MARCHE (SÉNÉCHAUSSÉE DE LA HAUTE-). CAHIER De doléances et souhaits du clergé de la sénéchaussée de Guéret en la haute Marche (1). Le clergé, pénétré du respect le plus profond pour Sa Majesté, de la reconnaissance la plus vive pour son affection paternelle, et plein de la plus ferme confiance en sa haute sagesse, s’empresse de porter aux pieds du trône ses vœux pour le soulagement des peuples et la prospérité du royaume. La convocation des Etats généraux est l’unique ressource pour rétablir l’ordre et corriger les abus sans fin qui se sont glissés dans le gouvernement, surtout dans la partie des finances. Ces abus pesant principalement sur le tiers-état, le clergé est persuadé qu’il sera entré dans le détail de tous les maux dont il est accablé, et qu’il aura cherché les moyens d’y remédier. C’est pourquoi le clergé ne fera que les indiquer et joindre ses vœux à ceux du tiers-état, pour en demander une réforme entière et constante. VŒUX GÉNÉRAUX. Le clergé désire que ses députés aux Etats généraux votent : 1. Pour l’établissement d’une constitution nouvelle, solide et permanente, pour le retour périodique des Etats généraux, et pour la formation d’une chambre nationale pendant l’intervalle d’une tenue d’Etats à l’autre. 2. Pour l’établissement d’Etats provinciaux dont les membres des trois ordres seront pris dans la même proportion que pour les Etats généraux. 3. Pour que tous les ordres contribuent aux subsides, en proportion de leurs facultés, par un impôt unique, en ce que préalablement la dette du clergé sera réunie à celle de l’Etat, pour être payée par tous les sujets. 4. Pour la réformation de la procédure civile et criminelle, pour le rapprochement des justiciables de leurs juges et pour l’arrondissement des justices, et rendre les irais de tutelles, curatelles, scellés, etc., moins dispendieux aux sujets. 5. Pour la suppression des gabelles avec indemnité pour les pays rédimés; pour le recule-ment des barrières aux frontières et pour la réforme des contrôles. 6. Pour un règlement concernant les bois à semer et à planter, et abréger les formalités rigoureuses et dispendieuses pour la coupe des bois. 7. Pour la suppression de toutes les charges inutiles ou peu utiles. 8. Pour la réforme des abus qui éloignent tous les sujets du tiers-état des grades militaires, des charges de magistrature et des hautes dignités ecclésiastiques : abus humiliants pour le tiers-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Atrçhioet de P Empire. état, qui empêchent l’émulation des citoyens et les rend comme étrangers au sein même de la patrie. 9. Pour qu’il soit trouvé un moyen où, sans nuire aux propriétaires, on pût abolir les banalités, vinades, arbaux, les conditions serves et mortaillables. Tout languit dans les paroisses où règne ce reste de barbarie. La population, l’agriculture, les arts et le commerce y sont dans un engourdissement mortel. 10. Pour que les hôpitaux et collèges soient multipliés. 1 1 . Pour qu’il n’y ait, dans tout le royaume, qu’un même poids et une même mesure. 12. Pour la suppression des lettres de cachet. 13. Pour que les pensions royales soient mûrement examinées; qu’il sera fait une révision par commissaires nommés aux Etats généraux. 14. Pour que les abus dans les faillites et la perception des rentes soient corrigés. 15. Pour que le temps fixé par l’édit des hypothèques soit prolongé, et que les affiches soient mises aux portes des églises paroissiales où sont situés lesbiens, suivant la forme ordinaire, icelles iffiches certifiées par le curé seulement. 16. Pour la responsabilité aux Etals généraux, des ministres et de tous autres chargés des deniers de l’Etat. On pourrait faire beaucoup de remontrances bien fondées sur les corvées qui montent à plus de 80,000 livres dans cette province, sur les fonds destinés pour les ateliers de charité et les indemnités sur les non-valeurs des dixièmes et des capitations, sur les milices et la manière dispendieuse de les faire tirer, sur la mauvaise qualité du tabac, sur les frais énormes des adjudications et sur une infinité d’autres concussions et déprédations qu’éprouvent en tout genre les sujets de Sa Majesté. Mais comme la province est déjà en administration et qu’elle a lieu d’espérer que ses Etats provinciaux lui seront rendus, elle a aussi un juste fondement d’espérer que ces abus seront détruits à l’avenir. VŒUX PARTICULIERS AU CLERGÉ. 