624 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mai 1T91.] avez rendu l’existence, celle de la liberté, agréez le tribut d’amour et de respect que nous vous Ïirésentons. Nous juroos de périr, plutôt que de aisser violer le dépôt sacré que le peuple cous a contié. « Signé : Le Conseil géQéral delà commune de Strasbourg. » La suite de la discussion sur la création de petits assignats est reprise. M. Lecoutenlx de Cantelen. Messieurs, l’ Assemblée nationale a décrété, le 29 septembre dernier, « qu’il n’y aurait pas en circulation au delà de 1,200 millions d’assignats, compris les 400 millions décrétés les 16 et 17 avril, que ceux qui rentreront dans la caisse de l’extraordinaire seront brûlés, et qu’il ne pourra en être fait une nouvelle fabrication et émission sans un décret du Corps législatif, toujours sous la condition qu’ils ne puissent ui excéder la valeur des biens nationaux, ni se trouver au-dessus de 1,200 millions ne circulation. » Il est très important de se pénétrer des dispositions de ce décret, parce qu'il doit être bien entendu, quelle que soit la division, ou quelles que soient les fractions que vous donnerez aux assignats, que toute nouvelle fabrication et émission (même avec un décret du Corps législatif) sera toujours sous la condition qu'elle ne pourra excéder la valeur des biens nationaux , ni se trouver au-dessus de 1,200 millions à la fois en circulation. Pour observer avec exactitude et respect cette dispositions alutaire, qui a été, j’ose le dire, la sauvegarde de la fortune publique, dans la création nécessaire d’une forte quantité de papier-monnaie, il ne suffit pas de se renfermer scrupuleusement dans une fabrication ou une émission qui n’excédera pas les 1,200 millions d’assignats décrétés les lü et 17 avril et 29 septembre 1790; il ne suffit pas même d’étre assuré que l’existence des biens nationaux invendus est égale à cette somme, il faut encore combiner vos assignats en émission avec les délégations que vous avez données, et que vous continuez de donner chaque jour sur les biens nationaux par vos reconnaissances provisoires de 1 quidation, qui peuvent être reçues en payements desdils biens, parce Sue l’esprit et l’intention bien évidente de votre écret du 29 septembre a été que la quotité des assignats en émission, réunie à celle des reconnaissances provisoires de liquidation, recevables en payement des biens nationaux, ne puisse jamais en excéder la valeur connue. Je ne rappelle ces bases, si sagement établies, et sur lesquelles repose la confiance qui est due aux assignats, et le succès éprouvé des ventes des biens nationaux jusqu’à ce jour, que parce qu’il me semble qu’on ne devait pas discuter la motion de M. Rabaud sous le point de vue saisi par les préupinants. Il n’est point question, dans cette motion, d’accroître l’émission de notre papier-monnaie, ni de mettre en circulation des assignats au delà de la somme que vous avez décrétée le 29 septembre 1790, et de la proportion dans laquelle vous devez toujours maintenir cette émission avec la valeur connue des biens nationaux ; une pareille idée n’a pu être conçue par aucun des honorables membres de cette Assemblée. En effet, les conséquences fâcheuses qui résulteraient de toute variation de principes sur des matières si importantes et déjà discutées à fond ne pourraient que jeter le plus grand discrédit, tant dans le royaume que dans l’étranger, sur l'esprit qui régit l’Assemblée. 11 s’agit donc uniquement de déterminer quelle division et quelles fractions vous pouvez donner aux assignats en proportion des Desoins impérieux du public, et en raison de la disparition effrayante du numéraire. Il n’est point question aujourd’hui de faire l’expérience d’un papier-monnaie : les assignats existent ; ils ont un bon crédit, et leur disproportion avec l’argent tient à de3 causes que je n entreprendrai pas de vous développer ici, parce qu’elles m’entraîneraient dans de grands détails; mais je crois qu’elles sont assez graves et importantes pour être prises en considération dans des dispositions subséquentes à celles qui font aujourd’hui l’objet de votre délibération ; dispositions