454 [Assemblée nationale»] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 mai 1791.] « Le directeur dont le travail aura été jugé inférieur au titre fixé par la loi, de plus de 1/24 et demi, sera révoqué. Art. 16. « La révocation aura lieu pareillement contre les directeurs : 1° lorsque leur travail aura été jugé 2 fois dans l’espace de 5 années, inférieur au titre légal de 3/32 ou de 1/24 et demi ; 2® lorsque dans le même espace de temps leur travail aura été jugé 3 fois inférieur audit titre légal de 2/32 ou de 1/24. « En aucun cas, l’amende ne pourra être prononcée concurremment avec la révocation. « Les directeurs seront tenus de payer lesdites amendes 3 mois après la signification qui leur aura été faite desdites condamnations; et faute de payement desdites amendes, iis seront de plein droit révoqués. Art. 17. « A l’égard de l’essayeur, lorsque le travail aura été jugé inférieur au titre légal de 1/326 de carat, ou de 1/24 de denier, il sera condamné à une amende équivalente au sixième de son traitement; elle sera portée au quart, en cas de récidive dans l’espace de 5 années. Lorsque le travail aura été jugé inférieur au titre légal de 2 ou 3/42 de carat, et de 1/24 ou de 1/24 et demi de denier, l’essayeur sera condamné à une amende équivalente au quart de son traitement. En cas de récidive dans l’espace de 5 années, elle sera portée à la moitié de son traitement; et si, dans le même espace de temps, la contravention se renouvelle 3 fois, il sera révoqué « La révocation aura lieu contre l’essayeur, dès la première fois, si le travail est jugé inférieur de plus de trois 32es, ou de plus d’un 24e et demi au titre légal. Art. 18. « L’essayeur pourra requérir la commission des monnaies de faire procéder, pour la justification, à l’essai des peuilles ou portions d’espèces qui, en exécution de l’article 8 du chapitre 1er, lui auront été envoyées par le commissaire du roi, avec les procès-verbaux de chaque délivrance. La commission se fera représenter toutes ces peuilles : elle en prendra quatre au hasard, à l’essai desquelles elle fera procéder, en sa présence, par deux essayeurs qui opéreront séparément. Si les résultats de leurs rapports donnent un titre uniforme, ou produisent un titre commun qui ne soit pas inférieur à celui que la loi aura fixé, l’essayeur sera déchargé des condamnations prononcées contre lui : elles seront, au contraire, confirmées, si une seule de ces peuilles est rapportée par l’un des essayeurs à un titre au-dessous de celui qui aura été déterminé par la loi. Art. 19. « Si, par le résultat de l’examen auquel les espèces rassemblées pour servir au jugement de révision, seront soumises en exécution de l’article 5, le graveur général déclare que le faillage de poids de plusieurs de ces espèces ne provient pas du frottement qu’elles ont éprouvé dans la circulation, ou que ce frottement n’a influé que partiellement sur ce faiblage, en sorte qu’il paraisse notoire qu’elles n’avaient pas le poids requis par la loi lorsqu’elles ont été délivrées au directeur, le commissaire du roi, qui aura procédé à leur délivrance, sera averii d’apporter, à l’avenir, plus d’attention dans l’exercice de ses fonctions. Si cette contravention se renouvelle une seconde fois dans l’espace de 5 années, il sera suspendu de ses fonctions pendant 3 mois, et pendant ce même temps privé de son traitement. Si, dans le même espace de 5 années, il tombe trois fois dans la même contravention, il sera révoqué à la troisième fois. Art. 20. «• II sera dressé procès-verbal de toutes les opérations auxquelles la vérification du travail de la fabrication donnera lieu ; le garde des dépôts sera tenu d’en délivrer une expédition à la personne qui sera chargée des détails de la comptabilité des directeurs des monnaies, et de suivre la rentrée de leurs débets. Il fera de plus parvenir, dans le plus court délai possible, à chacun de ces directeurs, un extrait dudit procès-verbal, contenant l’article du jugement de leur travail, afin qu’ils aient à s’y conformer. » (Ce décret est adopté.) M. le Président. Messieurs, vous avez décrété au commencement de cette séance que vous vous occuperiez à midi d'une motion proposée par M. Goupil-Préfeln, ainsi