ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 170 Le citoyen Lejeune offre, au nom du citoyen Girod, salpêtrier de la République à Mignovil-lard, district d’Arbois, département du Jura, le manuscrit original des lettres de La Nouvelle Héloïse (27). 14 Un membre du comité des Secours publics [Roger Ducos] fait un rapport, et présente un projet de décret sur les secours à accorder aux citoyens blessés et aux parents de ceux qui ont péri à l’explosion de Grenelle. Citoyens, Je viens, au nom de votre comité des Secours, vous proposer de remplir le vœu que vous avez si sensiblement et si justement exprimé hier, sur les familles éplorées, victimes du malheureux événement qui a eu lieu à la poudrerie établie dans la plaine de Grenelle. Ma tâche doit se borner à vous présenter des bases et des formalités si simples, et si rapides que les secours soient promptement appliqués, en même temps que vous devez prévenir que des malveillans ne prétendent pas à partager des actes de bienfaisance, après avoir peut-être partagé l’exécution scélérate de cet incendie; car, citoyens, d’après le rapprochement de deux semblables événements dans un intervalle de onze jours, et au moment où nos armées triomphantes repoussent au loin les hordes coalisées, nous ne devons pas douter que leurs abominables complices ne s’efforcent plus que jamais à nous livrer des combats parricides; ils auront beau faire sans doute, la liberté est impérissable; le Peuple la veut; mais aussi faut-il plus que jamais prendre les mesures les plus sévères pour écraser enfin ceux qui ne la veulent pas. Citoyens, c’est dans le spectacle déchirant dont vous avez été les témoins, sur cette vaste commune où se sont ralliés tous les crimes des tyrans et des contre-révolutionnaires, que vous devez chercher les prompts moyens de les étouffer; le Peuple vous le demande, il veut la liberté ou la mort; les ombres des malheureuses victimes de nos infâmes ennemis vous le demandent; elles doivent être vengées. Faisons notre devoir comme le Peuple a fait le sien sur les frontières, comme il l’a fait à Paris le 3 et le 14 fructidor, et sur d’autres divers points de la République, où de pareils incendies ont eu lieu; comme il l’a fait chaque fois qu’il s’est agi du salut de la Liberté. Le peuple est uni, courageux et juste; voilà le mandat qu’il nous a donné, nous devons le remplir. Je reviens, citoyens, à l’objet de ce rapport : « vous avez décrété que les pertes qu’auroient à essuyer les citoyens dans l’explosion de la poudrerie de Grenelle, seroient réparées aux frais de la République, et que les citoyens blessés, et les pères, mères, veuves et enfans de ceux qui auroient pu périr ou être blessés, auroient droit aux mêmes secours que les parents des défenseurs de la Patrie ». Mais en attendant la liquidation de ces indemnités, de ces secours définitifs, ou quoi que soit de ces pensions, il faut des secours urgents et momentanés. Pour les fixer, votre comité a dû se diriger, autant qu’il lui a été possible, par les lois relatives à ceux qu’elles accordent aux défenseurs de la Patrie; les secours qu’il vous propose sont différens, suivant le sort des citoyens auxquels ils sont dus. Comme il se présente cependant plusieurs difficultés relativement aux pensions, sur le point de savoir comment il faudra assimiler les citoyens victimes de l’incendie, par le grade qu’ils avoient dans les ateliers de la poudrerie, et le salaire qu’ils y recevoient, d’avec des grades et des soldes correspondant dans l’état militaire; le comité n’a pu prendre si rapidement une base précise et juste; c’est un objet qui dépend de quelques méditations, et des renseignements qu’il a déjà réclamés et sur lesquels il vous fera incessament un second rapport. Quant au présent, il a pensé que le secours provisoire devoit être tel que vous êtes dans l’usage de l’accorder dans les cas de ceux qui se vouent à la défense de la Patrie, et meurent aussi pour elle. Les lois du 21 pluviôse et du 13 prairial ont seulement fixé le comité sur ce qu’elles restreignent les secours pour les enfans jusqu’à l’âge de 12 ans, à moins qu’ils ne soient infirmes et hors d’état de travailler, auquel cas ils les reçoivent toute leur vie : le comité n’a pu s’écarter de ce principe. Mais il a cru devoir mettre une différence entre les citoyens blessés, traités dans leur domicile, et ceux qui le sont dans les maisons d’hospice; et encore ceux du premier cas qui ont femme ou enfans, d’avec ceux qui n’en ont pas; les besoins de ceux qui ont femme et enfans, sont plus considérâtes que ceux des autres. Il a également pensé que les femmes et enfans des citoyens blessés, traités dans les maisons d’hospice, n’avoient pas moins de besoins, quoique leurs maris et pères fussent traités aux frais de la République. Ces femmes, ces enfans sont privés des moyens de subsistance que gagnoient leurs maris et pères; ils doivent donc être secourus sous le rapport de cette privation; et dès lors, le comité leur a appliqué les secours des veuves et des enfans dont les pères ont péri. Enfin, quand aux formalités pour obtenir les secours proposés, le comité les a réduites à une seule : pour tout ce qui concerne les citoyens blessés, il suffira de rapporter un certificat de l’officier de santé qui les traite; pour tout ce qui concerne les citoyens morts du malheureux désastre, il suffira d’un certificat du comité civil de la section ou commune, constatant la mort ou la disparition des citoyens à l’époque de l’explosion. Cette simple formalité paroit sûre en même temps qu’elle est rapide; c’est là qu’il faut vous en rapporter aux citoyens qui donneront ces certificats; ils ont porté les premières consola-(27) Moniteur, XXI, 654; Débats, n° 712, 275.