038 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2a novembre 4790.] domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de Thivilie, du 8 septembre dernier, en exécution de la délibération prise par le conseil général de cette commune, ledit jour huit septembre, pour, en conséquence des décrets des 19 novembre 1789, 17 mars et 14 mai derniers, acquérir, entre autres biens nationaux, eeux dont l’état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble les procès-verbaux d’estimationset évaluations desdits biens, faits les 10 et 12 novembre présent mois, vus et vérifiés par le directoire du district de Châleau-dun, et par celui du département d’Eure-et-Loir, les 10, 12 et 16 dudit mois de novembre; « Déclare vendre à la municipalité de Thivilie, district de Châteaudun, département d’Eure-et-Loir , les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par lesdits procès-verbaux d’estimations et évaluations, montant à la somme de 82,793 liv.. 11 s. 9 deniers, payable de la manière déterminée par le même décret. » DEUXIÈME DÉCRET. « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l’aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité du Mée, du 5 septembre dernier, en exécution de la délibération prise par le conseil' général de la commune, ledit jour 5 septembre, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 14 mai derniers, acquérir, entre autres biens nationaux, ceux dont l’état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble les estimations et évaluations desdits biens, vues et vérifiées par le directoire du district de Châteaudun, le 5 novembre présent mois, et approuvées par celui du département le 17 dudit mois de novembre ; « Déclaré vendre à la municipalité du Mée, district de Châteaudun, département d’Eure-et-Loir, les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par Jesdites estimations et évaluations, montant à la somme de 31,962 liv. 18 s. 7 d'en., payable de la manière déterminée par le même décret. » M. le Président donne lecture d’une lettre du roi, qui annonce à l’Assemblée nationale que, sur la démission de M. l’archevêque de Bordeaux, Sa Majesté a nommé M. Duport Dutertre pour le remplacer comme garde des sceaux. La lettre du roi est ainsi conçue : « Je vous prie, Monsieur lé Président, de faire part à l'Assemblée que, sur la démission de M. l’archevêque de Bordeaux, j’ai nommé1 M. Duport Dutertre pour le remplacer. » Signé : LOUIS. M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité de l'imposition sur les droits d'enregistrement des actes civils et judiciaires et des titres de propriété. M. de Talleyrand, évêque d'Autunf rapporteur (1). Messieurs, votre comité ue l’imposition vous a exposé l’ordre et le plan de son travail (1) Le Moniteur a mentionné, mais n’a pas inséré le rapport de M. de Talleyrand. dans un premier rapport fait par M. de La Rochefoucauld le 18 août dernier. Vous avez ensuite entendu les rapports qui vous ont été présentés, relativement à la contribution foncière, à la contribution mobilière, et à la partie du revenu public établie sur la consommation du tabac. Nous vous entretiendrons aujourd’hui des détails relatifs aux impôts appelés si improprement droits domaniaux. Je ne m’étendrai pas sur la nature de l’impôt en général. Ses principes et ses éléments vous sont parfaitement connus; et vous avez eu occasion de les développer dans la discussion sur la contribution foncière. Je vous rappellerai seulement que tous les impôts se réduisent à quatre classes : ils portent, ou sur la personne, ou sur les biens-fonds, ou sur les marchandises ou denrées, ou sur les actes de la société civile. Ges quatrej branches du revenu public ne devraient avoir rien de contradictoire entre elles, quoique la contribution soit directe daDS quelques parties, indirecte dans d’autres. Lorsque vous vous êtes occupés de la contribution foncière, vous avez reconnu, Messieurs, que, pour être établie dans toute son étendue, ili fallait, avant tout, qu’elle fût analysée dans ses rapports avec les autres parties de la richesse individuelle qui doivent nécessairement concourir à cet impôt; que le cultivateur, malgré