d’ordre, de prévoyance et réglementaires, qui seront inévitablement l’objet de votre sollicitude. Sans doute, à la suite de la délibération actuelle, vous recommanderez à votre comité dss finances de vous faire connaître incessamment les causes de la rareté du numéraire et les seuls moyens efficaces d’y remédier. Je nedoiscependantpas vous dissimuler que l’incertitude dans laquelle on est encore en France et dans les pays étrangers, sur le succès et sur l’exécution efficace de notre nouveau système d’impôt, est une des causes les plus puissantes de la perte des assignats contre l’argent, et de la disproportion énorme des changes : cette cause ne disparaîtra que lorsque, l’impôt réparti et perçu, on aura acquis la conviction que vos biens nationaux ne seront pas consommés par vos dépenses ordinaires, par votre ancien déficit, et par les nouvelles dépenses que la Révolution a occasionnées. Persuadons-Dous encore que, quelles que soient vos dispositions dans la question actuelle, votre papier-monnaie, vos assignats é#tant essentiellement un engagement national, ‘malgré leur hypothèque, on ne considérera la nation française bien réellement en état de remplir cet engagement, qu’autant que la paix et le bon ordre seront bien établis dans le royaume, et la force publique affermie. La quotité des assignats et les clauses de leur création sont donc reconnues, la qualité de l’assignat hypothéqué sur les biens nationaux, aussi reconnue, est donc bonne en elle-même, et n’éprouve que des inconvénients de circonstances auxquelles l’Assemblée peut toutefois remédier; ainsi la délibération actuelle doit se réduire à déterminer si ou peut utilement, et sans inconvénient, diviser les assignats en de plus petites fractions que celles qui existent et si ce moyen, proposé avec confiance pour faciliter au peuple ses échanges, tournera réellement à son avantage. Rendons-nous, de grâce, mutuellement la justice de croire que cet amour du peuple n’estpas confiné exclusivement dans le cœur de ceux de cette Assemblée qui ont toujours ce mot à la bouche. Tout représentant du peuple doit amour et fidélité à ses commettants ; mais, législateurs honorés de son choix, nous devons à nous-mêmes de l’aimer avec connaissance intime, que la déférence à ses volontés ne viendra pas, en résultat, à lui être funeste; car alors ce même peuple nous blâmerait avec raison d’avoir obtempéré à ses désirs, quand il ne nous a nommés que pour le défendre contre tous les dangers, de quelque nature qu'ils puissent être. Ce que je dis, au reste, sur cette question des assignats, peut s’appliquer désor- i [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mai il#!.] 625 mais à presque toutes celles qui s’agiteront dans cette tribuoe, et comme moa opinion n’a pour but que le bien, je ne crains pas de la manifester. Quant à la division des assignats en fractions de 50 livres jusqu’à 5 livres, j’estime que l’expérience seule peut nous apprendre si cette mesure aura d’aussi grands inconvénients que ceux dont on nous a menacés, et observez bien que l’expérience d’une subdivision d’un papier-monnaie déjà mis en émission, en fractions plus ou moins fortes, ne doit pass’assimilerà l’expérience qu’on se proposerait de faire de la création d’un papier-monnaie, et à la tentative d'une pareille ressource. Lorsqu’on a créé un pareil numéraire, on ne peut faire cesser son expérience qu’en le remboursant ou en l’éteignant par la veute et le produit réalisé de vos biens nationaux; et certes, on n’est pas le maître d’interrompre à volonté une pareille expérience ni de la faire cesser; mais on peut entreprendre avec plus de confiance l’expérience de diviser un papier-monnaie en fractions de plus ou moins fortes sommes, parce que le Corps législatif est toujours le maître de retirer à volonté celles qui pourraient faire naître dans la circulation des inconvénients plus ou moins graves, en raison de ce qu elles seraient de trop fortes ou de trop petites sommes. Je suis donc d’avis que nous pouvons hasarder l’expérience de diviser une portion des assignats, décrétés les 16 et 17 avril, et 29 septembre, en petites fractions, et en autoriser l’émission, parce que, sileur circulation était reconnue entraîner des inconvénients trop graves, elles seraient immédiatement retirées et frappées d’extinction dans la caisse de l’extraordinaire, et remplacées par des assignats de plus forte somme. J’ai dit que l’expérience seule peut déterminer si cette mesure aura des inconvénients aussi importants que ceux qui ont été annonces par les préopinants. 