[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [2 novembre 1790.) 189 principes de l’Assemblée nationale, qui l'ont déterminée à vouloir que les justiciables nomment leurs juges, et que les juges des tribunaux de commerce soient élus seulement par les gens de commerce, et un décret qui prononcerait que les appels des jugements des tribunaux de commerce seraient portés aux tribunaux de districts, dont les connaissances en matière de commerce n’ont pas été présumées, par l’Assemblée nationale, ni assez positives, ni assez étendues pour qu’elle ait cru, en matière de marchandises et de commerce maritime, leur conüer les intérêts des citoyens. Enfin, pour conserver l’unité des principes, ne pensez-vous pas, Messieurs, que, si le décret qui donne aux juges de district le pouvoir de juger des affaires de commerce, dans les districts où il n’y a pas de tribunaux de commerce, les ramène au même degré des tribunaux de commerce, et qu’en cette partie ils représentent (puisqu’on l’a voulu) les personnes désignées en l’art. 9? Il serait convenable, au moins pour conserver l’unité des principes, que l’Assemblée nationale se déterminât de décréter que « les appels des jugements en matière de commerce seront portés au choix des parties, soit qu’ils soient rendus par les tribunaux de commerce ou par les tribunaux de districts, devant les autres tribunaux séant dans l’étendue du département, ou devant les tribunaux de commerce des départements voisins, dont il sera fait un tableau pour chaque département, contenant au moins cinq tribunaux où l’appel sera porté. » Il conviendrait aussi qu’il y eût près des tribunaux de commerce un tribunal de paix, aux mêmes fins que celui mentionné dans l'article 7 du titre X dont est ci-dessus parlé. Les arrêts de défenses ne sont point à craindre dans le plan que je propose; les tribunaux de commerce en connaissent mieux que personne les inconvénients. Je conviens qu’on doit peu les craindre, soit que l’appel y soit exclusivement porté, soit qu’il y ait lieu aux tribunaux de district, puisque l’un et l’autre ne seront qu’éven-tuellement saisis. Quoi qu’il en soit, l’idée de la supériorité est si agréable au cœur humain que la loi ne peut être trop claire et trop sévère sur ce point. L’Assemblée nationale pourrait décréter que « dans aucun cas le juge déjà saisi de l’appel ne pourra arrêter l’exécution provisoire du jugement dont est appelé, quand l'intimé aura fourni caution des choses à juger. » Je sais qu’on peut combattre mon opinion sur l’appel des tribunaux de commerce aux autres tribunaux de commerce circonvoisins en s’appuyant de l’exemple des parlements, qui jugeaient de toutes les matières. Je répondrai qu’un abus qu’on détruit n’est point une autorité, mais qu’il faut observer que les parlements qui jugeaient des affaires de commerce intérieur et maritime étaient peu éloignés du commerce de la mer; qu’ils étaient fixés dans les grandes villes où se réunissent toujours un grand commerce et les lumières de toute espèce : d’ailleurs, ils avaient la faculté (et dont les plus sages usaient souvent) de consulter les négociants et les anciens marins sur les affaires de commerce qui les embarrassaient. Ces négociants, ces marins, ils les trouvaient dans le sein de leur ville et de leur société. D’où je conclus que si, contre l’esprit mêtne et l’ensemble de la Constitution, l’appel des tribunaux de commerce était dévolu aux juges de district, le dernier remède au vice d’une semblable organisation serait celui de dire que cet appel ne serait porté que devant les tribunaux de district dans le lieu desquels serait établi un tribunal de commerce, à l’exception de Paris, où les justiciables des tribunaux de commerce auraient le choix dans les divers tribunaux établis dans son enceinte. Permettez-moi , Messieurs, de terminer cette lettre en vous faisant une question à laquelle les circonstances donnent lieu , qu’il existait dans les parlements, soit par