l’estimation qui réduirait un certain nombre d’années à une année commune, ne se verrait cependant pas, sans quelques alarmes, dans la dépendance immédiate et périodique des saisons; que l’étude et la réflexion lui apprendraient trop lentement, pour le succès d’une opération pressante et déjà relardée, qu’eu effet le riche donne: à la société une quantité de subsistances égale à l’excédant de ses besoins physiques ; qu’il rend au fisc, sous d’autres formes, la même somme de contributions qu'il aurait directement acquittées; etqu’ainsiil paye dans une proportion relative, quoiqu’il ne paraisse pas participer aussi immédiatement à l’impôt, sous la dénomination générique. Ges idées, il faut eu convenir, supposaient une foule de réflexions intermédiaires, de connaissances approfondies ; et Ton ne peut élever une nation fout entière, à cette hauteur, qu’avec les précautions du doute qrn conduisent le plus sûrement à la vérité. Yous avez aussi pensé, Messieurs,, que l’existence des corporations donnait aux classes industrieuses les moyens de maintenir, par un accord très facile entre elles,, la taxe des profits et le prix des consommations, à un point trop élevé pour que les propriétaires de terres, s’ils étaient chargés seuls du poids de l’impôt, fussent assurés de recevoir quelque indemnité sur leurs jouissances et leurs consommations. Matin vous avez voulu éviter que, dans un temps où l'intérêt de l’argent était très, élevé, où une foule de capitalistes mirent sur des placements très lucratifs, l’impôt les épargnât absolument pour aggraver le sort du propriétaire. ü’cst d’après des vues aussi sages, Messieurs, que vous ave', cru devoir établir ta somme de l’impôt territorial dans des-proportions modérées, et appeler l’impôt indirect à son appui, pour composer les revenus de l’Etat. L’impôt indirect offre d’ailleurs des idées consolantes. Etant presque toujours volontaire, il n’est jamais exagéré. Le pauvre voit, dans les 4 ] Assemblée nationale.] ARCHIVES .PARLEMENTAIRES [22 novembre 639 consommations du riche, un supplément die contribution personnelle; et cette considération morale n’est peut-être pas indifférente aujourd’hui. C’est d’après ces réflexions que nous avons rédigé le projet de décret que nous vous soumettons sur les droits appelés si improprement domaniaux. Nous avons pensé que tous les actes, qui constatent des dispositions entre les membres d’une société, intéressaient la société tout entière, puisque la sûreté de tous est le résultat de la sûreté de chacun. Que les précautions contre la mauvaise foi étaient un des premiers devoirs du pouvoir législatif; que ces précautions exigeant des formalités qui entraîneraient nécessairement des frais, ils devraient être supportés par ceux qui avaient recours à cet établissement. Que cette conciliation entre le but moral et l’intérêt du lise était une conception, très raisonnable, qui n’éprouverait jamais de contradiction, lorsque l’arbitraire et la vexation n’en souilleraient point la pureté. Qu’une partie des actes civils était susceptible d’un droit fixe et invariable, et qu’une autre partie devait supporter un droit proportionnel aux valeurs qu’ils énonçaient. Que faire payer par le riche une masse de contributions plus forte, non seulement parce qu’il répéterait plus souvent les actes relatifs aux dispositions de sa fortune, mais aussi parce que les valeurs, qui seraient l’objet de ces actes, seraient plus considérables, c’était adopter un système conforme aux vrais principes de l’impôt, puisque diminuer le droit en raison de l’évaluation des sommes, ainsi qu’il était établi par les lois bursales, c’était précisément favoriser le riche et peser sur le pauvre. Qu’enfin les grandes villes où les relations sont plus multipliées, et les richesses plus communes, acquitteraient la plus forte partie de cet impôt, et que c’était par de semblables moyens qu’elles pouvaient concourir au soulagement des campagnes. Que ces principes, Messieurs, sont différents des motifs qui ont successivement introduit des droits absurdes, inventés par le génie malfaiteur de la finance et exigés sous les formes les plus vexatoires de