11 en est cependant deux très graves qui me paraissent inévitables, mais dont un décret réglementaire, bien médité, subséquent à celui qui vous est proposé, pourrait affaiblir les effets. L’un de ces inconvénients dérive de l’indispensable prévoyance de circonscrire la fabrication, l’impression et la signature des assig ats dans le plus petit nombre d’ouvriers possible, pour éviter la contrefaçon, qui va devenir encore de plus grande conséquence, lorsque vous répandrez cette monnaie jusque dans 1 intérieur des campagnes, et dans les mains d'individus hors d’état d’en reconnaître les véritables signes distinctifs. Usera difficile, je crois, en assujettissant cette nouvelle fabricaliou aux mêmes précautions employées jusqu'à ce jour, de mettre (dus de 30,000 de ces nouveaux assignats en émission par jour, lesquels à 5 livres ne donneraient qu’un million par semaine, et 4 millions par mois; c’est une bien petite somme pour satisfaire Eromntement le public dans ses besoins, et il est ien a craindre que les premiers millions, mis ainsi en émission, ne se vendent presque au même prix que lesécus, et n’occasionnent de nouvelles rumeurs dans le peuple, qui croira (parce qu’on le lui suggérera), que c’est une suite de mauvaise volonté ou d’accaparement. Pour éviter cet abus, il sera peut-être indispensable que vous ordonniez que l’émission de ces nouveaux assignats soit suspendue jusqu’au moment où il y en aura une assez grande quantité de fabriqués pour en répandre très abondamment dans le public, et suffire à toutes les demandes et tous les besoins. Uo second inconvénient qui a été suffisamment 1" Série. T. XXV. exposé par les préopinants, c’est celui de faire descendre la lutte qui s’établit toujours entre celui qui paye et celui qui reçoit, dans la classe des ouvriers et des petits détaillants. Lorsqu’il n’y avait pas d’assignats au-dessous de 200 livres, les débats des appoints n’avaient lieu que dans les caisses un peu fortes. L’argent étant cependant rare, on a cru remédier au mal par la création des assignats de 50 livres. Quel en a été le résultat? Celte création a affranchi ces caisses de payer en argent; le détaillant, depuis leur émission, a moins reçu de numéraire, ses transactions ordinaires étant au-dessous de cette somme, il a tou joui s été assujetti à s’en procurer. La création des assignats de plus petites fractions affranchira évidemment à son tour cette classe d’individus des payements en écus, mais elle fera descendre ainsi que je viens de le dire, la lutte des appoints dans la classe des ouvriers et des petits détaillants. Pour éviter ce second inconvénient, il sera donc également indispensable que l’émission de ces nouveaux assignats (mais non leur fabrication) soit suspendue jusqu’à ce qu’il y ait une suffisante quantité de monnaie d’argent et de monnaie de cuivre de fabriquée pour satisfaire abondamment aux besoins que le peuple aura continuellement de subdiviser dans ses payements ordinaires une monnaie de 5 livres, et qu’il soit encore établi dans chaque municipalité du royaume un bureau public où cet échange d’assignats à 5 livres contre de la monnaie d’argent ou de cuivre soit effectivement et efficacement effectué pour les besoins du peuple sans aucuns frais quelconques, ce qui ne pourrait avoir lieu que lorsque la monnaie d’argent et la monnaie de cuivre, que vous avez décrétées, seront fabriquées. C’est par cette raison que je d mande que l’émission de petits assignats ne soit faite que lorsque l’émission de la petite monnaie aura lieu. Je me résume dans le projet de décret que j’ai l’honneur de vous présenter : « Art. l8r. L’Assemblée nationale déclare qu’elle ne veut définitivement statuer sur le remplacement des 100 millions d’assignats