que de celles qui ont été faites par d’autres membres, relativement à {'affaire d'Avignon. (Oui! oui!) (La discussion est ouverte sur cet objet.) M. Goupil-Préfeln. Dans la discussion qui eut lieu hier au sujet de l’affaire d’Avignon, vous n’avez sûrement pas oublié que quelques honorables membres, en très petit nombre, ont montré un désir très vif et bien empressé de saisir cette occasion, afin d’éteindre pour toujours les droits de la nation française sur Avignon et le Comtat Venaissin. Vous savez aussi, Messieurs, et c’est avec confiance que j’interpelle sur cela le senti» ment de vos consciences, que cette vue, injuste et j’ose dire impatriotique, vous ne l’avez pas adoptée. 11 ne faut donc pas que l’on puisse abuser, pour aller ainsi contre vos vues, du décret que vous avez rendu hier. Il est donc important, il est indispensable de fixer la véritable nature de ce décret. Est-ce un jugement, est-ce un décret, est-ce une simple résolution? Voilà ce que vous avez à décider. (Rires à droite.) Ce ne peut pas être un traité; la chose est évidente et parie d’elle-même. Un traité est une convention ; personne ne fait une convention avec lui-même. Pour faire un traité, pour faire une convention, il faut être deux, et il n’y avait ici personne de la part du pape. Ce n’est pas un jugement; parce que pour un jugement il faut être trois, un juge et deux parties, dont une demande le jugement, et l’autre, si elle n’a pas éié présentée, a du moins été ajournée. Je vais droit au but par rapport au jugement. C’est une maxime simple, qui est reçue dans le droit public, que la chose jugée doit passer pour la vérité même, et ne doit plus être mise en question. Quant aux conventions, la grande règle de justice, en cette matière, c’est qu’elles soient, dans leur formation, volontaires; mais qu’une fois valablement faites, l’exécution en devient nécessaire. Il n’en est pas de même d’une résolution. Permettez-moi, Messieurs, de rendre ceci sensible par une comparaison frappante. Je crois avoir des droits à la charge d’un de nos concitoyens ; j’exanoine ces droits par moi-même ; j’interroge sur cela les lumières des jurisconsultes, sous les yeux desquels je mets les actes, les do- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 mai 1731.] 45g cumenls qui déterminent la loi. Le résultat de l’examen que j’ai fait et que je fais faire est que je suis persuadé que je me crois mal fondé à attenter à cette propriété. En conséquence, je me détermine à ne point intenter d’action. Voilà une résolution; mais quelqu’un plus instruit que moi me découvre 6 mois, un an après, que j’ai un moyen très solide, très fondé, et que ma prétention est juste. Je la fais examiner de nouveau; j’intente cette action; pourra-t-on opposer comme tin de non-recevoir à l’action que j’ai intentée, que j’avais pris une résolution? Non, ma résolution m’apnartient en propre; elle ne concerne que moi. Permettez-moi, Messieurs, de proposer à votre justice et à votre patriotisme une dernière observation. Vous voyez combien le roi, justement attentif à la conservation des droits de la monarchie, met d’intérêt et de sollicitude à cette question importante. Il a compris qu’il était de� son patriotisme, de son office royal, de l’intérêt qu’il doit au droit légitime de la nation, de recevoir et de vous faire donner communication par son ministre, de la lettre des officiers municipaux d’Avignon. Je ne prétends pas, Messieurs, rentrer dans le fond de la discussion. Je n’irai point réfuter un opinant qui vous a dit que, par le traité de Pise, tout a été éteint; comme si nous ne savions pas que, depuis le traité de Pise, Louis XIV qui l’avait fait, exerça des droits en 1688. J’ai l’honneur de vous proposer la déclaration suivante. « L’Assemblée nationale décrète que son décret du jour d’hier 24 de ce mois, concernant la ville d’Avignon et le Comfat Venaissin, n’a et ne peut avoir que la valeur d’une résolution actuelle, par laquelle il n’a été et n’a pu êtrè en rien préjudicié aux droits de la nation française sur la ville d’Avignon et sur le Comtat Venaissin, lesquels droits demeurent en tout leur entier, tels qu’il étaient avant ledit décret. » M. de Tracy. Je ne m’éloigne pas du principe du