[Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES} [17 mai 1790.) 557 affranchir vo3 lettres jusqu’aux frontières, sans quoi elles ne parviendraient pas. « Collationné, conforme à l’original, Signé : MagüET. » La seconde lettre est datée de Paris, le 9 décembre 1789; la troisième est sans date, signée le Chevalier de Beausenque , et la quatrième, de Toulouse, du 20 décembre 1789, signée Coupier de Cavana, à l’adresse de M. de Voisins. Ces lettres ont été déposées. Il a été dénoncé à la municipalité, que M. de Saint-Cyr et un autre officier d'artillerie, soupçonnés de correspondance suspecte avec feu M. de Voisins, ont été arrêtés par la garde nationale et les soldats d’artillerie. On a mis, de concert avec MM. de l’état-major du régiment de Grenoble, des gardes et des sentinelles, mêlées de gardes nationales et d’artillerie, aux portes des magasins et postes importants de la citadelle. L’Assemblée entend ensuite un autre récit des événements arrivés à Valence, récit adressé par M. de Boisioger. A ce moment M. de Marguerittes, maire de Nîmes, se présente dans l’Assemblée et demande la parole. M. Charles de Lameth. D’après votre décret, M. le baron de Marguerittes ne doit être entendu qua la barre; je demande que M. le président l’invite à s’y rendre. (Une grande agilationse manifeste du côté droit.) M. de Foncault. C’est donc M. de Lameth qui fait les lois et qui les met à exécution? M. l’abbé Maury. Le décret concernant M. de Marguerittes n’est pas sanctionné. Plusieurs voix à gauche. Si ! il est sanctionné. M. le baron de Marguerittes. Puisqu’il y a un décret, je demande qu’il me soit notifié. M. le Président lit le décret. (1) M. de Marguerittes quitte sa place et se rend à la barre. M. le baron de Marguerittes, à la barre. J’arrive du Languedoc. Les papiers publics m’ont appris le décret ; comme député j’avais le droit de me présenter dans l’Assemblée. M. Charles de Lameth veut parler. M. le baron de Marguerittes. L’honorable membre qui m’interrompt, s’il est mon juge, doit m’entendre ; s’il est ma partie, il doit venir à la barre à côté de moi... — J’ai eu connaissance d’une adresse présentée par le club des Amis de la Constitution. Je vais prouver la fausseté de deux faits qui y sont contenus : 1° il y est dit que le commandant du régiment de Guyenne a été obligé de proclamer la loi martiale ; au contraire, elle ne l’a été qu’à ma sollicitation : je peux montrer en preuve lev certificat des bas-officiers. A l’égard des cocardes blanches, j’affirme que huit légions portaient ces cocardes depuis l’année 1788, et les avaient conservées comme signe de liberté. J’affirme que je n’ai pas voulu recevoir chez moi plusieurs personnes qui en portaient. A l’égard du mai qu’on a planté à :(1) Voir ce décret, rendu dans la séance du 11 mai pa£e 487. ma porte, c’était un énorme cerisier, trop gros pour être arraché tout de suite.... M. le prince Victor de Broglle. Je demande l'ajournement de toute discussion sur cette affaire jusqu’à ce qu’elle soit parfaitement connue. M. le Président. L’affaire de Nîmes n’est pas en discussion. Il s’agit uniquement de décider quelle est la position qui résulte de votre décret, pour M. de Marguerittes, comme membre de cette Assemblée. M. Cortois de Balore, évêque de Nîmes. Pouvez-vous priver M. de Marguerittes, pendant le temps que vous mettrez à juger cette affaire, du droit d’assister à l’Assemblée? Je fais la motion qu’il y rentre comme député. (Tout le côté droit se lève, s’agite au milieu de la salle, et appuie tumultueusement cette demande.) M. Alexandre de Lameth. En considération des grands objets dont l’Assemblée aura à s’occuper, je demande l’ajournement de l’affaire de M. le maire de Nîmes, et que le représentant de la nation, le député de la sénéchaussée de Nîmes vienne reprendre sa place dans l’Assemblée. M. le Président prend le vœu de l’Assemblée, et en son nom dit à M. de Marguerittes : L’Assemblée nationale a entendu ce que vous venez d’alléguer pour votre défense en votrequa-lité de maire, et pour celle de la municipalité de la ville de Nîmes. M. le Président ajoute ensuite : Pour ne pas suspendre l’exercice du droit qu’a chaque représentant de la nation d’en stipuler les intérêts dans l’Assemblée nationale, elle autorise M. de Marguerittes à reprendre sa place, sauf, au moment où elle s’occupera, sur le rapport du comité des recherches, de l’affaire de Nîmes, à l’appeler de nouveau à la barre pour y répondre aux demandes qui pourront lui être faites au nom de l’Assemblée. L’Assembléé reprend la discussion sur l'affaire de Valence. M. l’abbé Manry. Il est permis de croire que la lettre prétendue trouvée sur M. de Voisins, est une lettre supposée, puisqu’elle n’est pas signée et que M. de Voisins ne prenait pas le titre de vicomte. M. Chabroud. Les officiers municipaux, qui doivent savoir la qualité que prenait M. de Voisins, l’appellent toujours vicomte, et il est consigné dans le procès-verbal que la signature est déchirée. M. Bérenger, député de Valence. J’affirme que M. de Voisins a toujours porté le titre de vicomte. M. Blin. Je demande que le comité des recherches fasse faire des perquisitions dans la rue Poissonnière, et se procure des éclaircissements sur tous les faits relatifs à l’assassinat de M. de Voisins, et que le roi soit supplié de faire poursuivre les coupables. M. Barnave propose un projet de décret qui est a opté en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture des pièces adressées à son président par les officiers municipaux de Valence, et le régiment d’artillerie qui y est en garnison, 558 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mail790.] « Décrète que son président se retirera devers le roi pour le supplier de faire poursuivre par les