rentrés à la caisse de l’extraor ùnaire par le produit de la vente des biens nationaux, et qui n’ont été annulés et brûlés que dans les termes et conditions du décret du 29 septembre 1790. •> A cet effet, elle charge ses commissaires de la caisse de l'extraordinaire, les comités d’aliénation, de liquidation et de finances réunis, de lui présenter incessamment uu aperçu de la valeur connue des biens nationaux, et un état des délégations sur ces biens actuellement expédiés, soit en assignats en émission, soit en reconnaissances de liquidation recevables en payement desdits biens. « Art. 2. Sur les 1,200 millions d’assignats créés par les décrets des 16 et 17 avril et 29 septembre 1790, il en sera fabriqué une portion en fractions de 5 livres. « Art. 3. Ces nouveaux assignats ne seront mis en émission que, préalablement, il en ait été fabriqué une quantité suffisante pour en faciliter eu même temps la circulation dans tous les départements et satisfaire librement aux demandes et aux besoins du public. « Art. 4. Il sera procédé le plus promptement possible à la fabrication de la monnaie de cuivre déjà décrétée, et les assignats de 5 livres ne seront mis en émission qu’à la même époque où 40 [Assemblée —tiw»!».] éédUUS F AJtiiKM FJHTAJ&&S. |6 mai 179i*i cette petite monnaie sera, fabriquée et répandue dans la circulation. ■ Art. 5. il sera étabü dans tous les districts une caisse gratuite pour échanger les assignats de 5 livres contre de la monnaie de cuivre. « Art. 6. Dans le cas où la division des assignats, dans les formes déterminées par le présent décret, ainsi que par les précédents, ne produirait pas dans la circulation l’avantage espéré, le Corps législatif changera ces divisions en tout ou parties, en celles que l'expérience aura indiqué être les plus convenables. » (Applaudissements.) M. de Menait appuie l’opinion de M. Le-couteulx de Canteleu. M. Canins. Je propose d’ajouter quelques observations de fait, soit pourappuytr ce que le préopinant vient de dire, soit pour préparer des amendements à plusieurs articles. Le piéopiuant pense que l’on ne doit faire dans ce moment aucune nouvelle émission d’assignats, et je suis pli inerm nt de son avis. La valeur totale des biens nationaux n’étant pas encore parfaitement connue, cela pourrait porter atteinte à la confiance que méritent les assignats, si on les multipliait trop considérablement dans le moment actuel ; mais j’observe à cet égard qu’il est très difficile de faire des petits coupons d’assignats sans augmenter l’émission. Les commissaires de l’extraordinaire se sont fait remettre hier l’état des assignats qui sont en circulation; l’état de ceux qui sont dans la caisse à trois clefs, suivant les différentes coupures, il y a dans cette caisse pour 60 millions d'assignats de 2,000 livres. Vous jugez qu’il est très facile sur cette masse de 60 millions d’eu prendre une partie pour la convertir en petits assignats, et pour faire l’expérience qu’a proposé le i réopinant; expériei ce qui, je crois, détermioera ensuite a multiplier le nombre de ces petits assignats. Je suis de son avis aussi, lorsqu’il observe que l’on ne doit mettre les petits assignats en circulation, qu’autant qu’il n’y en aura un grand nombre. C’est une faute que nous avons faite, lors des assignats de 50 livres qui ont paru d’abord en petites quantités, les agioteurs s'en sont saisis, et dès le commencement on les a vendus; au lieu que si l’on verse par masses un nombre assez considérable de petits assignats, la facilité de les accaparer ne sera pas la même; on évitera l’agiotage à cet égard. Le préopinant propose de faire des assignats de différentes coupures depuis 5 livres jus iu’à 50 livres. Je crois que cette mesure est inutile, el qu’elle peut avoir des inconvénients. Si vous multipliez beaucoup les coupures, il faudra plus de temps pour préparer les instruments, et causer de l’embarras et des erreurs dans la circulation. Le préopinant a dem ndé que les petits assignats ne fussent mis en émission qu’au moment où vous auriez de la petite monnaie qui pourrait circuler avec la plus grande facilité. Les machines pour la fabrication des