[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1790.] 367 puisqu’il ne les a pas reproduits depuis. Je demande votre attention, Messieurs, pour un article de 500 millions dont je ne trouve nulle trace dans les mémoires de M. Necker. On a dit que les dépenses extraordinaires pour l’année 1789 montaient à 105 millions ; mais on n’a pas dit qu’elles s’élevaient à une somme égale pour les années suivantes. Je le répète, ceci mérite une très grande attention, puisque le total de ces dépenses monte à 600 millions. (Il s'élève des murmures.) J’en ai le tableau calculé jusqu’en 1759. Les moyens à prendre pour acquitter une dette qui ne renaîtra pas, et ceux qu’on doit employer pour une dette qui se reproduira tous les ans pendant soixante années, sont bien différents. M. Necker vous a bien présenté des ressources pour la première; mais je ne trouve nulle part dans ses ouvrages des traces de celles qu’il emploierait pour anéantir la seconde, et un agioteur habile gagnerait 100 millions sur la dette de l’Etat en la liquidant, sans qu’on pût le convaincre d’avoir fait une friponnerie. Un compte général des finances est donc nécessaire et urgent pour faire connaître la masse de la dette et de l’impôt. Je crois que malgré les connaissances que nous a données M. Necker, il nous en reste encore de grandes et d’importantes à désirer; celles que nous avons reçues ne peuvent suffire. Je crois qu’on nous a laissé ignorer la véritable dette de l’Etat, et surtout celle des dépenses très ordinaires qui doivent être faites pendant soixante ans. Je dis très ordinaires, car je ne peux concevoir comment on place dans la classe des dépenses extraordinaires celles qu’il sera indispensable de faire pendant soixante ans encore. 11 faut donc que nous connaissions au plus tôt et la durée et le montant des charges que nous devons acquitter. Je crois avoir prouvé qu’il n’a point encore été remis de plan général de finances. Je crois avoir prouvé que dans celui qui vous a été remis il y avait des erreurs très considérables : je crois avoir prouvé que l’on a mis à tort dans la classe des dépenses extraordinaires celles qui doivent être encore à la charge de l’Etat pendant soixante ans. Voilà quelles étaient mes raisons de revenir à la charge, et de demander un plan général de finances. Je demande doncqu’aujourd’hui on charge le premier ministre des finances de remettre incessamment un compte détaillé des recettes, des dépenses et de la dette de l’Etat. (Des applaudissements se font entendre de toxite part). (On demande l’impression du discours de M.l’abbé Maury, et l’on propose qu’il le remette à l’instant sur le bureau, tel qu’il l’a lu. — On s’aperçoit alors qu’il vient de quitter la salle). M. le Président. Pour remplir le vœu de l’Assemblée, j’ai envoyé dire à M. l’abbé Maury qu’on demandait la remise de son discours : il a répondu qu’il se chargeait de le faire imprimer lui-même. M Lucas. Je demande l’apport du discours, ou la rétractation du décret. M. l’abbé Royer. Vous ne pouvez obliger l’orateur qui vient de parler à déposer son discours, si telle n’est pas sa volonté. M. Martineau. Non 1 Mais si le discours dont l’impression a été ordonnée par l’Assemblée n’est pas déposé tout de suite, elle est autorisée à rapporter son décret et elle doit même ne pas y persister, parce qu’il pourrait arriver que l’auteur d’un discours y fît des additions ou des changements qui la compromettraient. L’Assemblée ne peut décréter que le discours qu’elle a entendu et non celui qui est encore à faire. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide que le décret d’impression du discours de M. l’abbé Maury est rapporté. M. Vernier. Si nous n’avions que les comptes de M. Necker, nous ne pourrions prendre aucune connaissance exacte de l’état des finances. Le compte de 1781 ne nous présente aucune idée neuve ; il n’a d’autre avantage que celui de la publicité. Dans le compte présenté aux notables en 1788, il plaça, dans la classe des dépenses extraordinaires, celles dont a parlé M. l’abbé Maury; et puisque M. l’abbé Maury s’en étonne, on doit en dire la raison: c’est que quoiqu’on doive faire pendant soixante ans une dépense quelconque, elle n’en est pas moins extraordinaire, puisqu’elle