267 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intra muros.] ticles, et qu’ils soient réformés en plusieurs points : notamment le code criminel, en ce qu’il exige le serment de l'accusé, auquel il sera donné un défenseur juridique dès le commencement du procès criminel ; et que tout accusé soit interrogé en la même forme et de la même manière, quelles que soient les conclusions du ministère public. Art. 18. Qu’on prenne des moyens pour abréger les procédures, et pour faire cesser les abus des directions, saisies réelles et ordres, qui consu-sument en frais les créanciers dont elles auraient dû conserver le gage. Art. 19. Qu’il soit fait une loi précise pour régler l’usage légitime des arrêts de défense, dont tant de plaideurs de mauvaise foi abusent tous les jours, et qu’il soit exactement pourvu à son exécution. Art. 20. Que les prisons, où gémit trop souvent l’innocence à côté du coupable, cessent d’être, contre l’intention de la loi, un séjour d’horreur et d’infection -, que les malheureux qui y sont détenus jouissent au moins, d’un air salubre, d’une nourriture saine et suffisante; que les infirmeries de ces prisons soient aérées et tellement disposées, qu’on y puisse faire le service des malades, et que jamais ils ne réclament inutilement les consolations de la religion, si nécessaires à leur état. Art. 21. Que toujours et dans tous les cas il soit loisible aux curés de visiter leurs paroissiens détenus en prison. Art. 22. Que le sort des galériens malades et alités soit pris en considération. Que cette vie que la loi leur conserve soit respectée, et que leurs chaînes tombent au moment où, n’étant plus nécessaires pour le maintien de l’ordre, elles deviennent un supplice insupportable et meurtrier. Art. 23. Que la matière des évocations, commissions, surséances, soit sérieusement examinée, et que l’on fixe par une loi expresse les cas où ces voies extraordinaires, mais quelquefois utiles, pourront être légitimement employées. Art. 24. Qu’il ne soit plus donné d’arrêts du propre mouvement pour les affaires des particuliers ou des corps, à moins qu’ils ne soient susceptibles d’opposition. Art. 25. Que les Etats généraux s’occupent promptement et utilement des objets de consommation, de manière à prévenir la disette, et empêcher dans tous les temps la trop grande cherté des grains. Art. 26. Que les Etals généraux absent aux moyens d’attacher tellement la classe des pauvres à leur pays natal, que des familles entières et très-nombreuses n’aient aucun intérêt à venir chercher à Paris un sort incertain, et augmenter le nombre infini des malheureux pour lesquels il n’y a pas de secours suffisants. Art. 27. Que la mendicité soit extirpée, comme étant le fléau des villes et plus encore celui des campagnes ; que, pour y parvenir, on établisse des ateliers de charité, qu’on prenne d’autres moyens qu’une administration sage et éclairée est plus à portée de connaître ; mais jamais celui d’enfermer les mendiants dans d’affreuses maisons de dépôt, où les traitements qu’ils éprouvent révoltent l’humanité. Art. 28. Que l’agiotage soit réprimé, et, s’il est possible, entièrement détruit, comme tarissant la source des véritables richesses que la France pourrait tirer de la culture des terres et du commerce. Art. 29. Qu’il soit pourvu par les moyens les plus efficaces à tous les approvisionnements de farine, viande, etc. pour la ville de Paris , afin ue ces denrées de première nécessité n’excè-ent jamais un prix raisonnable et qui soit à la portée du pauvre. Art. 30. Que tous les octrois sur le bois, charbon, etc., qui se sont accrus depuis quelque temps à un point excessif, soient examinés ; qu’on en recherche l’origine, le motif qui les a fait accorder, l’époque où ils devaient ou doivent finir, afin de les supprimer ou modérer s’il y a lieu. Art. 31. Que tout changement relatif aux embellissements de la ville de Paris ne puisse être effectué que lorsqu’il y aura un plan publié, contre lequel les personnes intéressées auront pu réclamer une discussion en présence du ministère public et des magistrats; et que ces changements une fois déterminés, les dédommagements soient arbitrés par les mêmes magistrats, et payés avant qu'on procède à la destruction des maisons, etc. Telles sont les doléances du clergé de Paris, telles sont ses demandes. Il les confie à la fidélité de ses député aux Etats généraux. Elles attesteront à la nation assemblée ses véritables sentiments. Puissent-ils être auprès d’elle le témoignage public de son zèle inaltérable pour la religion, de son dévouement au bien de l’Etat, et de sa respectueuse confiance en son Roi ! Et a, ledit clergé, donné à ses députés tous pouvoirs de proposer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et chacun les sujets de Sa Majesté, s’en rapportant à leur honneur et à leur conscience; n’entendant limiter autrement leurs pouvoirs, lesquels sont expressément énoncés par l’acte même de nomination desdits députés aux Etats généraux, lequel acte fait partie du procès-verbal du clergé de Paris intra muros. Fait et arrêté en l’assemblée générale du clergé de la ville de Paris, le 18 mai 1789. Le présent, certifié en tout conforme à la minute dûment signée de MM. les commissaires , et déposé au secrétariat de l’archevêché, ce 19 mai 1789. Signé f Antoine E.