ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.) 748 [Étals gén. 1789. Cahiers.) impositions du même objet, et dans le cas où les besoins de l’Etat obligeraient le monarque à une augmentation d’impôt sur les biens-fonds, que ce soient les propriétaires seuls qui soient tenus de les acquitter et non les fermiers ou locataires. Art. 10. La suppression de tous les privilèges pécuniaires, qui sont une surcharge au public. Art. 11. Une police exacte et sévère sur l’exportation des blés, et d’empêcher le monopole qui se fait à outrance sur cette denrée, qui cause une disette générale dans toutes nos campagnes et qui rend la majeure partie des habitants malheureux, ne pouvant se substanter du fruit trop médiocre de leurs travaux. Art. 12. Que les ouvriers des bâtiments ne soient plus réglés et jugés souverainement par les architectes, mais par des juges de la campagne qui sont à portée de connaître les prix locaux de la main-d’œuvre et des matériaux. Art. 13. Que, la milice leur étant très-onéreuse, ils supplient Sa Majesté et les Etats généraux d’aviser au moyen de les décharger. Art. 14. Que les droits decontrôle, d’insinuation, soient fixés clairement, précisément et invariablement, afin que la perception des droits ne se fasse plus arbitrairement comme elle se pratique à présent ; les commis des bureaux, les notaires ni les parties qui contractent ne sachant la plupart du temps à quoi s’en tenir à cet égard. Art. 15. Que messieurs les curés qui s’absenteront de leur paroisse soient tenus, lorsqu’ils n’auront pas de vicaires, d’y mettre un desservant résidant, en état de remplir leurs fonctions, conformément à l’article 14 du règlement fait par Sa Majesté-, du 24 janvier dernier, et ce en tout temps. Art. 16. La diminution de la taille et accessoires. Art. 17. La diminution du prix du tabac. Art. 18. Que les nobles et ecclésiastiques payent la corvée comme le tiers-état. Art. 19. La liberté du commerce par tout le royaume avec une conformité de mesures. Art. 20. La suppression du droit de péage. Dont du tout lesdits habitants ont requis acte à eux octroyé, et à cet effet le présent cahier a été par nous, procureur fiscal susdit, coté et signé et paraphé par première et dernière page, pour être remis aux députés de cette paroisse et leur servir de pouvoirs suffisants lors de leur comparution en l’assemblée du châtelet de Paris, qui se doit tenir en la salie de l’archevêché dudit lieu, le 18 de ce présent mois d’avril audit an 1789. Et nous avons, avec ceux des habitants qui ont su écrire et signer, signé le présent cahier de doléances, lesdits jour et an que dessus. Ainsi signé, Pierre Aubry; Etienne Hublot; François Brunard, Marc-Antoine Dehaussy ; Jean-Baptiste Bussière ; Bernard Chevaucé ; Antoine-François Richon ; Pierre-Philippe Bontemps; André Thorigny ; François Vast-Leduc ; Simon Clerjon, Etienne Chartier ; Etienne Guérin ; Nicolas Lefort; Louis Lefebvre ; Pierre-Denis Robin ; Jean Fuan ; François-Joseph Danois ; Vincent Marlan ; Jean-Denis Chevaucé ; François Dehaussy ; Jean-Denis Fort ; Jean Dehaussy ; Etienne Clerjon ; Hallet, greffier. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances de la ville de Neanpkle-le-Château, ancienne prévôté royale, chef-lieu du comté de Pontcharlram,dont le bailliage relevant du parlement est composé de treize paroisses et de cinq justices par appel, et où se tient tous les lundis , un fort marché et deux foires par année, distante de 8 lieues de Paris et de 4 de Versailles, lequel cahier sera présenté ■ par les députés de ladite ville à l’assemblée delà prévôté et vicomté de Paris , qui se tiendra le 18 avril 1789 (1). Nous, habitants de ladite ville, déclarons que lecture nous a été faite de la lettre du Roi et du règlement y annexé pour la convocation des Etkts généraux; que les expressions touchantes de Sa Majesté ont porté l’attendrissement dans nos cœurs, et que nous avons été pénétrés de la plus vive reconnaissance en apprenant qu’elle avait daigné tourner sur nous ses regards paternels et qu’elle avait bien voulu nous permettre de faire porter nos doléances et nous rappeler auprès d’elle pour la réforme des abus de son royaume, C’est pour profiter de cette prérogative infiniment précieuse et honorable que nous avons rédigé nos plaintes et doléances en ces termes : Art. 1er. Les abus en tout genre qui ont servi à la fortune excessive de tant de particuliers sont la seule cause de la malheureuse situation où se trouvent les gens de la campagne, dont on a eu soin jusqu’à présent d’étouffer les plaintes. En effet, la misère qui afflige les pauvres est extrême, le prix du pain et des autres denrées de première nécessité est trop haut eu égard au salaire des ouvriers, leur indigence ne leur permet pas de tirer de leurs terres tout le produit dont elles seraient susceptibles; ils sont même dans la nécessité de vendre bien au-dessous de leur valeur le peu de propriété qui leur reste, ayant à peine de quoi vivre; ils manquent de moyens pour nourrir et élever leurs enfants dont le nombre est si nécessaire, puisque eux seuls sont destinés à nourrir les riches et à les défendre en temps de guerre contre les ennemis de l’Etat. Art. 2. Les seigneurs et les bénéficiers, dont le séjour parmi nous répandrait l’aisance, désertent nos villages et même leurs châteaux pour n’être pas importunés par le spectacle affreux de la pauvreté et se réfugient dans les grandes villes, où ils dépensent les revenus immenses que nous leur payons. Art. 3. Ce qui augmente nos peines, ce sont les impôts de tout genre qui pèsent sur nous continuellement. Art. 4. Nous insistons principalement sur la gêne que nous éprouvons lors de la récolte et de la vente que nous faisons de nos vins et de nos cidres, de l’impôt très-considérable qui se perçoit sur ces boissons, et de la perception de cet impôt, qui nous expose à des difficultés et à des procès sans nombre. Art. 5. Les entrées sur les vins et les droits sur la viande qui se payent ici, sont un impôt particulier à cette paroisse, qui ne compte guère plus de deux cents feux; nous en demandons l’affranchissement. Art. 6. Le prix du sel, qui peut être considéré comme denrée de première nécessité, est excessif. Art. 7. La taille et les vingtièmes d’industrie (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire . ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Paris hors les mars j 749 [États gén. 1789. Cahiers.] sont un impôt établi sur le travail et l’intelligence ; nous avons lieu de croire qu’il excitera l’indignation de tous les représentants de la nation. Art. 8. Nous souhaitons qu’au lieu des contributions de toute espèce, dont la dénomination seule serait fatigante, la nation en établisse d’autres plus simples et qui soient principalement supportées pap la classe nombreuse des riches. Art. 9. Nous demandons très-instamment que tout esprit de corps et de rivalité s’évanouisse à l’aspect de l’intérêt général, et que l’on vote par tête dans l’assemblée générale de la nation, puisque la qualité de Français et de citoyens choisis par la nation et réunis par l’intérêt commun, ne devrait plus faire qu’un seul et même corps de tous les ordres réunis dans cette assemblée auguste et solennelle qui décidera du sort de la nation. Art. 10. Les vœux sont également unanimes sur la nécessité de retrancher absolument toutes les dépenses inutiles et d’user de l’économie la plus soutenue dans toutes les parties possibles de ['administration. Art. 