la tyrannie féodale. Ici le fisc ne permettait d’échanger un bien-fonds contre un autre,, qu’en exigeant un droit des deux contractants, et par là nuisait à la liberté des échanges. Là, sous le nom de droits réservés-, on percevait des droits dus jadis à des officiers supprimés, droits dont le' motif chimérique devenait insultant. Tantôt on confondait la chose et la personne; tantôt, au contraire, un roturier, propriétaire d’un bien noble, payait comme noble les actes personnels, et les droits-de franc-fief comme roturier. Des abonnements accordés à la faveur altéraient les produits légitimes. Une seule sentence donnait lieu à cinq ou six perceptions différentes. Des enfants, qui avaient Je malheur de renoncer à la succession, de leur père, payaient,. sous prétexte d’une publicité idéale, des droits infiniment plus forts que si la succession eût été utile et qu’ils l’eussent acceptée. Les communautés des campagnes ne pouvaient, après les formalités les plus serviles, parvenir à couper leurs: bois qu’en payant vingt deniers de taxation. C’était un larcin qui tombait sur la misère. Un fin, Messieurs, il fallait toute la patience des peuples et toute l’industrie de leurs tyrans pour soutenir les produits d’une législation tarifée dans trois cents articles, et que dix mille arrêts ont vainement interprétée. Le nouvel ordre ne peut se concilier avec un régime si désastreux; mais en même temps le besoin absolu des finances, en supprimant jusqu’à la trace des abus, vous force d’en conserver les produits. C’est pour opérer ces effets que votre comité vous propose de décréter l’abolition, à compter du 1er jauvier prochain, des droits du contrôle des actes et des exploits, insinuation, centième denier des immeubles, droits de greffe et droits réservés sur les procédures, du droit de sceau des actes des notaires et et de ceux des chancelleries , du droit de sceau en Lorraine, de celui de bourse commune des huissiers de Bretagne, des quatre deniers du prix des ventes de meubles à l’encan, des droits d’amortissement, nouvel acquêt et usages, enfin des sous pour livre additionnels de ces droits. Us seraient remplacés par le produit d’une formalité simple, unique, sous le nom de droit d’enregistrement. Ce droit serait applicable à tous les actes, tantôt par une taxation positive, tantôt par un tarif gradué dans une proportion relative, et toujours dans les principes de la plus parfaite analogie avec les facultés des contractants, reconnue par l’objet même des transactions, seule mesure qu’il soit possible d’adopter. Et remarquez d’abord, Messieurs, l’avantage si essentiel et si nouveau de l’unité dans le système de cette imposition : unité de principes, unité de perceptions ; connaissance toujours certaine et positive du montant de la dette que le contribuable doit acquitter, et que le percepteur doit recueillir. Il était difficile que votre comité se refusât à la séduction que présente une idée simple qu’il devait adopter avec d’autant plus de confiance qu’elle formait le contraste le plus marqué avec l’effrayante complication du régime que vous aviez à détruire. Votre comité n’a jamais cessé d’être pénétré de ces principes; et quoique le projet de décret vous en offre la preuve dans chacun de ses articles, il est nécessaire que vous vouliez bien permettre ici tous les détails qui pourront éclairer votre sagesse. Le droit d’enregistrement nous-a paru devoir embrasser l’univemlité des actes de la société, mais avec les distinctions et les modifications convenables. Si vous étiez arrêtés par des considérations fort naturelles sur l’espèce d’affranchissement dont quelques-uns des actes vous paraîtront susceptibles, rappelez-vous, Messieurs, que, d’un côté, la modération de l’impôt à leur égard paraît solliciter son pardon, et que, de l’autre, la plus impérieuse des lois, la nécessité, exige des contributions; que, si vos délibérations sur le choix doivent être approfondies, vos décisions ne peuvent être trop accélérées, et qu’enün le revenu public est le trésor de la liberté. Voici l’énumération implicite des actes civils et des motifs qui doivent les soumettre à la contribution