SÉANCE DU 22 VENDÉMIAIRE AN III (13 OCTOBRE 1794) - N° 20 101 C’est en vain que l’on a cherché à nous diviser, en préconisant des adresses que vous avez improuvées : lorsqu’il est question de la patrie, nous ne consultons que notre coeur, et rarement il n’a point apperçu le piège que lui tendoit l’ambition sous le masque du patriotisme, parce que c’est de bonne foi que nous voulons l’unité de la république. Eh bien ! représentans, cette unité ne seroit-elle pas sappée par les fondemens, si quelqu’un rivalisoit avec vous, et que, sans respect pour vos décrets, on approuvât et publiât le lendemain ce que vous auriez improuvé la veille? Cette unité ne seroit-elle pas détruite par le fait, si quelqu’un s’arrogeoit des pouvoirs qui ne lui sont pas délégués? Vous seuls êtes les mandataires du peuple; les sociétés sont l’oeil de ce peuple : que cet oeil ne soit qu’observateur et surveillant; faites cesser les correspondances de ces corporations usurpatrices, et dès demain la paix intérieure assurera notre bonheur. Réponse du président (35). Au milieu de ses travaux, c’est pour la Convention nationale une condition bien douce que de voir les bons citoyens se rallier autour d’elle, et professer les principes qu’elle vient de consacrer. Si la multiplicité de nos travaux a retardé votre admission, ce retard n’a point affoibli le plaisir que nous avons eu à vous entendre. Forte de la confiance du peuple, la Convention nationale conduira le char triomphant de la révolution jusques au terme qu’il doit atteindre, et elle anéantira tous ceux qui voudroient ralentir sa marche. Je vous invite, en son nom, aux honneurs de la séance. b Les citoyens de la section de la Montagne en masse ont défilé dans le sein de la Convention nationale (36). [La section de la Montagne à la Convention nationale , le 22 vendémiaire an III] (37) L’orateur : Représentans du peuple, La section de la Montagne, invariable dans ses principes, vient, comme dans la nuit du 9 thermidor, et comme dans toutes les grandes époques de la révolution, vous entourer de sa (35) Débats, n“ 752, 344.. Bull., 22 vend. (36) Bull., 22 vend. (37) C 322, pl. 1353, p. 43. Bull., 22 vend. ; Moniteur, XXII, 233; Débats, n° 751, 338-339. Mention dans C. Eg., n 786; J. Mont., n’ 3; J. Perlet, n° 750; J. Univ., n“ 1783; Mess. Soir, n" 786; M.U. XLIV, 350; Rép., n” 23. confiance et vous assurer de son entier dévouement. C’est peu pour elle de s’être pénétrée, nourrie des principes énoncés dans le rapport de Lindet; la lecture de l’adresse au peuple français a frappé chacun de ses membres de la plus vive émotion. Le silence régnait, il n’a été interrompu que par cet élan unanime qui nous amène à votre barre. Vous jurés de maintenir dans toute sa pureté, dans toute son énergie, le gouvernement qui a sauvé la république, nous venons nous, vous jurer de continuer de combattre les enne-mis de la liberté, sous quelques noms, sous quelques masques qu’ils se présentent. Comme vous et avec vous nous voulons la république une et indivisible, la destruction de tous les préjugés, de tous les abus, de toutes les factions. Comme vous nous voulons la régénération du commerce et des manufactures, la circulation facile des subsistances, la protection de l’agriculture, des arts et du travail. Comme vous, nous proscrivons l’oisiveté, l’immoralité et tous les vices qui déshonorent l’homme et font le malheur des sociétés. Comme vous et avec vous nous appelons toutes les vertus, tous les talens à consolider la révolution française. La carière orageuse que vous venez de parcourir n’avait jamais été tracée par aucun peuple ; celui qui s’y est égaré en cherchant le bon chemin peut-il être coupable? Non : ainsi comme vous et avec vous nous voulons que l’erreur soit oubliée et que le crime soit puni. Mais, citoyens législateurs, vous ne souffri-rés pas que le soupçon plane plus longtemps sur la tête de ces milliers de patriotes ardents qui ont combattu avec tant de courage et à vos côtés, pour la cause sublime de la liberté et de l’égalité ; de ces hommes qui ont tant contribué à renverser la Bastille et le trône, à fonder la République et à anéantir toutes les factions; vous ne souffrirés pas qu’ils soient confondus avec ceux qui n’ont pris le masque du patriotisme que pour s’enrichir, dominer et détruire ensuite la révolution par l’anarchie et l’excès de tous les vices; vous ne laisserés pas entre les mains de leurs ennemis ce brandon de discorde, ces qualifications odieuses qu’ils donnent indistinctement à tous les vieux et chauds amis de la révolution. Vous inviterés donc votre comité de Sûreté générale à vous faire promptement le rapport dont il est chargé sur les événements du 9 thermidor, afin que les vrais coupables soient connus et punis. Vous rendrés aux patriotes purs et