11. Nous demandons aussi la conservation du ministre vertueux dont l’intégrité éprouvée et le zèle infatigable ont ranimé la confiance qui avait paru s’altérer. Pleins de confiance et de respect pour l’assemblée nationale, nous allons mettre sous ses yeux et soumettre à ses lumières nos réflexions sur les abus les plus marqués qui se commettent dans différentes parties de l’administration et détailler quelques-unes de nos demandes particulières dans le cours de ce cahier. ETATS GÉNÉRAUX. Etats particuliers et municipalités. Art. 1er. Nous demandons que les Etats généraux continuent de se tenir à certaines époques fixes, comme de cinq en cinq ans ; que le Roi soit très-humblement supplié d’autoriser une loi qui assure à jamais cette convocation; c’est le moyen d’entretenir l’Etat dans une prospérité constante, et de remédier à temps aux inconvénients que l’on n’aurait pas d’abord aperçus ; les élections se feront sans peine et les frais ne seront pas onéreux à l’Etat; chaque province payera des députés et cette dépense, une fois fixée, ne sera pas arbitraire. Le lieu de la convocation pourra varier suivant la volonté du Roi, et Sa Majesté sera suppliée de la déterminer à peu près dans le centre de son royaume. Art. 2. Que le Roi soit très-humblement supplié d’établir et former toutes les provinces en pays d’Etats; il en résultera le plus grand avantage; les députés aux Etats provinciaux le pourront être aux Etals généraux; par ce moyen les opérations seront simplifiées, les Etats particuliers recevront les plaintes et remontrances des citoyens, et au retour des Etats généraux apporteront� cette auguste assemblée leurs cahiers. Art. 3. La tenue des Etats particuliers opérerait la meilleure répartition des impôts et la plus grande économie dans la perception, et ces impôts seraient subdivisés par villes et villages par l’opération des syndics, officiers municipaux, et sagement établis, et les difficultés, s’il en survenait, jugées par lesdits Etats particuliers ou par un comité intermédiaire. Art. 4. Que les officiers des municipalités par-• ticulières nomment un receveur par chaque année, chargé de recevoir l’impôt et de le verser par quartier au trésor royal ; qu’il soit gratifié de son temps et de son déboursé qui sera néanmoins fixé et arrêté. Les frais de régie et de perception ne coûteraient néanmoins rien à la communauté contribuable, puisque chacun des habitants aura son tour, étant solvable, et que celui qui ne le sera pas n’aura pas moins son tour, s’il donne bonne et suffisante caution. IMPOTS. Art. 1er. Que tous les impôts que l’on paye sous toutes les dénominations différentes soient simplifiés, ce qui pourrait s’éxécuter ainsi : Lever une partie sous la dénomination de taille réelle ou subvention territoriale. Ce subside est certainement le plus légitime, puisque la plus grande partie des richesses de la nation est tirée des productions de la terre; tous les propriétaires de cette même terre doivent con-tribueraux charges de l’Etat, et en demandant une imposition assise sur les propriétés, on n’entend aucune exemption. Clergé, noblesse et tiers-état, tout payerait en raison de la valeur et de l’étendue de ses possessions. Cette imposition dans les villes sera com-penséeparune taxe sur les maisons, levéeenraison de leur produit, et dont la quotité serait, ainsi que celle de la subvention territoriale, déterminée dans l’assemblée de la nation. Art. 2. Le produit du contrôle, insinuation, centième denier sous le nom d’administration des domaines; il est à désirer que, pour donner moins d’entraves et ôter tous prétextes aux traitants de donner à ces droits toute l’extension qu’ils veulent, et éviter les contestations qui en résultent, que les actes et contrats, même ceux des notaires de Paris, soiem assujettis à un enregistrement pour la sûreté publique et celle des dates; cet enregistrement sera fait par un ou plusieurs officiers résidant près les cours et juridictions, pour lequel il sera payé une somme modique comme de 6 sous au-dessous de 100 livres, de 20 sous au-dessus et de suite en augmentant à proportion des sommes, ce qui ne pourra exécéder 12 livres. Que les donations, suivant l’ordonnancede 1731, seront aussi publiques, et qu’il ne soit payé pour cette raison que 3 livres pour les moindres classes de donateurs, 6 livres pour les bourgeois et laboureurs, 12 livres pour la classe au-dessus, et enfin 24 livres pour les classes supérieures. Que pour rendre les ventes publiques, il soit tenu un autre registre d’insinuation, afin que les créanciers puissent connaître les ventes qui seront faites par leurs débiteurs, pourquoi sera payéjus-qu’à 100 livres 10 sous, et 20 sous par 100, et 3 livres par 1,000 et au-dessus. Les registres seront tenus par les mêmes officiers près les bailliages. Art. 3. Le produit des postes et celui des messageries peut encore faire une branche des revenus de l’Etat. Art. 4. Celui des loteries, qu’il est important de conserver, puisque les autres souverains ne s’accordent pas à la supprimer dans leurs Etats. Art. 5. Les droits d'entrée aux frontières du royaume sur certaines productions étrangères. Art. 6. Que ceux qui ne possèdent pas de biens-fonds nobles ou roturiers, qui ne vivent que de rentes ou de pensions, payent une retenue proportionnée à l’imposition sur les propriétés. [Art. 7. Que ceux qui vivent d’un état lucratif comme les banquiers, les notaires, négociants, ou- 750 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les mars.) [États gén. 1789. Cahiers.] vriers, soient assujettis à une taxe proportionnée à leur état, commerce ou entreprises. Tous ces revenus sont bien plus considérables que les impôts que l’on payait annuellement, et une partie de leur bonification proviendra de la simplification de la recette. 11 y aura beaucoup moins d’entraves au commerce et les frais de régie seront beaucoup moins considérables. Arrivera-t-il une déclaration de guerre, on sent que la contribution doit augmenter pour finir à la paix ; un cinquième d’augmentation sur les im - positions pourra suffire; on imposera donc 4 sous par livre èt on aura une somme pour servir aux dépenses extraordinaires. La fixation de l’impôt territorial, que l’on croit porter au sixième du produit des terres, pourra alarmer au premier coup d’œil les propriétaires fermiers ainsi que ceux sujets à la capitation, industrie de commerce ; mais qu’ils considèrent que c’est l’impôt unique qu’ils payeront et qu’ils n’auront plus de taille, de taillon, de vingtièmes, de corvées, de gabelles, de capitation sur les fonds d’héritages et proportionnelle à la taille ; plus de droit sur les bestiaux; plus de droits sur les cuirs, sur les papiers, cartons, huiles, savons, fer, poudre, amidons ; plus de tarif sur le marc d’or ; plus de centième denier sur les offices; plus de droits d’entrée sur le vin et sur toutes espèces de marchandises ; plus de douanes, plus de commis j exacteurs, plus de garnisaires, et enfin plus de gêne, plus d’inquiétudes ni d’entraves sur le commerce. Tout Paris va s’approvisionner de vin ; les sept huitièmes des habitants ne seront plus obligés d’avoir recours aux marchands en détail, qui ne peuvent le vendre au prix courant sans le déguiser et le falsifier. Eux-mêmes l’auront en gros et à composition. Les vins de cru qui ne sont jamais entrés à Paris y entreront ; ils seront vendus à composition, èt le vigneron en trouvera un prix raisonnable qui le dédommagera de ses sueurs et