publique. La justice sera gratuite; mais lorsque vous avez prononcé des amendes contre les plaideurs dont l’appel serait jugé mal fondé, vous avez consacré ce principe, que l’injustice ou la, cupidité devaient subir une peine comme coupables d’un attentat envers la propriété ,et par là même, vous avez voulu mettre un frein aux passions intéressées des hommes. Vous approuvez donc que les expéditions 040 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]22 novembre 1790.] des jugements soient soumises au droit, et que ceux que l’inquiétude ou l’avidité porte habituellement vers les tribunaux contribuent à leur entretien d’une manière plus particulière. Les greffiers rédigent quelquefois, comme les notaires, des conventions sociales, et ils doivent alors rester soumis aux mêmes règles. Les actes sous signature privée paraissent aussi devoir être assujettis à la perception avant d’être confirmés en justice ou devant notaires. Par quel motif, en effet, un titre sous seing privé obtiendrait-il sans frais les mêmes prérogatives, la fixité des dates, et la priorité des hypothèques assurées aux actes dont la publicité a exigé quelques dépenses? Les mêmes effets doivent êtreproduits par la même cause, en n’oubliant jamais les véritables intérêts du commerce et en ne séparant point les considérations de la morale de celle de l’économie politique. Les donations ont paru devoir supporter une taxe, et nous avons pensé que ce n’était pas mutiler un bienfait que d’en appliquer une portion presque insensible aux besoins de la société et aux frais de la protection commune. Nous avons considéré, sous le même rapport, les successions; mais vous adoucirez ce que le principe a de rigoureux, en n’imposant sur les successions directes qu’une taxe si légère que leur multiplicité seule en marquera les produits, tandis que les collatérales supporteront une contribution que leur nature doit justifier. La nécessité de distinguer le nécessaire du superflu dont les proportions varient suivant les relations établies par l’inégalité des fortunes, mais plus encore l’insulte que ferait à la liberté toute inquisition domestique, ont dû nous faire rejeter l’idée d’un impôt sur les successions mobilières. Il n'en est pas de même des immeubles. Vous savez, Messieurs, qu’ils se divisent en deux classes: les immeubles réels et les immeuble fictifs. Nous avons considéré, dans l’enregistrement des actes concernant toutes les propriétés foncières, non seulement le droit utile qui doit en résulter, mais aussi la conservation intégrale de ces propriétés. Nous l’avons regardé comme un remplacement nécessaire de celte espèce de dépôt, qui constatait contradictoirement les titres dans le régime féodal, et qui, s’il formait le cole de la servitude, composait au moins les annales de la propriété. Il sera même très utile, Messieurs, que vous étendiez votre prévoyance jusqu’à renouveler, par une loi expresse, l’obligation imposée aux notaires de déclarer, dans les contrats d’aliénation de ces biens;, la mesure et les confins des terres dont il y aura mutation. Cette précaution tient à des considérations du plus grand intérêt; et vous concevez quelle influence elles doivent avoir sur l’organisation du nouveau système de contribution foncière, sur la répartition de l’impôt, et sur la connaissance des valeurs comparatives. En vain objecterait-on que cette taxe répugne à la liberté, et qu’elle altère la valeur des biens-fonds. Tout impôt, sans doute, est exclusif de la liberté absolue des choses, mais non pas des personnes : tout impôt est une détérioration de valeur : mais elle porte sur les revenus puisqu’elle porte sur le capital : et n’esl-ce pas le revenu qui doit à l’Etat sa portion contributoire? Les immeubles fictifs consistaient jusqu’à ce jour dans les offices et les contrats de rentes. La vénalité des charges que vous avez abolie, réduira bientôt cette classe aux simples contrats. La contribution n’a pu atteindre jusqu’à ce jour cette espèce de propriété. Nos rois étaient constamment esclaves de la despotique avidité dis préteurs, et les peuples payaient avec leur sang les intérêts d’une créance qu’ils n’avaient