17. Pour que Sa Majesté soit suppliée d’ordonner l’exécution de toutes les lois qui regardent le culte divin et les mœurs, dont la plupart sont publiquement violées, avec injonction aux magistrats d’y tenir la main. 18. Pour la fixation invariable de la juridiction ecclésiastique, afin d’éviter le conflit de juridiction dispendieux aux justiciables et pour l’attribution aux juges ecclésiastiques de toutes leurs causes personnelles dont les juges laïques, sous prétexte de sceau public, vérifications d’écritures, possessoires, trouble public et police, s’attribuent la connaissance. 19. Pour la réforme de l’abus des décrets d’ajournement personnel contre les ecclésiastiques ue l’on se plaît à mettre et à tenir dans les liens e l’interdit, par l’affectation de signifier les dé- [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Marche (Sén cle la Haute-).] 683 crets daas le temps pascal et à la veille des fêtes ; dés qu’il n’échoit poiDt de peines afflictives ou infamantes, pourquoi commencer par déshonorer un ecclésiastique, surtout un curé, par un décret et un interdit qui supposent une faute grave ? C’est le punir avant qu’il soit jugé coupable, et souvent plus qu’il ne le sera en définitive. 20. Contre l’abus des monitoires, en ce que les juges laïques, surtout ceux des seigneurs, accordent trop facilement la permission de les obtenir. 21 . Pour qu’il soit ordonné que tous autres que ceux dénommés dans l’arrêt de règlement en 1778, qui voudront s’opposer à quelque mariage pour cause d’empêchement dirimant, soient tenus d'en coter l’espèce, et que les curés puissent passer outre toutes les fois qu’il leur sera clair qu’il n’existe aucun empêchement. 22. Que la dotation de toutes les cures, même de celles de Malte, soit portée à 1,500 livres net et sans charges, attendu que c’est une portion sacrée, une pension alimentaire pour des citoyens qui consacrent leur temps et leurs travaux aux besoins de leurs paroisses ; que si toutefois les besoins extrêmes de l’Etat exigent qu’ils viennent à son secours, leur contribution soit fixée à une somme modique ; qu’il soit également pourvu à la dotation des cures dont la dîme est insuffisante, en portant ladite dotation aussi à 1,500 livres net et sans charges, l’évaluation de la dîme faite sous forme judiciaire et sans frais, à laquelle dotation on peut parvenir par la voie des arrondissements des paroisses ou par des réunions ; et que, par des suppléments pris sur des maisons éteintes ou sur les économats, les curés dont la dîme est insuffisante, soient dédommagés de leur état de souffrances pour le passé, pour le présent et pour l’avenir, jusqu’à ce que la dotation de leur cure soit effectuée. 23. Pour que les curés possédant des fonds et des dîmes, ne soient imposés pour leurs maisons, jardins, bâtiments en général et portion de leur revenu équivalente à la portion congrue, que comme les congruistes, et que, pour le surplus desdits fonds, ils ne soient point laissés à la discrétion des paroissiens, mais qu’il leur soit fait, par les commissaires des Etats provinciaux et en présence de chaque municipalité, une cote invariable et dans la même proportion qu’aux autres contribuables de la paroisse : que les curés dont les fonds et dîmes sont au-dessous de la portion congrue, soient absolument exempts de toutes charges quelconques, pour quelque cause que ce soit, à moins qu’il ne soit pourvu à leur dotation et les vicaires à proportion. 24. Pour que les ecclésiastiques aient la même liberté que les laïques pour jouir de leurs biens, places, et faire valoir leurs fonds. 