de ses frais ; et il payera facilement sa contribution des besoins de l’Etat. Art. 8. On demande l’abolition des droits sur les boissons ; ces droits, fort onéreux aux cultivateurs, coûtent beaucoup de frais pour les perce-cevoir et entraînent beaucoup d’abus et d’exactions. Les frais de la culture des vignes sont si considérables et leur produit si certain, qu’on peut assurer sans crainte de réplique que sur cinq récoltes il en est trois où la vente du vin ne peut dédommager le vigneron de ses avances et des droits qu’il paye sur cette partie. On pourrait simplifier ces droits en les réduisant à un droit unique levé par les receveurs des paroisses et imposé à tant par pièce lors de l’inventaire des vins qui serait fait par les mêmes receveurs après la récolte et payé par quartier. Art. 9. On demande aussi la suppression des gabelles : cette matière est des plus importantes ; la vente exclusive du sel par les fermiers généraux, le prix exorbitant que paye une partie de la nation pour cette denrée de première nécessité oblige la ferme d’entretenir une armée toujours en guerre avec les citoyens. Il faut absolument connaître les provinces li-{ mitrophesdes pays franc-salés, pour avoir une idée des dépenses énormes causées par l’entretien des gardes soldés pour empêcher la contrebande ; ces gardes, même pris dans la lie du peuple, sans J principes d’honneur et le rebut de la société, se prêtent volontiers aux manœuvres des contrebandiers lorsque leur intérêt s’y trouve joint; on a été témoin de ce fait en Poitou et dans les provinces voisines. Un autre inconvénient de la différence du prix du sel est la multitude des contrebandiers ; en vain l’on a promulgué contre eux les lois les plus sévères ; les galères et le gibet n’empèche-rout jamais qu’il y ait des faux-sauniers ; le seul moyen de les détruire est d’établir un prix modique et à peu près égal dans tout le royaume. Tant qu’un père de famille dans la misère et • sans travail, tant qu’un fainéant ou un libertin connaîtront un endroit où iis auront 1 minot de sel pour 3 livres, tant qu’ils connaîtront un autre endroit où ils le vendront 30 livres, il y aura des contrebandiers; eu vain redoublera-t-on les gardes, la cupidité trouvera le moyen de les tromper ou la misère empêchera de les craindre; on remplira les cachots, on dressera de toùs côtés des gibets, et il y aura encore des faux-sauniers. On le répète, le seul moyen de les détruire est détablir un prix modique et à peu près égal pour le sel dans tout le royaume. On y parviendrait par une opération bien simple : Sa Majesté se rendant propriétaire de toutes les salines de son royaume, ferait fabriquer le sel j à ses dépens ; on sait que ces frais sont très-peu considérables : un directeur, quelques inspecteurs et gardes-magasins seraient tous les officiers nécessaires pour cette régie. Le Roi ferait vendre pour son compte et à un prix modique le sel à des marchands particuliers qui le commerceraient de province à autre ; le débit en étant libre, la concurrence en amènerait l’abondance et la salubrité; la consommation augmenterait parce que l’on en donnerait aux bestiaux ainsi qu’on le fait dans quelques provinces où le sel est à bas prix, et l’Etat se trouverait déchargé de cette armée de commis qui absorbe le produit le plus liquide des gabelles. Il y a encore un autre avantage à cette suppression, les côtes de Picardie, actuellement dépeuplées, se couvriraient d’habitants, nos pêches du hareng et de Terre-Neuve reprendraient vigueur. Nous formerions une pépinière de matelots, classe précieuse dans la position actuelle de l’Europe, et une partie du numéraire que nous envoyons à l’étranger resterait dans le royaume. Art. 10. Les mêmes raisons qui font demander la suppression des gabelles font aussi souhaiter que le tabac soit déclaré marchandise libre, en le chargeant d’un droit d’entrée, une fois payé, aux frontières du royaume. PENSIONS. Officiers militaires et finances. Art. 1er. Nous demandons la suppression, ou du moins la réduction des pensions qui se payent au trésor royal; Sa Majesté peut récompenser ceux de ses sujets qui l’auront mérité sans rien prendre sur les revenus de l’Etat; elle a, pour les uns, des gouvernements, des châteaux et lieutenances générales de provinces, des gouvernements de places, des majorités et, enfin, tous les grades militaires. Pour d’autres, archevêchés, évêchés, abbayes, commenderies, et autres bénéfices. Pour les magistrats, que de différentes places dans leur corps! Ces récompenses, données avec discernement et économie, sont plus que suffi- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 7gf santés pour ceux qui se mettront à portée de les mériter. Nous ne pouvons le dissimuler, les pensions payées par l’Etat, pensions dont la masse est énorme, sont presque toutes jle fruit de l’adulation et de la connivence avec les précédents ministres, et forment une branche de dépenses qui écrasent le Trésor, et n’a pas peu contribué à mettre les finances dans le désordre où elles sont à présent. Nous demandons donc que les pensions qui ont été accordées jusqu’à présent, soient réunies en une liste, pour être examinées par le Roi et l’assemblée générale de la nation, et confirmées, réduites ou supprimées, suivant qu’ils le jugeront à propos. Il est cependant nécessaire de conserver un fonds pour certaines récompenses qui ne peuvent être que pécuniaires; mais ce fonds doit être très-modique, et Sa Majesté sera suppliée d’en fixer la quotité qui pourra être augmentée par la suite. Art. 2. Le nombre trop considérable des officiers généraux de terre et de marine est encore une charge pour le Trésor. Nous demandons que ce nombre soit, à l’avenir, réduit à ce qu’il en faut pour le service; ces officiers, qui tous ont de gros appointements, vivent la plupart dans l’inaction, et l’Etat peut très-bien se passer d’entretenir onze à douze cents officiers généraux qui, presque tous, restent à Paris ou dans leurs terres, et dont tout le service consiste à aller passer un mois dans l’année soit à leurs régiments, soit à une inspection ; si donc on diminuait leur trop grand nombre et que l’on réduisit le traitement de la partie qui serait conservée, il en résulterait une bonification considérable pour l’Etat. Art. 3. En admettant une administration moins compliquée qu’on ne l’a fait, jusqu'à présent, on pourrait supprimer les intendants de provinces, leurs subdélégués, les receveurs des tailles de chaque élection, et une grande partie des receveurs généraux et autres officiers de finances ; les subsides étant portés par les administrations provinciales au trésor royal, immédiatement, l’Etat n’aurait plus besoin de ces intermédiaires qui lui coûtent des sommes immenses, et qui sont encore plus à charge au peuple dont ils sont les tyrans les plus despotiques, tyrans qui tiennent des campagnes sous le joug le plus affreux du pouvoir arbitraire, et auxquels on peut d’autant moius se soustraire qu’eux mêmes sont juges et parties dans tout ce qui peut avoir rapport à leurs emplois. PRIVILÉGIÉS. Art. 1er. Tous les privilèges pécuniaires seront supprimés. Ces privilèges sont autant de vols faits à la société. Un négociant, un laboureur, un artisan sont-ils enrichis, leur premier soin est d’acheter une charge dans la maison du Roi ou dans quelque corps de magistrature; en vertu des immunités attachées à ces emplois, ces personnes s’exemptent de la plupart des impositions qui, par cette exemption, retombent