point consentie. G’était par là seulement que l’opulence, qui peut tout, se mettait au niveau de l’indigence qui ne doit rien. Notre projet de décret vous présentera, d’un coup d’œil, toutes les distinctions de ces diverses propriétés et l’application des droits dont elles sont susceptibles. Votre comité, Messieurs, persuadé que toutes des objections contre la réformation du mode qu’il nous propose, seront discutées dans l’Assemblée, pourrait ne pas combattre ici celles qui lui ont été adressées par les notaires de Paris ; mais peut-être aurons-nous abrégé la discussion et économisé le temps que la nation réclame, en vous les exposant rapidement dans ce rapport. La substance du mémoire des notaires de Paris se réduit à proposer l’abolition du droit de contrôle, c’est-à-dire l’abolition de la formalité d’un enregistrement des actes notariés et des contrats par un fonctionnaire public, en la laissant subsister sur les actes des huissiers et du greffe, (t sur ceux sous seing privé; à continuer la perception des droits d’insinuation sur les donations et libéralités, et celles du droit de centième denier sur la mutation des immeubles ; enfin à substituer à l’impôt du contrôle sur les actes des notaires un droit de timbre, appelé au-jourdhui formule, sur les papiers et parchemins destinés à la transcription des contrats, droit qui s’élèverait dans toute la France au taux des papiers et parchemins employés par les notaires de Paris, avec un surhaussement de moitié. Nous n’examinerons point, Messieurs, si les notaires de la capitale ont un intérêt à s’opposer à l’enregistrement de leurs actes qu’un ministère inconséquent et faible a soustraits à la loi du contrôle, On peut avoir raison, quoique l’on soit intéressé à l’avoir; mais l’on est doublement malheureux lorsque l’erreur, que l’on défend, est une erreur personnellement avantageuse. C’est la seule réflexion que votre comité doit opposer à une déclaration exagérée, qui a excité, dans différentes municipalités du royaume, une fermèntation très nuisible aux produits de ces droits, qui, jusqu’à ce moment, n’avaient souffert que de légères atteintes. Parmi les vœux exprimés par la nation, celui de la réformation des règlements sur le contrôle est général; mais l’extinction du privilège accordé aux notaires de Paris a été également demandée : il faut donc réformer le contrôle et supprimer le privilège. Le contrôle, lorsqu’il ne sera plus qu’un enregistrement, est un sceau national apposé à tous les actes passés entre les membres de la société : il constate les dates, l’ordre des hypothèques, les nuances des conventions, les époques et les conditions de la propriété; enfin il imprime un caractère inaltérable en fixant les volontés et en garantissant la fidélité réciproque. Gomment opposerait-on sérieusement à ces avantages, l’inviolabilité du secret et le prétendu esclavage de la pensée? Quel acte s’appellerait acte public, s’il se passait sans rédacteur et sans confident? Un notaire, un autre notaire en second signent un acte rédigé dans une étude ; cet acte est souscrit par des témoins qui, souvent même, [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790.) sont exigés par la loi, il est transcrit et porté par des copistes salariés; sans doute, il est peu, très peu d’abus commis par les notaires; mais en reproche-t-on aux préposés au contrôle, hommes publics et assermentés, que la multiplicité même de leurs opérations rend immémores et impassibles, et qui ont à conserver, comme les notaires, et leur conscience et leur état ? Les notaires proscrivent les conventions sous signature privée, en proposant de les laisser assujetties à des droits dont celles qu’ils rédigent seraient exemptes. Ce serait, il est vrai, multiplier leurs opérations et par conséquent les produits de l’impôt; mais quelque utile qu’il puisse être aux citoyens d’éviter dans leurs conventions particulières tous les pièges que l’adresse peut tendre à la franchise, il serait difficile de concilier ici la liberté de la pensée avec l’esclavage des formes. C’est peut-être parvenir au même but, que d’accorder une protection plus éminente aux actes publics, et de