des arrêts de défense, soit par d’autres procédures abusives ou des appels inconsidérément reçus, beaucoup de causes de commerce qui n’ont pas reçu de jugement définitif. Ne croyez-vous pas, Messieurs, que toutes celles qui sont dans ce cas devraient être renvoyées aux tribunaux de première instance, ou à ceux qui les représentent, pour être reprises eu l’état où elles étaient lors de l’appel ou de l’arrêt de défense? Une chose sainte, et qui méritera à l'Assemblée nationale les bénédictions de la classe la plus intéressante de la marine, celle des pêcheurs, c’est d’établir dans chaque port du royaume un tribunal composé de prud’hommes anciens maîtres pêcheurs, pour y juger en dernier ressort, jusqu’à 500 livres, les contestations qui surviennent entre les maîtres pêcheurs pour avaries, raptiries des filets et autres hasards des pêches, et conformément à l’ordonnance de la marine, pour ce qui concerne la pèche seulement, leur compétence devant expirer lorsque le bateau est amarré au quai. Je suis avec respect, Messieurs, votre très humble et obéissant serviteur, etc. Paris, le 31 octobre 1790. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BARNAVE. Séance du mardi 2 novembre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Lanjuinais, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 31 octobre dernier. Le procès-verbal est adopté. M. Gillet-I�ajacquemmière. Un événement malheureux vient d’arriver à Auxerre : le bureau des coches a été incendié et le fermier des messageries de cette ville se trouve dans la plus triste position. Hors d’état de remplir les clauses de son bail, il mérite d’obtenir l’indulgence de l’Assemblée nationale. Je demande que le comité des tinauces soit chargé d’examiner ses pertes et de vous en rendre compte. (Cette motion est adoptée et cette affaire est renvoyée au comité des finances.) L’Assemblée ordonne ensuite que la liste complète des membres qui composent le comité de santé sera insérée dans le procès-verbal ainsi qu’il suit ; (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 190 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 novembre 1790.1 MM,' Fos de Laborde, médecin. Lavie (de Belfort), médecin. Laloy, médecin. Meyer, député d’Alsace, médecin. Salle (de Nancy), médecin. Thoret, médecin. Girard, médecin. Allard (député d’Anjou), médecin. Fisson-Jaubert, médecin. Dufau, médecin, Auclerc-Descottes, médecin. De Sèze, médecin. Boussion, médecin. Blin, médecin. Campmas, médecin. De Talleyrand, évêque d’Autun. Rabaud (de Saint-Etienne). Gossin. Lebrun. Malouet. Bureaux de Pusy. De Bonnefoy (l’abbé de). De La Rochefoucauld. Delley-d’Agier. Dumouchel. Livré. De Bousmard. Lanjuinais . L’abbé Grégoire. Creuzé de Latouche. M. "Vieillard (de Saint-Lô ), au nom des comités des rapports et des recherches. Les comités chargés de l’examen de l’affaire de Nîmes viennent de recevoir cent soixante dépositions nouvelles sur cette affaire, ainsi que d’autres pièces dont l’examen retarde nécessairement le rapport. Nous croyons que, dans l’état actuel des choses, il serait prudent de surseoir au renouvellement de la moitié des officiers municipaux de cette ville, qui, selon vos décrets, devrait avoir lieu le premier dimanche d’après la Saint-Martin. Voici le projet de décret que je suis chargé de (vous présenter :) « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des rapports et des recherches, décrète qu’il sera sursis dans la ville de Nîmes à la convocation de la commune et à toute nomination et renouvellement d’officiers municipaux et notables, jusqu’à ce que, par l’Assemblée nationale, il ait été statué sur le rapport qui lui sera très incessamment fait par les comités des rapports et des recherches réunis, des malheurs arrivés dans la ville de Nîmes, et des informations qui ont été faites pour en découvrir les auteurs. » Ordonne que son Président se retirera dans le jour par-devers le roi, pour demander la sanction du présent décret, » Ce