sur la classe la plus indigente ; ces privilèges causent encore un autre mal : tel aurait été un laboureur instruit, un habile négociant, un artiste intelligent qui, revêtu de ces distinctions, se croirait déshonoré s’il se tenait dans la classe où la placé l’a nature. Un autre abus, c’est que ces privilégiés jouissent des droits honorifiques ; ces distinctions doi vent être réservées pour la noblesse, et il est ridicule de voir un de ces anoblis contester cet honneur à un gentilhomme. Il faut donc que la noblesse ne puisse s’acquérir que par les grades militaires ou par un mérite éminent, et qu’aucune charge, soit vénale, soit gratuite, ne puisse conférer ce titre. LIBERTÉ. Art. 1er. Nous demandons que la liberté individuelle soit respectée ; que l’on ne puisse en priver aucun citoyen, qu’en verlu des lois ; que l’usage abusif des lettres de cachet soit abrogé, et que tout citoyen ne soit tenu de répondre que devant son juge naturel. Art. 2. Que la liberté des propriétés particulières soit assurée, qu’aucune force ne puisse obliger un citoyen de se défaire de tout ou partie de son héritage ; qu’il soit le maître de faire chez lui tout ce qu’il voudra, sous la protection des lois, et que les seigneurs ne puissent plus prendre, comme ils ont fait, nos terres, pour les employer aux chemins inutiles et qui ne servent qu’à entretenir leur luxe. Art. 3. Que la liberté de la presse soit admise, en observant néanmoins que l’usage de cette même liberté ne puisse dégénérer en licence, et nous nous en rapportons pour cet article aux lumières et à la sagesse de la nation. Art. 4. Que les postes soient désormais un dépôt inviolable, et que les lettres ne puissent être ouvertes, sous quelque prétexte que ce soit. Art. 5. En vertu de cette liberté de propriété que nous réclamons, nous demandons la destruction du gibier, et surtout du lapin, jusqu’à entière extinction, et que les seigneurs n’en puissent avoir que dans des'garennes closes de murs. En vain l’on cherchera à encourager l’agriculture si l’on ne détruit le gibier; nos campagnes sont dévastées par la quantité, incroyable de lapins, lièvres et perdrix, qui rongent les productions à peine sortant du sein de la terre. Le peu de semences échappées à la voracité du gibier est ensuite étouffé par les herbes; il est défendu d’entrer dans les grains après le 10 mai; de cette défense résultent deux grands inconvénients, dont le second est la suite du premier : l’habitant de la campagne, qui, en arrachant l’herbe parasite qui croit dans les blés, nourrissait une vache, est privé de ce secours, et cette même herbe prenant le dessus, le grain ne pousse plus qu’une paille inutile, de là vient la médiocrité de nos récoltes. Plusieurs arrêts et ordonnances oht autorisé les Cultivateurs à faire constater le délit fait par Je gibier, et à le faire payer au seigneur; mais les formalités demandées par ces arrêts rendent presque toujours cette voie impraticable, et c’est plutôt un palliatif qu’un remède. D’ailleurs que les particuliers soient indemnisés ou non, que résulte-t-il pour le public? Si dans un arrondissement quelconque il y a 6,000 setiers dé blés dévorés par le gibier, ne sont-ce pas toujours 6,000 setiers de perdus pour l’Etat? La bête fauve fait de très-grands ravages dans nos cantons ; il s’y est jeté, depuis quelques années, quantité de cerfs, daims, chevreuils et sangliers qui dévorent nos grains et mangent nos bois; des plans de châtaigniers en sont si endommagés, que l’on peut assurer que, sur huit rejets, il y en a cinq de broutés, écrasés et mis hors d’état de servir à autre chose qu’à brûler. Il serait à propos de permettre à chaque pro- 752 [Etats gén. 1789. Cahiers.] priétaire de tuer le gibier sur son terrain, et non ailleurs, sans pour cela pouvoir se servir d’armes à feu. Il est nécessaire aussi de faire une réflexion sur les gardes-chasses; il est inutile d’ajouter foi au rapport d’un seul homme, et de faire dépendre l’honneur et la réputation d’un citoyen d’un homme incapable souvent par lui-même de la rédaction de son rapport, qui expose les prétendus braconniers à une amende de 100 livres, et si, pour s’en exempter, il se détermine à passer à l’inscription de faux, il faut qu'il coure les risques d’un procès ruineux ; quel privilège ridicule a donc un garde , lorsqu’un juge n’est pas cru à son assertion sans l’assistance de son greffier, un notaire sans l’assistance de son confrère ou deux témoins, un huissier sans être recordé, et des commis sans être deux? Art. 6. Les pigeons appelés bisets ou colombiers seront détruits ou, du moins, renfermés pendant le temps des semences et de la récolte, et surtout quand les blés seront versés. Art. 7. Le commerce des grains sera libre dans toute l’étendue du royaume ; mais l’exportation en sera défendue ; elle est sujette à trop d’inconvénients, nous en avons une preuve trop frappante cette année ; en vain allègue-t-on la grêle qui a ravagé nos moissons; cette grêle peut avoir causé eu partie la misère qui désole nos campagnes, mais l’insatiable cupidité des riches capitalistes et des accapareurs y a pour le moins autant de part. Il serait à propos, pour éviter un malheur semblable à celui que nous avons éprouvé cette année, et que nous éprouvons encore, que l’on établit des magasins dans lesquels on amassera, dans les années avantageuses, pour cinq ou six mois de blés; que ces magasins fussent renouvelés tous les ans et que l'exportation ne fût permies que du consentement général de la nation, et après que l’on se serait assuré, par des informations authentiques, que l’on pourrait faire sortir du royaume des grains, sans qu’il en résultât des dangers pour l’approvisionnement de la nation. CLERGÉ. Ordres religieux et maisons de charité . Art. 1er. Les abus dans les deux ordres qui précèdent le tiers sont essentiels à dénoncer; pour ce troisième ordre, ils blessent la société qui constitue l’Etat. Quelque nombreux que soient dans le royaume les abbayes, prieurés, canonicats , prébendes, chapelles, il s’en faut que les ecclésiastiques, même avec un mérite reconnu, puissent espérer cette espèce de récompense. Cette privation est un grand mal, elle détruit l’émulation, elle entretient les brigues, les démarches, les sollicitations qui détournent les ecclésiastiques du but de leur institution ; l’accumulation de plusieurs bénéfices sur une seule tête est l’abus le plus répréhensible; cet abus est contraire aux canons de l’Eglise, et la dispense, qu’en accorde le saint-siège n’est qu’une formalité qui empêche le dévolu, mais le for intérieur n’en fait pas moins un crime; il serait donc essentiel d’ordonner que le même ecclésiastique ne pourrait posséder qu’un bénéfice de 6,Ù03 livres de rente et que, quand il serait au-dessus de cette somme, le surplus serait possédé par un autre ou même par plusieurs à titre de pension. Lorsque la présentation auxdits bénéfices ap-[Paris hors les murs.] partiendrait aux sujets du Roi, soit ecclésiastiques, soit laïques, le présentateur distribuerait le revenu du bénéfice en telles portions qu’il voudrait, pourvu que la portion la plus considérable n’excédât pas la somme ci-dessus fixée. Cette somme est plus que suffisante pour les besoins d'un homme qui a renoncé au luxe ; combien de particuliers, pères d’une famille nombreuse vivant honnêtement, donnent à leurs enfants une bonne éducation, et n’ont pas, à beaucoup près, un revenu aussi considérable ! Art. 2. Le bénéficier remplit