SÉANCE DU 23 BRUMAIRE AN III (13 NOVEMBRE 1794) - N° 22 179 merce et des approvisionnemens, suspend jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné, la perception du droit de vingt pour cent de la valeur ordonnée par la loi du 29 juillet 1791 sur les cotons et laine, les laines non filées, les poils de chameau et de chèvre ainsi que sur la noix de Galle et la gomme (38). d La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [JULIEN-DUBOIS au nom de] son comité des Finances, décrète que la maison de Lebegue d’Oyseville, condamné, sera mise à la disposition de l’administration du district de Pithiviers [Loiret], pour servir à l’établissement du lieu de ses séances et emplacement de ses bureaux, à la charge par lui de verser annuellement dans la caisse du séquestre une somme de 500 L, prix estimatif du loyer, laquelle somme ainsi que celle de 1 045 L, montant des dépenses nécessaires pour mettre ladite maison en état, sera prise sur les sommes accordées pour les dépenses d’administration du district; décrète en outre que, du moment où il deviendroit nécessaire au paiement des créanciers de Lebegue d’Oyseville de mettre ladite maison en vente, elle sera affichée en la forme ordinaire, et que l’acquéreur pourra user de tous ses droits envers le district comme envers tout autre locataire, charge la commission des Revenus nationaux de veiller à l’exécution du présent décret. Le présent décret ne sera pas imprimé, il sera envoyé manuscrit au district de Pithiviers (39). e La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BIDAULT au nom de] son comité de Commerce et approvisionnemens, décrète que les articles XIII et XIV de la loi du 23 août 1793 (vieux style), relatif aux paiemens des contributions en grains pour la levée de la première réquisition sont rapportés. L’insertion du présent décret au bulletin tiendra lieu de publication (40). (38) P.-V., XLIX, 141. Débats, n° 782, 767. Rép., n° 54; J. Paris, n° 54 ; M. U., n° 1341 ; F. de la Répübl., n° 54 ; J. Per-let, n° 782. (39) P.-V., XLIX, 141. Rapporteur Julien-Dubois selon C* II, 21. (40) P.-V., XLIX, 142. M.U., n° 1342. J. Perlet, n° 782. Rapporteur Bidault selon C* II, 21. f La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [SERVIERE au nom de] son comité des Finances, décrète qu’elle rapporte la partie du décret du 20 brumaire de l’an II, qui exige du citoyen Bryau la restitution de 3 500 L qu’il a reçues en sus de sa pension qui n’ayant été liquidée qu’à 2318 L 15 s., avoit été fixée, par erreur commise dans la rédaction du décret du 14 septembre 1792 à 3318 L 15 s (41). 22 Le rapporteur de la commission des émigrés [ESCHASSERIAUX jeune] obtient la parole, il lit et la Convention nationale adopte la nouvelle rédaction des articles décrétés dans la séance du 18 de ce mois et qui suivent : Art. III. (du titre premier de la loi sur les émigrés). - Quant aux Français absens depuis le premier juillet 1789 et n’ayant point d’établissement en pays étranger, antérieurement à cette époque, qui n’étoit pas rentrés en France au 11 brumaire seconde année, leurs propriétés sont mises sous la main de la nation : il leur est défendu de rentrer en France tant que durera la guerre, à peine d’être détenus par mesure de sûreté jusqu’à la paix; ils seront néanmoins assimilés aux émigrés, ainsi que ceux désignés dans le septième paragraphe de l’article précédent, s’ils se sont retirés depuis les hostilités commencées sur le territoire des puissances en guerre contre la France, ou si n’ayant point, avant l’époque desdites hostilités, habité d'autre territoire que celui des puissances en guerre avec la France, ils se sont retirés depuis dans les Electorats et Evêchés du Rhin, dans les cercles intérieurs de l’Empire ou dans le cercle de la Bourgogne. Art. IV. - Sont exceptés des dispositions de l’article précèdent, relativement à leurs biens, les Français absent depuis plus de dix ans, avant le premier juillet 1789, dont l’existence étoit ignorée à cette époque et a depuis continué de l’être. Art. VIII. - Quant aux citoyens des pays réunis à la République, absens avant l’époque de leurs révolutions respectives, et non établis en pays étranger, antérieurement à cette époque, qui n’étoient pas rentrés sur le territoire de la République au premier messidor, deuxième année, ils sont assimilés aux Français, en ce qui concerne les dispositions de l’article III du présent titre, leurs biens sont également (41) P.-V., XLIX, 142. Rapporteur Servière selon C* II, 21. 180 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mis sous la main de la nation, et il leur est défendu de rentrer sur le territoire de la République tant que durera la guerre, à peine d’être détenus jusqu’à la paix ou traités comme les émigrés s’ils ont participé à leurs complots ou porté les armes contre la République depuis la réunion de leurs pays respectifs (42). 