SÉNÉCHAUSSÉE D’ANJOU. DEMANDES ET DOLÉANCES DU CLERGÉ D’ANJOU (1). CHAPITRE Ier. DU ROYAUME EN GÉNÉRàL. Le clergé d’Anjou demande : 1° Que la religion catholique, apostolique et romaine, qui, dans tous les temps, a été la source de la gloire et de la prospérité de cet empire, y soit conservée et protégée, quelle jouisse seule du culte public et qu’il soit interdit à toute secte séparée de l’unité. 2° Que l'incrédulité qui conduit à l’oubli de tous les devoirs soit réprimée, que les écrivains licencieux qui attaquent la religion et les mœurs soient poursuivis comme fléaux de la tranquillité publique. 3° Que l’on renouvelle les anciennes ordonnances relatives à la sanctification des dimanches et fêtes,, si souvent profanés par le trafic et les œuvres serviles. Que le Gouvernement prenne des mesures exactes et sévères pour que des lois si essentielles dans un royaume catholique ne restent pas sans exécution. 4° Que les Etats généraux se tiennent tous les cinq ans et plus souvent si les besoins de l’Etat l’exigent. 5° Qu’avant tout, le déficit soit constaté, et rempli par le retranchement de toutes dépenses superflues, et autres moyens s’il est nécessaire. 6° Qu’aucun impôt ne puisse être créé, augmenté, ni perçu, et qu’il ne puisse être fait aucun emprunt que du consentement de la nation. 7° Que les ministres, chacun dans leur département, soient tenus de rendre un compte public des fonds qu’ils auront reçus et de leur emploi. 8° Qu’on examine à quel titre les pensions ont été accordées, et qu’on supprime celles qui auraient été surprises à la bonté du roi. 9° Que la maréchaussée, dont la réduction a été si funeste à la tranquillité publique, soit augmentée, et que les brigades soient rapprochées. 10° Que l’on augmente également la paye des soldats, et qu’ils soient employés aux travaux publics. 11° Que la forme du tirage des milices, soit de terre, soit de mer soit abolie, et qu’il soit suppléé par la caisse des Etats provinciaux. 12° Que le nombre des gouverneurs, commandants et lieutenan ts de roi des provinces, villes et châteaux, ainsi que leurs traitements, soient diminués, et qu’ils résident dans le lieu de leur commandement. 13° Qu’on détruise l’agiotage et les loteries qui, chaque année, dévouent à la misère et au désespoir un si grand nombre de victimes. 14° Qu’on prenne les moyens les plus sages et les plus efficaces pour éteindre la mendicité. 15° Que l’on s’occupe incessamment de la réforme du Gode civil et criminel et que les formes (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. judiciaires soient abrégées, simplifiées et rendues moins dispendieuses. 16° Que le droit de committimus soit aboli. 17° Que la liberté individuelle de tous les citoyens soit régulièrement respectée. 18° Que les propriétés des biens tant ecclésiastiques que laïques soient inviolablementconservées et qu’ils ne puissent être privés de l’une et de l’autre que par les lois. 19° Que l’ampliation des présidiaux, sollicitée depuis longtemps, soit accordée au vœu général, et que tous les tribunaux de province soient composés des trois ordres, dans la proportion des Etats généraux. 20° Qu’on ne puisse être jugé par des commissaires, mais par des juges reconnus de la nation et d’après les lois. 21° Qu’aucune charge ne donne la noblesse ; que cette prérogative ne soit jamais que le prix de la vertu et des services rendus à l’Etat. 22° Que les gentilshommes puissent exercer le commerce sans déroger. 23° Que le Gode des chasses soit réformé. Que les seigneurs soient tenus de faire faire tous les ans des battues pour détruire les bêtes fauves, et qu’ils ne puissent avoir des garennes qu’elles ne soient entourées de murs ; que tous les autres abus relatifs aux droits de chasse soient supprimés, et que les fuyes ouvertes soient détruites. 24° Que les plantations et semis de bois soient encouragés, pour remédier à la disette de cette production. 25° Qu’on retranche les formalités et qu’on modère les frais auxquels sont assujettis les bénéficiers qui ont des bois à abattre soit à raison du besoin du�)énéfice, soit pour cause de vétusté des arbres, et qu’en ce dernier cas, le produit en soit colloqué au profit du bénéfice. 26° Que l’on supprime l’impôt désastreux de la gabelle, et qu’il soit remplacé par un autre impôt qui, conformément au vœu de Monsieur, frère du roi, soit appelé rachat de gabelle. 27° Que les droits d’aides soient supprimés, les traites et douanes reculées aux frontières. 