le vœu du fondateur lorsqu’il consomme le revenu de son bénéfice dans le lieu où il est situé, et il ne peut encourir aucuns reproches ; mais, s’il établit son domicile dans la capitale ou ailleurs, ainsi qu’il est malheureusement dusage, il sera retenu sur le produit du bénéfice un dixième à verser dans la caisse municipale de la paroisse dans laquelle est situé le bénéfice ; cette caisse sera nommée caisse de charité, et ce qui s’y trouvera au bout de l’an sera distribué aux pauvres vieux malades, ou infirmes, ou chargés d’une trop grande famille, dans des temps de disette ou dans des hivers trop longs ; ils serviront aussi de secours aux gens incendiés ou réduits à la mendicité. C’est là le véritable usage du fruit des bénéfices, après que le bénéficier a prélevé la vie et l’habit. Art. 3. Les lois de l’Eglise et celles de l’Etat obligent les prélats à résider dans leurs diocèses, et cependant ils ne le font pas. De nouvelles lois n’auront pas plus de pouvoir ; il serait bon d’ordonner le séquestre des revenus des archevêchés, évêchés, abbayes, prieurés y réunis, pendant le temps de l’absence des prélats, lorsque des motifs légitimes n’auront pas nécessité cette absence;. il conviendrait de rendre les Etats particuliers ou administrations provinciales juges de la légitimité de ces motifs; la caisse de charité recevra ces aumônes casuelles, et elles seront, de l’avis des Etats, réparties aux pauvres du diocèse. Enfin, il est intéressant pour les mœurs que les prélats résident dans leurs diocèses ; leur présence influe nécessairement sur le bon ordre et la conduite de leurs coopérateurs dans le ministère apostolique. Art. 4. Que les économats soient supprimés, et que les Etats veillent aux réparations des bénéfices. Art. 5. Que les baux des biens de gens de mainmorte ne soient pas résiliés par le décès du bénéficier; pour empêcher toute espèce de fraude, que les baux de tous les biens de l’Eglise, et même de fabrique, soient adjugés par les juges royaux, chacun dans son ressort. Art. 6. Une partie des cures de campagne étant d’un revenu trop modique, que ces cures soient augmentées jusqu’à 1,500 livres au moins de revenu fixe; cette augmentation se fera par la réunion d’un bénéfice simple à ces cures, et si cette voie ne suffit pas, on prendra le surplus sur les biens des maisons des religieux dont on va demander la suppression. Les évêques auront seuls la nomination des curés de leurs diocèses. On ne souffrira plus de permutation ni de résignation , la plupart ne sont que des simonies masquées; mais tout curé qui voudra quitter son bénéfice le remettra simplement entre les mains de l’ordinaire. Les dîmes donnent lieu à des procès ruineux entre les curés et les habitants de la campagne, et les portent les uns et les autres à l’inimitié et à des procès scandaleux, et ces dîmes paraissant ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 753 faire un double emploi avec l’impôt territorial, l'assemblée générale de la nation voudra bien porter la vue sur ce point important. Art. 7. Toute paroisse au-dessus de cent feux sera pourvue d’un vicaire auquel on donnera au moins 800 livres el son logement; les honoraires de cet ordre d’ecclésiastiques ne sont souvent pas capables de les faire subsister, ce qui les met dans la cruelle nécessité d’être les parasites de leurs paroissiens; on fera, des fonds pour leur payement par la môme voie que pour les curés. Art. 8. L’administration des sacrements et les sépultures se feront toutes gratuitement. Art. 9. Que, dans tous les chapitres des cathédrales et collégiales, partie des canonicats soit destinée à la retraite des anciens curés et vicaires qui auront longtemps rempli les fonctions ecclésiastiques. Art. 10. Qu’il soit établi des maisons de retraite pour les mêmes prêtres, ou qu’il leur soit donné des pensions sur les bénéfices dont ou a parlé. Art. 11. Que l’on établisse, dans chaque diocèse, une ou plusieurs maisons dans lesquelles on entretiendra des jeunes geus qui montreront du talent pour i’instruciion; après qu’ils auront été suffisamment instruits et examinés, en leur donnera 400 livres d’appointements, et on ne recevra aucuns maîtres d’école, qu'ils ne soient âgés de vingt-cinq ans et qu’il n’en aient passé trois dans ces maisons. 11 n’est que trop prouvé que la dépravation des mœurs dans les campagnes ne vient que du défaut d’éducation, ce qui n’est pas étonnant, si l’on considère que la plupart des maîtres d’école sont des gens sans capacité et sans mœurs, qui n’embrassent cet état que par fainéantise et par nécessité; d’ailleurs leurs places ne sont pas assez lucratives pour qu’un homme instruit et intelligent puisse y subsister. On prendra leurs appointements fixes sur la classe des ordres supprimés, et le payement qu’ils recevront de leurs ecoliers sera en sus. Art. 12. Nous demandons la suppression de tous les ordres religieux qui ne s’occupent que de la vie contemplative, tels les chartreux, les bénédictins, bernardins etc. ; on assignera à chacun des sujets qui le composent une pension viagère suffisante pour leur subsistance et leur entretien; le surplus de leur revenu sera mis en masse et affecté aux augmentations des honoraires des curés et des vicaires, au payement du maître d’école et l’entretien des maisons de charité dont il va être parlé. Art. 13. L’abus qui résulte de la mendicité des moines, et les inconvénients et insultes auxquels elle les expose, exigent que l’on défende aux religieux mendiants de quêter. 11 est de la dernière indécence qu’un religieux, honoré du sacerdoce, se trouve exposé aux railleries et aux propos obcènes îles gens de la campagne, et quelquefois obligé d’agir, malgré lui, d’une manièie indigne de son état. En un mot, la mendicité des religieux ne sert qu’à déshonorer la religion et à donner aux libertins occasion de la tourner en raillerie. On peut obvier à ces inconvénients en donnant à ces religieux un habit décent, et en pourvoyant à leur entretien et à leur subsistance, on les rendra encore plus utiles qu’ils ne sont. 11 faudra les distribuer en des couvents établis dans des villes ou gros bourgs, distants de 5 à 6 lieues l’un de l’autre ; le nombre des religieux de chaque maison sera fixé, suivant la quantité 1M Série, T. IV. des paroisses qui se trouveront dans leur arrondissement respectif. On leur assignera un revenu suffisant, seulement pour leur subsistance, et qui sera pris sur la caisse des ordres supprimés, et leurs maisons seront entretenues de celte même caisse. Les religieux ainsi distribués aideront les curés dans leurs fonctions, lorsqu’ils en auront besoin, soit en cas de maladie, soit pendant leur absence, pour la prédication ou l’administration des sacrements, et les honoraires qu’ils recevront pour ces fonctions appartiendront à celui des religieux qui les aura faites, et seront pour leur entretien. Art. 14. On établira dans toutes les communautés desbureaux de charité; ces maisons seront le plus sûr moyen de détruire la mendicité; elles seront administrées parle curé et la municipalité, on leur assignera des revenus proportionnés à leurs besoins respectifs, et dont la masse serait distraite des biens des ordres religieux dont on vient de demander la suppression. Après l’établissement de ces maisons, on fera observer, avec plus de rigueur qu’on ne l’a fait encore, les règlements qui défendent aux pauvres de sortir de leurs paroisses. On choisira dans chaque communauté une femme respectable, sous