[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 juillet 1790.] 471 sera et demeurera comme non-avenue, et il ne pourra être fait droit que sur les frais des procédures antérieures à cette époque. » (L'Assemblée ordonne l’impression du rapport et du décret.) M. d’Esdaibes (ci-devant comte), député de Chaumont, prie l’Assemblée de vouloir bien lui accorder un congé pour affaires pressantes. II observe que. cette absence sera la première qu’il se sera permise. L’Assemblée accorde le congé. M. Merlin, au nom du comité d’aliénation, fait ensuite un second rapport sur le droit d’écart (11. Messieurs, le même motif qui a porté votre comité de l’aliénation des biens nationaux à vous proposer l’abolition du retrait de bourgeoisie, du retrait de communion et du retrait lignager, lui fait encore une loi de vous proposer celle du droit d’écart ou boute-hors; droit vraiment absurde et barbare, que plusieurs villes des provinces belgiques sont en possession de lever sur les biens qui passent des mains d’un bourgeois entre celles d’un forain ou non bourgeois. Ce droit consiste à Douai, à Lille, àBergues, à Gassel, à Bailleul, à Merville, à Honschotte, à Bourbourg, A Bapaume, à Seclin, à la Bassée et à Gomines, dans le dixième de la valeur ou du prix des biens sur lesquels on l’exerce; — à Arras, dans le quart des immeubles, et dans la moitié des meubles et des rentes ; — à Aire, dans le cinquième denier; à Béthune, dans le septième; — à Saint-Omer, dans le huitième. — La coutume d’Orchies le porte à huit pour cent ; — celle du pays de Langle le borne au douzième denier; — et celle de la Gorgue au treizième. Les cas où il y a ouverture à ce droit ne sont pas les mêmes d’ans toutes les villes dont je viens de parler. Mais assez généralement ils se réduisent à quatre, qui sont la perte de la bourgeoisie, la succession d’un bourgeois dévolue à un forain, le mariage contracté entre deux personnes dont l’une est bourgeoise et l’autre étrangère, et enfin l’aliénation entre-vifs. Ainsi: 1° à Bourbourg, à Bergues, à la Gorgue et à Orchies, tout bomme qui a encouru la privation de son droit de bourgeoisie, même par le seul changement de domicile, est obligé de payer à la ville dont il cesse d’être bourgeois, le dixième de la valeur de ses biens; — et par conséquent celui qui, étant bourgeois de l’une de ces quatre villes, y acquerrait aujourd’hui des biens nationaux, ne pourrait demain quitter ces villes et cesser d’en être bourgeois, qu’en leur payant le dixième de ce qu’il aurait acquis dans leur enceinte. Ainsi : 2° dans toutes les villes de Flandre et d’Artois, où a lieu le droit d’écart, il y a ouverture à ce droit toutes les fois qu’un étranger succède à un bourgeois ; — et par conséquent, si mon frère, bourgeois d’Arras, par exemple, acquiert en cette ville des biens nationaux, et vient à mourir sans enfants, le quart de ses biens sera confisqué sur moi par la commune d’Arras, parce que, quoi qu’héritier de mon frère, je ne suis pas bourgeois de cette ville. Ainsi: 3Q àDouay, à la Bassée, à Bergues, les biens qu’une bourgeoise apporte en mariage à un forain, sont soumis au droit d’écart ; — et par (t) Le Moniteur contient la simple mention de ce rapport. conséquent si, sans être bourgeois de l’une de ces villes, j’y épouse une femme qui a précédemment acquis ou hérité de ses parents des biens nationaux, le dixième de ces biens appartiendra à la commune. Ainsi: 4° dans les mêmes villes, comme dans celles de la Gorgue, d’Honschotte, d’Orchies, de Gomines, de Seclin, et dans le pays de Langle, l’écart a lieu toutes les fois qu’un forain vend ou transporte d’une manière quelconque, non seulement à un bourgeois, mais encore à un autre forain ; — et par conséquent, si, après avoir acheté des biens nationaux dans celle de ces villes dont je ne suis pas bourgeois, il me prend envie de les vendre, ou même de les donner, l’écart en est dû à la ville elle-même, soit que je donne ou vende à un étranger, soit que je donne ou vende à un bourgeois. Vous sentez, Messieurs, combien toutes ces dispositions barbares peuvent nuire à la vente deS biens nationaux, et de quelle importance il est pour vous de