assignats existent et nous pouvons nous en servir. Je suis toujours étonné que la fabrication d> & petites monnaies qui, à mon avis, pourrait être encore plus pro npte que celle des petits assignats, ail tarde si longtemps, et je crois qu’il esi indispensable que l’Assemblée pienue entin des mesuies pour faire cette petite monnaie, après laquelle on nous fait attendre fort mal à propos. (Applaudissements.) On dit qu’il y a une foule de sou rnis-ions faites pour fournir, a partir de 15 jours, 1,000 marcs d’une monnaie de enivre parfaite. Je ne sais pas ce qu’il faut pour cette émission; ce que je sais bien, c’est qu’il est possible do faire très promptement de la petite mounaie de cuivre; ce moyen est de se servir de l’ancienne empreinte. J’aime mieux avoir tout de suite des sous comme ceux que nous avons actuellement, fussent-ils même moins parfaits, que d’avoir des sous beaux comme des médailles, que nous serons obligés d’attendre. (Applaudissements.) J’adopte le decret, saof quelques amendements. Par exemple, un qui est extrêmement nécessaire, c’estd’ordonner à votre comité monétaire d'ordonner aux agents du pouvoir exécutif, entin à toutes les personnes de qui la chose dépend, que dans le délai le plus court, d’une quizame au plus, on nous apporte des pièces de petite monnaie fabriquées; cela doit être possible. M. de Crillon, le jeune. Les personnes qui combattent les petits assignats, ne les combattent plus au moment où on leur présente la possibilité de les échanger cunlre de la petiio monnaie de cuivre; ainsi tout le monde est d’accord là-dessus. (Murmures à droite ; applaudissements à gauche.) M. de Casalè». Je vais prouver qu’on n’est nullement d’accord. M. de Crillon, le jeune . Je vais prouver qu’on peut être d’accord sur les petits as.-ignats, lorsqu’il sera possible de les échanger à volonté contre de la monnaie de cuivre, lorsqu’il sera établi des bureaux d’échange dans chaque district. M. de Custine. Mais cela n’est pas possible! M. de Crilten, le jeune. Voiei ma raison : la monnaie de cuivre, pur son poids incommode, ne sera acceptée qu’au dernier instant cùle propriétaire d’assignats pourra en faire usage. Qu’arrive-ra-t-il alors? C’est que l’homme qui changera un asstgnatde 50 livres contre 10 assignats de5livres, ea gardera 9 de ces derniers et n’en échangera qu’un contre de la monnaie, parce qu’il serait fort incommode d’avoir un poids énorme de 10 fois 100 gros sols. Il est donc très utile d’aveir et de petits assignats lie 100 sols et un nombre très considérable de millions de monnaie de cuivre telle qu’on vous l’a proposée et je crois que l’Assemblée doit diriger principalement son attention sur la nécessité d’avoir promptement cette grande quantité de monnaie de cuivre. Mais j’observe à M. Camus qu’il n’t st pas indifférent de passer actuellement un marché avec les compagnies qui peuvent s’offrir; car si, on paye avec du cuivre, il faudra acheter ce cuivre, et vuus ne pouvez acheter qu’avec de l’argent. Mais nous avons des cloches! Pourquoi n’en pas faire usa�e? Il faut en décréter la vente à des fabricants ce monnaie qui solderont en sols; par ce inoyi-n, l’ A. -semblée aura à sa disposition une grande masse de métal qui pourra être uti-!L-ée. (Applaudissements.) M. de Cazalé». 11 s’agit aujourd'hui de prendre des mesures pour bâter l’émission d’nne petite moaoaie de cuivre; tout le monde est de cet avis car tout le monde soupire après une petite monnaie de enivre. Mais il s’agit de décider si ces assignats de 5 livres sont tunestes ou utiles. Je crois qu'il y a on grand dissentiment dans l’Assemblée, alors >& demande que la délibération [Assemblée ufioMb.