bas-officiers de ces troupes à 2 sols par jour, au lieu de 1 sol [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 janvier 1790.] 243 6 deniers qu’ils avaient, et en portant celle des cavaliers, dragons, etc., à 1 sol 8 deniers au lieu de 1 sol 6 deniers, nous devons vous proposer en même temps d’arrêter la même gradation entre les différents grades et de déterminer que les cavaliers seront payés de leur solde et masse de pain comme les grenadiers et les dragons, chasseurs et hussards; comme les chasseurs de l’infanterie, c’est-à-dire 6 deniers de plus que les fusiliers, et6 deniers de moins que les grenadiers et cavaliers. L’ordonnance actuelle établissait cette différence entre leur paye respective; la taille de leurs hommes ne devrait pas être la même, si ces régiments ne s’étaient pas écartés du premier objet de leur institution. La légère différence établie entre eux peut être nécessaire pour les y rappeler, et elle peut être imposante pour le bien du service. Les enfants du corps attachés à ces régiments de troupes achevai, s’il plaît à Sa Majesté de continuer de les y entretenir, ne nous ont pas paru dans le cas d’être traités comme les cavaliers, pour la solde ni pour les masses d’entretien; et nous avons pensé qu’il était suffisant de les traiter en tout point comme les fusiliers de l’infanterie. L’artillerie, en raison de ses travaux et de l’im-oortance de ses détails, était mieux traitée que es autres troupes. Nous n’avons pas pensé qu’elle ’ût dans le cas d’être augmentée aussi considérablement; et, à l’exception de 2 deniers ajoutés à a masse du linge et chaussure des soldats seulement, et de 6 deniers à la masse du pain de tous les grades, nous avons cru que les augmentations de so'de que nous devions vous proposer de déterminer, devaient se borner à 1 sol 2 deniers au prêt des apprentis canoniers, à 1 sol à celui des ouvriers de la seconde classe, ou apprentis, à 11 deniers 2 tiers pour les tambours-majors, à 2 deniers pour les sergents-majors d’artillerie et de mineurs et apprentis mineurs, à 8 deniers pour ceux d’ouvriers et pour les bombardiers de la seconde classe, et à 4 deniers pour les caporaux et premiers soldats de mineurs et d’artillerie, pour les tambours de toutes les compagnies, pour les artificiers et pour les mineurs. Telles sont, Messieurs, les réflexions que nous avons cru devoir vous soumettre, relativement à la solde et aux masses plus particulièrement affectées à l’entretien individuel ou de subsistance des soldats. Un tableau, qui en sera mis sous vos yeux, pourra vous faciliter le rapprochement de ces différents articles que nous avons cru devoir traiter dans cette partie du rapport. Nous allons examiner à présent les masses qu’on ne peut regarder que comme leur étant accessoires. Les masses accessoires aux troupes sont : 1° la masse générale; 2° celle de l’hôpital ; 3° celles de fourrage pour les troupes à cheval ; c’est ainsi qu’elles étaient déterminées par les ordonnances actuellement existantes. Pour faire cesser la confusion des dépenses de différents services et pouvoir mieux apprécier leur évaluation, M. le comte de la Tour-du-Pin a proposé de les réunir sous le véritable point de vue qui leur convient, en les rapprochant par forme de masses de ceux pour qui elles doivent être faites, et c’est en conséquence de ces vues sages, auxquelles nous n’avons pu qu’applaudir, que nous les présenterons sous les dénominations de masse des bois et lumières, des lits militaires et des effets de campement, pour vous en développer successivement les détails. Les masses générales, jadis fixées pour l’infanterie à 38 livres, pour la cavalerie à 130 livres pour les hommes montés, et à 56 livres pour ceux à pied, pour les dragons, hussards et chasseurs à 122 livres par homme à cheval, et à 50 livres par homme à pied, et enfin à 44 livres 10 sols pour l’artillerie, ont paru à M. le comte de la Tour-du-Pin dans le cas d’être réduites à 36 livres pour l’infanterie, 124 livres et 50 livres pour la cavalerie, à 116 livres et 44 livres pour les dragons, chasseurs et hussards, et à 44 livres pour l’artillerie. Ces masses débarrassées des prêts du 31 des mois dont elles étaient chargées, et que nous vous proposerons de calculer dans la solde journalière, ainsi que de plusieurs autres dépenses, pourront, sans doute, être suffisantes, et nous ne pouvons que vous les présenter, avec la confiance que nous devons à des calculs faits vraisemblablement avec soin et d’après les renseignements