détruire les obstacles qu’elles pourraient apporter tant à la prompte aliénation de ces biens, qu’à la grande concurrence des acheteurs, seul moyen de les faire monter à leur véritable prix. Je ne m’arrêterai donc pas à vous prouver qu’abroger ces dispositions serait, de votre part, une loi utile ; je me borne à établir que ce serait une loi juste, et je n’ai pas besoin de grands efforts pour y parvenir. Pour que l’abrogation du droit d’écart ne fût pas un acte de justice, il faudrait que ce droit fût, pour les villes qui l’exercent actuellement, une véritable propriété ; c’est-à-dire qu’il fût le prix et la condition primitive d’une concession de fonds qu’elles auraient faite à leurs habitants. Or, il est évident que ce n’est point là le caractère du droit d’écart. Une ville ne peut pas avoir existé avant ses habitants : il est donc impossible que toutes les propriétés des habitants ne soient que des concessions de la ville elle-même; et, dès lors, comment le droit d’écart serait-il une émanation de la propriété foncière ? — Je le dis avec confiance, il ne l’est pas, il ne peut pas l’être; et je suis d’autant plus ferme dans mon opinion, qu’elle m’est commune avec tous les auteurs Allemands, Hollandais et Flamands qui ont écrit sur ce droit. Ges auteurs nous indiquent d’ailleurs sa véritable origine ; ils nous le montrent dérivant de l’obligation qu’avaient anciennement les habitants d’un même lieu, de se défendre respectivement des attaques de leurs voisins. Vous le savez, Messieurs, les guerres privées étaient tellement dans les mœurs de nos pères, que nos rois n’ont pu arrêter ce désordre que très tard ; et elles avaient lieu, non seulement de famille à famille, mais encore de village à village, de ville à ville, de province à province. De là ces confédérations qui liaient entre eux tous les habitants de chaque lieu; de là le soin qu’on prit d’empêcher que les biens des membres de chaque confédération ne passassent dans des mains étrangères ; de là le retrait de bourgeoisie que vous avez abrogé par votre décret du 13 juin ; de là enfin le droit d’écart dont nous vous proposons aujourd’hui de prononcer également l’abolition. 11 est si vrai que telle est l’origine du droit d’écart, il est si yrai qu’on ne doit le considérer que comme un lien imaginé pour resserrer de plus en plus les anciennes confédérations, qu’ac- j 72 lAisemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |n juillet 1790.] tuellement encore les villes qui jouissent de ce droit, ne l’exercent pas contre les bourgeois des villes avec lesquelles elles se sont jadis confédérées. L’article 3 du titre XVII de la coutume de Bourbourg est, là dessus, très formel; il exempte du droit d’écart les biens des bourgeois qui se retirent de la ville pour aller demeurer dans un lieu confédéré. La coutume deBergues, qui nous présente la même disposition, a soin d’indiquer, titre V, article 25, les villes avec lesquelles elle est en confédération, et Bourbourg est de ce nombre. Il est donc bien clair que si le droit d’écart a eu, dans son origine, un motif sage et politique, il n’a plus aujourd’hui de cause, et ne peut plus être regardé que comme une exaction. C’est ce qui engage votre comité à vous proposer de l’abolir de la même manière que vous avez aboli le droit de franc-fief, c’est-à-dire avec un effet rétroactif qui embrasse toutes les poursuites et toutes les recherches qui auraient été faites jusqu’à présent, ou pourraient être faites à l’avenir, pour raisons d’arrérages et d’échéances de ce droit. C’est l’objet du décret suivant : « L’Assemblée nationale supprime le droit connu, dans le département du Nord et du Pas-de-Calais, sous le nom d 'écart, escasse ou boutte-hors , et éteint toutes les procédures, poursuites ou recherches qui auraient ces droits pour objet. » M. Martineau demande que les droits de late et d ’inquant, qui ont lieu dans les départements de l’ancienne Provence , soient regardés comme compris dans la suppression. L’Assemblée ordonne le renvoi de cette demande au comité des domaines et au comité des impositions. Le décret est ensuite adopté dans les termes proposés par le rapporteur du comité