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [6 mal 1791-1 continue exclusivement sur ce point-là jusqu’à ce que l’Assemblée, suffisamment éclairée, ferme la discussion et prenne un parti. M. Raband-Salat-Elienae. Je ne puis qu approuver la proposition de M. Camus à l’appui de celles de M. Lecouteulx, de M. Defermon et d’autres bons citoyens qui nous ont présenté l’idée des coupons, en supposant une pièce carrée valant 20 livres, coupable en portions de 10 livres et de 5 livres : chacune de ces portions, prise séparément, formerait un assignat particulier et toutes réunies par 2 s’il s’agit de coupures de 10 livres, par 4 s’il s’agit de coupures de 5 livres formeraient à la volonté de chacun un seul assignat de 20 livres. J’observerai, d’ailleurs, à l’Assemblée, que j’ai eu, au sujet de la question qui nous occupe actuellement, de lrè3 longues conférences avecM.de Beaumetz. Après avoir été mon adversaire dans cette discussion et avoir combattu par des raisons puissantes la motion que j’ai faite, M. de Beaumetz a fiai par se rapprocher de mes idées sur la nécessité d’une émission de petits assignats, qu’il admet concurremment avec de la petite monnaie. Je demande que l’Assemblée veuille bien l’entendre et le prier de donner lecture du projet de décret que nous avons rédigé ensemble à cet égard et qui me semble renfermer les vues les plus sages, les plus utiles et les plus concilia-toires. M. Andrleu. Point d’argent; du cuivre. Les artistes qui ont offert de faire de la monnaie des cloches doivent faire demain une expérience devant îi.Rabaud, et on pourra vous rendre compte lundi prochain de la confiance que vous devez leur accorder. S’il résulte de ces expériences que l’on peut se livrer à ce travail, on pourra aussi fournir une immense quantité de petites monnaies de ce genre : et si l’expérience n'inspire aucune confiance en leur procédé, alors il faudra en revenir à la monnaie de cuivre pur, et vous n’aurez aucune difficulté, en ordonnant la fabrication sur-le-champ dans toutes les monnaies du royaume. M. de Cussy. J’ai déjà eu l’honneur de vous prévenir que la commission administrative des monnaies est fermée, qu’elle allait s’assembler et ue sous 15 jours le comité serait dans le cas, 'après ses observations et ses combinaisons, de présenter à l’Assamblée un mode de fabrication de menue monnaie u’argent, qui sera combiné de manière à ne plus permettre aux fondeursqui accaparent les espèces fie la détruire. C’est d’après ces vues quej’ai demandé un ajournement del5 jours sur le projet des assignats de5livres, qui est proposé. Je crois qu’il est facile de vous persuader que si vous rétablissiez l’ordre dans vos menues monnaies, et si vous nous mettez à portée d’en fabriquer une grande quantité, la fabrication des petits assignats ne deviendra plus nécessaire; car alors la confiance se rétablira d’elle-même, et lesécus soustraits à la circulation y reparaîtront. Quant à l’expérience qui a été ordonnée dimanche sur la matière des cloches que MM. Saner et Briatte prétendent avoir trouvé le secret de rendre malléable, ils craignent, en faisant une expérience publique, de divulguer un secret qui, dans ce moment-ci, est leur espérance; mais la confiance particulière qu’ils portent à M. deBoulfiers et à moi les a mis dans le cas de me dire que m demain iis feraient leur expérience tout entière, et que d’après l’opératiou qu’ils auraient faite sous nos yeux, nous serions dans le cas de rendre compte à l’Assemblée, si elle voulait spéculer sur la fabrication de cette matière de cloches, si le succès répond à l’annonce : je vous déclare que sans attendre la fabrication des coins qui ont été décrétés, il existe un carré entre les mains d’un des meilleurs graveurs de Paris, qui représente le serment du roi à la fédération. Ce carréest de la plus grande beauté ; il peut être employé à la fabrication, à faire une très belle monnaie, dont l’émission suffirait pour calmer nos inquiétudes. M. Belzals-Courmeail. Pour avoir plus tôt l’émission de la petite monnaie on pourrait faire fabriquer sur les anciens coins. M. Briois-Beamnetz. La question actuelle me paraît renfermée dans des termes très simples. Lorsqu’on a proposé l’émission d’assignats de 5 livres, je n’ai eu qu’une objection à faire sur laquelle tous mes raisonnements ont toujours porte ; j’ai dit : vous transportez la difficulté de trouver des écus sur la difficulté de trouver de la monnaie. Dès qu’on m’eut répondu que pour remédier à cet inconvénient on fabriquerait de la petite monnaie, et qu’il y en aurait suffisamment pour changer les assignats fie 5 livras, la cause de mes dissentiments avec