voies légales le meurtre commis en la personne du sieur de Voisins ; « Décrète que les pièces trouvées sur ledit sieur de Voisins seront envoyées en original au comité des recherches ; que le scellé qui a été apposé sur ses effets ne pourra être levé qu’eu présence des officiers municipaux, et du major du régiment dudit sieur de Voisins, et qu’il sera fait procès-verbal et description des papiers relatifs aux affaires actuelles du royaume qui pourraient s’y trouver, pour être également envoyés au comité des recherches ; « Charge son président d’écrire à la municipalité et à la garde nationale de Valence, pour leur témoigner l’approbation de l’Assemblée nationale sur leur conduite et les efforts qu’elles ont faits pour prévenir le malheur arrivé le 12 de ce mois. » M. le comte de Crillon, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance de samedi au soir. Il est adopté. M. l’abbé de La Rochefoncault, député de Provins, fait demander à l’Assemblée un congé de quelque temps, nécessaire au rétablissement de sa santé ; ce congé lui est accordé. L’Assemblée est instruite que le sieur Curé de la Madeleine est détenu dans les prisons de la ville deChâteau-Landon. Sur la représentation qui lui est faite que cette détention est sans cause, elle décrète « que son président écrira à la municipalité que nul citoyen ne peut être privé de sa liberté qu’au nom et en vertu de la loi ». L’ordre du jour est l 'affaire d’Alsace , ajournée à la présente séance dans la précédente du soir; mais comme il ne reste pas de temps pour discuter cette affaire, elle est ajournée de nouveau. M. le Président lève la séance, et indique la suivante à demain matin, à l’heure ordinaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du mardi 18 mai 1790, au matin (1). M. le Président ouvre la séance à neuf heures du matin. M. Defermon, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la première séance d’hier. M. Chabroud, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance du soir. Ces procès-verbaux sont adoptés. M. Chabroud fait ensuite part de deux adresses ; l'une du conseil général de la ville de Mon-toire, district de Vendôme , département du Loir-et-Cher, et l’autre du conseil général de la ville de Pierrelatte. Ces deux pièces contiennent le désaveu formel (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. des principes énoncés dans la délibération des soi-disant catholiques de la ville de Nîmes, quia été adressée à ces deux différentes municipalités, lesquelles déclarent regarder cette même délibération comme attentatoire à l’honneur de la religion et à la tranquilité publique, se réunissent aux soldats-citoyens du district d’Alais pour arrêter les progrès du fanatisme, et adhèrent de la manière la plus formelle, notamment au décret du 13 avril dernier, et jurent d’en maintenir l’exécution avec courage. L’Assemblée passe tout de suite à son ordre du jour qui est la suite de la discussion de la question constitutionnelle concernant le droit de guerre et de paix. M. le duc de Praslin. Il s’agit de prononcer à qui du roi ou des législateurs doit appartenir le droit de faire la guerre ; en un mot, en qui résidera la confiance? Voilà le vrai point de la question. Celui qui a évidemment le plus d’intérêt à la mériter doit l’obtenir. La question serait simple, si le monarque rempli de vertus pouvait tout exécuter par lui-même ; mais il est forcé de diviser ses fonctions. Quelle est la responsabilité du délégué suprême de la nation ? C’est la signature des agents qu’il a choisis comme instruments nécessaires pour l’exécution de ses ordres. Ils sont responsables, même des événements, tandis que les législateurs ne sont sujets à aucune espèce de responsabilité. Sur la différence que l’on a établie entre diverses espèces de guerres, j’observerai que tous les manifestes prouvent la nécessité des hostilités et portent les prétextes d’une juste défense. Le roi de Prusse, lorsqu’il a envahi la Saxe ; l’impératrice de Russie, dans la guerre contre la Porte, semblaient avoir les motifs les plus légitimes : quand la jalousie n’agitera plus les hommes, je me plairai alors au rêve philanthropique de M. l’abbé de Saint-Pierre. N’oublions pas le besoin que nous avons de nos colonies, et que cependant, sans la coalition de nos voisins, l’Angleterre pourrait nous en priver par ses forces maritimes et devenir la reine du monde. Sans cabinet particulier et secret, point de négociation possible. Sera-t-il jamais possible de discuter publiquement les correspondances à entretenir avec les puissances du monde ? Vous ne le pensez pas, et vous ne pouvez le penser ..... Impossibilité de discuter publiquement les négociations avec l’étranger ; imprudence à charger les représentants du peuple du droit de faire la guerre, lorsqu’ils ne peuvent être responsables ; sûreté pour la nation de le confier à son délégué suprême; enfin la responsabilité des ministres : telles sont les réflexions que j’ai l’honneur de soumettre à l’Assemblée nationale pour diriger son décret. M. le duc du Châtelet. Je ne puis qu’applaudir à l’opinion de M. de Sérent, et je me bornerai à répondre à quelques objections. A Dieu ne plaise que je dise que le conseil du roi n’est jamais le foyer des intrigues et des passions ! Les ministres ne sont pas toujours ignorants et perfides; s’ils s’égarent, la responsabilité les ramènera à la vertu ; et si la responsabilité n’est pas très puissante sur les délégués du prince, elle est certainement nulle pour les délégués du peuple. Une assemblée nombreuse peut êire bien plus aisément corrompue. En Suède la diète est toujours remplie de gens soudoyés par la France, par l’Angleterre ou par la Russie. Les alliances, la paix et la guerre y sont le résultat de la plus