o82 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] la commodité de ses habitants, n’a été imaginé que pour favoriser la spéculation de quelques capitalistes. Combien il devient intéressant qu’à l’avenir, de semblables projets, qui détruisent les propriétés des habitants des campagnes et ruinent leur culture, soient délibérés et consentis par les Etats généraux, et non entrepris seulement en vertu d’un simple arrêt du conseil, non revêtus de lettres patentes, et le plus souvent surpris, sans que les propriétaires et riverains aient été entendus, comme il est arrivé pour le projet de l’Yvette, quoiqu’un premier arrêt du conseil, du 21 mars 1786, eût ordonné que des commissaires se transporteraient sur les lieux, ce qui n’a point été exécuté. Les suppliants représentent encore que les pigeons causent un dommage considérable dans les campagnes, et qu’il leur serait très-avantageux de voir ordonner la suppression des colombiers. Ils observent qu’il existait dans leur paroisse une communauté religieuse qui y versait des secours abondants; plusieurs habitants de Gif y étaient employés comme domestiques, les journaliers y trouvaient presque constamment de l’ouvrage, les malades et les infirmes y recevaient des soulagements ; la suppression de cette maison religieuse paraît décidée ; elle est inhabitée aujourd’hui ; les bâtiments et lieux claustraux sont cependant encore dans un très-bon état. Les suppliants se réunissent pour demander à Sa Majesté le rétablissement d’une communauté dans cet endroit, sinon d’y placer une manufacture ou tel autre établissement, qui serait de la plus grande utilité, non-seulement pour la paroisse de Gif, mais pour tout le canton, par les travaux et occupations qu’il fournirait à un grand nombre d’habitants. Ils finiront par supplier Sa Majesté d’avoir égard à leurs misères et à leur besoins actuels. Le prix du blé est maintenant à un taux sans exemple; la rigueur de l’hiver, qui a occasionné la cessation de toute espèce d’ouvrage, a épuisé toutes leurs ressources ; ils n’ont reçu, pendant ce temps, aucun secours du gouvernement. Les suppliants ont la confiance que Sa Majesté touchée de leur malheureuse situation, qui est commune à tous les habitants des campagnes, voudra bien faire donner promptement des ordres pour la diminution des denrées de première nécessité. Fait et arrêté par nous, habitants et syndic de la paroisse de Gif, assemblés cejourd’hui 14 avril 1789. Signé Legrand ; Guignard ; Martin ; J. -B. Bayvel ; Jean-Baptiste Ferre; Jacques Dounamourd; Breton ; Denis Bobin ; Tresson ; Jean-Pierre Berrier ; Petit ; Manuel; Bellonie ; Marillon ; Robin ; Hédié; Hivert; Jean Petit; Moreau; Claude Sagoust; Gauffroy. Paraphé GAUTIER. CAHIER Des doléances et plaintes dont la communauté de Gometz-le-Châtel dit Saint-Clair a chargé ses députés à rassemblée de la prévôté de Paris de recommander aux représentants de la nation de défendre , dans les Etats généraux, leurs intérêts • qui paraissent s'accorder parfaitement avec P intérêt public et qui consiste dans les choses suivantes (1) : Art. 1er. Que nulle autorité n’ait le droit défaire (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. arrêter ni emprisonner aucun citoyen, si ce n’est en vertu d’un jugement du juge compétent ou en vertu d’une ordonnance du juge de police, à la charge que les citoyens arrêtés seront remis sur-le champ à leur juge compétent et interrogés dans les vingt-quatre heures, et toujours remis en liberté sans délai, s’ils ne sont pas fortement chargés d’un crime qui mérite une punition corporelle. Art. 2. Qu’aucune autorité n’ait le droit d’enlever à aucun citoyen sa propriété, même pour l’utilité publique, si ce n’est en remboursant en deniers comptants et à eux pris, cette propriété, avant de s’en emparer. Art. 3. Qu’il n’y ait aucun impôt particulier aux roturiers et aux habitants de la campagne, mais que tous ces impôts soient payés par tout le monde, à proportion de son bien, même par les ecclésiastiques, et par les plus grands seigneurs, sans aucun privilège. Art. 4. Que la corvée soit supprimée et que les chemins soient faits au moyen d’un impôt général, qui soit payé par tout le