[Assemblée nâlionale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 août 1789.] 459 croie pas pouvoir oublier, en formant un gouvernement, cette première base de tous les devoirs, ce premier lien des sociétés, ce frein le plus puissant des méchants, et cette unique consolation des malheureux L’article de M. du Ga-land est applicable à tous les cultes, à toutes les religions ; j'insiste pour qu’il fasse partie de la déclaration ; j’insiste pour que M. Mounier soit invité à corriger, d’ici à demain, son projet de déclaration, et à le mettre sous les yeux de l’Assemblée. Si cette déclaration devait encore entraîner plus de débats, je me joindrais à l’avis qui a été ouvert hier de marcher en avant sur les points de la Constitution, sauf à revenir ensuite sur les principes généraux dont nous les faisions précéder. Je ne serai point effrayé de l’inconséquence qu’on voudrait reprocher à cette marche. Les principes de fait que nous avons à établir sont indépendants des principes de raisonnement d’où nous voulons les faire dériver. Ces principes de fait sont les seuls qui nous soient tracés, qui nous soient dictés par tous nos commettants; notre fidélité est comptable de ceux-là; c’est notre zèle qui a voulu rechercher les autres. Enfin le peuple attend, le peuple désire, le peuple souffre; ce n’est pas pour son bonheur que nous le laissons plus longtemps en proie aux tourments de la crainte, aux fléaux de l’anarchie, .aux passions mêmes qui le dévorent et qu’il reprochera un jour à ceux qui les ont allumées. Il vaut mieux qu’il recouvre plus tôt sa liberté, sa tranquillité ; qu’il recueillesplus tç>t les effets, et qu’il connaisse plus tard les causes. M. Lanjuinais. 11 y a deux manières de voter; elles sont fixées par le règlement; c’est la voie de l’appel nominal, ou le vote par assis et levé, M. Desmeuniers. Je m’oppose au vote dans les bureaux qui a été demandé. M. Pétion. Je propose d’aller aux voix par assis et levé sur chaque projet de déclaration des droits en suivant l’ordre de leur présentation, et d’accepter celui qui aura réuni le plus de suffrages. M. le Président. La première question à résoudre me semble celle-ci : ira-t-on aux voix? Sur cette question il y a unanimité. M. le Président. Sera-t-il procédé par la voie de l’appel au choix d’une des déclarations des droits de l’homme et du citoyen, soumises à l’Assemblée, sous la réserve expYesse que la déclaration préférée sera ensuite discutée article par article? lletle question est résolue affirmativement. En conséquence il a élé procédé à l’appel des voix pour choisir la déclaration de droits dont les articles seraient d’abord discutés. La pluralité des suffrages s’est réunie en faveur de celle qui a pour titre : Projet de déclaration des droits de l’homme et du citoyen, discutée dans le sixième bureau de l’Assemblée nationale (1). La déclaration de M. l’abbé Sieyès a obtenu le plus de voix après celle-ci. M. le Président a dit que l’imprimeur avait (1) Voy. plus haut le texte de ce document, séance du 12 août. besoin d’un emplacement plus vaste, plus commode, plus à portée de la salle où se tient l’Assemblée nationale. Elle a trouvé bon que M. le président fît ce qu’il jugerait convenable pour procurer cet emplacement à l’imprimeur. La proposition faite à l’Assemblée de se réunir ce soir à sept heures, pour entendre différents rapports, a été agréée à la pluralité des voix. MM. les Secrétaires ont lu la liste des trente députés choisis dans le nombre des quatre-vingt-dix nommés dans les trente bureaux, pour former deux comités de quinze chacun ; le premier, sous le titre de : Comité des matières ecclésiastiques ; le second, sous le titre de : Comité de judicature. MM. les Secrétaires ont aussi présenté, de la part du sieur Leclerc, écuyer, chevalier des ordres du Roi, membre de plusieurs académies, un manuscrit intitulé : Exposition succincte de ce que la raison dicte à tous les hommes pour éclairer leur conduite et assurer leur bonheur sous toutes les formes de gouvernement. 