le nom de dame de charité, qui veillera aux besoins des pauvres familles, et sur son rapport le curé et ses collègues aviseront aux secours qu’il faudra leur fournir, en observant, cependant, que ces secours, dispensés avec sagesse et économie, ne puissent servir à entretenir la paresse et à éloigner l’amour et la nécessité du travail. D’après cela, tout mendiant arrêté hors de sa paroisse sera conduit aux dépôts établis, où resteront seulement ceux que leur âge ou leurs infirmités empêcheront de travailler. Pour les mendiants valides, on les occupera aux travaux publics, où ils seront enchaînés, ainsi que le sont les forçats sur les ports du Roi. ADMINISTRATION DE LA JUSTICE. C’est au souverain seul qu’appartient le droit de faire rendre la justice au peuple, et ce droit est le plus bel ornement de sa couronne. Il lui est impossible de s’acquitter par lui-même de cette fonction importante ; il est donc essentiel que Sa Majesté fasse choix de juges intègres et éclairés. Il y a bien des réformes à faire daus la manière d’administrer la justice; les essais que l’on a faits dans cette partie’ n’étaient pas sans mérite, et les résultats en étaient avantageux. Mais le provisoire était vicieux ; en ce moment où l’assemblée auguste de la nation va donner la sanction à de nouvelles lois, il est bon de mettre sous ses yeux les abus qui se commettent dans cette partie importante. La justice se rend avec trop de lenteur, les frais sont trop ruineux pour les parties ; ces frais enlèvent quelquefois toute la fortune de celui qui succombe, et souvent celui qui réussit est encore vexé par les faux frais, les démarches et le temps perdu. Il faut, pour opérer une réformation qui assure la félicité publique, faire un code plus clair, moins complexe et moins sujet à diverses interprétations, qui prête moins à la chicane et à l’avidité des suppôts, et qui ne laisse rien à l’arbitraire des juges ; on ne voit que contradictions dans les arrêts des cours et dans les sentences des juges inférieurs, aucun point de jurisprudence n’est, assuré. Ce grand magistrat, M. d'Aguesseau, connaissait bien la nécessité d’une réformation dans la justice; 48 71)4 (États gén. 1789. Cahiers.] il l’a préparée dans ses écrits immortels, mais il n’a laissé personne jaloux de sa gloire pour faire usage des matériaux qu’il a préparés; c’est aux Etats généraux à prendre, à cet égard, une ferme résolution; le tiers-etat est plus intéressé que les deux ordres a cette réformation, puisqu’il est plus nombreux et qu’il compose à lui seul les dix-neuf vingtièmes du royaume ; c’est dans cet ordre que subsiste la classe la plus indigente, sa possession lui est aussi chère, à proportion, que celle des riches et il ne supporte pas moins les grands frais qui se font sans nécessité. Art. 1er. Le vœu général est que le sceau du Châtelet ne soit plus attributif de juridiction et que les citoyens ne soient plus obligés de v ür de toutes parts et du fond du royaume plaider en cette juridiction ; on doit sentir assez les inconvénients qui en résultent, pour que l’on soit dispensé de les détailler ; on en excepte les appositions des scellés et les inventaires, par' droit de suite, à l’égard des successions de ceux dont le domicile réel et actuel est à Paris. Art. 2. Que la juridiction de Paris en première instance, à l’exception de celles de l’hôtel de ville et des consuls, connaisse de toutes matières par distinction de chambre, en se conformant aux ordonnances qui concernent chaque matière, et en dernier ressort jusqu’à 3,000 livres, pourvu quil y ait cinq ou sept juges, ou le plus grand nombre, sans préjudice à se pouvoir par requête ci vile, dans les cas prescrits par l’ordonnance, par-devant des commissaires du conseil, qui auront un bureau établi pour cet effet. Art. 3. Que les appels au-dessus de 3,000 livres soient portés au parlement, dont le ressort sera restreint, et où il ne sera question que du bien et du mal jugé, sans papier timbré ni autre droit que celui du scel; il est à désirer que cela soit comme on le proposera ci-après pour toutes les juridictions du royaume. Art. 4. Que le ressort de la juridiction du Châtelet soit borné à la ville et banlieue de Paris, afin que, suivant l’intention du lioi, que Sa Majesté a fait connaître à son lit de jusice, les justices soient rapprochées des justiciables. Art. 5. Que conformément à cette intention du souverain, il soit établi partout le royaume, à l’exemple du Châtelet, des juridictions royales en forme, dans des arrondissements de deux ou trois lieues de distance au plus, qui jugeront de toutes matières en dernier ressort jusqu’à concurrence de 1,200 livres, et au nombre des juges fixés. Art. 6. Que les juges soient responsables envers la nation assemblée du fait de leurs charges, et qu’ils ne puissent être déplacés de leurs tribunaux, ni les parties enlevées à leurs juges. Art. 7. Que la peine de mort soit abrogée, autant que faire se pourra. Art. 8. Que la procédure criminelle soit publique, et qu’il soit permis aux accusés de se faire assister, dans tout le cours de la procédure, des conseils et des défenseurs ; que l’usage de la question et de la sellette soit aboli dans tous les cas. Art. 9. Qu’il soit procédé à la rédaction d'un code civil et criminel ; que le premier simplifie la procédure civile et la réglé invariablement; que le second ne laisse rien à désirer, pour que les prisonniers soient traités humainement pendant l’instruction et le jugement de leurs procès, et que cette instruction et jugement soient aussitôt terminés que les procès civils. Art. 10. Rien ne favorisera tant le vœu de l’article ci-dessus que la multiplicité des justices royales ; elles ne seront pas surchargées, mais [Paris hors les murs.] elles seront grandement occupées ; nous disons grandement occupées quant au civil; car la grande réforme opérant la contribution par les riches, et en quelque sorte sorte l'affranchissement des indigents, il y aura beaucoup moins de vols, ni assassins et autresscrimes; ceux qui se déterminaient à perdre leurs droits et leur dù par le danger des appels et des degrés de juridiction ruineux, et par la multiplicité des procédures, auront plus de confiance aux justices royales, établies dans les villes ou gros bourgs, selon la population et la distance, et qui seront occupées par des juges éclairés et par des jurisconsultes et des praticiens instruits, qui auront été examinés et dont on aura reconnu la capacité. Combien d’anciens jurisconsultes, propres aux charges de judicature, qui sont, pour ainsi dire, oisifs dans la capitale, serontdis-posés à occuper ces places, si l’Etat leur fait un sort comme il en aura la faculté et les moyens ! Combien d’autres jurisconsultes, plus jeunes, feront valoir leurs talents en province, quand ils seront sûrs de s’occuper utilement pour le public et pour eux, et qu’ils auront l’espoir de parvenir aux degrés de magistrature! Ce sera le moyen de faire des élèves en province. Les jeunes gens y trouveront de l’instruction et de l’émulation, etViront pas à Paris grossir le nombre déjà trop, grand des inutiles, et altérer leur santé par le libertinage et la débauche. Art. 11. Que les droits du Roi, en fait de procédure, soient réduits à un seul pour le scel des arrêts et sentences; que ce droit soit fixé à 6 livres dans les cours, et 3 livres dans les sièges royaux et à 20 sous au-dessous de 100 livres ; l’Etat se trouvant au-dessus de ces besoins,- le droit de scel