-L., arch. de Paris. Signé Benière, curé de Saint-Pierre de Chaillot, secrétaire de l’assemblée. Signé Dumouchel, recteur de l’Université, secrétaire de l’assemblée. Signé D. Prescheur, bénédictin, procureur général de la congrégation de Saint-Vannes, secrétaire de l’assemblée. CAHIER Du chapitre de P Eglise de Paris , pour servir d’instructions à ses députés aux assemblées des trois Etats qui doivent précéder la tenue des Etats généraux fixés par le Roi , au 27 avril 1789 (1). RELIGION. Conservation du culte public. 1° Nous entendons conserver dans son intégrité le précieux dépôt de la religion, qui nous est spécialement confié en qualité de ses ministres, et (1) Nous publions ce document d’après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat. 268 (Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris, intramuros.] rejeter tout ce qui pourrait y porter atteinte, ainsi qu’à la solennité et à la décence du culte public, qui doit être exclusivement réservé, dans toute l’étendue de ce royaume, à la religion catholique, apostolique et romaine. Conciles provinciaux. 2° Nous supplions le Roi très-humblement d’accorder à l’Eglise de France la tenue des conciles provinciaux, à l’effet de rétablir et d’entretenir dans toute sa vigueur la discipline ecclésiastique, de manière que la convocation desdits conciles puisse se faire sans long délai, sur la demande, et suivant les besoins de chaque métropole. Maintien du droit public ecclésiastique. 3° Nous supplions pareillement Sa Majesté de maintenir l’exécution de toutes les lois et ordonnances reçues dans le royaume, qui en forment le droit public ecclésiastique et canonique, et que les rois, ses augustes prédécesseurs, ont marqué du sceau de leur autorité. Progrès de l’irréligion et du vice, causé par la licence de la presse. 4° Pénétrés d’une douleur profonde à la vue du dépérissement affreux de la religion et des mœurs dans tout le royaume, et surtout dans cette capitale, nous adressons à Sa Majesté les plus vives et les plus humbles représentations sur la cause funeste et trop connue de ce renversement déplorable de tous les principes. Il provient de la multitude scandaleuse des ouvrages où règne l'esprit de libertinage, de l’incrédulité et de l’indépendance, où l’on attaque, avec une égale audace, la foi, la pudeur, la raison, le trône, l’autel ; livres impies et corrupteurs répandus de toutes parts avec la profusion et la licence les plus révoltantes, auxquels on ne saurait opposer trop promptement les digues les plus fortes. Rétablissement de l’éducation publique. 5° Les maux dont nous sommes les témoins, et qui menaçent encore plus les générations futures, nous portent à demander avec instance, à Sa Majesté, de prendre des mesures efficaces pour rendre à l’éducation publique l’éclat et l’utilité dont elle est déchue. Plusieurs de ses principaux établissements n’existent plus. Ces sources les plus précieuse se sont presque taries de nos jours, et n’ont été remplacées, dans la plupart des villes où elles procuraient tant d’avantages à la religion et aux lettres, que par des institutions obscures et privées, faibles, éphémères et suspectes. Les archevêques et évêques ne sauraient trop être maintenus dans le droit de supériorité et de surveillance sur les collèges, et nous nous faisons un devoir de demander que M. l’archevêque de Paris n’en soit pas privé sur celui de Louis-le-Grand. Protection en faveur des odres religieux. 6° Nous osons solliciter, de la bonté et de la piété du Roi, une protection particulière pour les ordres religieux de l’un et de l’autre sexe qui subsistent dans le royaume. Sous les heureux auspices de sa faveur et de son autorité, nous espérons voir fleurir et se vivifier de plus en lus ces saints instituts utiles à la religion, au ien de l’Etat, aux familles indigentes, à la subsistance surtout des pauvres de la campagne. CONSTITUTION. Eloignement de tout ce qui altérerait la monarchie. 