décret est adopté. M. Prugnon. Les circonstances trop connues qui ont agité la ville de Nancy n'ont pas laissé à la municipalité le temps de terminer les procès-verbaux d’estimation des biens nationaux pour lesquels elle veut faire des soumissions. Il vous paraîtra juste sans doute de lui accorder un nouveau délai. Voici le projet de décret que j’ai l’honneur de vous proposer : « L’Assemblée nationale décrète qu’attendu les circonstances, la municipalité de Nancy demeurera exceptée des dispositions de l’article 1er du décret du 10 octobre, et qu’en conséquence il lui est accordé un délai de quinzaine pour l’envoi de ses soumissions. » (Ce projet de décret est adopté.) M. Lanjuinais, au nom du comité ecclésiastique. Beaucoup d’abus se sont commis, il y a peu de mois, dans la nomination des bénéfices. Vous avez chargé l’Etat du traitement de titulaires. Aussitôt que cet acte de justice a été connu, des collateurs ecclésiastiques se sont hâtés de multiplier les titulaires en nommant à des bénéfices qui, depuis longtemps, étaient restés vacants, à cause de leur peu de valeur. Par un autre abus, non moins condamnable, ils ont aussi nommé à des bénéfices qui avaient été réunis à d’autres. Le comité ecclésiastique a pensé qu’il fallait remédier à ces abus et les faire cesser à l’avenir. C’est dans cette vue qu’il vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité ecclésiastique, déclare nuis et non-avenus les titres de collation ou institution aux bénéfices auxquels il n’avait pas été pourvu depuis le 27 novembre 1749, ou qui avaient été supprimés ou réunis antérieurement au 27 novembre 1789, lorsque lesdits titres, institutions ou collations seront postérieurs à cet acte; fait défense aux pourvus desdits bénéfices depuis le 27 novembre 1789 de se dire titulaires desdits bénéfices, sauf aux corps administratifs à faire, sur l’exécution des dispositions, telles observations qu’il appartiendra. » M. Legrand propose de substituer à la date du 27 novembre 1749 celle du 27 novembre 1786. M. Brocheton. J’appuie cet amendement j il est fondé sur la justice et sur la connaissance des faits; j’appuie également le projet de décret ainsi amendé. Les dispositions qu’il contient sont de la plus grande nécessité. Je suis instruit que M. l’archevêque de Bourges a nommé, il y a trois mois, à une cure qui n’avait ni presbytère ni église, et qui depuis longtemps était supprimée. M. Durand dê Jtfaillanne. J’ai à proposer un autre amendement dont l’Assemblée reconnaîtra aisément l’importance; je le rédige ainsi : « L’Assemblée nationale déclare nulles toutes collations de bénéfices, autres que ceux à charge d’âmes, faites par des bénéficiers, corps et communautés ecclésiastiques, sous prétexte qu’ils étaient en possession de pourvoir en patronage ou collation laïque. » Cet amendement est renvoyé au comité ecclésiastique. Le décret est adopté avec l’amendement de M. Legrand en ces termes : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité ecclésiastique, déclare comme nuis et comme non-avenus tous titres de collation ou d’institution qui se trouveront accordés depuis le 27 novembre 1789, pour des églises paroissiales qui étaient alors vacantes, même gouvernées par un prêtre desservant depuis trois ans au moins, avant ledit jour 27 novembre 1789, ou qui étaient supprimées et réunies avant ledit jour, par ordonnance du supérieur ecclésiastique, suivie ou non de lettres patentes, dûment enregistrées; défend en conséquence à tous ceux qui ont obtenu les-dites collations ou institutions, de s’en aider et servir, de se qualifier curés desdits églises, d’en faire les fonctions et d’exiger le traitement légal de curé à raison de ces mêmes églises, sauf aux parties intéressées à demander le rétablissement de celles desdites cures qui paraîtraient nécessaires, ou l’établissement ou conservation dans lesdites églises d’une succursale, ou d’une messe aux jours de dimanches et de fêtes, le tout sui-