les plus certains. Les masses d’hôpital et de fourrages, fixées, les premières à 15 livres, et les autres a 270 livres sur le pied de 15 sols par jour par cheval, le sont au même pied par les ordonnances actuelles. Sans doute des renseignements certains ont mis M, le comte de la Tour-du-Pin dans le cas de les proposer ainsi. Une bonne administration bien prévue et bien calculée, la suppression des gaspillages ou des économies forcées des troupes, lorsqu’elles sont chargées de ces deux parties; la destruction des abus jadis inséparables des entreprises générales, ou des régies mal combinées; la facilité que donneront pour des adjudications partielles ou pour des marchés locaux des administrations de département, dans la sagesse desquelles on pourra prendre confiance, rendront sûrement ces masses susceptibles de procurer au Trésor public une économie désirable, en même temps qu’elles offriront aux troupes le service le plus avantageux ; et, tout nous engageant à l’espérer, il ne nous reste qu’à vous proposer de les déterminer à ce prix. La dépense du bois de chauffage des troupes, bois et lumières des corps-de-gardë, n’a point en-encore été répartie en forme de masse; elle s’est élevée, pour l’année 1787, à la somme de J ,249,999 livres 19 sols 3 deniers, ce qui donnait 7 livres 13 sols par tête pour les 162,690 hommes, dont l’armée était alors composée-Ce calcul cependant ne peut servir de base : plusieurs provinces payaient à leur compte les bois et lumières qu’elles fournissaient aux troupes. M. le comte de la Tour-du-Pin a demandé 9 livres par homme, et nous avons pensé que çette somme n’était pas exagérée , surtout puisqu’elle débarrasse les provinces des dépenses locales auxquelles elles étaient assujetties à cet effet. La formation de cette masse bien administrée, la répartition équitable à en faire aux troupes en raison des prix du pays dans iequel elles seront établies, les marchés locaux à faire par elles pour ces fournitures, et beaucoup d’autres détails que l’esprit d’ordre du ministre lui dictera sans doute, détruiront bien des abus actuellement existants et procureront indubitablement-aux troupes la facilité de consommer tout ce qui était payé par elles. La somme, affectée à présent aux effetsde campement, avait été déterminée à la somme de 450,000 livres calculée sur le pied del62, 690 hommes, dont l’armée était composée : les circonstances politiques, les rassemblements même d’instruction, exigent que les magasins soient approvisionnés de ces effets; en fixant cette masse à 3 livres par hqnqqie» elle procurera tous les aps un fonds de 425 à 430,000 livres; bien àdminis 244 [19 janvier 1790.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. tré, il doit être suffisant, mais c’est un service nouveau, pour ainsi dire, à établir, et nous ne devons pas douter que le ministre ne s’en occupe avec toute l’attention qu’il mérite par son importance. Les fournitures des lits militaires n’étaient point pareillement en masse; des marchés étaient passés à ce sujet ; les prix étaient faits par fournitures : en les évaluant, ainsi que l’a fait M. le comte de la Tour-du-Pin, à 12 livres par bas-officiers, et à 6 livres par soldat, c’est indiquer la possibilité de faire coucher seuls ,les premiers, et les autres deux à deux, et on ne peut trop applaudir à cette vue d’humanité, qui tend à détruire un usage barbare, déjà à peu près aboli, mais qui ' n’a subsisté que trop longtemps. Rien n’a été calculé pour les fournitures des officiers; mais une bonne administration de cette masse, évaluée au complet et comme si tous les lits devaient être occupés toute l’année, pourra sans doute la rendre suffisante à ses autres dépenses, et nous ne pouvons que vous proposer de la déterminer à ce prix. Voilà, Messieurs, tous les objets de dépenses que l’on peut cumuler par forme de masses avec la solde des hommes : vous verrez, par le tableau qui sera mis sous vos yeux, la somme à laquelle revient chaque homme de chaque grade pris individuellement, et celles que coûtent tous les hommes de la même arme les uns dans les autres, et enfin le prix commun de tous les hommes, depuis le général de l’armée jusqu’au dernier soldat : ce calcul est nécessaire pour apprécier les dépenses de solde et d’entretien ; c’est ainsi que nous aurons l’honneur de vous les présenter. L’aperçu des dépenses générales du département nous a été présenté par M. le comte de la Tour-du-Pin, et nous allons vous le soumettre avec les réflexions