ne peut être mise dans la classe ordinaire des dettes. Nous sommes occupés à apurer tous les comptes; il nous manque ceux de l’arriéré dans les diverses dépenses; il fallait les attendre jusqu’à ce moment. M. l’abbé Maury n’a fait que vous rapporter une conversation qui a été tenue hier dans une section du comité des finances. M. Rœderer y disait : « Nous avons assez attendu, nous sommes sûrs de pouvoir faire face à nos engagements ; il faut maintenant forcer la barrière. Le temps viendra où vous connaîtrez la dette de l’Etat; vous ordonnerez aux créanciers de paraître, s’ils ne veulent renoncer à leurs créances, et chaque département fera une confession générale de sa dette... » Je crois que l’on peut attendre à lundi, et renvoyer à ce jour le projet de décret de M. Camus. M. Anson. Je suis d’avis que le projet de M. Camus doit être renvoyé au comité des finances pour y être examiné et modifié de concert avec l’auteur, mais en même temps la première partie doit être décrétée. M. Camus. Je consens à la division demandée, mais à condition que la partie ajournée sera renvoyée à la séance de lundi prochain. Ces diverses propositions sont adoptées. Le décret suivant est ensuite rendu : « La Caisse d’escompte remettra, sans délai, au remier ministre des finances, la somme de 0 millions en ses billets. » M. Populus. Je demande que le département de l’Ain, actuellement en activité, soit autorisé à procéder à l’assiette des impositions dudit département et que cette attribution soit retirée aux officiers des finances et à ceux des élections de Bourg et Bellay. Je demande encore qu’il soit enjoint aux officiers desdites élections et aux anciens administrateurs des provinces comprises dans le nouveau département de donner à l’assemblée générale départementale les renseignements nécessaires pour parvenir à l’assiette des impositions pour la présente année 1790. M. Populus termine en présentant un projet de décret. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angely). Je propose de renvoyer cette affaire au comité des finances. M. Barnave. Il faut faire un décret général 368 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juin 1790.1 et non un décret particulier au département de l’Ain. (Ces diverses propositions sont adoptées.) L'ordre du jour est la suite de la discussion sur toutes les parties des dépenses publiques. M. l*ebmn, rapporteur. Dans votre séance du 12 juin, vous avez déjà décrété sur la régie générale des domaines l’article 1er, qui fixe à 450,0001. le traitement des administrateurs généraux des domaines; mais il reste d’autres articles et je vais en donner lecture : « Art. 2. L’abonnement fait avec la ferme des postes, pour le port des lettres et paquets, demeurera résilié à compter du jour de la publication du présent décret. « Art. 3. Les frais de comptabilité seront supprimés à compter du premier janvier dernier. « Art. 4. La gratification de 34,000 livres accordée aux principaux employés, celle accordéeau sieur Rasclé, le traitement de 3,000 livres pour la législation des hypothèques, cesseront du jour de la publication du présent décret, et les honoraires du conseil seront réduits à 10,000 livres. » (Les articles 2, 3 et 4 sont successivement adoptés sans discussion.) M. liebrun lit l’article 5; il est ainsi conçu: «Le contrôleur général des finances mettra incessamment sous les yeux de l’Assemblée l’état des économies qu’il est possible d’effectuer dans les frais de régie et de perception. » M. Lecontenlx de Cantclcn. Le directeur des domaines de Rouen a 60,000 livres; le moindre des directeurs de province a 20,000 livres. M. Hernoux. Vous avez décrété une di minution considérable dans la régie des domaines ; et l’on vous propose défaire mettre incessamment sous vos yeux l’état des économies qu’il est possible d’effectuer dans les frais de régie et de perception. Il se présente ici une question : Diminuera-t-on le traitement de chaque employé, à proportion de la réduction totale, ou diminuera-t-on le nombre des commis ? J’observe d’abord qu’il y a un grand nombre de commis inutiles, dont le traitement est beaucoup trop considérable ; c’est sur ceux-là surtout que doit porter la réduction. Il faut pour cela que vous puissiez