ne leur assimiler les actes privés que lorsqu’ils ont acquis le même caractère que les premiers. Le centième denier, que l’on voudrait conserver, serait un droit féodal : il doit disparaître avec le régime dont il émane. Le droit d’enregistrement ne porte point sur l’immeuble, mais sur le titre de propriété : ce titre est la preuve écrite des facultés, et les facultés doivent supporter la contribution proportionnelle. On est bien éloigné de trouver cette proportion, que partout la Constitution réclame, dans l’idée présentée par les notaires d’élever dans tout le royaume le prix d’une feuille de papier à 30 sous et celui d’une feuille de parchemin à 5 livres. Ils ajoutent que ce droit produirait quinze millions, et que, dans le cas où il ne parviendrait pas à cette hauteur, le déficit serait réparti eutre les départements par un supplément à la contribution personnelle des citoyens. Déjà, Messieurs, vous êtes frappés de tous les inconvénients de cette étrange contribution. 1° Elle porterait tout entière sur le pauvre qui payerait le double et le triple des droits proposés par voire comité, tandis que cette taxe serait presque insensible sur les conventions du riche; 2° Les notaires proposent des proportions moindres pour les actes qui n’énonceraient pas une valeur au-dessus de 150 livres ; mais nous sommes assurés que ces actes forment les huit dixièmes dans les campagnes, et alors il est impossible de réaliser la moitié des quinze millions promis par les notaires. Ehl comment oserions-nous y suppléer en proposant aux représentants de la nation de faire porter sur la masse entière des citoyens, une contribution que la raison et la justice rejettent sur la seule classe à laquelle cet établissement doit être utile? D’ailleurs, parmi ces actes que passent des citoyens indigents, il en est beaucoup qui ne présentent pas des valeurs déterminées. La charge du timbre serait donc alors la même que pour l’homme riche? Enfin, comment s’assurer, dans ce système, de l’exactitude à écrire sur le papier du plus fort timbre, ou même d’un timbre quelconque, les miaules que personne n’auraitle droit de contrôler et de vérifier ? Les propositions des notaires de la capitale ne paraissent donc pas plus fondées que leurs objections, mais votre comité croit juste d’observer qu’il est possible que l’assujettissement de ces officiers à la loi commune, et la perte qui en résultera dans le prix de leurs charges, les mettent dans le cas de réclamer une indemnité. G’est lre Série. T. XX. une question dont nous vous [proposons de renvoyer l’examen au comité de judicature. Si nos observations vous ont démontré, Messieurs, la nécessité que les actes civils et judiciaires, et les titres de propriétés, soient soumis à un enregistrement, en réduisant une seule forme, à un seul mode, les formalités diverses auxquelles ils étaient assujettis; enfin si vous jugez qu’un produit d’environ quarante millions doit être assuré dans son intégrité, il ne reste plus qu’à vous présenter les moyens de faire plier l’impôt sous la loi nouvelle de la justice et de l’égalité. Trois classes comprennent tous les actes de la société : La première est celle des actes dont les objets ont une valeur déterminée, et dont il résulte immédiatement transmission, obligation ou attribution. La deuxième est celle des actes dont il n’est pas possible de désigner ni d’évaluer les objets, soit qu’ils ne doivent être certains qu’à une époque incertaine, soit que leur effet dépende des conditions que celui qui dispose veut y attacher. Tels sont les testaments, les donations des biens à venir, et les contrats de mariage dans lesquels la déclaration des biens ne peut pas être obligée. La troisième classe est celle des actes simples dont l’effet ne produit aucun profit immédiat et calculable, tels que les actes de formalité ou de précaution, les actes préparatoires, ceux qui concernent l’introduction ou l’instruction des instances, ceux qui ne contiennent que l’exécution, le complément et la consommation des conventions antérieures passées en formes d’actes publics, et généralement tous les actes non compris dans les deux premières classes. Les