SÉANCE DU 28 THERMIDOR AN II (15 AOÛT 1794) - N08 57-60 119 autre certificat du conseil d’administration du régiment, et son congé absolu, en date du 10 germinal dernier, visés par le commissaire des guerres, qui attestent que, depuis le 10 mai 1786 jusqu’au 10 germinal, il s’est toujours conduit avec honneur et probité et qu’il n’a cessé de -donner des preuves d’une bravoure exemplaire et du civisme le plus épuré; que son congé lui a été délivré parce qu’il est hors d’état de continuer son service, à cause d’un coup de sabre qu’il a reçu, le 6 frimaire dernier, dans une charge que le régiment a faite à Nendoff contre les cuirassiers hongrois, qui lui a coupé la plus grande partie des tendons des doigts de la main droite à leur passage près le ligament annulaire, et le mouvement du poignet étant perdu : Décrète que, sur le vu du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Hippolyte Bergue la somme de 400 liv. de secours provisoire; renvoie la pétition de ce brave militaire, avec les 3 pièces y jointes, au comité de liquidation pour déterminer les secours et la pension auxquels il a droit par les bons services qu’il a rendus à la patrie (1). 57 La Convention nationale, sur la proposition d’un membre [LE COINTRE (de Versailles)], renvoie la demande des militaires détenus dans les prisons d’Arras, et depuis transférés dans celles d’Ypres, à la commission chargée du mouvement des troupes de terre, pour faire exécuter le décret du 18 messidor qui ordonnoit leur prompte mise en jugement devant le tribunal militaire d’Arras (2). 58 Sur l’observation d’un membre [LE COINTRE (de Versailles)]que les représen-tans du peuple Bourdon (de l’Oise), Charles Duval, Audouin, surchargés d’occupations, et Perrin, actuellement en mission, ne peuvent se livrer aux travaux de la commission chargée de la levée des scellés apposés sur les papiers des conspirateurs et de leurs complices, la Convention nationale, sur la proposition du bureau, nomme, pour les remplacer, les représentans du peuple Legaux [sic pour Legot], Le Tourneur (de la (1) P.V., XLIII, 240-241. Rapport de Sallengros. Décret n° 10 407. Moniteur (réimpr.), XXI, 498-499; Débats, n° 694, 490-491; M.U., XLII, 477-478. (2) P.V., XLIII, 241. Rapport de Le Cointre (de Versailles). Décret n° 10 415. Moniteur (réimpr.), XXI, 498; Débats, n° 694, 491. M.U., XLII, 476. Sart[h]e), Espert (de l’Ariège) et Izès [sic pour Dyzez] (1). 59 La société populaire de Machecoul (2) écrit à la Convention nationale : « Encore une fois vous avez sauvé la République ! Recevez l’hommage de notre reconnois-sance; elle est celle d’hommes libres, dont les cœurs sont [sic pour sententjle prix de vos travaux, et n’exprime[nt] que la vérité ». Mention honorable, insertion au bulletin (3). [La sté républicaine et montagnarde de Machecoul, à la Conv.; Machecoul, 20 therm. II] (4) Citoyens représentants, Encore une fois vous avez sauvé la patrie. Recevez l’hommage de notre reconnoissance. Elle est celle d’hommes libres dont le cœur sent le prix de vos travaux et n’exprime que la vérité. Continuez, par votre énergie et votre attitude majestueuse, à terrasser touts les ennemis de la République. Nous attendons de vous la destruction prochaine des brigands qui souillent encore le territoire de la Vendée. Il exista toujours un pacte d’alliance entre les brigands, les intrigants et les traîtres. Lorsque ceux-ci ont expié leurs forfaits, les autres doivent promptement disparoître du sol de la liberté. Tardiveau ( présid .), Musset ( secrét .) et une 3e signature (de secrétaire) illisible. 60 Le PRÉSIDENT : Le comité de salut public me prévient qu’il attend les ordres de la Convention pour l’introduction du ministre plénipotentiaire des Etats-Unis de l’Amérique. La Convention décrète son admission (5). Avant qu’il ne paroisse, LEQUINIO observe que c’est le représentant d’un peuple libre; qu’il ne peut être mieux placé qu’au milieu des représentans d’un autre peuple libre et qu’il ne doit point avoir de place marquée. (1) P.V., XLIII, 241. Rapport anonyme, selon C* II 20, p. 254. Décret n° 10 410. M.U., XLII, 461; J. Sablier, n° 1502; Moniteur (réimpr.), XXI, 498; Débats, n°694, 491; J. Fr., n° 690; J. Mont., n° 108; Ann. R.F., n° 256; J. Perlet, n° 692; J. S. -Culotte s, n°547; Gazette frise , n° 958; F. de la Républ., n° 407. (2) Loire-Inférieure. (3) P.V., XLIII, 241-242. (4) C 316, pl. 1267, p. 30. (5) Moniteur (réimpr.), XXI, 499. 