énergiques cette confiance intime qui seule les a soutenu dans les grandes crises de la révolution, et vous détruirés le dernier retranchement des factions. Vous nous dites dans l’adresse aux français, que le courage et l’énergie ont commencé la révolution et que c’est à la prudence et à l’union de la terminer. Nous avons tous senti la vérité de ce principe. Eh bien, nous serons prudents, nous serons unis, nous nous presserons autour de la représentation nationale, centre unique C. fc. HTSlUiHfc LÀ RFVQL 102 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE du gouvernement. Et vous, Législateurs, qui nous avez donné tant de fois l’exemple de l’énergie et du courage, vous nous donnerés aussi celui de cette union précieuse qui seule peut amener au port le vaisseau de la révolution. Jobert, président, Goubert, vice-président, Bomicaut, secrétaire par intérim. {On applaudit.) (38) [ Extrait du procès-verbal de la section de la Montagne du 20 vendémiaire an HT] (39) Il appert que l’assemblée a nommé les citoyens Coliaud, Isabeau, Faure, Rolin, Burgu-rieux, Lassaux, Jobert, Bréon, Hacot, Simonnet, Turrel et Allart à l’effet de rédiger une adresse à la Convention, pour la féliciter sur le discours du citoyen Lindet, et de ses travaux et en même tems lui faire part de la satisfaction de la section sur l’adresse au peuple français. Jobert, président, Goubert, vice-président, Mahet, secrétaire, Bomicaut, secrétaire par intérim. Réponse du Président (40) : En proclamant les vérités éternelles auxquelles vous venez de rendre hommage, la Convention nationale a pris l’engagement solennel de les maintenir dans toute leur pureté. Elle épargnera des erreurs qu’un faux zèle a pu produire; mais elle sera inexorable pour le crime. Elle protégera les patriotes; mais elle ne souffrira point que ce nom soit usurpé par les amis secrets de l’aristocratie. Persistez dans les sentimens dont vous venez de nous présenter l’expression ; ils sont des ga-rans assurés de votre attachement aux véritables principes. La Convention nationale vous invite aux honneurs de la séance. c [La section de la Cité à la Convention nationale ] (41) Citoyens représentons, L’adresse que vous venez de nous envoyer étoit déjà dans nos coeurs, et nous vous félicitons au nom de notre section, au nom de la section de la Cité, d’avoir aussi bien saisi nos (38) Moniteur, XXII, 233. (39) C 322, pl. 1353, p. 44. (40) Bull., 22 vend. (41) C 322, pl. 1353, p. 45. F. de la Républ., n* 23. sentimens et d’être de si fidèles interprètes de l’esprit qui nous anime tous. Vous deviez à la République entière cette douce et lumineuse instruction. Ce tems de malheur et d’oppression qui vient heureusement d’expirer, avoit enchaîné, flétri nos âmes abattues et déchirées : il falloit leur rendre leur latitude, leur extention, leur essor et leur énergie. Il falloit des jours de gloire et de sérénité apès des jours de langueur, de tristesse, de guerre et de terreur. Le nouveau génie qui vous anime et qui plane déjà sur tout l’horison de la république purifiera toutes les haines, renversera toutes les factions, convertira toutes les passions, rapprochera tous les esprits, mettra en un mot la victoire sur tous nos ennemis intérieurs à l’ordre du jour, comme elle l’est au dehors, sur tous ces ennemis étrangers, qui ont moins encore à rougir de leurs défaites journalières que de l’injustice de leur cause et de la tirannie de leurs armes. Déjà ce génie qui vous enflamme a si bien électrisé notre section qu’il nous a procuré avant hier la scène la plus touchante, en précipitant les dissensions et les discordes qui nous avoient agité en réunissant et rapprochant tous les coeurs par le baiser le plus fraternel. Nous avons en même tems fait les voeux les plus tendres pour le salut de tous, comme nous en fesons au-jourdhuy pour le salut de tous nos représentons, pour le salut de la patrie toute entière. Nous nous rallierons toujours autour de vous, comme au véritable et unique centre de notre puissance, de notre gloire et de notre félicité. Nous combattrons pour vous, parceque vous combattrez toujours nos véritables ennemis, les ennemis de la paix, les ennemis de notre liberté, les ennemis de la justice, des moeurs et de la vertu. Grenier, président et neuf autres signatures. d La section de l’Unité en masse défile dans le sein de la Convention nationale (42). [La section de VUnité à la Convention nationale ] (43) Citoiens représentans du peuple, Embarqués, dans le vaisseau de la république, sur la mer orageuse, des passions et des intrigues, tantôt voguant au gré du vent perfide du faux patriotisme tantôt battus par les tempêtes des factions et des conspirations, au (42) Bull., 23 vend. (43) C 322, pl. 1353, p. 46. Bull., 23 vend. ; C. Eg., n" 786; J. Fr., n” 748.