11 a élé rendu compte du projet ou titre de la médaille votée dernièrement par l’Assemblée nationale. On est convenu que ce projet et le dessin de la médaille resteraient au secrétariat pour y être soumis aux observations des membres de l’Assemblée, et qu’ensuite il en serait délibéré. M. le Président a invité le comité des rapports à s’assembler à cinq heures, celui des subsistances à six heures; ainsi que les trente membres désignés pour former les deux comités des matières ecclésiastiques et civiles, afin de se distribuer dans ces deux comités. La séance est continuée à 7 heures du soir. Séance du soir. L’Assemblée, qui avait été indiquée à sept heures et demie, est ouverte par un rapport du comité de vérification, relatif à la députation du Couserans. Le point de difficulté consistait à savoir si la députation du Couserans était complète, et si M. Isie devait être considéré comme député direct, ou simplement comme suppléant. M. Isie entendu, la discussion faite, l’Assemblée décrète que M. Isie sera suppléant. Sur la réflexion faite que le député direct du pays des Quatre-Vallées n’a pas paru à l’Assemblée, ou propose que M. Isie conserve sa place jusqu’à ce que ce député se présente. L’Assemblée décide qu’il n’y a lieu à délibérer quant à présent. M. Salomon rapporte une affaire concernant la municipalité des villes deGivet et Cbarlemont, dont les habitants réclament, avec des formes un peu-vives, une reddition de comptes, au sujet de la vente des grains, et de la mauvaise qualité des farines. . M. Emmery dit avoir reçu un mémoire particulier sur celte affaire. L’Assemblée autorise M.- le président à renvoyer au pouvoir exécutif, afin quele compte des officiers municipaux de ces deux villes soit rendu à la commune. M. de Beaumetz ayant ensuite rapporté une réclamation faite par la commission intermédiaire 460 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 119 août 1789.] [Assemblée nationale.] de la province d’Alsace, à raison de la publication d’une lettre écrite par un député sur les événements mémorables de la nuit du 4 août, il s’est élevé quelques débats, pour savoir si l’on ferait la lecture des pièces qui avaient donné lieu à la réclamation. M. le vicomte de Mirabeau, MM. les évêques de Langres et de Saintes, demandent cette lecture ; mais l’Assemblée, après avoir entendu M. Lavie qui a rendu compte des faits, déclare qu’il n’y a lieu à délibérer. Le rapport des affaires particulières étant terminé, M. le comte de Mirabeau fait une motion tendant à ranimer le crédit national. M. le comte de Mirabeau. Messieurs, il n’est sans doute aucun de nous qui ne sente l’importance du crédit national, et qui ne prévoie combien il sera nécessaire d’en faire usage, pour remplir les engagements que nous avons déclarés inviolables. Nous devions espérer que les revenus publics resteraient du moins ce qu’ils étaient jusqu’au moment où vous les remplaceriez par des contributions plus sagement assises et plus équitablement réparties. Mais, dans le trouble et l’anarchie où les ennemis de cette Assemblée ont plongé le royaume, des perceptions importantes ont disparu, et il est devenu tous les jours plus difficile de pourvoir aux dépenses que nécessitent les besoins de l’Etat. Ce malheur ne les rend ni moins urgentes ni moins considérables. Au contraire, en même temps que de nouveaux déficits se forment, il est chaque jour plus important de se précautionner contre l’anarchie. Nous devons craindre surtout d’exposer le royaume au désespoir qui résulterait d’une longue cessation de payements que fournit le revenu public. La chaîne de ceux qui subsistent par la circulation de ces payements est immense. On y rencontre sans doute des hommes assez riches pour supporter de grandes privations ; mais ces riches sont des agents de la circulation, et si elle s’arrêtait dans leurs mains, la pénurie atteindrait une foule d’individus qui ne peuvent être privés de rien sans sacrifier de leur .plus étroit nécessaire. A ceux-ci se joindrait cette masse d’hommes que la cessation des salaires ou des rentes qu’ils reçoivent immédiatement du Trésor public jetterait aussi dans la misère. Et qui peut calculer les effets d’une telle suspension, dans le moment où tous les citoyens attendent avec inquiétude un meilleur régime, mais où rien encore n’est remplacé ? Cependant nous ne pouvons pas rétablir soudainement les finances. La sagesse et la maturité doivent