d’aliénation. L’ordre du jour est la discussion du projet de décret sur la limite des fonctions et des attributions du comité de liquidation (1). M. de Batz, rapporteur , donne lecture de l’article 1er ainsi conçu : L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation sur la nécessité de fixer d’une manière précise les pouvoirs de ce comité et de déterminer les fonctions qui lui sont attribuées, a décrété ce qui suit: Art. 1er. « L’Assemblée nationale décrète, comme principe constitutionnel, quenulle créance arriérée ne peut être admise parmi les dettes de l’Etat, qu’en vertu d’un décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le roi. M. Démeunler. Je propose une nouvelle rédaction de l’article premier, plus large que celle du comité, la voici : Art. 1er. « L’Assemblée nationale décrète, comme principe constitutionnel, que nulle créance sur le Trésor public ne peut être admise parmi les dettes de l’État, qu’en vertu d’un décret de l’Assemblée nationale, sanctionné par le roi.» (Cette rédaction est mise aux voix et adoptée.) M. de Batz, rapporteur, lit l’article 2 en ces termes : (1) Voyez le rapport de M. de Batz, séance du 3 juillet 1790. Archives Parlementaires. Tome XVI, p. 679. Art. 2. « Eu exécution du décret sanctionné du 22 janvier, et de la décision du 15 février dernier, aucunes créances arriérées ne seront présentées à l’Assemblée nationale pour être liquidées, gu’après avoir été soumises à l’examen du comité de liquidation ; mais, néanmoins, les vérifications et apurements des comptes continueront à s’effectuer comme ci-devant, suivant la forme ordinaire, et devant les tribunaux à ce compétents ; l’Assemblée nationale n’entend, quant à présent, rien innover à ce sujet. » M. de Custine. Je propose d’ajouter que les rapports du comité de liquidation ne pourront être discutés dans l’Assemblée, qu’ils n’aient été imprimés et distribués 15 jours auparavant. M. Démeunler. L’article me paraît autoriser d’une manière trop vague la chambre des comptes à vérifier et à apurer les comptes. Je proposerais de dire : Les vérifications et apurements des comptes dont les chambres des comptes et autres tribunaux peuvent être actuellement saisis, continueront provisoirement et jusqu’à la nouvelle organisation des tribunaux. M. Merlfu. Le comité de liquidation ne devrait être autorisé qu’à examiner les créances revêtues d’une décision favorable. M. Lavie. J’appuie d’autant plus volontiers cette proposition, que je sais qu’on a offert deux cent mille livres à un membre du comité, pour appuyer une réclamation. M. l’abbé Gouttes. Votre comité de liquidation s’est déterminé à vous proposer l’article, tel qu’il vient de vous être lu, par la conviction que des créanciers illégitimes pourraient vouloir vous faire revenir contre des arrêts du conseil, rendus avec une parfaite équité. Les créanciers, pour fournitures de fourrages dans les guerres d’Allemagne, ont eu l’imprudence de m’offrir deux cent mille livres pour appuyer leurs réclamations. Le conseil, convaincu de leur illégitimité, n’a pas balancé d’écarter leurs demandes. J’ai été dans les bureaux avec tous les commis, j’ai examiné, et je suis convaincu qu’il a très bien fait. M. d’Estourmel. Il n’y a qu’un moyen d’éviter toutes les réclamations ; c’est d’ajouter à l’article : visé par l'ordonnateur du département dont ces dettes font partie. M. Charles de Cameth. Gomme les décisions qui vont intervenir sont de la plus haute importance, je voudrais que le comité de liquidation ne pût arrêter aucun projet de décret, qu’en présence des deux tiers de ses membres. Nous donnons toute notre confiance à nos comités, mais du moins faut-il être sûr que ce qu’ils nous proposent a été consenti par un nombre de membres suffisant. M. de Foucault. Si l’on exigeait des comités qu’ils fussent toujours presque complets pour prendre des délibérations, vous verriez retarder vos travaux. Je demande l’exécution, à la rigueur, du décret qui ordonne qu’on ne pourra être en même temps membre de deux comités. M. Ce Chapelier. Je trouve l’observation de M. de Lameth très juste, et je m’y joins pour l’appuyer. Mais il ne faut pas trop lui donner