738 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 mai 1790.) sensiblement, en même temps qu’elle exciterait toute notre animadversion. L’objet continuel de nos soins est de prévenir et de réprimer tout ce qui en porterait le caractère. Nous avons même jugé digne de notre sollicitude paternelle d’interdire jusqu’aux signes qui seraient propres à manifester des divisions et des partis. « Mû par ces considérations, et instruit qu’en divers lieux du royaume des particuliers se seraient permis de porter des cocardes différentes de la cocarde nationale que nous portons nous-même, et considérant les inconvénients qui peuvent résulter de cette diversité, nous avons cru devoir l’interdire. « Ën conséquence faisons défense à tous nos fidèles sujets, et dans toute l’étendue de notre royaume, de faire usage d’aucune autre cocarde que la cocarde nationale. « Exhortons tous les bons citoyens à s’abstenir dans leurs discours, comme dans leurs écrits, de tous reproches ou qualifications capables d’aigrir les esprits, de fomenter la division, et de servir même de prétexte à de coupables excès. « Donné à Paris, le 28 mai 1790. « Et plus bas : • Signé : Louis. « de Sàint-Priest. » Cette lecture, que des mouvements d’enthousiasme avaient souvent interrompue, est à peine terminée, que la salle retentit des applaudissements de l’Assemblée, auxquels les spectateurs mêlent des transports de joie et des cris réitérés de : Vive le roi. ! L’Assemblée rend à l’unanimité le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète qu’il sera fait une députation au roi, composée de vingt-quatre de ses membres, pour rapporter à Sa Majesté les mouvements de joie, d’attendrissement, d’amour et de gratitude qu’a excités la lecture de sa proclamation, et la remercier, au nom delà nation, des soins qu’elle prend, dans sa sollicitude paternelle, pour défendre le peuple des insinua-tious perlides que l’on emploie pour l’égarer, et resserrer de plus en plus les nœuds saints qui unissent les Français libres à leur monarque chéri. » (De nouveaux applaudissements se font entendre.) M. le Président lève la séance à onze heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BRIOIS DE BEAUMETZ. Séance du dimanche 30 mai 1790 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Chabroud, secrétaire , donne lecture des procès-verbaux des deux séances d’hier. M. Defermon demande qu’on ajoute au décret rendu hier soir sur l’affaire de Brest ces (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. mots : « Il n’y a pas lieu à inculpation contre la municipalité. » Après de légers débats l'Assemblée décide de passer à l’ordre du jour. Un de Messieurs les secrétaires donne lecture des adresses suivantes : Adresse des citoyens de l’assemblée primaire du canton de Saint-Barthélemy, district de Lau-zun, départemeut du Lot-et-Garonne, portant adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale acceptés ou sanctionnés par le roi, comme étant l’expression de leur volonté. Autre de la municipalité de la ville de Vertus, renouvelant les hommages d’adhésion de la commune de cette ville à tous les décrets, et portant soumission d’acquérir tous les biens-fonds ecclésiastiques de son territoire. Autre des citoyens de l’assemblée primaire du canton de Barbantane, district de Nérac, département de Lot-et-Garonne, qui acceptent avec joie et reconnaissance la Constitution dont l’Assemblée nationale a posé les bases, et adhèrent à tous les décrets de l’Assemblée, acceptés ou sanctionnés par le roi, comme étant l’expression de leur volonté. Ils manifestent leur indignation contre l’écrit ayant pour titre : « Déclaration des députés de l’Assemblée nationale qui ont protesté contre le décret du 13 avril 1790, concernant la religion. » Autre de la commune du Luc, département du Var, à l’Assemblée nationale, exprimant avec admiration et reconnaissance son adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, et invitant ses députés à continuer leurs travaux. Autre de la ville de Saint-Malo, département de l’Ile-et-Villaine, qui, en renouvelant avec énergie sa reconnaissance de? travaux de l’Assemblée, et son adhésion aux décrets acceptés ou sanctionnés par le roi, improuve hautement et dénonce à l’indignation publique les libelles ayant pour titre : « Déclaration d’une partie de l’Assemblée sur le décret du 13 avril ; déclaration du chapitre de Rouen sur le même décret ; délibération des catholiques d’Uzès, et protestation de M. l’évêque de Dol, avec les prétentions et déclarations de trois grands-vicaires qui sont au pied. » M. le Président annonce que la députation au roi, décrétée hier soir, se réunira à une heure après midi et qu’elle est composée de : MM. L’abbé Gouttes. L’abbé Golaud de La Salcette. Coroller. Rocque de Saint-Pons. Defermon. De Colbert-Seignelay, évêque de Rodez. De Bonnal, évêque de Clermont. L’abbé Grégoire. D’Ambly. Le comte de Bournazel. Pochet. Guillotin. Long. Le marquis de Vaudreuil. Ratier. Moutier. L’abbé Rangeard. Petit-Mangin. Mougins de Roquefort, curé. Bizard. Graffan. Fricaud. Viguier. Martineau 739 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [30 mai 1790.] L'Assemblée arrête que son président sera à la tête de la députation. M. Roussillon. Pour ne laisser aucun doute sur les sentiments de la ville de Toulouse, je demande à faire lecture d’un arrêté de la municipalité de cette ville, au sujet des troubles survenus à Montauban. Cet arrêté est ainsi conçu : Du 19 mai 1790. Un très grand nombre de citoyens, faisant partie de la garde nationale de cette ville, s’est rendu dans le consistoire où étaient assemblés MM. Ri-gaud, maire; Bertrand, aîné; Sabatier, cadet; Babar; Esquirol; Yignolles; Bragouze; Marie, aîné ; d’Àdhemar ; Carol ; Bellonayre ; Saint-Ray-mond-Sacarin ; Gary; Malpel ; Castaing; Boubée, officiers municipaux, et Dupuy, procureur de la commune ; les citoyens ont demandé qu’il leur soit fait lecture d’une délibération imprimée, prise le 15 du présent mois, par la municipalité ae Bordeaux, au sujet des troubles survenus à Montauban, laquelle lecture ayant été faite par le secrétaire-greffier de la municipalité, M. le procureur de la commune, s’étant levé, a dit : « Messieurs, ce que vous venez d’entendre est l’expression naturelle d’un sentiment d’humanité et d*un patriotisme à toute épreuve ; doit-on être surpris d’avoir dépassé les bornes ordinaires, lorsque la voix impérieuse de sentiments aussi puissants commande à des coeurs fermes dans leurs principes ? Offrir un asile et des secours à des citoyens opprimés; arrêter, dans ses principes, les mouvements qui affligent les habitants d’une contrée malheureuse et prévenir des troubles qui pourraient se communiquer dans tout le royaume, tels sont les deux objets des délibérations prises, le 15 du présent mois, par la municipalité de la ville de Bordeaux. «Votre sollicitude, Messieurs, sur les divisions qui agitent la ville de Montauban se manifesta avant la fatale journée du 10 de ce mois, et ce fut dans ce moment où vous cherchiez dans votre sagesse les moyens de concilier l’observation des décrets de l’auguste Assemblée nationale, avec les démarches que vous étiez empressés défaire pour ramener l’union et la paix dans cette ville, que le sang des citoyens y fut versé. « La nouvelle de cet affreux événement à peine eût-elle éclaté dans vos murs, que la municipalité de Montauban, voulant prévenir les effets de votre patriotisme, réuni à celui de nos concitoyens, nous annonça que, par sessoins,le calme et l’ordre étaient rétablis dans son enceinte. « Gémir pour le passé, voter pour la durée de ce calme, tel fut le parti le plus sage qu’il vous parut alors le plus convenable d’adopter. « Mais, Messieurs, si votre attente a été frustrée, si des patriotes gémissent dans les fers, si des familles honnêtes ont quitté leurs foyers pour se dérober au péril dont elles se croient menacées, si d’affreux récits ont frappé l’âme généreuse et sensible de la municipalité et de la milice patriotique de la ville de Bordeaux, il est facile de concevoir avec quelle amertume vous découvrez l’illusion qui a suspendu les actes de votre humanité, de votre zèle et de votre patriotisme; il aurait déjà éclaté si vous n’aviez craint de troubler le calme dont l’assurance enchaîna vos résolutions. « Mais, Messieurs, quel que soit votre regret, ne l’augmentez pas en contraignant plus longtemps l’impulsion de vos cœurs; hâtez-vous d’offrir, de votre côté, un asile assuré parmi nous et toutes sortes de secours aux citoyens de Montauban et à tous autres qui craindraient d’être opprimés. «Et lorsque nous ne pouvons douter qu’il a été commis des actes de violence, dont plusieurs de ces citoyens sont encore les victimes, la générosité, le dévouement au bien commun, qui animent nos concitoyens, seraient-ils arrêtés parce qu’ils ne sont point liés avec les citoyens de Montauban, comme ceux de Bordeaux, par un pacte fédératif? Non, Messieurs, ce motif serait frivole; tous les Français, tous les patriotes, ne sont-ils pas de la même famille, leurs liens ne sont-ils pas resserrés par les mêmes nœuds? Le pacte fédératif doit être dans tous les cœurs. « Pénétrés de ces sentiments, les patriotesqui se présentent en foule, et vous environnent dans ce moment, vous sollicitent de seconder leur empressement à voler au secours des malheureux, à concourir au rétablissement de l’ordre ; iis vous invitent à requérir la garde nationale de se joindre à celle de Bordeaux; et c’est pour nous un titre très précieux, que d’être auprès de vous l’organe des citoyens dont la confiance nous flatte autant qu’elle nous honore. « Votre zèle et votre sagesse trouveront sans doute, Messieurs, le moyen de concilier les règles qui vous sont prescrites dans l’exercice de vos fonctions avec ce qu’exigent les circonstances extraordinaires et impérieuses. » Sur quoi, il a été unanimement délibéré : 1» De donner asile sûreté et protection aux citoyens de Montauban et d’ailleurs, qui, ne se croyant pas en sûreté dans leur patrie, voudraient se retirer à Toulouse ; 2° De défendre à tous les habitants, citoyens ou étrangers, de porter d’autres cocardes que celles couleur de la nation ; 3° De requérir M. le général de la garde nationale de la présente ville, de former sur-le-champ un détachement pour se réunir à celui de Bordeaux et de s’occuper tout de suite des préparatifs du départ ; 4° Que pour hâter la marche dudit détachement, deux officiers de notre garde nationale partiront ce soir même, et se rendront à la ville de Moissac, avec charge de nous instruire, par la voie d’un courrier extraordinaire, de la décision de l’Assemblée nationale, sur la pétition qui lui a été faite par la municipalité de Bordeaux ; 5° Qu’il sera remis une lettre aux deux officiers qui doivent partir ce soir, adressée au commandant de la division de Bordeaux, pour le prier de prendre, avec nosdits officiers, les mesures et les combinaisons convenables pour que notre détachement puisse arriver à Montauban, en même temps que celui de Bordeaux ; 6° Q’avant de partir, le détachement renouvellera le serment d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi ; de maintenir de tout son pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale, et notamment d’exécuter les ordres de la municipalité ; 7° Que le présent arrêté sera rendu public par la voie de l’impression et exécuté selon sa forme et teneur. (L’Assemblée décide que son président écrira à la municipalité de Toulouse pour lui témoigner sa satisfaction des sages mesures qui ont été prises.)