23 BARAILON : J’attendais depuis longtemps la discussion sur l’organisation des écoles primaires pour présenter les idées que j’ai développées à ce sujet. Comme cette discussion est encore retardée, et que l’objet en est très instant, je demande la parole à la Convention. La parole lui est accordée (43). Barailon monte à la tribune, et y fait lecture de son opinion sur les écoles primaires (44). Discours prononcé par Barailon dans la séance du 23 brumaire (45). Législateurs, j’ai à parler des écoles primaires et sur le projet qui vous a été présenté par votre comité. Personne ne connaît mieux que vous l’urgence de l’instruction publique; elle est depuis longtemps généralement désirée, universellement attendue. Mais à quoi servirait d’adopter tel ou tel système s’il est prouvé d’avance qu’aucun de ceux qui vous ont été proposés ne peut conduire à votre but ; s’il est bien constaté que celui de votre comité, notamment, serait peut-être le plus infructueux de tous. Vous aurez avec lui un grand nombre d’instituteurs ; la République fera une dépense énorme, et vous ne compterez par la suite qu’un très petit nombre d’élèves, peut-être même pas un seul vraiment instruit? Il n’est pas un chapitre du projet présenté contre lequel on ne puisse faire des objections raisonnables; les uns, tel que le second, laissent beaucoup à désirer; ils entraveraient, ils retarderaient donc nécessairement et l’organisation et l’exécution. Dans d’autres, tel que le troisième, l’on ne donne pas assez de pouvoir aux vrais régulateurs de l’instruction, à ce jury qui est bien conçu, mais qui n’est pas suffisamment autorisé; qui sera utile, mais qui, pour le devenir, ne doit être asservi à aucune autorité étrangère à son objet. (42) P.-V., XLIX, 142-143. Voir texte complet de la loi sur les émigrés, Arch. Pari., 25 brumaire, n° 15. (43) Moniteur, XXII, 491. (44) P.-V., XLIX, 143. (45) Moniteur, XXII, 495-497, mentionné. Débats, n° 781, 753; J. Mont., n° 32; J. Paris, n° 54; Mess. Soir, n° 818; J. Fr., n° 779; Ann. R. F., n° 54, reproductions partielles; M.U., n° 1342. Pour vous épargner, législateurs, l’ennui d’une longue et presque stérile discussion, pour ménager d’ailleurs des moments précieux à la chose publique, je porterai uniquement votre attention sur le quatrième chapitre du projet que j’attaque. Détruire les fondements d’un édifice, c’est le renverser ; or ce chapitre est la base de tout le système. Il en est la base, puisqu’il indique réellement tous les objets à enseigner, puisqu’il règle le régime des écoles. Mais si je démontre que l’instruction, telle qu’elle vous est offerte, est impraticable, si je prouve qu’elle est aussi vicieuse dans ses moyens qu’elle serait nulle dans ses effets, il deviendra inutile de s’occuper de l’institution de pareilles écoles et de la nomination des instituteurs. Pour que l’on me comprenne plus facilement, je dois vous donner lecture de l’art. II du chapitre IV du projet de décret du comité, qui a pour titre : Instruction et régime des écoles primaires', il est ainsi conçu : « Dans l’une et l’autre section (une pour chaque sexe) de chaque école, on enseignera aux élèves : 1° A lire et à écrire, et les exemples de lecture rappelleront leurs droits et leurs devoirs ; 2° La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, et la constitution de la République française ; 3° On donnera des instructions élémentaires sur la morale républicaine; 4° Les éléments de la langue française, soit parlée, soit écrite; 5° Les règles du calcul simple et de l’arpentage; 6° Des instructions sur les principaux phénomènes et les productions les plus usuelles de la nature. On fera apprendre le recueil des actions héroïques et les chants de triomphe. » Vous remarquerez facilement que l’instituteur aura dix objets à enseigner, quoiqu’on les ait compris en six; ils sont tous très distincts. Vous remarquerez également que ce projet ne présente pas ce qui est le plus essentiel à savoir, et indique des sujets qui sont pour le moins inutile ; je m’explique. Quant à ce qui est le plus essentiel, pourquoi imiter l’astronome qui, les yeux toujours fixés au ciel, s’engouffre dans le puits qu’il ne voit pas, qu’il ne s’occupe pas d’éviter? Eh! ce qui l’environne est-il plus précieux pour l’homme que lui-même? Son existence lui importe-t-elle moins que de savoir comment se forme la grêle, par exemple qui ravage, qui détruit ses récoltes, et dont il ne peut se garantir? Pourquoi donc ne pas lui apprendre à se conserver, à prolonger la durée de sa frêle machine ? Que l’on prononce encore si la santé et la propagation des animaux, qui concourent à ses travaux, qui adoucissent ses fatigues, qui contribuent à sa nourriture, ne méritent pas autant son attention que celle de la République elle-même ? L’on ne manquera pas de m’objecter la très grande difficulté que l’on suppose à concevoir,