Séance du 11 fructidor an II (jeudi 28 août 1794) Présidence de MERLIN (de Thionville) (1) 1 A l’ouverture de la séance, un secrétaire donne lecture de différentes adresses et pétitions dont l’extrait suit: La commune de Peipin, district de Siste-ron, et les élèves de cette commune la société populaire de Nueil-sous-Faye, district de Loudun b; la société populaire d’En-tremont, département de la Haute-Garonne c; le tribunal du district de Montagne-sur-Sorgue d; la société populaire de Libreville e; le corps municipal de Cognac f; la société populaire de la commune de Cham-plemi, district de La Charité-sur-Loire ë; la société populaire d’Emée h; le dépôt du deuxième régiment d’artillerie, en garnison à Besançon la société populaire de Lavela-net, chef-lieu de canton, département de l’Ariège J; le bataillon de l’Union du Bas-Rhin *; la société populaire de Parly, département de l’Yonne , les volontaires d’un détachement du deuxième bataillon de Temais-Libre, stationné à Mortain, département de la Manche m; la société populaire de Fanjeaux les vérificateurs et receveurs de l’enregistrement des domaines nationaux, établis à Chinon, département d’Indre-et-Loire °; et le conseil général de la commune de Carcassonne p, félicitent la Convention nationale sur ses glorieux travaux, la destruction du scélérat Robespierre et ses complices, les victoires remportées par les armées de la république, et l’invitent à rester à son poste. La Convention nationale décrète la mention honorable, et l’insertion au bulletin de ces différentes adresses (2). a Egalité Liberté Adresse de la commune de Peipin, district de Sisteron, département des Basses-Alpes, à la Convention nationale. Citoyens Représentans, (1) Débats, n° 707, 153. (2) P.-V., XLIV, 183-184. La commune de Peipin ne possède point l’avantage d’avoir un territoire étendu ni une nombreuse population, mais elle renferme dans son sein un trésor bien plus prétieux, un ardent amour pour la Liberté, et le dévouement le plus absolu à la patrie. Dès les premiers jours de la révolution, cette commune s’est distinguée par son zèle, jamais, quelques variations qu’ayent pu éprouver les opinions politiques, elle n’abandonna la route que lui traçait ses plus fidèles représentans, elle leur resta toujours unis, et l’esprit du fédéralisme n’aborda point ce séjour de l’innocence et de la paix. Si son nom ne s’est pas fait entendre plus souvent dans cette auguste enceinte, c’est par respect pour ces sublimes travaux. Ne savions nous pas que c’était dans l’intérieur de vos comités, dans les discutions aprofondies de vos séances que se préparait ce code des lois générales qui devaient faire du peuple français, un peuple absolument nouveau. Nous admirions avec un étonnement profond l’accord qui s’établissait entre la morale de l’homme et celle des Etats, un sistème politique enfin. Le plus étonnant que les hommes ayent pu concevoir, des siècles de lumières et d’expériences n’avaient cessé de travailler à leur insçu, pour une nation célèbre qui devait un jour couvrir le sol de la France. Mais ô crimes, mais ô forfaits inouis, des hommes tels, que l’enfer avec toute sa puissance diaboline n’en vomi jamais de pareils sur la terre, forgent dans l’ombre, les armes qui doivent attaquer et détruire ce superbe édifice. Ils ont juré ces monstres de se baigner dans le sang de ses illustres fondateurs, et d’abatre toutes les têtes qui pouvaient leur faire ombrage, ils voulaient régner n’eut-il resté sur notre sol malheureux que des cadavres et des décombres. Mais la justice divine préparait loin des regards des hommes les terribles vengeances qu’elle devait exercer sur ces têtes coupables et épouventer par leur exemple tous les tirans de la terre. Cet événement sera placé dans les annales du monde comme un des plus mémorables qui puisse se présenter à la mémoire des hommes. Il était réservé aux représentans d’une nation libre de combatre corps à corps, les ennemis les plus cruels et les plus dangereux que la Liberté eut encore vu naitre, et de SÉANCE DU 11 FRUCTIDOR AN II (28 AOÛT 1794) - N° 1 27 remporter sur eux la victoire la plus glorieuse, celle de la vertu contre le crime; la Liberté est affermie pour jamais. Les lois les plus sages ont déjà signalé vos premiers pas. Les plus beaux jours vont enfin luire pour l’heureuse nation que vous représentés. Continués dignes Législateurs vos travaux immortels. La fable ne vous représentera point aux siècles avenir comme cet être divin, que l’on faisait agir durant six jours et se reposait le septième. Des années entières n’ont point encore lassé votre constance. Notre courage aurait-il moins de force, ne s’acroîtrait-il pas au contraire par votre exemple. Aussi nous marcherons sans crainte et sans regrets contre vos ennemis quels qu’ils puissent être, nous laissons sous la garde des lois et de vos soins paternels, les gages les plus chers, nos familles, et nos propriétés. Figuier (maire), Motel fils cadet (agent nat .), Maurel (secrét.