170 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 janvier 1790.] maio tiendra et fera exécuter avec soin, et de vous présenter ses respects et ses hommages. » L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention du don patriotique de Montpellier. M. Guillotln dit qu’il est chargé par M. de La Metherie, docteur en médecine, de faire hommage à l’Assemblée d’un projet d'administration pour la ville de Paris. Ce travail contient des vues utiles et il les recommande à ses collègues. ( Voy . ce document annexé a la séance de ce jour.) M. le Président fait lecture d’une lettre du garde des sceaux, qui adresse à l’Assemblée deux expéditions en parchemin, pour être déposées dans les archives; l’une des lettres-patentes sur un décret concernant diverses dispositions relatives aux municipalités; l’autre des lettres-patentes sur un décret qui ordonne la convocation des Assemblées pour la composition de ces municipalités. M. le vicomte deNoallles, membre de l'Assemblée, député de Nemours , observe que cette ville a eu le malheur de perdre un de ses membres par la mort de M. Berthier, député de Nemours, âgé de 75 ans, qui avait mérité l’estime de ses compatriotes en exerçant pendant 40 ans les fonctions de la judicature, et celle de l’assemblée par son zèle pour la liberté et le bien public. 11 invite les membres de l’Assemblée qui voudraient suivre son convoi, à s’y rendre le soir à 6 heures. M. le Président. L’Assemblée passe à V ordre du jour qui est relatif à la division des départements du royaume. M. Gossin, l’un des membres adjoints au comité de constitution pour la division du royaume, fait le rapport de quelques contestations dont la décision pourrait faire varier le nombre des départements. La première a pour objet le Dauphiné. Quelques députés de cette province demandent qu’elle ne soit pas divisée. Ils s’appuient sur les inconvénients qu’il y aurait à séparer les parties pauvres des parties riches, et sur la nécessité du concours de toutes les forces du pays pour assurer les subsistances et entretenir les routes. La majorité de la députation ne convient pas de ces inconvénients; elle en voit, au contraire, de très-considérables dans une administration trop étendue, obligée de fixer à la fois ses vues sur des hommes et des climats qui présentent des usages et des besoins différents. Elle croit aussi que le Dauphiné restant entier, il ne sera pas facile d’assurer une représentation bien égale ..... Le comité pense qu’il n’y aura aucune raison de déroger à une règle et à des principes que vous avez consacrés. Il verrait au contraire beaucoup de danger à accueillir la prétention du Dauphiné. Bientôt la Bourgogne, la Bretagne, la Franche-Comté, l’Artois, etc., demanderaient avec autant de raison à être conservés dans leurs anciennes limites. L’AsSemblée décrète que le Dauphiné sera divisé en trois départements. La seconde contestation concerne le pays d'Aunis. Cette province manque de la base d’étendue nécessaire pour former à elle seule un département; mais elle croit que ce défaut peut être compensé par son importance. Elle renferme cinq ports et trois grandes villes; son industrie est considérable; elle paye 1 million d’impositions directes et 900,000 livres de droits d’aides. L’unique moyen de soutenir son commerce, selon elle, est de concentrer son administration en elle-même, et de rendre La Rochelle chef-lieu de département. Elle propose d’augmenter son territoire de l’île d’Oléron et des marais desséchés du bas Poitou. La Saintonge ne s’oppose pas à ce que l’Aunis forme un département; mais elle refuse de lui céder l’île d’Oléron, qui se trouverait excessivement éloignée du chef-lieu, et qui depuis longtemps a avec la Saintonge des rapports habituels entretenus par le commerce et par des usages particuliers. Le comité n’a vu qu’avec beaucoup de regret que vos décrets ne permettent pas d’accueillir la demande du pays d’Aunis. Toutes les bases manquent à la fois/et le danger réel des administrations trop petites vient encore se joindre à cette considération. 