actes de la première classe acquitteront un droit proportionnel à la valeur des objets qui y seront désignés. Cette perception suivra chaque série de cent livres inclusivement. La qualité en sera graduée par plusieurs sections, depuis cinq sous jusqu’à trois livres par cent livres. Cette graduation adonné les moyens de réduire les taxes annuelles sur plusieurs espèces de dispositions qui méritent d’être favorisées. De ce nombre sont les contrats de mariage , les donations entre mari et femme , celles en ligne directe, les arrangements de famille, les échanges de fonds, les baux à titre de ferme, les attermoiements convenus entre un débiteur et ses créanciers, les dons et legs éventuels qui n' acquitteront le droit proportionnel que lorsqu’ils auront leur effet. Il sera payé, pour l’enregistrement des actes de la deuxième classe, un droit proportionnel à la contribution individuelle des contractants, à raison de la moitié de la somme de cette contribution, sans que le droit puisse être moindre de trente sous. Ainsi, par exemple, la perception sera de six livres pour le contrat de mariage ou le testament de celui qui paye douze livres de contribution personnelle. Votre comité a pensé que cette mesure substituait un régulateur juste et positif à l’arbitraire qui régnait, par la cotisation de ces actes, sur le pied de la qualité des contractants, indice si incertain de leur fortune, et qui perpétuerait son empire dans cette perception, si elle ne recevaif pas une loi déterminée. Les droits d’enregistrement des actes de la troi sième classe consistent dans une somme fixe pour chaque espèce, depuis cinq sous juqu’à douze livres. Tel est, Messieurs, tout le mécanisme de l’opération que votre comité vous propose. Un petit 41 642 [Assemblée nationale.] nombre d’articles, et le tarif qui y est annexé, rassemblent dans un corps de lois, dont l’intelligence et l’exécution sont également faciles, tous les objets épars de cette obscure et volumineuse législation. Si ce nouvel ordre laissait, dans les premiers moments, quelque prétexte à l’incertitude des interprétations respectives, ces erreurs ne pourraient être que momentanées, puisque le percepteur trouvera sans cesse dans la loi les limites de ses prétentions, et le contribuable, son protecteur et son juge. Votre comité, Messieurs, vous supplie d’observer que tout est lié dans ce système : qu’attaquer ou déranger les proportions de ses parties c’est détruire l’ensemble. La taxe sur les successions directes est de cinq sous par cent livres ; celle sur les successions collatérales est de quarante sous. Eh bien! la modicité de la première taxation est compensée par la justice avant tout, et ensuite par la multiplicité des actes qui en seront l’objet. Les lettres de change sont exceptées de la formalité et de la perception des droits; mais les billets à ordre non payés y sont assujettis. Ce titre n’est pas rigoureusement un effet de commerce; et c’est le commerce qui seul peut réclamer ce genre de protection . Que les vrais négocian ts fassent des lettres de change ou payent leurs billets et le droit sera nul à leur égard. Si, en agréant les diminutions, vous vous refusiez dans d’autres parties aux augmentations nécessaires, tous les calculs des produits présumés se réduiraient à des incertitudes, et le travail de votre comité n’aurait servi qu'à vous prouver toutes les difficultés qu’il avait à surmonter. C’est avec une véritable satisfaction que nous nous empressons de reconnaître le zèle et le patriotisme éclairé des personnes qui nous ont fourni tous les renseignements dont nous avions besoin sur cette partie de l’administration, qui demande une étude très approfondie, et qui a, jusqu’à ce jour, classé avec distinction les administrateurs qui s’y sont consacrés. PROJET DE DÉCRET Sur le droit d’ enregistrement des actes civils et judiciaires , et des titres de propriété. Art. 1er. A compter du premier janvier 1791, les droits de contrôle des actes et des exploits, insinuation, centième denier des immeubles, scel des jugements, tous les droits de greffe, les droits réservés sur les procédures lors de la suppression des offices