préopinant, mais je n’en tire pas la même conclusion. Je vais avoir l’honneur de vous soumettre un projetée décret fort court, que je vais motiver par quelques raisons très courtes. L’affaire d’Avignon a été soumise à votre délibération, et vous a coûté plus de temps que vous n’en auriez employé aux intérêts de la France. Cependant, quel est le résultat de ces discussions : ce sont deux mesures négatives, c’est-à-dire rien. Car tous les d ux appels nominaux ont rejeté les deux projets de décrets proposés; l’on n’en a pas mis d’autre à la place; donc le résultat est purement et simplement zéro. ( Applaudissements à gauche ; rires à droite.) Je le répète, vous n’avez fait jusqu’à présent que rejeter ce qui vous a été proposé et rien autre chose. Un mal, et un mal malheureusement contagieux, existe dans cette province, il faut donc y porter remède. On ne rémédie pas avec des mesures négatives à un mal existant; il faut des mesures positives. Il y avait une façon d’y rémédier, c’était de vous emparer de l’Etat d’Avignon. ( Rires à droite.)... Messieurs, je ne suis dans ce moment qu’historien. M. Lucas. Messieurs, on devrait intituler le décret d’hier ; projet de contre-révolution. M. de Tracy. Cette manière d’apaiser les troubles, vous l’avez rejetée, il faut donc en prendre une autre. Voici celle que je propose : « L’Assemblée nationale charge son président de prier le roi : « 1° De réclamer tous les Français qui ont pris parti dans l’une ou l’autre des deux armées, et de faire à cet effet une proclamation qui fixe un délai et assure une amnistie aux militaires français qui rentreront dans le délai prescrit, et qui déclare déserteurs à l’étranger ceux qui ne rentreraient pas; «... » Voilà pour éteindre une bonne partie du feu. « 2' D’employer les forces qui sont en son pouvoir, pour empêcher que les troupes, qui se font la guerre dans le Comtat Venaissin, fassent aucune irruption sur le territoire de France ;...» Il me paraît que c’est une bonne précaution à prendre. « 3° De faire poursuivre et punir comme em-baucheur tout homme qui ferait en France des recrues, soit pour uu parti, soit pour l’autre;...» ( Applaudissements à droite.) Ces trois mesures-là, Messieurs, me paraissent incontestables. Sur la quatrième, je pense de même ; toutefois il peut y avoir dissentiment. Je la soumets à vos lumières ; la voici : » 4“ D’envoyer des médiateurs qui interposent les bons offices de la France entre les Avigno-nais et lesGomtadins, et fassent leurs efforts pour les amener à la cessation de toute hostilité, comme un provisoire nécessaire avant de prendre aucun parti ultérieur. (Murmures à droite.) M. Charles de Lameth. Monsieur le Président, je demande la parole. M. le Président. M. Garat l’aîné doit l’avoir avant vous. M. de Tracy. Je propose d’ajouter, si l’on veut, au dernier paragraphe de ma motion après les mots : « avant de prendre aucun parti ultérieur », ceux-ci : « relativement aux droits de la France sur ces pays ». (Applaudissements.)... Bon I (Rires à droite.) M. Charles de Lameth. Je ne veux pas prendre la parole à M. Garat, Monsieur le Président, puisque vous m’avez dit qu’elle était à lui avant moi; mais je demande à observer qu’il faudrait mettre de l’ordre dans la discussion pour pouvoir parvenir plus tôt à un résultat. Deux propositions très distinctes ont été faites; l’une par M. Goupil-Préfeln, l’autre par M. de Tracy. M. de Tracy propose des mesures; M. Goupil, au contraire, propose avant toute mesure, une déclaration qu’il est important d’admettre ou de rejeter tout de suite, et je crois que si l’Assemblée nationale réfléchit un moment sur cette déclaration de M. Goupil, il ne se rencontrera d’opposition que chez ceux qui veulent absolument que l’Assemblée nationale se perde à jamais de réputation. (Applaudissements à gauche etdansles tribunes. — Rires à droite.)... Les ennemis de notre Révolution et de noire Constitution... M. Garat, l'aîné. M. de Lameth entre dans le fond de la question en demandant la parole sur une question d’ordre, et il y entre d’une manière trompeuse. M. Charles de Lameth. Monsieur le Président, vous êtes juge et certainement juge impartial... M. Garat, l’aîné. M. le Président n’est point juge.