l’auteur de la motion a cessé. Quant à la motion de M. de Cazalès tendant à séparer la question de l’émission des petits assignats et celle de l’émission de la petite monnaie et de ne traiter actuellement que la première, je ne puis que la combattre. Tous les bons citoyens, qui voyaient quelques inconvénients dans l’émission des petits assignats, n’ont plus le moindre scrupule quand on leur offre de faire marcher de pair avec cette émission celle de la monnaie de cuivre. Il n’y a pas le moindre doute que la petite monnaie de cuivre sera le plus puissant véhicule des petits assignats. Il faut, en effet, un intérêt quelconque qui fasse préférer ces derniers; cet intérêt se trouvera fiaus l’embarras, dans l’incommodité d’une grande abondance de monnaie de cuivre : l’homme le plus entêté contre les assignats chargera peut-être ses poches de 100, de 200 sous, mais il ne se chargera pas de 1,000 ou 2,000 sous ; le poids le fera donc pencher en faveur des assignats. C’est dans cet esprit que j’ai rédigé, d’accord avec M. Kabaud, le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète : « Art. 1er. Il sera procédé à la fabrication d’assignats de 5 livras, jusqu’à la concurrence d’une somme de 100 millions, en remplacement de pareille somme d’assignats de 2,000 livres, et de 1,000 livres, qui seront supprimés. « Art. 2. Ces nouveaux assignats ne pourront être mis en émission qu’en vertu d’on nouveau décret, lequel ordonnera, en même temps, l’ouverture d’un bureau dans chaque district, auquel on pourra échanger à volonté lesdits assignats conire de la monnaie de cuivre. « Art. 3. Pour parvenir à la fabrication d’une quantité suffisante de monnaie de cuivre, l’Assemblée nationale ordonne que la totalité du métal des cloches appartenant à la nation, et non nécessaires au culte public, sera vendue par adjudication publique, au plus offrant et dernier enchérisseur, payable ea sous fabriqués an titre et poids des sous actuels. 628 (Assemblée nationale.] « Art. 4. La fabrication de la monnaie de cuivre occupera, sans discontinuation, au moins un balancier dans chacun des hôtels des Monnaies du royaume, jusqu’au parfait payement du montant de l’adjudication. « Art. 5. La fabrication d’une monnaie d’argent en pièces de 30 et de 15 sous, ordonnée par un firécédent décret, sera combinée de manière, pour e titre et le poids, à ce qu’il n’y ait aucun bénéfice à fondre cette mounaie. » A droite: Ah! voilà le grand point! M. Raband-Saint-Etienne. Ce dernier article, dans lequel il y a une très profonde vérité, mais qui tient à de grands principes, à ceux du système monétaire, pourrait être ajourné et renvoyé aux comités réunis des finances et des monnaies, car l'altération de la monnaie à fabriquer pourrait donner à celle-ci un certain discrédit. M. de Custine. On cherche à favoriser la classe la plus pauvre du peuple; et c’est pour cette classe que je demande qu’il ne soit mis en émission aucuns petits assiguats que dans l’instant où vous aurez une quantité suffisante de monnaie de cuivre pour pouvoir les changer. Plusieurs membres : La discussion fermée ! (L’Assemblée ferme la discussion.) M. Rewbel, président , quitte le fauteuil. M. Péüon de Villeneuve, ex-président , le remplace. M. de Cazalès (1). Je demande la parole pour prouver que vous devez ajourner la question, et ie m’appuie sur ce que vient de dire à l’instant 1. de Beaumetz. Après avoir fait les objections les plus fortes contre les assignats, il s’est réuni aux partisans de ce système. Si effectivement il était vrai que l’assignat dût désormais êire échangé contre la monnaie, sans aucune perte, le raisonnement qu’a fait M. de Beaumetz serait très juste. Mais quel est le moyen qu’on nous présente pour nous assurer que l’assignat de 5 livres sera échangé sans aucune perte contre la monnaie qui le subdivise ? Ce moyen est d’établir différentes caisses dans différents districts où cet assignat sera échangé contre de la monnaie de cuivre que le Corps législatif y aura fait déposer. On me dit qu’ii n’y aura point de perte, il faut donc que je prouve qu'il y en aura. L’assignat de 5 livres chassant de la circulation l’écu qu’il