28° Que les droits de centième denier, domaniaux, de francs-fiefs, d’amortissement, auxquels sont assujettis les gens demainmorte, d’indemnité pour échange et autres objets soient supprimés. 29° Qu’on supprime également les droits de contrôle, en conservant les honoraires d’un greffier qui remplira rigoureusement les formalités prescrites, en exprimant toutes les dispositions de l'acte. 30° Que dans le cas où la nation admettrait un impôt également supporté par tous les ordres, elle soit chargée de payer les dettes que le clergé n’a contractées que pour le compte du Gouvernement, et en vertu de lettres patentes enregistrées. 31° Que les Etats prennent en considération l’objet important de l’éducation publique. 32° Que les maîtres soient doués du talent d’instruire, de mœurs irréprochables, professant tous [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Anjou.] 31 la religion catholique, et choisis, autant qu’il est possible, dans l’ordre du clergé. 33° Que pour attacher les professeurs aux pénibles fonctions de leur état, on leur assure un traitement de 400 francs, et qu’après vingt ans d’exercice, leur émérite soit au moins de 1,200 francs. 34° Que dans le cas où l’on n’aurait pas des fonds suffisants pour récompenser leurs services, ils soient promus aux bénéfices des diocèses, ainsi que messieurs les vicaires. 35° Qu’il soit fait un plan d’étude, qu’on réforme les abus qui subsistent dans les universités, et notamment le droit des septénaires. 36u Qu’aucun ouvrage concernant la religion, les mœurs et le Gouvernement ne soit imprimé sans les noms de l’auteur et de l’imprimeur, et sans l’approbation des censeurs, qui seront établis à cet effet dans les endroits où il y aura imprimerie. CHAPITRE II, CONCERNANT LA PROVINCE D'ANJOU. 1° Que les Etats provinciaux aient lieu pour l’Anjou, séparément de la Touraine et du Maine, à certaines époques fixées par les Etats généraux. 2° Que dans leurs compositions il entre un quart du clergé, un quart de la noblesse et moitié du tiers-état. 3° Que le gouvernement protège et encourage par tous les moyens possibles l’agriculture, auxquels moyens il sera pourvu par les Etats provinciaux. 4° Que le commerce soit délivré de tous les droits particuliers, onéreux et pour l’ordinaire arbitrairement perçus dans la province d’Anjou. 5° Que la navigation soit rendue libre et facile, par des nouvelles écluses, de nouvelles communications de rivières, et par l’entretien des ponts et chaussées, surveillée par les Etats de la province de ,1a manière la moins dispendieuse. 6° Que les Etats provinciaux surveillent également les fonds de charité affectés à la réparation des chemins. 7° Que les fonds de charité soient accordés à la province d’Anjou dans la proportion de sa contribution générale. 8° Que l’usage, jouissance et possession des communes soient regardés comme un titre hors d’atteinte de toutes entreprises contraires. 9° Que les propriétaires riverains soient maintenus dans le droit et usage de disposer des arbres placés le long et en dehors de leurs héritages dans les chemins, que les seigneurs hauts justiciers ne puissent les troubler dans la possession exclusive et immémoriale où ils sont d’en jouir. 10° Que, pour conserver les droits et possession, les Etats provinciaux soient autorisés à faire des règlements pour déterminer la largeur des chemins, de bourg à bourg et traversiers, et en faciliter l’exploitation. 11° Que les offices de jurés priseurs et de commissaires à terrier soient totalement supprimés comme vexatoires et onéreux pour la province. 12° Que les municipalités des villes et campagnes soient formées par des élections libres et composées de membres pris dans les différentes classes et corporations. 13° Que, dans les assemblées municipales des paroisses de campagne, on accorde la préséance au curé dans l’absence du seigneur. 14° Que l’élection des maires, échevins, conseillers et autres officiers des villes se fasse par les compagnies et communes , en sorte qu’un quart des places soit destiné au clergé, un quart à la noblesse et la moitié au tiers-état, et que le mairat ou toutes autres charges municipales n’anoblissent. 15° Qu’il soit défendu de rien payer pour l’élection, réception et confirmation des officiers municipaux. 16° Qu’ils soient établis dans chaque paroisse en nombre suffisant pour terminer les contestations qui pourraient s’y élever. 