sera employé aux gages des officiers et des magistrats qui seront établis. Art. 12. Que les arrêts soient expédiés en parchemin timbré, ainsi que les sentences dont la condamnation excédera 1 0 J livres; que les minutes et expéditions des sentences et jugements soient écrites sur papier timbré, et que le revenu de ce papier et parchemin fasse partie de ce qui sera destiné au payement des gages des magistrats. Art. 13. Que tous les exploits et significations en général, faits par les huissiers et sergents, soient, comme ceux des notaires, jurés, arpenteurs et autres officiers, enregistrés pour 10 sous, afin d’assurer les dates par l’officier établi près les cours et juridictions désignées en l’article second du titre des impôts; ce droit d’enregistrement sera encore appliqué à la décharge des gages des magistrats. Art. 14. Qu’il soit fait un règlement général qui fixe une mani're simple et claire deprocéder, afin d’éviter, dans les procédures, un fatras fait pour embrouiller les affaires et dégoûter les juges par la lecture de faits et moyens inutiles; que les requêtes d’instruction seront écrites en belles expéditions et beau papier non timbré, comme celui de tous autres actes de procédure, dont les droits seront réglés honorablement, et que la procédure soit réduite à la demande, à la défense, à la réplique du demandeur et à la réponse du défenseur, qu’il en soit usé ainsi à l’égard des demandes incidentes qui pourraient survenir après l’intruction complète. Art. 15. Si le demandeur et le défenseur n’ont pas tout prévu, et qu’ils veuillent encore écrire jaar eux ou par leurs défenseurs, qui ne le pourront faire sans être fondés de pouvoirs particuliers, il ne faut pas que cela puisse passer en taxe dans les dépens adjugés, afin que, s’il se fait des faux frais, celui qui les supportera ne puisse s’en ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén.1789. Cahiers.] prendre qu’à lui-même et non à son défenseur ; ce sera le moyen d’empêcher la chicane. Art. 16. Que la taxe des dépens ne soit point faite par les procureurs-tiers, mais, au contraire, j par le juge. i Art. 17. Qu’il ne soit pas admis en taxe de frais 1 de voyage, dans les justices royales, puisqu’il n’y aura la distance que de deux ou trois lieues, sinon en cas d’intervention ou de mise en cause d’un ou plusieurs tiers qui seraient demeurants hors le bailliage, à plus d’une journée du lieu de ce siège. Art. 18. Que les défauts de forme ne puisssent préjudicier au fond d’une affaire, et que les officiers soient responsables en leurs noms, des frais que ces défauts auront occasionnés. Art. 19. Que les bailliages et sièges royaux, dans l’étendue desquels il n’y a pas de consuls d’établis, connaissent des matières consulaires, en exécution de la déclaration du Roi donnée en 1750. Art. 20. Que les committimus , lettres de garde gardienne soient abolis ; que le grand conseil et toutes les commissions illégales, cours des aides, bureaux du conseil, et toutes autres juridictions, même les présidiaux, soient supprimés, en sorte qu’il ne subsiste que des bailliages et des parlements. Art. 21. Que la juridiction des eaux et forêts soit supprimée dans toute l’étendue du royaume, et que la partie d’administration qui lui est confiée soit remise aux Etals provinciaux, et le contentieux aux juges ordinaires chacun dans leur ressort. Art. 22. Qu’il soit fait une loi portant permission de faire une constitution d’argent pour un temps limité, sans aliéner le capital. Art. 23. Que l’ordonnance du commerce soit réformée et que l’on remette en vigueur les lois portées contre les banqueroutiers frauduleux. Art. 24. Que l’on détruise les obstacles qui empêchent aujourd’hui le troisième ordre d’occuper toutes les charges et places quelconques. Art. 25. L’établissement d’un seul juré-priseur dans une étendue exclusive est contraire à la liberté des justiciables de ces arrondissements, à leur intérêt et à celui des huissiers ordinaires, chargés souvent de corvées par le ministère public et les juges; ils doivent eu être indemnisés par ces fonctions plus agréables et plus lucratives; deux ou trois oppositions entre les mains de ces jurés-priseurs leur servent de prétexte pour perpétuer entre leurs mains les deniers publics qu’ils font valoir par les entraves qu’ils mettent à leur libération; ils s’entendent souvent avec les procureurs pour intenter l’ordre de préférence de contribution et de distribution qui consomme le prix des ventes qu’ils font; il est de l’intérêt public de les supprimer et transmettre ce droit exclusif à la communauté des huissiers ordinaires des sièges royaux qui seront établis et qui font bourse commune; ils laisseront le choix aux parties et seront solidairement responsables ainsi que leurs offices des deniers publics, à la charge par la communauté de rembourser les supprimés. Art. 26. L’usage des décrets volontaires était moins dangereux pour ceux qui vendaient une partie de leurs immeubles pour s’acquitter, que n’est l’établissement des lettres de ratification; la convocation des Etats généraux appelés à la dénonciation des abus, cette nouvelle législation en fourmille; en voici succiutement un exemple : Jacques a vendu son bien à Prévost qui a obtenu des lettres; il s’est trouvé au sceau six oppositions; Jacques est décédé, un procureur au [Paris hors les murs.] 755 Châtelet, sous le nom d’un créancier sans titre, intente l’ordre. Cet ordre a été fait à grands frais par un commissaire sur 4,000 livres déposées aux consignations. Prévost avait terme pour 4,000 livres restant. Ce terme n’était pas échu sur la question de savoir si, au moyen des oppositions au sceau, le terme doit avoir lieu ; les procureurs ont concerté un incident. Appel au parlement , autres procédures extraordinaires concertées; les 4,000 livres restant à déposer sont encore destinées à être la proie des procureurs. Une malheureuse veuve, créancière d’un contrat de constitution, le premier en hypothèques, objet de 3,000 livres, s’est épuisée pendant quinze ans pour solliciter la fin de cette affaire et elle est morte sur le fumier. Il est nécessaire de remédier à des abus aussi cruels , ainsi qu’à ceux qui se commettent dans les saisies réelles. COMPTABILITÉ DES MINISTRES ET DES OFFICIERS DE FINANCE. Les ministres et autres officiers de finance seront comptables à la nation des différentes sommes allouées par leurs départements respectifs, et ces comptes seront examinés et apurés dans l’assemblée des Etats qui se tiendra au moins tous les cinq ans, et dans les années intermédiaires, par des commissaires délégués par toutes les provinces, et les comptes qui auront été examinés et reçus par les commissaires seront ensuite rapportés aux Etats généraux dans 1 année où ils seront assemblés pour être mis sous ' les yeux de la nation entière, afin qu’elle soit toujours en état de juger de l’emploi des sommes qu’elle aura payées et de la situation du trésor public. DEMANDES PARTICULIÈRES. Que Neauphle-le-Château, chef-lieu du comté de Pontehartrain, qui était prévôté royale avant 1 année 1693, et qui a été érigé en bailliage par lettres patentes de Louis XIV, sur la demande de M. Phelippeaux, chancelier, rentre dans les anciennes prérogatives et soit érigé en bailliage royal, distrait du Châtelet, avec d’autant plus de raison qu’il en est séparé par le bailliage de Versailles. Il est déjà composé de dix-huit paroisses, dont treize en première instance et cinq par appel; qu'il y soit