remplace ( murmures ) rendra votre numéraire réel beaucoup plus rare... Un membre à gauche : La discussion est fermée. M. de Cazalès. Si l’Assemblée ne veut pas me permettre d’enchaîner mes idées, il me sera impossible fie lui donner la moindre explication sur l’ajournement que je propose. L’assignat de 5 livres chassant de la circulation l’écu qu’il remplace, il arrivera que l’avantage qu’eût obtenu cette monnaie daus les premiers moments, en rendant les écus moins nécessaires, sera bientôt compensé par les inconvénients de leur plus grande disparition. Le (i) Le Moniteur ne donne pas le discours de M. de Cazalès. (6 mai 1791.] numéraire réel se concentrera dans les mains de quelques individus ; et le commerce, qui ne peut pas se passer de numéraire réel dans ses relations avec l’étranger, sera obligé, dans tous les marchés libres où la méfiance rejettera le papier-monnaie, d’acheter les marchandises au prix que les marchands voudront y mettre. 11 arrivera donc que ce prix sera la règle la plus fixe, la plus générale, de la valeur relative de l’assignat à l’argeut : car il n’est pas de valeur absolue dans ce monde ; toutes les valeurs sont relatives. Il est impossible que cette mesure, commune à toutes les nations, à tous les individus, à tous les marchés, à toutes les transactions, n’intlue pas généralement sur tout. Dès lors, il s’établira une inégalité entre la valeur de l’assignat et la valeur de lajBonnaie contre laquelle il sera échangé. On vous propose, pour éviter cette inégalité, pour que cette perte malheureusement nécessaire De retombe pas sur la classe la plus indigente du peuple, on vous propose d’établir dans les différents départements des dépôts de monnaie de cuivre, contre laquelle on échangera à volonté les assignats de 5 livres. Pour que ces échanges à volonté soient faits, puisqu’il existera une perte réelle, ou une perle d’op'niun si vous vo lez, entre l’assignat de 5 livres et la monnaie. Il faudra qu’elle soit supportée par quelqu’un ; si elle est supportée par l’Etat, et que vous fassiez une monnaie vraie (or, j’appelle une monnaie vraie celle qui a la valeur qu’annonce son empreinte ; car il n’est pas nécessaire pour qu’une monnaie soit fausse monnaie, qu’elle soit composée d’un métal à un mauvais titre, il suffit qu’elle n’ait pas le poids, qu’elle n’ait pas la valeur réelle que l’empreinte annonce) ; si, dis-je, vous établissez une vraie monnaie, l’Etat perdra le surplus de cette monnaie. Et d’ailleurs cet état deviendra constamment abusif, parce qn’alors il y aura profit à répandre cette petite monnaie qad n’aura que l’empreinte de sa valeur, après ravoir obtenue contre l’assignat. Si vous établissez au contraire une monnaie qui n’uit pas une valeur réelle ; qui ne soit pas égale à ce que son empreinte annoncera, vous établirez une fausse monnaie, et vous n’aurez en rien changé le sort de l'homme qui sera obligé de changer son assignat contre cette petite monnaie, et qui éprouvera constamment la même perte ; car il est parfaitement indifférent qu’il éprouve cette perte en lec-vant un moins grand nombre de pièces de monnaie, on qu’il l’éprouve en recevant un nombre de pièces de monnaie qui ont une valeur moindre. Ainsi, la perte sera toujours rejetée ne l’homme riche sur le pauvre, du fabricant sur l’ouvrier, de celui qui reçoit et qui donne des payements de 100 livres sur celui qui ne reçoit et qui ne donne des payements que de 5 livres. Cette injustice est extrême; et je ne doute pas que si la conséquence odieuse du sysième qui nous a été présenté, avait été suffisamment aperçue par l’Ass mblée, ce système n’auraiipas trouvé un seul défenseur. J’épargne à l’Assemblée qui me parait fatiguée de celte oiscussio >, le nombre des ra sons puissantes qui s’élèvent encore contre la fabrication de petits assignats; mais ce qui est généralement reconnu, c’est que tous les partisans de petite monnaie ont été obligés de convenir que, pour en alléger l’ini onvénient, pour que ies maux qu’elle produirait fusseut moins graves, il était nécessaire qu’elle se trouvât combinée avec une abondante émission de petite monnaie; il ARCHIVES PARLEMENTAIRES.