1° Le gouvernement monarchique étant la constitution inébranlable de la nation, la plus propre à sa tranquillité intérieure et à sa sûreté au dehors, la plus convenable à l’étendue de ses provinces, la plus conforme au caractère de ses peuples, qui, dans tous les temps, se sont distingués par leur amour et leur attachement pour leurs souverains, le chapitre ne pourra jamais se prêter à rien de ce qui tendrait à altérer la forme de ce gouvernement. Il y est inviolablement attaché par les devoirs les plus sacrés de l’obéissance, par les liens du serment et de la fidélité, par l’amour et par le respect pour ses maîtres, par le bonheur de leur être soumis. Opinion par ordre et non par tête. 2° Le chapitre de l’Eglise de Paris réclame la conservation de l’opinion par ordre, dans les délibérations des Etats généraux, comme conforme aux antiques usages de cette monarchie, comme étant la seule vraiment constitutionnelle, la sauvegarde la plus sûre de l’autorité royale, de la dignité de la couronne et de l’ordre public. Elle est rigoureusement conforme à la justice, en ce que le parfait équilibre qu’elle établit entre les ordres leur ôte tous moyens de prévaloir les uns sur les autres; que la lenteur même qu’elle entraîne dans les délibérations prévient les inconvénients qui résulteraient des résolutions souvent peu réfléchies, auxquelles exposerait l’opinion par tête, et qu’elle écarte enfin les différents moyens de séduction ou de surprise qui peuvent facilement se glisser dans les grandes assemblées, si souvent tumultueuses et agitées. Précautions pour une représentation suffisante de l’ordre épiscopal. 3° Nous regardons comme entièrement conforme aux principes religieux et constitutionnels du corps ecclésiastique que, dans les Etats généraux, le premier ordre du clergé ait une représentation qui réponde à l’autorité épiscopale et à l’éminence de son caractère, sans dépouiller cependant le second ordre du clergé de sa représentation propre et nécessaire par ses députés. Nous regardons, en conséquence, comme digne de la justice de Sa Majesté, de convoquer auxaits Etats plusieurs évêques de chaque métropole, si la représentation suffisante du premier ordre du clergé ne pouvait être autrement assurée. CONSERVATION DES PROPRIÉTÉS. Observations particulières sur un arrêt du conseil, du 5 septembre 1785, et sur un édit du Roi , du mois de septembre 1786. 4° Nous supplions Sa Majesté de maintenir les propriétés de tous les ordres, de tous les corps, de tous et chacun des particuliers dans leur intégrité, telles et en semblable état qu’elles ont été jusqu’à nos jours; de révoquer le privilège exorbitant dont jouit l’ordre de Malte; de prescrire contre tous les propriétaires, soit ecclésiastiques, soit laïcs, sans qu’on puisse lui opposer une possession même centenaire, la réciprocité paraissant fondée sur les premiers principes de la justice ; de prendre en considération les entraves mises aux propriétés des gens de mainmorte, par le droit de nouvel acquêt que le domaine répète contre eux, lors des reconstructions qu’ils sont nécessités à faire en tout ou en partie, et des échanges que le bien public et l’avantage réciproque des parties échangeantes exigent quelquefois, même entre gens de mainmorte, comme aussi, par un arrêt du conseil, que l’administra- [Paris, inlra muros.J [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 269 tion des domaines a obtenu depuis trois ans, et qui oblige les ecclésiastiques à passer à l’enchère, en présence du subdélégué de l’intendant, les premiers baux des nouvelles constructions ou reconstructions. L’édit du Roi du mois de septembre 1786, concernant les embellissements de Paris, porte la plus grande atteinte aux droits de propriété. Le corps de ville est dispensé, par cet édit, de payer aux seigneurs, sur la directe desquels sont assis les édifices qui doivent être détruits pour les embellissements de la ville, les droits de lods et vente et d’indemnité. Le chapitre de l’Eglise de Paris a particulièrement à se plaindre des dispositions de cet édit, ainsi que de l’arbitraire qui règne dans la taxation des droits de voirie auxquels on donne tous les jours une nouvelle extension. Libre exercice des différents tribunaux. 5° Il sera fait à Sa Majesté de très-humbles supplications de maintenir les différents tribunaux ecclésiastiques et civils, souverains et subalternes, dans le libre cours et exercice de leurs pouvoirs et juridiction, trop souvent interrompus par des commissions, évocations ou attributions particulières; comme aussi d’abréger les longueurs des procédures, et d’en diminuer les frais. Réformations relatives aux abus et à la législation. 