-greffier), Richard, Morety, Thome, Briamont, Guigues. [Adresse des jeunes élèves de la commune de Pépin, s. d.J Citoyens Représentans. Quel enthousiasme a saisi nos jeunes coeurs en écoutant les étonnants récits qui ont fait des journées des 9, 10 et 11 thermidor, les journées les plus mémorables de notre histoire; quel tableau s’est présenté à nos yeux, une auguste assemblée dont tous les membres dans l’attitude la plus imposante et le calme de l’énergie attendaient la mort, sans la redouter ni la craindre. Nul n’est occupé de soi, tous ne voyent que les dangers de la patrie. Les délibérations les plus sages, les mesures les plus promptes sont prises pour déjouer les trames et arrêter les forfaits qui s’accumulaient dans ces journées d’horreur, la nuit qui avait été marquée par ces scélérats pour être la dernière de la Liberté, en fut la plus glorieuse et la plus éclatante. Disparaissez de devant nous, illustres sénateurs de Rome, vous êtes loin d’atteindre à la gloire de nos Représentans, votre danger fut moins grand, et vos succès étaient bien plus certains. La conspiration de Catilina avait des signes moins effrayants et n’était pas ourdie avec une perfidie aussi profonde et aussi rafinée. Ce traître ne s’était pas envelopé du masque de toutes les vertus, il n’avait pas usurpé des noms respectés dans l’opinion. Aussi les races à venir ne croiront qu’à peine les événemens que nous allons leur transmettre. Oui, le peuple a fait la révolution du 31 mai, mais la Convention a fait celle du 10 thermidor; ils ont vraiment conquis la Liberté ces membres dont l’histoire se plaira à conserver les noms. Nous pouvons bien le dire, nous ne sommes libres que d’aujourd’hui. Nous étions d’autant plus à plaindre que nous ne connaissions pas la profondeur de l’abime sur lequel nous portions nos pas, nous marchions au devant de la servitude, pensant courir à la Liberté. Quelle est notre douleur, d’avoir quelques instants partagé l’erreur commune sur l’opinion que nous devions avoir du tyran que nous détestons. Pourquoi la puissance divine n’avait-elle marqué cette tête coupable du sceau de sa colère. Faudra-t-il encore nous tenir en garde et contre les expressions du vice et contre celles de la vertu. Les scélérats ont pris toutes les voies pour séduire nos âmes. Mais rassurons-nous, la vertu elle-même se place au sein de la Convention, elle considère maintenant avec complaisance, cette auguste assemblée, où nul objet hideux ne souille plus ses regards. Elle est présente à ses délibérations, elle dicte elle-même les lois sages qui écartent les dangers à venir. Le bon peuple de Paris que tant de combats contre la tyrannie n’a point encore lassé, veillera sans cesse à la garde de la Représentation nationale, c’est là que repose les grandes destinées de la nation française, d’où dépendent, n’en doutons pas, celles de tous les peuples du monde. Jeunes élèves de l’école de mars, combien n’envions-nous pas votre sort. Votre zèle, votre fidélité ont attiré les regards de la patrie, vous êtes sous ses yeux, elle vous regarde passer en ordre de bataille, votre jeune courage en imposerait déjà aux plus intrépides soldats. Quand pourrons-nous comme vous mériter l’honneur d’être comptés parmi les défenseurs de la patrie et de la Liberté, et entendre comme vous ces paroles qui sont la plus digne récompense d’un Républicain, vous avez bien mérité de la patrie. C’est par cet éloge accordé seulement au mérite que nos armées ont fourni tant de héros. Quelle va être notre ardeur pour mériter un jour que la patrie en dise autant de nous. François Reguis, Jean-Antoine Ferant, Antoine Maurel, Joseph Maurel, Joseph Rou-baud, Pierre Richard, Mathieu Richard, Claude Baille, Fidelle Baille, Julien Imbert, Mathieu Vichaud, et Motet (instituteur) (3). b Liberté, égalité, fraternité, La République ou la Mort. Citoyens Représentans du Peuple, Les citoyens de la commune de Nueil-sous-Faye, district de Loudun, département de la Vienne, pénétrés d’horreur pour la conjuration atroce qui devait replonger la France dans les fers, vous félicitent sur votre courage, votre franchise et votre intégrité. Grâces immortelles vous soient rendues, citoyens Législateurs ! Votre surveillance active a encore sauvé une fois la Patrie : elle a déjoué le projet insensé de ces conspirateurs ambitieux dont le chef, profond dans l’art exécrable de tromper, était d’autant plus coupable et plus dangereux qu’il simulait le patriotisme le plus pur et le plus désintéressé. Avec quelle impudeur ils se jouaient des mots les plus sacrés de Patrie, de Liberté, d’Egalité. Ces perfides dont nous ne voulons pas prononcer les noms, tant ils nous font horreur ! ils osaient se dire les amis et les déffenseurs incorruptibles du Peuple, ces monstres qui (3) C 320, pl. 1313, p. 29 (2 pièces). Bull., 12 fruct. (suppl.).