monde, sans aucune distinction, à proportion de leurs facultés. Art. 5. Qu’il en soit de même de la milice ; qu’elle soit supprimée et que les soldats soient fournis par une convention libre, et moyennant des deniers qui seront pris sur une taxe payée par tout le monde, sans distinction. Art. 6. Que les frais de logement de gens de guerre soient fournis également par tous les citoyens de quelque ordre qu’ils soient, sans aucune distinction. Art. 7. Que les gabelles soient supprimées, s’il est possible, et, en attendant que le prix du sel soit diminué, que les citoyens, particulièrement les gens des campagnes, soient délivrés des vexations et des fraudes des commis. Art. 8. Que les droits des cidres soient tout au moins modérés et que les vexations, tracasseries et fraudes des commis soient réprimées. Art. 9. Que la masse énorme des impôts de tout genre, sous lesquels gémissent les habitants des campagnes, soit réduite au taux modéré qu’ils peuvent supporter. Art. 10. Que la misère soit respectée, que celui qui n’a rien ne puisse être imposé, et que l’industrie ne soit soumise à aucune taxe. Art. 11 . Qu’il ne puisse être établi aucune augmentation d’impôt sur les cultivateurs pendant la durée de leurs baux courants, mais que toute augmentation, s’il était possible qu’on en mît quelqu’une, soit payée par les propriétaires. Art. 12. Qu’aucun impôt ne puisse être établi ni prorogé dans toute la France, si ce n’est par le don et octroi des Etats généraux seuls. Art. 13. Qu’aucun impôt ne soit accordé et ne puisse être levé sur personne en France, passé le jour qui sera fixé pour l’ouverture des Etats généraux suivants. Art. 14. Que les impôts soient accordés seulement jusqu’à la concurrence de ce que les Etats généraux auront jugé nécessaire pour les dépenses de l’Etat. Art. 15. Que les Etats généraux s’assemblent tous les deux ans au plus tard. Art. 16. Que les représentants aux Etats généraux soient librement nommés par tous les députés de toutes les communautés et paroisses du royaume, sans pouvoir exempter une seule communauté ou un seul des députés qu’ils auront choisis. Art. 17. Que les lois qui auront été faites par les Etats généraux avec le Boi, soient observées, et que tous ceux qui les auront violées, quelle [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 583 que soit leur dignité, leur charge ou leur fonction soient poursuivis, condamnés et punis. Art. 18. Qu’il y ait continuellement des travaux publics, où l’on reçoive tous les pauvres qui pourront travailler, et qui recevront un salaire proportionné au prix des grains. Art. 19. Qu’il y ait des secours établis partout, pour la subsistance des pauvres qui ne peuvent pas travailler. Art. 20. Que toute espèce d’industrie soit libre à tout le monde. Art. 21. Que la justice soit rendue gratuitement et promptement, et qu’on n’attire pas les citoyens loin de chez eux pour plaider, et surtout les habitants des campagnes. Art. 22. Que les frais de justice soient diminués. Art. 23. Que personne ne puisse être puni arbitrairement, mais qu’il y ait des peines modérées, établies précisément par chaque crime. Art. 24. Que les accusés soient traités le plus doucement possible, et qu’ils aient tout le temps ou les moyens de faire connaître leur innocence. Art. 25. Que les capitaineries, qui ruinent les campagnes, soient abolies. Art. 26. Que les droits de banalités, surtout celle du four, punissent être remboursés à bon prix aux seigneurs. Art. 27. Que tout abus d’autorité des seigneurs et toute injustice qu’ils auront faite soient punis plus sévèrement qu’une faute des autres citoyens habitants, parce que les seigneurs sont faits pour empêcher l’injustice. Art. 28. Que toute communauté d’habitants soit libre de s’assembler quand elle voudra et de donner soit au Roi, soit aux Etats généraux, soit aux assemblées provinciales , des mémoires, des requêtes et des plaintes du mal qu’on lui peut faire, sans courir aucun risque de la part de qui que ce soit. Art. 29. Qu’il y ait toujours des assemblées provinciales, des assemblées de département et des assemblées municipales, qui soient composées de membres librement élus par tous les citoyens. Art. 