[28 octobre 4789.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 596 (Assemblée nationale.] M. Guillaume propose de déterminer de combien de temps la dotation doit avoir précédé la faillite. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur cette proposition. Le fond de la troisième partie de la motion de M. de Mirabeau est également renvoyé au comité de rédaction, après avoir été décrété en ces termes : « Ceux qui auront fait cesser les clauses d’exclusion portées aux articles ci-dessus rentreront dans leurs droits. » M. de Deaumetz. Il ne suffit pas de faire de bonnes lois, il faut encore en préparer les moyens d’exécution. 11 s’agit donc de décider par qui et en quelle forme les clauses d’exclusion seront proposées et jugées. J’en fais expressément la motion. L’Assemblée reconnaît qu’il n’y a pas lieu à délibérer quant à présent. La partie suivante de la motion exclut les personnes interdites et reprises de justice, après l'âge de vingt-cinq ans. Elle donne lieu à quelque discussion ; l’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article proposé. M. Barère de "Vleuzac. Je crois qu’il est injuste d’exclure un homme parce qu’il serait dans les liens d’un décret d’ajournement personnel. Notre code, tout entaché, tout vicieux qu’il est, peut encore subsister quelque temps. Avant que vous ayez remédié aux énormes abus dont il est rempli, il peut arriver qu’un homme vertueux et capable soit dans les liens d’un ajournement personnel, et ce par la défectuosité de notre code. Je demande, par exemple, si vous jugeriez l'auteur du Contrat social indigne de siéger avec vous parce qu’il aurait été décrété d’ajournement personnel par le parlement de Paris. M. le comte de Mirabeau. Pendant que vous vous occupez des conditions à exiger pour être électeur ou éligible, je vous propose de consacrer une idée qui m’a paru très-simple et très-noble, et que je trouve indiquée dans un écrit publié récemment par un de nos collègues (1). Il propose d’attribuer aux assemblées primaires la fonction d’inscrire solennellement les hommes qui auront atteint l’âge de vingt et un ans sur le tableau des citoyens, et c’est ce qu’il appelle l’inscription civique. Ce n’est point le moment d’entrer dans cette question vaste et profonde d’une éducation civique, réclamée aujourd’hui par tous les hommes éclairés, et dont nous devons l’exemple à l’Europe. Il suffit à mon but de vous rappeler qu’il est important de montrer à la jeunesse les rapports qu’elle soutient avec la patrie, de se saisir de bonne heure des mouvements du cœur humain pour les diriger au bien général, et d’attacher aux premières affections de l’homme les anneaux de celte chaîne qui doit lier toute son existence à l’obéissance des lois et aux devoirs du citoyen. Je n’ai besoin que d’énoncer cette vérité. La patrie, en revêtant d’un caractère de solennité l’adoption de ses enfants, imprime plus profondément dans leur cœur le prix de ses bienfaits et la force de leurs obligations. (1) M. l’abbé Sieyès. L’idée d’une inscription civique n’est pas nouvelle; je la crois même aussi ancienne que les constitutions des peuples libres. Les Athéniens, en particulier, qui avaient si bien connu tout le parti qu’on pouvait tirer des forces morales de l’homme, avaient réglé par une loi que les jeunes gens, après un service militaire de deux années, espèce de noviciat où tous étaient égaux, où tous apprenaient à porter docilement le joug de la subordination légale, étaient inscrits à l’âge de vingt ans sur le rôle des citoyens. C’était pour les familles et pour les tribus une réjouissance publique, et pour les nouveaux citoyens un grand jour: ils juraient au pied des autels de vivre et de mourir pour les lois de la patrie. Les effets de ces institutions ne sont bien sentis que par ceux qui ont étudié les véritables crises du cœur humain ; ils savent qu’il est plus important de donner aux hommes des mœurs et des habitudes que des lois et des tribunaux. La langue des signes est la