25. Pour que la réunion nécessaire à la dotation des cures se fasse sous forme judiciaire et sans frais ; qu’il ne soit plus fait à l’avenir d’union aux évêchés, que Sa Majesté soit suppliée de ne plus accorder de bénéfices aux évêques qui sont suffisamment dotés, et que partie du supplément, pour subvenir aux besoins urgents des ecclésiastiques pauvres ou infirmes soit prise dans l’excédant des bénéfices possédés par les prélats, autres néanmoins que leurs évêchés. 26. Pour que, si l’ancienne constitution des décimes subsiste, les curés, sur qui pèse la plus grande partie des décimes, composent la moitié des assemblées générales du clergé, et que dans la répartition des décimes, il y assiste un membre de chaque district ainsi qu’un député des corps séculiers et réguliers du diocèse. 27. Pour qu’il soit donné des pensions de retraite aux curés et autres ecclésiastiques anciens ou infirmes. Les curés offrent de renoncer au casuel forcé, aussi désagréable pour eux que pour leurs paroissiens; votent pour que le remplacement des maisons religieuses supprimées s’opère par des établissements utiles à la province, et notamment il serait besoin d’établir un évêché à Guéret, plus nécessaire dans cette ville que dans aucune autre du royaume, à cause de son grand éloignement de toutes les villes épiscopales. 28. Pour que Sa Majesté suspende la nomination des bénéfices consistoriaux autres que les évêchés, et permette le séquestre des revenus des monastères supprimés, pour acquitter les dettes du clergé, les fondations toutefois acquittées, et cela dans la supposition que la réunion des dettes de l’Etat et du clergé ne peut avoir lieu. 29. Pour la réforme nécessaire quant aux universités. 30. Pour la réunion de toutes chapelles et succursales, et qu’on choisira pour égiise paroissiale celle qui sera plus avantageuse et plus commode. Cependant l’assemblée ne prétend point limiter les pouvoirs de ses députés aux Etats généraux, mais leur permet de consentir à toutes les délibérations qui seront prises dans cette assemblée à la pluralité des voix et conformément aux règlements faits ou à faire pour parvenir à une conclusion utile aux trois ordres de l’Etat. Fait et arrêté en l’hôtel de ville, lieu assigné ar M. le sénéchal pour l’assemblée du clergé, à uéret, le 21 mars 1789 ; et ont signé tous les délibérants le présent cahier avec nous, président et secrétaire de l’assemblée. Signé l’abbé de Gain, chantre de l’église, comte de Lyon, abbé de l’abbaye royale du Palais, président de l’assemblée, sans adhérer en aucune manière auxdits cahiers de doléances; Bannassat, curé de Saint-Fiel, député nommé; Coudert, chanoine, secrétaire; Cartier, curé de Mainsac ; Goubert, prieur de Chene-vailles, curé de Saint.-Silvain de Beliegarde; Rouchon, prieur-curé d’Ars; de Boiemandé, curé de Bonat ; Pajon, curé de Saint-Fréon ; Aubusson Dupiat, curé de Naillat ; Deval, curé de Cressac ; Silvain, prieur-curé de Chantôme; Bazenevie, curé de Dun ; Gerouille, curé de Betête ; Frise, curé de Saint-Hilaire-la-Plaine ; Martin, curé de Saint-Martin-Sainte-Catherine ; Lemoyne, prieur-curé de Chambon-Sainte-Croix ; Besse , curé de Croc , Binet, prieur-curé de Fresselines ; Thomas, curé de Châtenet ; Geay, curé de Lespinas; Bonnin de La Yaubois, prieur-curé de la Celle de Noise ; La Forest, curé d’Augère ; Rousseaux, curé de Sa-vènes ; Doussol, curé de Pionat ; Béraud, prieur-curé de Celle ; Midre de la Chabane, prieur-curé de Sardent ; de La Porte, curé de Saint-Georges-la-Pouge; Gohade, prieur-curé de Saint-Médard et de Puismalsigniat, son annexe; Jagot de La Chaune, curé de Saint-Sulpice-Laschamp; Boucher, prieur-curé d’Azat-Châtenet; Pillard, prieur-curé de Chenerailles ; Merle de la Brugière, archiprêtre de Bénévent, curé de Saint-Sulpice-le-Dunois ; Meiheaux, curé de Saint-Hiviés-les-Bois ; Parcaud, curé de Crozant; Autier, curé de Saint-Sulpice-le-Douzeil ; Raymond, prieur -vicaire de Thorion et Potarion ; Nadaud, curé de Fleurât ; Simon, prieur-curé de Janaillac; Lemoyne, prieur-curé die Chavanat; Sudre, curé de Guéret; Louva-dour, curé de Saint-Médard-la-Breuille ; et de La Porte, curé de Saunière. Expédié comme ayant été déposé au greffe de la sénéchaussée. Signé Rocque, greffier en chef,