dont chaque article nous paraîtra susceptible. Le premier article regarde les dépenses des étapes, convois militaires et rassemblements de troupes : ces dernières n’avaient jamais été comprises dans celles du département, et s’acquittaient sur des fonds extraordinaires fournis par le ministre des finances, toutes les fois que le Roi avait ordonné des camps, des cantonnements ou autres rassemblements. Ils peuvent seuls porter l’armée au degré d’instruction nécessaire, et sous ce point de vue, on ne peut trop approuver une demande de fonds qui fourniront les facilités pour en faire plus souvent que par le passé ; il en évalue la dépense à 500,000 livres, cette somme peut être suffisante sans doute, en en bannissant toutes les dépenses de luxe, et en bornant celles qui y seront relatives aux augmentations de solde ou de subsistance indispensable à donner aux troupes rassemblées. Les dépenses des étapes et convois militaires sont évaluées à 700,000 livres ; elles paraîtraient bien modiques au premier coup d’œil, en pensant que depuis quelques années, elles s’élèvent à plus de 1,800,000 francs par an l’un portant l’autre, sans compter les dépenses de cette nature qui s’acquittent en Bretagne sur les fonds mêmes de la province, ou qui sont à la charge des troupes ; en Flandre et en Artois où elles n’en reçoivent pas ; si l’on ne pensait pas en même temps que cette somme est demandée indépendamment dé la solde courante des troupes pendant le temps des marches, et si l’on ne pensait pas aussi que ces dépenses peuvent être réduites beaucoup en supprimant les abus des chevaux de selle des officiers, des transports à la suite des corps, des places accordées, pour être rachetées, et en les remplaçant par d’autres moyens moins onéreux. Avec une bonne administration, et des mouvements de troupes moins multipliés sans nécessité, ces fonds pourront suffire ; et en accordant cet abonnement que nous ne pouvons que vous engager à arrêter, nous aurons encore à nous féliciter de voir les troupes en marche traitées de la même manière dans tous les pays, et de voir les dépenses acquittées et leur comptabilité surveillée par le même administrateur qui ordonnera les mouvements, et non plus par un ministre qui leur était totalement étranger. Le second article est relatif aux travaux de l’artillerie. L’entretien et les remplacements des équipages d’artillerie, l’approvisionnement des fusils et autres armes qui se fabriquent dans les manufactures; les approvisionnements de poudre, les fonderies des bouches à feu ; les forges qui fournissent les bombes, boulets, obus et autres fers coulés, les approvisionnements à en faire, les transports à en faire exécuter dans les différentes places , l’entretien des armes dans tous les arsenaux, les gages, salaires et appointements des employés qu’ils nécessitent, les réparations et entretiens des bâtiments sont évalués annuellement à une somme de 3 millions, et nous ne devons pas la trouver exagérée. Les 2 millions qu’il demande pareillement pour les travaux du génie, ne doivent pas paraître non plus trop considérables, si l’on pense que près de 100,000 francs en sont d’abord destinés au paiement des employés indispensables et à l’entretien de la galerie des plans, monument précieux et remarquable, fait pour être distingué. Le surplus doit en être appliqué aux ouvrages des places, et à l’entretien de leurs fortifications. Peut-être un jour pourra-t-il être susceptible de réduction, dans le cas où le nombre des villes fortifiées pourrait être diminué, mais jusqu’à ce que cette opération, plus que délicate, soit achevée, nous devons trouver que cette demande est bornée aux besoins les plus stricts du service. Le quatrième article regarde l’entretien des bâtiments militaires, et ne monte qu’à 100,0ü0écus. Il est difficile d’apprécier des entretiens de bâtiments. Au surplus, sur cet article comme sur tous les autres, les fonds, pour être accordés, ne sont pas consommés, et au moyen des comptes que chaque législateur sera en droit d’exiger, ce qui se trouvera surabondant sur une année pourra être en déduction sur ceux à affecter pour la suivante. Dans le cinquième article, M. le comte de la Tour-du-Pin demande 1,400,000 francs, sous la dénomination de dépenses d’administration du département ou des frais extraordinaires de police, non compris le traitement du ministre. Les détails de ces dépenses sont le paiementdes bureaux de la guerre, les frais de captures des déserteurs, des jugements