30. Que ces assemblées soient seules chargées de toutes les choses qui concernent les chemins, le bien public, les pauvres, l’assiette et la levée des impôts, sans aucun autre que ceux qu’elles auront choisis pour en être chargés. Art. 31. Que tous ceux qui lèveront les impôts, passé le jour auquel les Etats généraux suivants devront s’assembler, soient punis comme coupables d’un crime capital, et qu’il soit défendu même de les payer volontairement, passé ce jour, Art. 32. Qu’on établisse une forme de procédure simple et prompte, pour tout ce qui concerne les bornages, les entreprises et anticipations sur les voisins, les dégâts dans les bois, sur les arbres, les récoltes, les pâturages de troupeaux, et sur toutes les autres contestations qui peuvent s’élever journellement dans les campagnes. Art. 33. Qu’en attendant qu’on remplace les dîmes, il soit fait des lois si claires que. d'un côté, les curés qui sont les pères des habitants, aient une honnête subsistance, que, les habitants ne soient pas grevés, et qu’il ne s’élève pas, comme aujourd’hui, des procès fréquents à cette occasion. Fait et arrêté le 13 avril 1789. Signé Tisserand, syndic; Nicolas Bruneau; Charles d’Arcagne; Martin Goualiny; Georges; Banevit; Grand ; Richard ; Claude Lenain ; Jacques Doublet; Moyé. Paraphé ne varietur , au désir des règlements, ce 13 avril 1789. Delanoue, lieutenant général CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances de la paroisse de Gometz-la-Ville (1). Procès-verbal d’élection de deux députés et d’instructions et pouvoirs donnés auxdits députés par les habitants composant le tiers-état, dûment assemblé, de la paroisse de Gometz-la-Yille. L’an 1789, ce treizième jour d’avril, par-devant nous, Jean-Louis Delanoue, lieutenant général du bailliage et comté de Limons, sont comparus les habitants de la paroisse de Gometz la-Ville, lesquels, suivant la lettre du Roi du 28 mars dernier, et le règlement de même date y annexé, publié en l’auditoire de Limons, le ..... , comme aussi au prône, le 12 dudit mois d’avril, 'en l’église de Gome(z-Ia-Vil(e , ainsi que la lettre de Sa Majesté du 24 janvier et le règlement pour l’exécution des lettres de convocation, également du 24 janvier , et conformément à l’ordonnance de M. le prévôt de la ville, prévôté et vicomté de Paris du 4 avril 1783, adressée auxdits habitants de Gometz par mondit sieur le prévôt de Paris, et publiée au prône, le 12 du même mois, ont élu pour y satisfaire les sieurs Andrê-Jacques-Philippe Lebrun de Ragonaud et Pierre Duval , laboureurs, habitants de ladite paroisse, auxquels ils ont donné pouvoir et puissance de comparaître en l’assemblée qui se fera, le samedi 18 avril, à 7 heures du matin, en la grande salle de l’archevêché de Paris, et d’y déclarer, conformément aux instructions etpouvoirs ci-aprés : Qu’ils s’en remettent à la prudence et à la sagesse des députés de la prévôté de Paris, et de ceux de la ville et autres du royaume, sur tous les grands objets qui intéressent la nation en général, tels que : Art. 1er. La permanence ou retour périodique des Etats généraux. Art. 2. La propriété des biens et la sûreté des personnes assurées, de manière que, sous aucun prétexte, on ne puisse inquiéter un citoyen en sa personne, dans son honneur ou dans ses biens, autrement que d’après les lois du royaume. Art. 3. La réforme des lois civiles et criminelles, ainsi que du code des chasses. La suppression des capitaineries, autres que celles qui sont nécessaires aux plaisirs de Sa Majesté. La destruction des lapins et l’exécution des lois sur les pigeons et les colombiers. L’égalité des peines en matière de crime, afin que le supplice ne soit point un titre d’honneur pour les uns et d’infamie pour les autres. Art. 4. La suppression de tous les privilèges, et une égale répartition de tous les impôts sur tous les citoyens de tous les ordres, de manière que nul ne puisse s’y soustraire en tout ou en partie, et qu’il ne puisse en être établi aucun sans le consentement de la nation. Art. 5. Les moyens qu’il conviendrait d’adopter pour que la levée des impôts fût moins onéreuse aux contribuables. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.