de tiers référendaires, contrôleurs des dépens, vérificateurs des défauts, receveur des épices et amendes, le sceau des actes des notaires, le droit de sceau en Lorraine, celui déboursé commune des huissiers en Bretagne, les quatre deniers pour livre du prix des ventes de meubles, les droits d’amortissement, de nouvel acquit et usages seront abolis. La formalité de l’insinuation sera donnée aux actes qui exigent la publicité, ainsi qu’il est prescrit par l’article 24 du décret de l’Assemblée nationale, des 6 et 7 septembre 1790. Art. 2. Les actes de notaires et les exploits des huissiers seront assujettis, dans toute l’étendue du royaume, à un enregistrement pour assurer leur existence et constater leur date. Les actes judiciaires soumis à la même formalité, soit sur la minute, soit sur l’expédition, ainsi qu’il sera expliqué en l’article 10 ci-après. Les actes passés sous signature privée y seront [22 novembre 1790,] pareillement sujets dans les cas prévus par l’article 11. Enfin le titre de toute propriété ou usufruit de biens immeubles réels ou fictifs sera de même enregistré. A défaut d’actes en forme ou sous signature privée, contenant translation de nouvelle propriété, il sera fait enregistrement de la déclaration que les propriétaires et les usufruitiers seront tenus de fournir de la consistance et de la valeur de ces immeubles, soit qu’il les aient recueillis par succession ou autrement, en vertu des lois ou coutumes, ou par l’échéance des conditions attachées aux dispositions éventuelles. A raison de cette formalité, il sera payé un droit dont les proportions seront déterminées ci-après, suivant la nature des actes et les objets des déclarations. Art. 3. Les actes et les titres de propriété ou d’usufruit soumis à la formalité seront, pour la perception du droit d’enregistrement, divisés en trois classes. La première comprendra les actes dont les objets ont une valeur déterminée, et dont il résulte immédiatement transmission, attribution ou obligation. La seconde classe, ceux dont les objets ne seront pas évalués, soit parce que cette évaluation dépend de circonstances éventuelles, soit parce qu’il n’y a pas lieu d’en exiger l’évaluation : cette classe comprendra les contrats de mariage, les testaments, les dons mutuels, les dispositions de biens à venir et de dernière volonté, même les dispositions éventuelles stipulées par des actes entre-vifs dont les objets sont indéterminés. La troisième classe comprendra tous les actes de formalité ou de précaution, les actes préparatoires, ceux qui concernent l’introduction ou l’instruction des instances, ceux qui ne contiennent que l’exécution, le complément ou la consommation de conventions antérieures passées en forme d’actes publics, dont les droits auront été payés sur le pied de la première classe, les donations éventuelles d’objets déterminés, et généralement tous les actes non compris dans les deux classes précédentes. Art. 4. Il sera payé, pour l’enregistrement des actes et titres de propriété ou d’usufruit de la première classe, un droit proportionnel à la valeur des objets qui y seront désignés. Cette perception suivra chaque série de 100 livres inclusivement et sans façon. La quotité en sera graduée par plusieurs sections, depuis cinq sols jusqu’à trois livres par 100 livres, conformément au tarif qui sera annexé au présent décret. Le droit d’enregistrement des actes de la seconde classe sera payé à raison du ..... du revenu des contractants ou testateurs, et leur revenu sera évalué d’après leur cote d’habitation dans la contribution personnelle, sans que le droit puisse être moindre de une livre dix sols. Mais dans les cas où un acte de la seconde classe ne transmettrait que des propriétés immobilières, il sera fait déduction de la somme payée pour l’enregistrement de cet acte, sur celle que le propriétaire acquittera lors de la déclaration qu’il sera tenu de faire pour raison de ces immeubles. Le droit d’enregistrement des actes de la troisième classe consistera dans une somme fixe pour chaque espèce depuis cinq sols jusqu'à douze livres, suivant le degré d’utililité qui en résulte, ARCHIVES PARLEMENTAIRES.