militaires; les dépenses des impressions des ordonnances, les frais de courses des employés pour le service des courriers, des maréchaussées; les traitements de différents employés dans les provinces, les gratifications extraordinaires, indispensables àdonnerdans certaines circonstances, enfin les dépenses imprévues, et qu’il est impossible de calculer dans une grande administraction : ces dépenses s’élevaient beaucoup plus haut habituellement, et ce n’est qu’un grand esprit d’ordre qui peut faire espérer à M. le comte de la Tour-du-Pin de pouvoir y subvenir avec cette somme. Sa délicatesse, Messieurs, ne lui a pas permis de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 janviër 1790.] 245 nous parler de son traitement ; mais vous connaissez la représentation d’un ministre de la guerre, les dépenses imprévues auxquelles il est exposé, et nous avons pensé que c’était à votre comité des finances à discuter cet article, ainsi que sur les intérêts de la finance de l’office de secrétaire d’Etat. Elle est de 500,000 livres ; mais, ainsi que toutes les autres finances, c’est une dette de la nation, et c’est à elle à en acquitter les arrérages, jusqu’à ce qu’elle ait pu en faire le remboursement. M. le comte de la Tour du-Pin demande ensuite une somme de 800,000 livres pour les dépenses occasionnées par les états-majors des places, Elles s’élèvent aujourd’hui à 1,289,000 livres ; dans cette somme sont compris les appointements payés aux gouverneurs particuliers, emplois sans résidence et sans fonctions, mais retraites ou récompenses accordées en considération des services. Il en a déjà lui-même annoncé la suppression ; et quoiqu’une majeure partie des traitements dont jouissaient ces gouverneurs fût en émoluments locaux, quoique les indemnités que vous trouverez juste, sans doute, d’accorder à d’anciens serviteurs de la patrie, soient peut-être dans le cas d’excéder ce qu’ils touchent a présent en argent, nous ne pouvons nous permettre aucune réflexion. Quant aux lieutenants du Roi et autres officiers majors des places, leur dépense sera peut-être un jour susceptible de réduction, mais elle ne peut s’opérer que par le résultat d’un travail sur les places à garder ou à détruire ; et dans ce moment-ci, il nous a paru que vous ne pourrez vous dispenser d’accorder les 800,000 livres demandées à ce effet. Les compagnies détachées d’invalides, les récompenses militaires accordées aux soldats retirés dans leur province, coûtent aujourd’hui une somme de 3,490,000 livres. Vous ne trouverez pas juste, sans doute, de dépouiller d’anciens serviteurs, qui, après avoir servi utilement la patrie, n*ont plus aujourd’hui d’autres moyens de subsistance que ses bienfaits; et d’après cela nous avons l'honneur de vous proposer d’arrêter cette somme de 349,000 livres, telle qu’elle a été demandée par M. le comte de la Tour-du Pin. Il avait demandé pareillement une somme de 1,400,000 livres pour remplacer, dans la dotation de l’hôtel royal des invalides, quelques portions de leurs revenus, détruites par les circonstances, ou dans lesquelles il se proposait d’opérer quelques changements; mais le comité nommé par Sa Majesté pour examiner la situation de cet établissement, et auquel vous avez associé deux de vos membres, n’a point achevé ses opérations; et nous avons pensé que nous devions attendre le résultat de leur travail et le rapport qui vous en sera fait avant de vous proposer aucune réflexion à ce sujet. Les dépenses de toutes les maréchaussées du royaume montaient à la somme de 390,000 livres, suivant les états de dépenses de 1789; elles viennent, à la sollicitation des provinces, d’être augmentées de 600 cavaliers. C’est un surcroît de dépense de 441,000 livres; ce corps sera peut-être encore dans le cas d’en exiger de nouvelles par d’autres augmentations qui paraissent désirées; mais aussi il sera peut-être susceptible de réduction dans des emplois inutiles qui permettront d’y subvenir sur les fonds mêmes. Incertains encore du résultat de ce travail, qui n’est point arrêté, nous ne pouvons que vous présenter à l’avance ces observations, en vous proposant d’en fixer les fonds à 4,341,000 livres, dépense réelle du moment, conformément à l’état présenté par le ministre. Telles sont, Messieurs, nos observations sur les dépenses nécessaires de l’armée : nous allons nous résumer en les réunissant toutes sous vos yeux, ainsi que les avantages qui pourront en résulter. Vous en retracer le tableau, c’est vous dédommager des détails