120 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE On observe à LEQUINIO que le décret d’hier a pourvu à tout(l). Le ministre entre dans la salle, accompagné des secrétaires de légation (2). Il entre, accompagné du commissaire des relations extérieures par la grande porte qui donne dans la salle de la liberté et se place en face du président (3). Des applaudissements s’élèvent de toutes les parties de la salle. On entend retentir de tous côtés les cris de vive la République ! (4). Son interprète et le secrétaire de légation étoient à ses côtés; sa famille étoit assise près de la barre (5). LE PRÉSIDENT : Le ministre américain ne parlant pas la langue française, un des secrétaires va donner lecture de la traduction de son discours et de ses lettres de créance. Un membre monte à la tribune (6). Le citoyen James Monroe, ministre plénipotentiaire des Etats-Unis d’Amérique près la République française, est admis dans la salle des séances de la Convention nationale; il prend place au milieu des représentans du peuple, et fait remettre au président, avec ses lettres de créance, la traduction d’un discours adressé à la Convention nationale; il est en fait lecture par un des secrétaires : les expressions de fraternité, d’union entre les deux peuples, et l’intérêt que prennent les Etats-Unis d’Amérique aux succès de la République française, sont entendus avec la plus vive sensiblilité et couverts d’applaudis-semens (7). Discours du ministre plénipotentiaire des Etats-Unis. Citoyen président et représentants du peuple français, mon admission dans cette assemblée, en présence de la nation française (car tous les citoyens de la France sont représentés ici), pour être reconnu comme le représentant de la République américaine, affecte ma sensiblité à un point que je ne puis exprimer. Je la considère comme une nouvelle preuve de l’amitié et de l’estime que la nation française a toujours témoignées à ses alliés les Etats-Unis d’Amérique. Les Républiques devraient se rapprocher les unes des autres. Sous beaucoup de rapports elles ont toutes le même intérêt; mais cette maxime est spécialement vraie à l’égard des Républiques américaine et française : leurs gouvernements ont une grande analogie; ils chérissent tous deux les mêmes principes et reposent sur les mêmes bases, les droits égaux et inaliénables de l’homme : même le souvenir des dangers communs augmentera leur harmonie et cimentera leur union. L’Amérique a eu (1) M.U., XLII, 463. (2) Moniteur (réimpr.), XXI, 499. (3) J. Paris , n° 593. (4) Moniteur (réimpr.), XXI, 499. (5) Débats, n°694, 491. (6) Moniteur (réimpr.), XXI, 499. Selon plusieurs journaux, la lecture des traductions a été effectuée par le représentant Collombel. (7) P.V., XLIII, 242. ses jours d’oppression, de difficultés et de guerre; mais ses enfants furent vertueux et braves, et l’orage qui a si longtemps obscurci son horizon politique s’est dissipé et l’a laissée dans la pleine jouissance de la paix et de l’indépendance. La France, notre alliée, notre amie, qui nous a assistés dans notre conflit, s’est de même élancée aujourd’hui dans cette carrière honorable; et je suis heureux d’ajouter ici que, tandis que la persévérance, la magnanimité et la valeur héroïque de ses troupes commandent l’admiration et les applaudissements du monde étonné, la sagesse et la fermeté de ses conseils promettent également les résultats les plus heureux. L’Amérique n’est pas spectatrice insensible de vos efforts dans la crise actuelle; je vous soumets, dans les déclarations de chaque département de notre gouvernement, déclarations fondées sur l’affection de la masse de nos citoyens, la preuve la plus convaincante de leur attachement sincère pour la liberté, la prospérité et le bonheur de la République française. Chaque branche du Congrès, conformément au mode de délibération qui y est établi, a requis le président de vous informer de ses dispositions, et, en remplissant le désir de ces deux branches, je suis chargé de vous déclarer que le président a exprimé ses propres sentiments. Les pouvoirs qui me sont confiés étant reconnus par vous, je me promets la plus grande satisfaction dans l’exercice de mes fonctions, parce que je suis intimement convaincu qu’en suivant les impulsions de mon propre cœur, en faisant des vœux pour le bonheur et la liberté de la nation française, j’exprime les sentiments de ma patrie, et qu’en faisant tout ce qui est en mon pouvoir pour conserver et perpétuer la bonne harmonie qui existe si heureusement entre les deux Républiques, je vais servir leurs intérêts mutuels. C’est vers ces grands objets que seront dirigés tous mes efforts; si j’ai le bonheur de me conduire de manière à mériter l’approbation des deux Républiques, je regarderai cet événement comme le plus heureux de ma vie, et je me retirerai dans la suite avec cette consolation qui est exclusivement le partage de ceux dont les intentions sont pures et qui servent la cause de la liberté. Signé James Monroe. (1) Un peuple immense étoit répandu dans toutes les parties de la salle et des tribunes; chaque mot, chaque phrase de l’adresse du ministre plénipotentiaire est couvert d’applaudissements et des cris réitérés de vivent les Etats-Unis de l’Amérique, vive la République ! L’ambassadeur, touché d’un si grand spectacle, laisse couler des larmes d’attendrissement (2). Lecture est aussi donnée des lettres de créance du citoyen Monroe, ainsi que de celles écrites par le Congrès américain, et par son président, à la Convention nationale et au comité de salut public (3). (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 499. (2) J. Paris, n° 593; J. Fr., n° 690. (3) P.V., XLIII, 242.