vraie langue des législateurs. Tracer une constitution, c’est peu de chose ; le grand art est d’approprier les hommes à la loi qu’ils doivent chérir. Si vous consacrez !e projet que je vous propose, vous pourrez vous en servir dans le Gode pénal, en déterminant qu’une des peines les plus graves pour les fautes de la jeunesse sera la suspension de son droit à l’inscription civique, et l’humiliation d’un retard pour deux, trois ou même cinq années. Une peine de cette nature est heureusement assortie aux erreurs de cet âge, plutôt frivole que corrompu, qu’il ne faut ni flétrir comme on l’a fait trop longtemps, par des punitions arbitraires, ni laisser sans frein, comme il arrive aussi quand les lois sont trop rigoureuses. Qu’on imagine combien, dans l’âge de l’émulation, la terreur d’une exclusion publique agirait avec énergie, et comment elle ferait de l’éducation le premier intérêt des familles. Si la punition qui résulterait de ce retard paraissait un jour trop sévère, ce serait une grande preuve de la bonté de notre constitution politique; vous auriez rendu l’état de citoyen si honorable, qu’il serait devenu la première des ambitions. Je n’ai pas besoin d’ajouter qu’il sera nécessaire de donner à cette adoption de la patrie la plus grande solennité; mais je le dirai: voilà les fêtes qui conviennent désormais à un peuple libre; voilà les cérémonies patriotiques, et par conséquent religieuses, qui doivent rappeler aux hommes, d’une manière éclatante, leurs droits et leurs devoirs. Tout y parlera d’égalité; toutes les distinctions s’effaceront devant le caractère de citoyen: on ne verra que les lois et la patrie. Je désirerais que ce serment, rendu plus auguste 4 par un grand concours de témoins, fût le seul auquel un citoyen français pût être appelé: il embrasse tout; et en demander un autre, c’est supposer un parjure. Je propose donc le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’après l’organisation des municipalités, les assemblées primaires seront chargées de former un tableau des 4 citoyens, et d’y inscrire à un jour marqué, par ordre d’âge, tous les citoyens qui auront atteint l’âge de vingt et un ans, après leur avoir fait prêter le serment de fidélité aux lois de l’Etat et au Roi. Et nul ne pourra être ni électeur, ni éligible dans les assemblées primaires, qu’il n’ait été inscrit sur ce tableau. » Cette proposition est adoptée pour ainsi dire par acclamation. 597 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 octobre 1789.] M. Target propose de discuter l’article 10, à cause de son analogie avec ceux qui ont déjà été décrétés. ~ Voici cet article : « Pour être éligible à l’assemblée communale, ainsi qu’à celle du département, il faudra réunir aux conditions d’électeur, c’est-à-dire à celles de citoyen actif, celle de payer une contribution directe plus forte. Cette contribution se montera au moins à la valeur locale de dix journées de travail. » M. Dupont (de Nemours ), La seule qualité nécessaire pour être éligible doit être celle-ci : paraître aux électeurs propre à faire leurs affaires. « Eli ! pourrait-on leur dire, vous croyez à M. un tel toutes les qualités, tous les talents qui peuvent mériter votre confiance ; il ne les a pas, parce que sa contribution directe ne s’élève pas au prix de dix journées de travail. » Je pense, et * j’ai toujours pensé, que la capacité devait suffire, et que, pour être élu, il ue fallait qu’être choisi. M. le comte de Tirîeu pense que, l’élu appartenant, non aux électeurs, mais à la nation entière, la nation peut imposer telle condition qu’ellejugera convenable. Il regrette que l’on n’ait pas exigé la qualité de propriétaire, et réclame ce principe pour base de toute représentation. Un membre observe que, l’établissement des assemblées communales n’etant pas décrété, ce mot ne doit pas être employé dans l’article. M. Target. On peut le remplacer par celui-ci: assemblées intermediaires. M. Bouche. Il faut dès lors ôter l’expression assemblée primaire