longs et minutieux que nous avons été forcés de vous présenter. Il plaira, sans doute, à vos cœurs; peut-il être pour vous un bonheur comparable à celui d’améliorer le sort de ceux de vos concitoyens qui ont consacré leur existence au service dé la patrie ! Les appointements de tous les capitaines et lieutenants d’infanterie sont augmentés, les uns de 400 livres, la majeure partie de 200 livres, et jes moindres de 100 livres; tous ceux de l’artillerie et du génie éprouvent la même augmentation : elle est même beaucoup plus considérable pour ceux des troupes à cheval, puis qu’in dépehdam-ment de celle qui leur est commune avec l’infanterie, il leur a été accordé dans tous leurs grades un surplus de traitement de 200 livres, relativement à l’entretien du cheval, qui leur occasionne plus de dépense. Les quartiers-maîtres voient augmenter leur sort de 200 livres, et les sous-lieutenants même éprouvent aussi un petit bénéfice de 80 livres sur leur traitement. Les 200 livres par mois, proposées pour les commandants des régiments, devient une véritable augmentation pour les colonels, lieutenants-colonels et majors, qui seront le plus dans le cas d’en profiter. Leur masse de fourrage même, cumulée avec leurs appointement est un bénéfice, puisqu’ils n’en jouissaient auparavant que pendant le temps deleur résidence. Les soldats, cavaliers et dragons, sont tous augmentés, tant à leur prêt qu’à leur masse de linge et chaussure ; et tous généralement le sont de six deniers par jour à leur pain. L’augmentation des soldats d’infanterie est de 20 deniers par jour; l’artillerie, déjà mieux traitée, est cependant aussi augmentée au moins de 6 deniers, plusieurs le sont de 8, d’autres de 10 deniers, d’un sol, d’un sol huit deniers, et quelques-uns, plus maltraités auparavant, le sont même de 22 deniers. Les chasseurs de l’infanterie, indépendamment de l’augmentation de fusiliers, reçoivent une haute paye de 6 deniers qu’ils n’avaient pas auparavant, et la cavalerie traitée comme les grenadiers, et les dragons et chasseurs de l’infanterie, se voient pareillement augmentés de deux sols par jour. Tous les grades de bas-officiers le sont dans les mêmes proportions ; enfin tout le monde y gagne, aucun n’y perd; très peu même, excepté ceux, peut-être, que les ordonnances précédentes avaient traités au delà des proportions ordinaires, ne restent tels qu’ils étaient. Toutes ces augmentations, sans doute, n’ont pu avoir lieu qu’aux dépens des économies que les réductions ou les suppressions d’emplois inutiles auraient pu procurer ; mais l’économie, qui se ferait aux dépens des individus, serait une parcimonie blâmable aux yeux même de la nation. Elle était loin de vos cœurs, et nous n’avons pas dû vous la proposer. Enfin, Messieurs, les bénéfices résultants de ces augmentations de traitement pour les troupes, ne seront pas les seuls avantages que procureront ces arrangements. Les provinces seront déchargées totalement des sommes particulières qu'elles payaient localement pour lès fournitures, pour les fourrages, pour les étapes, pour le boisetles lumières. Soulager les provinces, 246 [Assemblé* nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [19 janvier 1790.] c’est soulager le Trésor public, et en le faisant, leur épargner des embarras, des inquiétudes et souvent des causes de tracasseries, c’est leur procurer un double avantage. Pour pouvoir évaluer des dépenses sans avoir un plan fixe et déterminé, nous avons dû nous donner à nous-mêmes des bases d’après lesquelles nous puissions partir; nous avons à cet effet suppose une armée de 102,727 hommes d’inïàn-tefie, dé 31,230 hommes de troupes à cheval, et de 8,585 hommes d’artillerie, commandés ou surveillés par 9,887 officiers de tous les grades ou commissaires des guerres, répartis dans chaque grade et dans chaque classe, d’après les proportions qui nous ont paru les plus convenables, et que nous aurions suivies, si nous avions été chargés de vous présenter les détails de l’organisation de l’armée. Chacun de ces 9,887 officiers ou commissaires des guerres, traités comme nous vous l’avons proposé ci-dessus, revient l’un dans l’autre à 1,943 livres. Chacun dès bas-officiers, soldats, cavaliers et dragons, revient de même, l’un dans l’autre, à 341 livres 8 Sols 3 deniers. Enfin chacun de ces 152,429 hommes, tant officiers de tout grade que soldats, donne un prix commun par tête de 444 livres 18 sols 10 deniers ; ce qui établit pour la dépense générale de leurs appointements, soldes, masses d’entretien général et particulier, de pain, de fourrages, d’hôpitaux, de lits militaires, de bois et lumières et d’effets de campement, une somme totale de.. . 