présider à cet important ouvrage. Quelle est donc la ressource de l’Etat dans des circonstances aussi critiques ? Le crédit national ; et certes, Messieurs, il devrait n’être pas difficile de l’établir. Le royaume reste encore le même. L’ennemi ne l’a pas dévasté. Les pertes que nous avons faites sont calculables. En considérant la nation comme un débiteur, elle est toujours riche et puissante ; elle est loin d'avoir reçu aucun échec qui puisse la rendre insolvable. Que la concorde se rétablisse, et le numéraire caché, de quelque manière que ce soit, reparaîtra bientôt, et les moyens de prospérité reprendront une activité nouvelle, une activité augmentée de toute l’influence de la liberté. 11 est donc nécessaire, il est donc urgent de nous occuper du crédit. Heureusement ce n’est pas une œuvre compliquée. Il suffit de connaître les causes qui le suspendent. Il suffit, du moins en ce moment, de se pénétrer du besoin de les faire cesser; et bientôt le crédit renaîtra ; bientôt il nous fournira les moyens d’attendre paisiblement que le revenu public suffise à toutes les dépenses. Ces considérations m’ont fait un devoir, Messieurs, de vous parler aujourd’hui de l’emprunt que vous avez décrété. Jusqu’à présent on y porte peu d’argent. N’attendons pas qu’on vienne nous dire qu’il ne se remplit point. Apercevons de nous-mêmes que, sans un changement favorable au crédit, cet emprunt ne sera pas réalisé avant que de nouveaux besoins d’emprunter arrivent, et nous trouvent dans les mêmes perplexités. Laissons là les vaines déclamations contre les financiers, les gens d’affaires, les banquiers, les capitalistes. A quoi serviraient les plaintes qui s’élèveraient contre eux dans cette Assemblée, si ce n’est à augmenter les alarmes ? Quand il ne serait pas souverainement injuste de revenir sur des contrats revêtus de toutes les sanctions, qui depuis deux siècles obtiennent notre obéissance, chercherons-nous à travers des mutations journalières le créancier que nous voudrions trouver trop riche de nos prodigalités? Si nous le trouvions, qui de nous oserait le punir de n’avoir pas repoussé des gains séduisants et offerts par des ministres restés impunis! Mais si les difficultés d’une aussi odieuse recherche nous la rendent impossible, frapperons-nous en aveugles sur les propriétaires d’une dette respectable sous tous ses aspects? Car vous n’avez pas oublié, Messieurs, que c’est la fidélité du Roi envers les créanciers de l’Etat qui nous a conduits à la liberté, et que si, écoutant les murmures dont je parle, il eût voulu se constituer débiteur infidèle, il n’était pas besoin qu’il nous délivrât de nos fers ? Loin donc d’inquiéter les citoyens par des opinions que uous avons solennellement flétries, appliquons-nous à maintenir sans cesse sur la dette publique une sécurité sans laquelle les difficultés deviendront enfin insurmontables. Nous avons voulu déterminer l’intérêt de notre emprunt; nous nous sommes trompés. Le ministre des finances ne pouvait pas lui-même le fixer avec aucune certitude. Il comptait sur un mouvement patriotique; son opinion nous a entraînés. Mais lorsque des mesures sont indispensables, faut-il faire dépendre leur succès d’un sentiment généreux? Ce sentiment ne pouvait agir que par une entière confiance dans l’Assemblée nationale. Mais tout en méritant cette confiance par nos intentions et par notre dévouement sans bornes à la chose publique, ne lui avons-nous donné aucune atteinte involontaire? On s’éclairera de plus en plus sans doute sur les circonstances qui ont hâté vos arrêtés du 4 de ce mois, et avec le temps vous n’aurez pas même besoin d’apologie : il n’en est pas moins vrai que si ces arrêtés eussent paru lentement, si les discussions qui les ont suivis les eussent précédés, il n’en serait résulté aucune inquiétude sur les propriétés. Certainement elles n’ont reçu aucune atteinte; mais, pour reconnaître cette vérité, il faut que l’on s’accoutume à distinguer ce qui appartient à la nation d’avec ce qui appartient aux individus, et ces abstractions ont à lutter contre l’habitude. Je vous ai dit, Messieurs, que nous avions voulu contre la force des choses fixer l’intérêt de l’emprunt. Cette fixation n’a pas été seule-