de tous les articles où elle se trouve. M. Démeunier. Il est impossible qu’il n’y ait pas d’assemblées primaires: ces mots désignent les premières assemblées, quelle que soit leur composition. L’article est décrété, sauf la rédaction, et avec le changement de l’expression assemblées commu-* nale et de département , en celle-ci : assemblées intermédiaires. On interrompt ici la discussion, conformément à la décision prise au commencement de la séance. M» le Président annonce que des députés du district de Saint-Martin-des-Ghamps demandent à x être reçus pour faire connaître l’arrêté relatif à la > loi martiale, et dénoncé dans une des précédentes séances. Le décret par lequel il a été statué qu’on ne recevrait que les députations de la commune est rappelé, et l’Assemblée décide qu’il n’v a pas lieu à délibérer sur une dérogation à ce décret. Sur la représentation faite par M. le président, que des passe-porls ont été accordés à des per-t sonnes étrangères aux députés, l’Assemblée proscrit cet usage. M. l’abbé Thibault, curé de Souppes, offre, de la part de M. de Limon, contrôleur des finances deM. le duc d’Orléans, 182 marcs d’argent, et annonce que ce particulier fera [gratuitement remise des rentes foncières que lui doivent ses vassaux, et renoncera à tous ses droits féodaux, si les seigneurs suzerains se soumettent à la même renon-r dation. M. Te Bois-Desguays expose que la municipalité de ..... n’a pas encore reçu le décret sur les subsistances ; il demande quel a donc été l’effet de la délibération par laquelle il a été arrêté que le Roi serait prié d’en ordonner l’envoi. M. Tréteau, ancien président, J’ai porté cette délibération au Roi, qui a promis de faire connaître ses intentions. L’Assemblée autorise M. Je président à se retirer vers le Roi pour solliciter de nouveau l’exécution de ce décret. M. Cigongne, député d'Anjou , rappelle les faits qui nécessitent la suppression de la gabelle dans sa province, et présente un projet de remplacement de cet impôt. L’Assemblée ordonne que ce projet sera remis au comité des finances, qui se réunira aux députés d’Anjou pour se concerter avec M. Necker à ce sujet. M. Rousselet rend compte, au nom du comité des rapports, de lettres écrites par deux religieux et une religieuse, pour demander que l’Assemblée s’explique sur l’émission des vœux ; il propose de défendre les vœux monastiques perpétuels. M. Target demande l’ajournement du fond, et présente le décret suivant : « Oui le rapport _____ l’Assemblée ajourne la question sur l’émission des vœux, et cependant, et par provision, décrète que l’émission des vœux sera suspendue dans les monastères de l’un et de l’autre sexe. » Plusieurs ecclésiastiques représentent que la suspension provisoire juge la question, et réclament l’exécution du règlement qui exige trois jours de discussion pour les matières importantes. Le décret proposé par M. Target est adopté. M. le maire de Paris est introduit; il rend compte d’un événement arrivé ce malin à Ver-non. Le sieur Planter, habitant de cette ville, chargé des approvisionnements de Paris, a été saisi par le peuple, qui a voulu le pendre. La corde a cassé deux fois ; ce citoyen n’est pas mort, et l’on s’efforce en ce moment à le soustraire aux fureurs de la populace. Des troupes vont être envoyées à son secours ; mais elles ne peuvent arriver qu’à cinq heures. Une lettre de l’Assemblée pourrait rétablir le calme et sauver le sieur Planter. Il ne s’agit pas seulement de garantir la vie de ce citoyen , il faut encore ordonner une punition exemplaire pour réprimer des fureurs qui s’étendent sur tous les approvisionneurs. L’Assemblée autorise le juge de Vernon à informer, et décrète que le président écrira à cette ville sur-le-champ, et qu’il se concertera avec le pouvoir exécutif pour l’exécution des lois. La séance est levée à quatre heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CAMUS. Séance du jeudi 29 octobre 1789 (1). Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.