ajouté par arrondissement Trappes, à deux petites lieues du chef-lieu, Saint-Nom; Fougerolles ; Davron; Widevilie ; Crespierre; Mareil; Moutainville, le tout à une lieue de distance; Grignon; Thiverval; Saint-Germain de la Grange, situé en deçà à une petite lieue ; Maulle, qui en fera la séparation, qui relève au Châtelet, sera du bailliage royal de Meulan au couchant; le ressort se bornera à Saint-Aubin, distant du chef-lieu qui sera à une lieue et demie de la ville et bailliage royal de Montfort qui, au nord, s’étendra à une lieue et demie jusqu’à Goupil lière, et au delà de Goupillière commencera le ressort du bailliage royal de Mantes au couchant, à trois lieues, y compris la ville de Houdan, distante de Dreux de 4 lieues, et on commencera son ressort au midi; Montfort comprendra Rambouillet. Enfin, au midi, le bailliage de Neauphle se bornera à Coignières, la Verrières et Trappes, et au delà, Chevreuse sera du bailliage de Versailles ou de Dourdan. Le bailliage de Neauphle sera donc composé dans un parfait arrondissement; dans cette petite ville et gros marché résident tous les officiers nécessaires à l’administration de la justice. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 756 [États gén. 1789. Cahiers.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] Paroisses. Neauphle-le-Château ; Plaisir ; Chavenay ; les Clayes ; Trappes ; Elancourl ; Coignières ; Mau-repas; la Verrières; Saint-Remy-l’ Honoré ; le Tremblay; Bazoches ; Jouars ; Vicq ; Viüières Saint-Frédéric; Neauphle-le-Vieux; Saulx-Mar-chais ; Beynes; Moutain ville; Mareil-sous-Maudre; Crespierre ; Davron ; Foucherolles ; Saint-Nom; Grignon; Thiverval; Saint-Germain-de-la-Grange. Officiers résidents. Un bailli, un lieutenant et un avocat gradués. Il n’y aura qu’à suppléer un ou plusieurs gradués : Avocat et procureur fiscaux ; avocat du Roi ; procureur du Roi; un greffier en chef, un com-rnis-greftier, quatre postulants, qui seront royaux; trois huissiers, qui seront priseurs. 11 y aura auditoire, prisons et geôliers. GUET ET GARDES. Il y a aussi maréchaussée et caserne ; mais sous prétexte qu’elle est depuis quelque temps sur le pied militaire, les officiers refusent le service pour la sûreté et la police de la ville; ils exigent dans le cas pressant un réquisitoire. S’il se commet un assassinat, un vol avec effraction, batterie ou une émeute populaire, il faut que le juge donne un réquisitoire, ce qui doit être qualifié d’ordonnance, et pendant que tout se prépare le crime se consomme. Cependant les invalides en corps de garde pour le service de la justice et police à Versailles, Marly, Saint-Germain en Laye et autres endroits, sont des militaires aussi respectables que la maréchaussée. Il serait pourtant bien important qu’il fût établi un guet dans les villes et bourgs du royaume où il y a marché, casernes, et qui serait/ soldé par la municipalité sur la caisse de l’impôt. La grêle qui a ravagé une partie de la France a fait dans notre paroisse des plaies profondes qui ne se fermeront pas de sitôt ; les paroisses, au contraire, qui ont eu le bonheur d’en être préservées se sont enrichies par le prix des grains qui a doublé. Ne serait-il pas de l’équité que ces paroisses enrichies par nos malheurs supportassent pendant quelques années la portion des impôts qu’il ne nous est pas possible d’acquitter, puisque nous n’avons rien récolté? Gela doit s’entendre particulièrement des pays vignobles tels que ceux qui seront peut-être encore deux ou trois années sans rapporter, tant nos vignes ont été endommagées, surtout si l’on joint à ce dommage causé par la grêle, celui causé par l’hiver cruel que nous venons d’éprouver, qui est à peine fini. Gomme ce désastre se renouvelle malheureusement trop souvent, nous désirons que la nation assemblée s’occupe des moyens d’établir une caisse de secours. Pour y subvenir, les bénéficiers ne se plaindraient certainement pas si le gouvernement retenait sur leurs bénéfices de quoi fournir à cette caisse destinée à renfermer un dépôt si sacré. Enfin, nous demandons des lois sages dont l’exécution, confiée en des mains pures, puissent procurer à tous la sûreté de leurs personnes et le maintien de leurs propriétés. Nous finissons nos vœux en les réunissant à ceux de tous les bons citoyens pour la prospérité et la gloire du royaume, avantages qui ne peuvent exister sans le soulagement et le bonheur des sujets qui le composent. Signé Germain Gaullier; Hallé l’aîné; Durville; Duhamel fils; Prud’homme; Belenger ; Touzeau fils; Chevalier; Mercier ; Heurte-Motte père; Heurte-Motte fils; Pinpermer; Barré; Lyon; Pierre Aubert; Gabousl ; Piret fils; Saudelv ; Bernier; Baudier fils ; Fontaine; Hebert. CAHIER Des plaintes , doléances et remontrances des habitants composant le tiers-état de la paroisse de Neufmoutiers en Brie , bailliage de Paris (1). Art. 1er. Que le pouvoir législatif appartient à la nation pour être exercé avec le concours de l’autorité royale. Art. 2. Qu’aucune loi ne puisse en conséquence être promulguée qu’après avoir été consentie par la nation représentée par les Etats généraux. Art. 3. Que la liberté individuelle soit assurée à tous les Français, savoir : celle de vivre où l’on veut sans aucun empêchement, le droit naturel de n’être arrêté qu’en vertu d’un décret décerné par les juges ordinaires; que, sur les emprisonnements provisoires, si nosseigneurs des Etats généraux les jugent nécessaires dans quelques circonstances, il sera ordonné que le détenu soit remis dans les vingt-quatre heures entre les mains de son juge naturel. Que, de plus, l’élargissement provisoire soit toujours accordé en fournissant caution, hors le cas du délit qui entraînerait peine corporelle; qu’il soitdéfendu, sous peine de punition corporelle, à toutes personnes qui prêtent main-forte à justice, d’attenter à la liberté d’aucun citoyen, si ce n’est sur ordonnance de justice, et que toute personne qui aura signé ou sollicité ce qu’on appelle lettre de cachet, ordre ministériel ou autre ordre semblable de détention, sous quelque dénomination que ce soit, pourra être prise à partie par devant les juges ordinaires. Art. 4. La liberté de la presse, sauf les réserves à cet égard par nosdits seigneurs. Art. 5. La plus entière sûreté pour toutes les lettres confiées à la poste. Art. 6. L’assurance du droit de propriété ; que nul citoyen ne puisse en être privé, même à raison de l’intérêt public, qu’il ne soit dédommagé au plus haut prix et sans délai. Art. 7. Que nul impôt ne soit regardé comme légal qu’autant qu’il aura été consenti dans l’assemblée de nosdits seigneurs les Etats généraux, et qu’ils ne le consentent que pour un temps limité jusqu’à la prochaine tenue des Etats généraux, en sorte que cette tenue n’ayant pas lieu, tout impôt cessera. Art. 8. Que le retour périodique des Etats soit fixé à cinq ans pour plus longtemps, et que dans le cas d’un changement de règne ou de régence, ils soient assemblés extraordinairement dans le délai de six semaines ou deux mois. Art. 9. Que les ministres soient comptables aux Etats de l’emploi des fonds qui leur sont confiés et responsables de leur conduite en tout ce qui sera relatif aux lois du royaume. Art. 10. Que la dette de l’Etat soit consolidée. Art. 11. Qu’aucun impôt ne soit consenti qu’après que nosdits seigneurs des Etats auront vérifié et réglé les dépenses de l’Etat. Art. 12. Que tout impôt consenti soit générale-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.