déterminer le nombre des places inutiles, afin de prévenir l’injustice de conserver les traitements de faveur en supprimant des emplois occupés par des sujets qui se sont avancés en travaillant utilement pour la chose publique. Je demande que M. le président du comité des finances soit tenu d’écrire à M. le premier ministre des finances, pour lui demander de faire faire, dans le courant de la semaine prochaine, des états signés et certifiés des différents employés, tant au bureau de Paris que dans les provinces, avec les noms de chacun, les émoluments qu’ils ont reçus dans les trois dernières années, et les parties sur lesquelles ces émoluments ont été payés; enfin, la réduction qu’il croit convenable de faire en raison de la suppression de la gabelle, etc. Je demande en même temps que ces détails soient imprimés et remis à chacun des membres de l’Assemblée. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angely). Cette motion, infiniment intéressante, parait s’étendre sur toutes les régies; mais, dans ce moment, il s’agit de prendre des dispositions provisoires. Il y a des disproportions sensibles entre le traitement que vous avez fait aux administrateurs généraux et ceux que reçoivent actuellement les directeurs de province. Si l’on peut se plaindre avec raison de la quotité excessive de ceux-ci, il n’en est pas de même à l’égard des employés subalternes ; les contrôleurs des campagnes ont des appointements aussi faibles que ceux des directeurs sont prodigieux. Ces contrôleurs ne peuvent plus faire les fonctions de notaire, puisque vous avez déclaré ces fonctions incompatibles avec les emplois qu’ils exercent. Il ne faut donc pas toucher à leurs traitements, mais dire que les réductions sur les directeurs seront faites de manière que le minimum soit de 6,000 livres, et le maximum de 10,000 livres. M. de Lachèze. Ce minimum me paraît beaucoup trop fort; le traitement fixe d’un grand nombre de directeurs ne s’élève pas à cette somme. L’abus véritable, et qui porte le produit de ces places à 40,000 livres et plus, c’est qu’ils font valoir sur la place l’argent de leur recette. Sans doute l’Assemblée exigera dii premier ministre des finances qu’il prenne des précautions à cet égard. Je pense que le minimum doit être de 3,000 livres, et le maximum de 6,000 livres. M. Martineau. Il faut d’abord demander l’état des employés, ainsi que l’a proposé M. Hernoux; sans cela la réduction qu’on vous propose pourrait être très peu utile. L’ajournement de la fixation du traitement des directeurs est arrêté. La motion de M. Hernoux est décrétée ainsi qu’il suit : « Le premier ministre des finances sera tenu de faire fournir dans la semaine, au comité des finances, les états des emplois existant dans les bureaux de la ferme, de la régie et de l’administration des domaines, du traitement dont jouit chaque commis depuis trois ans, et de celui qu’il convient de leur accorder pour la présente année; lesquels états seront imprimés et envoyés au domicile des différents membres de l’Assemblée. » M. Vjebrun, rapporteur. Vous avez ordonné le rapport du décret par lequel vous aviez fixé, le 12 juin, le traitement des régisseurs généraux à 700,000 livres. Le comité des finances m’a chargé d’insister sur cet article. Les régisseurs empruntaient pour faire leurs avances; ils recevaient les intérêts à raison de 5 pour 100, et, comme ils empruntaient pour le gouvernement, ils étaient forcés à le faire au même taux. Il est des réductions plus dangereuses que la prodigalité. La forme des régies changera dans quelques mois. Des réductions humiliantes produisent le découragement; l’Etat est mal servi; des maîtres avares ne trouveront jamais des serviteurs économes et zélés; les régisseurs généraux avaient 1,700,000 1. ils se sont réduits à 700,000 livres; vous ne pouvez pas exiger de leur patriotisme un sacrifice encore plus excessif. Le comité pense donc que le décret que vous avez rendu doit être maintenu. M. Fréteau. Des administrateurs m’ont écrit pour déclarer que quand le bien de l’Etat exigerait qu’ils fussent traités d’une manière moins avantageuse, leur zèle ne serait point ralenti. Ces administrateurs sont M. Deyniau et MM. de La Borde père et fils, d’Auch. M. de La Borde fils,