17° Qu’il soit pareillement établi dans chaque paroisse de campagne, et dans les villes, un bureau de charité dont les fonds soient suffisants pour subvenir aux besoins des pauvres ou des malades, sous la direction du conseil de paix. 18° Que l’on donne aux sages-femmes des paroisses de campagne un traitement suffisant pour suivre les cours d’accouchement et prévenir les maux qui résultent de leur ignorance, 19° Que l’on pourvoie également à l’établissement et dotation des écoles de villes et de campagnes. 20° Que les apanages soient supprimés comme onéreux auxprovinces, en dédommagean tes princes apanagistes par tels moyens qui seront à la charge de l’Etat en général et non des provinces en particulier. 21° Que les accensements et autres anticipations, que les officiers des princes apanagistes ont faits des terrains réputés vagues qui ne sont pas dans leurs domaines ou dans l’étendue de leur haute justice, ainsi que ceux faits par eux contre les droits des communes, soient déclarés nuis. 22° Que dans le cas où l’on n’établirait pas une loi commune à tout le royaume, on fasse une nouvelle rédaction de la coutume d’Anjou, plus claire et plus précise, que l’on en retranche tous les articles réputés abusifs, le tout sous la direction des Etats provinciaux, à la sanction des Etats généraux. 23° Que les mstices seigneuriales d’Anjou soient entièrement supprimées. CHAPITRE III, CONCERNANT LE CLERGÉ. 1° Que les synodes diocésains se tiennent tous les ans, selon la forme prescrite par les saints canons. 2° Le rétablissement des conciles provinciaux et nationaux. 3° Qu’il soit formé un conseil de conscience pour la nomination aux bénéfices consistoriaux. 4° Que tout le clergé séculier et régulier soit appelé aux premières dignités ecclésiastiques sans distinction de naissance. 5° Obligation de la résidence pour tous les bénéficiers consistoriaux, à moins qu’ils ne soient fixés auprès de la personne du roi, ou envoyés en ambassade, ou dignitaires dans des cathédrales, ou retenus par état dans quelques églises. 6° Que les anciens canons concernant la pluralité des bénéfices soient régulièrement observés. 7° Qu’il soit pourvu à la dotation des cures, des desservances et des chapelles plébéiennes, ainsi qu’à celles des vicaires. 8° Que les curés de l’ordre de Malte soient inamovibles, et qu’ils aient la même portion congrue dont jouiront les curés en titre. . 9° Qu’il soit fait un règlement clair et précis pour confirmer irrévocablement les partages provisoires actuellement existant entre les abbés commendataires et les maisons religieuses, vu que la facilité avec laquelle les abbés procèdent 32 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d'Anjou.] à la cassation des partages actuellement établis mine souvent les fermiers par les pots-de-vin et arrête leur industrie par le peu de sûreté de leur bail, à moins que les Etats généraux ne jugent plus sage de donner aux maisons religieuses la jouissance de tous les biens, à condition que les-dites maisons religieuses feraient une pension en nature à leur abbé. 10° La conservation des ordres et des congrégations séculières et régulières. 11° Que l’on fixe le sort des religieux mendiants, de manière à rendre leur existence indépendante d’une quête honteuse pour le sacerdoce et onéreuse pour les cultivateurs. 12° Un règlement exact et précis pour les églises communes aux paroisses, et aux corps rentés ou chapitres. 13° Qu’il y ait un tarif arrêté pour toutes les expéditions ecclésiastiques. 14° Un règlement propre à empêcher que les réparations des maisons presbytérales ou des bénéfices quelconques ne deviennent la ruine des héritiers. 16° Que les réunions des bénéfices ne puissent jamais être faites en faveur des diocèses étrangers 17° Que quand la réunion d’un bénéfice simple, dépendant d’une abbaye ou d’un chapitre, ou la réunion de la mense abbatiale même sera arrêtée, ledit bénéfice simple ou ladite mense abbatiale soit réunie au chef lieu, à la charge aux religieux ou au chapitre de rappor ter une somme assignée par le gouvernement, après avoir prélevé celle qui aura été jugée nécessaire pour l’acquit des charges et réparations , ainsi que les frais pour lesdites réunions. 1 8° La comptabilité des receveurs des biens ecclésiastiques destinés ou réunis pour de simples objets d’utilité publique. 19° La suppression entière des économats. 20° Que les patronages laïques ou nominations aux bénéfices attachés aux terres ou fiefs qui sont ou seront possédés par des non catholiques soient déférés aux évêques diocésains, tant que lesdites terres ou fiefs seront possédés par des non catholiques. 