11 pense cependant que l’Assemblée. en reconnaissant l’importance de la ville de La Rochelle, doit être disposée à accorder à cette intéressante cité quelques-uns des établissements qui seront faits par la suite. L’Assemblée décrète que le pays d’Aunis ne peut faire un département. Sur la division de la Eranche-Comté . Lesdéputés de la Franche-Coratéétaient d’accord sur la division de cette province en trois départements. La ville de Besançon a envoyé des députés extraordinaires pour demander le changement de cette division. La Franche-Comté est un ovale allongé; l’un des départements renferme en entier des terres à blé et à foin ; l’autre, des montagnes ; le troisième est mi-partie. Les députés extraordinaires demandent que cette division soit prise dans un autre sens, pour que les différentes qualités du sol soient également distribuées. Le comité est d’avis de maintenir la première division. L’Assemblée adopte cet avis. Contestations sur la réunion du pays des Basques au Béarn. LepaysdeSoule et lepays de Labour témoignent une grande répugnance à se réunir au Béarn. La différence des langues est le principal motif qu’ils présentent; mais les pays de Labour et de Soûle n’ont que 140 lieues de superficie, le Béarn 200. Ces contrées ont le même diocèse, les mêmes coutumes, la même cour supérieure. Le comité n’a pas cru que la différence du langage fut un motif suffisant pour oublier les convenances, et s’écarter del’exécutionde vos décrets. M. Garat l’aîné. Je réclame contre l’avis du comité : ma réclamation n’intéresse que des peuples pauvres et peu nombreux; mais n’ont-ils pas, par là même, des droits plus sacrés à votre justice éclairée? La différence des langues est un obstacle insurmontable. L’assemblage qu’on vous propose est physiquement et moralement impossible. Réunissez des hommes dont les uns parlent une langue, les autres une autre; que voulez-vous qu’ils se disent? Ils finiront par se séparer, comme les hommes de la tour de Babel. [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 janvier 1790.) i71 Ces obstacles ne sont pas levés par les légères et très-légères raisons du comité. Les Béarnais et les Basques ont le même évêque; mais de tous les administrateurs, ceux qui voient le moins en détail sont les évêques ; le même parlement ; c’était un vice de l’ancien ordre judiciaire, et vous ne le consacrerez pas. Je ne sais si, quand un peuple a conservé pendant des siècles un caractère excellent et des mœurs patriarcales, il peut être bon, et en morale et en politique, de le mêler avec des peuples policés. M. Darnaudat représente que beaucoup de Basques entendent le français et le béarnais; que ces peuples s’unissent par des rapports journaliers de commerce; que la différence de l’idiome peut être présentée comme une considération, mais non comme un moyen : qu’elle est au contraire une raison politique de réunir les deux peuples. M. Garai le jeune. Je ne vous présenterais pas d’observations, s’il était possible de suivre l’avis du comité; mais je dois vous en offrir quand il y a une impossibilité absolue, quand on veut faire le malheur de cent et quelques mille individus. Un des membres du comité de constitution, M. Target, a parcouru ce pays; il vous dira si l’on y parle une autre langue que celle des Basques. M. Target. Les Basques ne m’entendaient pas, je n’entendais pas les Basques; mais je ne puis en conclure que les Basques et les Béarnais ne s’entendaient pas entre eux. M. Garat le jeune. C’est une vérité coùnue dans les pays gascons et français, voisins de cette contrée, qu’il est impossible d’apprendre le basque, si l’on n’habite très-jeune avec les habitants de cette province. Aussi dit-on proverbialement que le diable est venu chez les Basques pour apprendre leur langue, et qu’il n’a pu en venir à bout. Ce proverbe vient de vous faire rire; cependant il renferme une vérité profonde. Les proverbes sont la sagesse des hommes. Aucunes langues ne présentent entre elles autant de difficultés que le basque et le béarnais. L’italien, l’allemand et l’anglais ont leur source commune dans