67,822,013 1. 6 s. 2 d. A cette somme il convient d’ajouter les dépenses accessoires qui n’ont pu être calculées par homme : savoir : 1® Pour étapes, convois militaires et rassemblements. ... ............. 2® Pour les travaux de l’artillerie ........... . . 4° Pour les travaux du génie ................. 4° Pour l’entretien des bâtiments militaires. . . . 5° Pour les dépenses générales de police et d’administration ........... 6° Pour les états-majors des places ............. 7» Pour leseompagnies d’invalides détachées et récompenses militaires. . 8° Enfin, pour les maréchaussées ........... 1,200,000 3,000,000 » 2,000,000 » » 300,000 » » 1,400,000 » 800,000 » » 3,490,000 n » 4,341,000 » » Total des dépenses de l’armée.. .............. 84,353,013 1. 6 s. 2 d. prévu, tout a été calculé, l’armée a été réduite au plus bas pied pbssible. Les augmentations d’appointements et soldes sont une dépense de 16,500,000 livres au delà de ce quelle aurait été eh consacrant les traitements actuels. Pour se restreindre à la sommé de 79 millions, il faudrait renoncer au projet d’améliorer l’état de tous les individus de l’armée. Prononcez, Messieurs, leur sort est entre vos mains. Il ne me reste plus en finissant qu’à vous présenter encore une réflexion au nom du comité militaire. Les fonds que vous décréterez dans votre sagesse seront déterminés en raison de la force de l’armée que vous jugerez à propos d’entretenir sur pied; mais elle ne pourra recevoir sa formation en raison de ces fonds au moment même de votre décret. Il vous paraîtra prudent, sans doute, de déterminer en môme temps l’époque à laquelle elle devra commencer à avoir son exécution; celle du Ie* de mai n’est pas trop éloignée pour la rédaction de toutes les ordonnances qui devront régler cette formation ; en la déterminant, vous songerez sans doute aussi que l’armée, constituée sur les ordonnances actuelles, coûté plus cher qu’elle ne coûtera lorsqu’elle aura subi toutes les réformes qui résulteront dé l’exécution de votre décret ; nous aurons l’honneur de vous proposer, en conséquence, de régler que les fonds du département de la guerre continueront jusqu’à cette époque à être faits suivant l’état précédemment arrêté. Enfin, Messieurs, lorsque votre décret aura fait Connaître vos intentions sur la force de l’armée, lorsque Sa Majesté aura décidé l’organisation à lui donner, il en résultera des réformes et des suppressions. Nous ne pouvons pas jusqu’à ce moment mettre sous vos yeux le nombre des malheureuses victimes qui perdront leur état, leur existence, peut-être même des récompenses justement méritées, lorsqu’il sera connu ; nous vous supplions de nous autoriser à vous en présenter le tableau, et à vous soumettre alors nos réflexions sur les moyens à employer pour adoucir la rigueur de leur sort. Les représentants d’une nation généreuse, dont ils ont cherché à faire le bonheur, ne voudront pas voir des malheureux sans leur tendre une main secourable : c’est notre espérance. Voilà, Messieurs, les seules observations que nous ayons à vous soumettre pour le moment. Ces questions à décider par vous nous ont parti les plus pressées, à cause des rédactions longues et pénibles qu’elles exigeront du ministre, pour l’exécution du décret que vous prononcerez à ce sujet. Les bases des détails sur les recrutements de l’armée, sur le choix et l’avancement des officiers, sur les retraites ou récompenses militaires, sur la discipline et sur les crimes et délits militaires. formeront Incessamment la matière d’un nouveau rapport. Pour terminer celui-ci, nous avons l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant : Décret» Voilà, Messieurs la somme que nous avons regardée comme indispensable pour les dépenses de l’armée. Votre comité-des finances, dans l’aperçu qu’il vous a présenté, ne les avait évaluées que 79 millions, mais ce calcul fait par lui n’avait été précédé d’aucun examen préliminaire, ne portait sur aucune base certaine. Aujourd’hui tout a été L’Assemblée nationale, ayant entendu le rapport du comité militaire, a”décrélé et décrète les articles suivants : Art. 1er. L’armée demeurera réduite, en temps de paix, entre 142 et 143,000 hommes, non compris la maison militaire du Roi. Art. 2. Elle sera composée de 102 à 103,000 hommes d’infanterie, de 30 à 32,000 hommes de trou-