21° Qu’il ne puisse être décerné aucun moni-toire que pour crimes d’Etat ou atroces, tels qu’assassin ats, incendie et vols d’églises. 22° Que les demandes d’un seigneur particulier de la province, faites à Monsieur, contre le prieur de Notre-Dame de la Roë et d’autres bénéficiers, tendantes à leur enlever les fiefs qui sont dans sa mouvance, soient prises en considération par messieurs les députés, comme contraires au droit de propriété. INSTRUCTIONS ET POUVOIRS DONNÉS PAR MESSIEURS LES GENTILSHOMMES DES CINQ SÉNÉCHAUSSÉES D’ANGERS A LEURS DÉPUTÉS AUX ÉTATS LIBRES ET GÉNÉRAUX DU ROYAUME, CONVOQUÉS A VERSAILLES AU 27 avril 1789 (1). L’ordre de la noblesse des cinq sénéchaussées d’Angers, rassemblées dans cette ville, conformément aux lettres du roi données à Versailles, en date du vingt-quatre janvier dernier, pour la convocation des Etats généraux du royaume en ladite ville de Versailles, au vingt-sept avril mil sept cent quatre-vingt-neuf, et pour l’ordre de nommer des députés à l’effet de porter aux Etats généraux les vœux de la province ; (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Considérant que Sa Majesté, par le résultat de son conseil du vingt-sept décembre mil sept cent quatre-vingt-huit, et par la lettre de convocation du vingt-quatre janvier mil sept cent quatre-vingt-neuf, a déclaré solennellement à ses peuples: 1° Que sa volonté est non-seulement de ratifier la promesse qu’elle a faite de ne mettre aucun impôt sans le consentement des Etats généraux du royaume, mais encore de n’en proroger aucun sans cette condition; 2° D’assurer le retour successif des Etats généraux, en les consultant sur l’intervalle qu’il faudrait mettre entre les époques de leur convocation ; 3° Que Sa Majesté veut prévenir de la manière la plus efficace les désordres que l’inconduite ou l’incapacité de ses ministres pourront introduire dans les finances, en concertant avec les Etats généraux les moyens les plus propres d’atteindre à ce, but ; 4° Que Sa Majesté veut que dans le nombre des dépenses dont elle assurera la fixité, on ne distingue pas même celles qui tiennent le plus particulièrement à sa personne ; 5° Que Sa Majesté veut aller au-devant du vœu légitime de ses sujets en invitant les Etats généraux à examiner eux-mêmes la grande question qui s’est élevée sur les lettres de cachet, son intention étant d’abandonner à la loi tout ce qu’elle peut exécuter pour le maintien de l’ordre ; 6" Que Sa Majesté est impatiente de recevoir l’avis des Etats généraux sur la mesure de liberté qu’il convient d’accorder à la presse et à la publicité des ouvrages relatifs à l’administration du gouvernement et à tout autre objet public ; 7° Que Sa Majesté préfère avec raison aux conseils passagers de ses ministres les délibérations durables des Etats généraux ; 8° Que Sa Majesté a formé le projet de donner des Etats provinciaux au sein des Etats généraux et de former un lien durable entre l’administration particulière de chaque province et la législation générale ; 9° Que Sa Majesté a déclaré avoir besoin du concours de ses sujets pour établir un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur de ses sujets et la prospérité du royaume ; 10° Que Sa Majesté demande à connaître les souhaits et les doléances des peuples, qu’elle désire que, par une mutuelle confiance et par un amour réciproque entre le souverain et ses sujets, il soit apporté, le plus promptement possible, un remède efficace aux maux de l’Etat, et que les abus de tout genre, soient réformés et prévenus, En conséquence d’une déclaration si solennelle et des droits nationaux qu’elle consacre, la noblesse des cinq sénéchaussées d’Angers charge expressément ses députés de demander : Que le premier acte des Etats généraux soit de présenter au roi une adresse de remercîments conçue en des termes qui peignent à Sa Majesté toute la vénération et toute la reconnaissance dont les a pénétrés pour sa personne sacrée cette déclaration qu’elle a faite de ces principes vraiment constitutionnels ; Qu’ensuite et conformément aux droits imprescriptibles de la liberté et de la propriété qui appartiennent essentiellement à l’homme par la loi naturelle et qui ne peuvent être gênés ni restreints que par la loi qu’il a consentie, lesdits Etats généraux statueront dans la forme la plus authentique les articles suivants :