le latin et dans les langues du Nord. Le basque est la véritable langue attique... Les Basques n’ont pas de métayers, pas de valets; ils cultivent eux-mêmes. S’ils allaient ailleurs faire leurs affaires ils ruineraient leurs affaires. Le vingtième de leur pays est cultivé; le reste n’est pas cultivable. Us sont très-forts, et ne pourraient jamais vivre ailleurs... A peine trouvera-t-on dans ces contrées des familles assez aisées pour fournir des éligibles à l’Assemblée nationale. Le Béarn, par cette réunion, nommera tous les représentants; le pays desjBasques n’en aura jamais. M. de Rochebrune. Les Basques ont une très-grande facilité naturelle pour l’étude des langues; beaucoup d’entre eux savent le béarnais et le français et c’est surtout en Béarn qu'ils vendent leurs laines. Le Béarn n’a ni-demandé ni désiré que les Basques lui fussent réunis; l’intention qnelui suppose le préopinant n’est donc pas juste. M. le vicomte de Alacaye. Tout ce que vous ont dit MM. Garat, mes collègues, est très-juste : l’impossibilité résultant de la différence d’idiome est évidente. Voulez-vous en juger? Ordonnez des conférences entre les députés basques et béarnais ; qu’ils parlent chacun leur langage, qui rédigera le procès-verbal de ces conférences ?... L’Assemblée, en suivant ravis du comité, décrète la réunion du pays des Basques et du Béarn. M. Garat le jeune. Il me reste un devoir à remplir; il m’est prescrit par mes commettants, par ma raison, par ma conscience : nulle chose au monde ne pourrait me le faire oublier; Dans une délibération unanime, ma province proteste. ( Violents murmures .) On interrompt l’opinant, en le rappelant à l’ordre. M. Démennier, ancien président, fait lecture à l’Assemblée de la lettre suivante qu’il a reçue ; a Monseigneur, « Les volontaires de la ville de Dunkerque se sont empressés de témoigner leur respect, leur adhésion, leur obéissance aux décrets de votre auguste Assemblée. Ils persistent plus que jamais dans ces sentiments. Us vous promettent de nouveau, ils jurent qu’ils sont prêts à soutenir, au péril de leur vie, une constitution qui convient vraiment à des hommes libres. « Us vous remettent, Monseigneur, deux libelles qui se répandent dans nos provinces j et dont votis avez peut-être intérêt de rechercher les vils auteurs. N’en concevez cependant nulle alarme : nous ne doutons pas de la fidélité d’un peuple qui s'estime heureux de faire partie de la nation française; nous vous conjurons du moins d’être persuadé que rien n’égale la nôtre, et qu on ne peut être àvee des sentiments plus respectueux. « Signé : nominativement par les membres du conseil d’administration de la garde bourgeoise de Dunkerque pour ses volontaires. « P. S. Le libelle a été adressé à notre comité, sous le timbre de la ville de Cambrai; et nombre d’exemplaires ont été répandus avec profusion dans cette province. » A cette lettre étaient joints les deux libelles, l’un intitulé : « Adresse aux provinces, parM. Démeunier, député, président de l’Assemblée. A Paris, chez Baudouin, imprimeur de l’Assemblée nationale; commençant par ces mots : tous vos députés vous assurent deux fois par semaine, et finissant par ceux-ci: susceptibles de quelques modifications ». L’autre intitulé : « Le génie des « Belges ou Flamands aux provinces Belgico-Fran-« çaises, commençant par ces mots : Les citoyens « étaient assemblés, et finissant par ceux-ci: t offre d’union et d’alliance avec toutes les pro-« vinces belgiqües. » M. Rémeunier remet le tout sur le bureau en y joignant son désaveu. M. Charles de Tamelh. On connaît mon opinion sur les libelles quand ils ne concernent que des particuliers. Lorsqu’ils tiennent à l’ordre public, ils ont vraiment quelque importance. Un libraire de Paris est venu s’accuser à moi que, ne gagnant rien à imprimer de bons ouvrages, il s’était déterminé à publier des libelles, et qu’il en sortait de ses presses vingt mille exemplaires par semaine. II y a très-peu d’impriraeufs à Paris qui n’en fassent autant. Ces libelles sont envoyés dans les provinces belgiqües et frontières.