6° Sa Majesté sera pareillement très-humblement suppliée d’accueillir favorablement les plaintes et doléances qui lui seront adressées par les gens des trois Etats de son royaume pour le redressement des griefs qui lui seront exposés, et de même d’accorder les changements dans les différentes parties de la législation, que les temps et les circonstances auraient pu rendre nécessaires, et dont la demande pourrait lui être formée. ADMINISTRATION. Article unique Nous demandons que Sa Majesté fasse connaître aux représentants de la nation assemblée en Etats généraux la véritable situation de ses finances, l’état fidèle de la dette publique et du déficit actuel, à l’effet de prendre les mesures nécessaires pour assurer la dette publique, combler le déficit, et établir l’équilibre entre la dépense et la recette, par tous les moyens que pourront fournir un bon système d’administration dans les finances, de perception des impôts, de retranchement, d’économie et de distribution dans les dépenses, et une parfaite exactitude dans la comptabilité. Au moyen de l’ordre stable qui sera établi dans toutes cés parties de l’administration, sans lequel tous les efforts de la nation seraient vains et inutiles, nous nous porterons, avec le plus grand zèle, à tous ceux qui peuvent dépendre de nous, pour assurer par des contributions volontaires, justes, raisonnables et proportionnelles, la gloire et la prospérité de l’Etat, l’b onneur et la splendeur de la couronne, et la satisfaction personnelle de Sa Majesté, dont le bonheur sera toujours le vœu le plus ardent de ses peuples. Tels sont nos intentions et nos vœux : nous chargeons nos députés à l’assemblée du bailliage de ............. de les faire valoir lors de la rédaction des cahiers de la chambre ecclésiastique dudit bailliage, afin de servir d’instruction à ceux des membres de ladite chambre qui seront députés aux Etats généraux. Nous laissons d’ailleurs a nosdits députés la faculté de requérir ce qu’en outre du contenu ci-dessus, ils jugeront, suivant leurs lumières et conscience, être bon, utile et nécessaire pour la gloire de la religion, les véritables intérêts de la nation, l’honneur de l’ordre ecclésiastique, le service du Roi et la prospérité publique. PROCÈS-VERBAL De l'assemblée du clergé de la paroisse royale Saint-Paul , tenue en la salle presbytérale , le 21 avril 1789 (1). L’an 1789, le mardi 21 avril, conformément à l’ordonnance de M. le lieutenant civil, le clergé de la paroisse royale Saint-Paul s’est assemblé dans la salle presbytérale de ladite paroisse, où, après avoir nommé un secrétaire et deux vérificateurs, l’on a fait appel de tous les assistants, dont le nombre s’est trouvé monter à 32. Alors M. le curé de Saint-Paul a déclaré que le nombre des électeurs devait être de deux, en en choisissant un sur vingt, d’après le règlement du Roi et la susdite ordonnance. Ensuite il a ajouté qu’il était important, avant de nommer les électeurs mandataires de l’assemblée, de procéder à la nomination d’une commission, chargée de rédiger leur mandat; en conséquence, ont été unanimement élus commissaires rédacteurs : MM. l’abbé Balestrier de Ganilhac, prêtre de la communauté. Pignol de Saint-Amant, vicaire général de Lescar, censeur royal. De Menardeau, ancien avocat général du parlement de Bretagne. Gappeau, prêtre de la communauté. Thomas, prêtre de la communauté. Grosnier, prêtre de la communauté. La nomination des commissaires rédacteurs faite, on procéda à l’élection des députés électeurs, et ceux qui furent nommés sont : MM. Dieulouard, licencié en droit de la Faculté de Paris et vicaire de la paroisse. Guyot, vicaire général de Cambrai, prédicateur ordinaire du Roi et censeur royal. On procède aussitôt après à la rédaction des articles du cahier, comme il suit : CAHIER Du clergé résidant sur la paroisse royale Saint-Paul, assemblé par mandement du Roi , les 22 et 23 avril 2789, en la salle presbytérale de ladite paroisse. Au moment d’une régénération générale dans l’Etat, tous les cœurs s’ouvrent à des espérances flatteuses; on croit toucher à des jours aussi heureux pour les sujets, que glorieux pour le monarque, et l’Europe entière admire déjà le chef d une nation libre, qui se montre l’ami de la saine raison et de la vérité, avec cette circonstance rare qui triomphe des plus fortes contradictions. Le clergé de Saint-Paul, faisant profession d’un patriotisme épuré, par cette charité qui embrasse les intérêts de tous les hommes, et semble s’oublier elle-même, désire que les Etats généraux s’occupent particulièrement des bases sur lesquelles doit porter l’édifice d’une constitution sage. Il aurait pu leur présenter un plan de constitution pour les paroisses de la capitale, (1) Nous publions ce document d'après un imprimé de la Bibliothèque du Sénat.