[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \ 43 Suit V adresse de la Société montagnarde et maratiste de Montreuil-sur-Mer (1). La Société montagnarde et maratiste de Montreuil-sur-Mer, à la Convention nationale, « Montreuil-sur-Mer, le 4e jour de la 3 e décade du 1er mois de l’au II de la République française une et indivisible. « Citoyens représentants, « Un cri douloureux avait retenti dans nos murs, les patriotes attristés ne pouvaient s’em¬ pêcher de se dire les uns aux autres: Celui qui a purifié dans nos parages l’atmosphère de la liberté, l’intrépide défenseur des droits sacrés du peuple, l’ami de la vérité, le ferme appui des sans-culottes, Dumont, enfin, Dumont nous est enlevé, Dumont va à Nancy. A peine cette nouvelle s’était-elle répandue dans l’enceinte de cette ville, que déjà l’aristocratie, un instant consternée, y relevait sa tête hideuse; déjà le fanatisme y aiguisait de nouveaux poignards et de rechef la calomnie préparait ses poisons; déjà les nouvelles autorités étaient violemment menacées; on répétait avec complaisance que leur, organisation était dictatoriale dans toutes les arrestations qu’il avait ordonnées; déjà des groupes mercenaires ne craignaient plus d’atta¬ quer ouvertement le patriote qui, vaquant à ses affaires, ne se trouvait accompagné que de ses vertus. Du fond même des galeries de notre société une cabale affreuse y étouffait la voix de la vérité et de la justice ; des trésors d’iniquité ont été répandus pour corrompre le peuple, pour lui faire prendre le change sur ses véri¬ tables intérêts; pour le porter, dans son déses¬ poir aveugle, à égorger ses meilleurs amis, et surtout pour nous empêcher de déchirer à ses yeux1, ce fatal bandeau qui cache encore la honte et l’ignominie de la plupart des riches de Montreuil. .. « Oui, citoyens représentants, à Montreuil, l’affreux modérantisme voulait renaître de ses cendres, et tout nous prouvait que dans des temps de révolutions c’est toujours à l’abri de la faiblesse, de l’indulgence et de la générosité des représentants du peuple, qu’on voit se former les complots liberticides et les conspira¬ tions contre le peuple; cependant, sous un gou¬ vernement qui n’a essentiellement d’autres bases que la vertu, sous un gouvernement répu¬ blicain, le règne des méchants ne saurait être long, et déjà leur tyrannique espoir s’est dissipé comme un songe ; la Convention nationale a entendu nos plaintes, elle a été touchée des maux prêts à fondre sur nous, elle a exaucé nos vœux : Dumont nous est rendu. Adressons donc l’hommage de notre reconnaissance aux pères delà patrie; conjurons-les de rechef de conserver entre leurs mains le timon de l’Etat, conjurons-les de rester à un poste qu’ils n’occupent que pour le bonheur des Français; à un poste d’où ils répandent sur la surface de la France des masses de lumière, .ce premier besoin d’un peuple libre; montrons-nous dignes des bien¬ faits qu’ils nous accordent; soyons de plus en plus inflexibles comme la loi, que notre sur¬ veillance acquierre une nouvelle activité; redoublons de courage pour la défense de la cause sacrée de la liberté, et au milieu des chants (1) Archives nationales, carton Ç 280, dossier 761. d’allégresse, répétons tous avec enthousiasme : Dumont nous est rendu, Montreuil est encore une fois sauvée. (Suivent 56 signatures.) Les sans-culottes de la municipalité de ce lieu, à qui l’étymologie du nom de Montreuil (Monas-teriolum, ou Monstrolium ) rappelle une origine monacale ou fanatique, demandent qu’il soit changé en celui de Montagne-sur-Mer. La péti-r tion, convertie en motion par un membre, est décrétée (1). i Suit la pétition des sans-culottes de la munici¬ palité de Montreuü-sur-Mer (2). Aux citoyens représentants composant le comité de division de la Convention nationale. « Montreuil-sur-Mer, ce 1er jour dp. 2e mois de l’an II de la Képublique. « Citoyens représentants, « Nous habitions une ville dont le nom et l’origine impriment à nos cœurs républicains une horreur dont il est temps d© nous débarras¬ ser. Ennemis implacables de toute aristocratie, nous avons juré d’en effacer jusqu’à l’ombre. Fidèles à nos serments, nous écraserons jusqu’au monstre du fanatisme, et ses suppôts seront terrassés. Oui, nous fouillerons jusque dans les entrailles du sol que vous avez rendu heureux à travers mille dangers, pour en arracher et déchirer les restes infâmes. Le nom de la ville que nous habitons est Montreuil. Anathème, dix mille fois anathème à ce nom. Tel est le cri général de tous les vrais sans-cu¬ lottes. Montreuil, en latin Monasteriolum, Monstrolium, fi, fi, encore une origine fanatique ! encore une origine monacale. Non, ce nom sera changé. Représentants montagnards, Montreuil située sur une éminence, Montreuil qui a eu le malheur d’avoir des comtes, sera nommée la Montagne; vous agréerez cette dénomination, elle vous est chère, et le sera toujours. Tel est l’objet de la pétition que nous vous adressons par l’intermédiaire de notre district. « Salut, fraternité. « Les maire et officiers municipaux de la com¬ mune de Montreuil-sur-Mer, « Thueux, maire; Doucet; Deremeent; Pouttier, procureur de la commune. « Par ordonnance : « Bellart, secrétaire greffier. » Arrêté (3). Ce jourd’hui, dernier jour de la troisième décade du 1er mois de l’an II de la République, En l’assemblée publique et permanente du Conseil général de la commune de Montreuil-sur-Mer, où étaient les citoyens Thueux, maire, Vin¬ cent, Derouflent, Le Roux, Baillet, Gobert, Duprey, Marcotte, Doucet, Robinet, officiers municipaux, Paultier, procureur de la commune, Lefebure, Hennequin le jeune, Maury, chirur¬ gien, Brûlé, Jacques Maury, Lambert, Thomas Petit, notables. ( 1 ) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 202. (2) Archives nationales, carton C 280, dossier 764, {2>) �Archives nationales, carton C 280, dossier 761. 44 f Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ) Un membre a observé que le nom de votre ville de Montreuil, en latin Monasteriolum, rappelait encore le souvenir de la superstition; qu’il se trouvait d’ailleurs plusieurs autres villes du même nom et qu’il en résultait tous les jours de grands inconvénients, qu’il convenait de proposer au comité de division de la Con¬ vention de changer le nom de Montreuil en celui de la Montagne, que cette dénomination con¬ vient d’autant plus à cette ville qu’elle se trouve sur une éminence. Sur quoi la matière mise en délibération, ouï le procureur -de la commune, l’assemblée a agréé unanimement avec transport la dénomi¬ nation proposée par l’un de ses membres; en conséquence elle a arrêté que le nom de Mon¬ treuil serait changé en celui de la Montagne et que la présente délibération pour recevoir son exécution serait adressée sur-le-champ par l’in¬ termédiaire du district au comité de division de la Convention. Fait et arrêté en la maison commune de Mon-treuil-sur-Mer lesdits jour et an et avons signé. Pour copie conforme : Bell art, secrétaire greffier. Extrait des registres aux arrêtés du conseil d'administration du district révolutionnaire de Montreuil. Séance publique permanente du 1er jour du 2e mois de l’an II de la République une et indi¬ visible. Est entré en séance, le maire de la ville de Montreuil, accompagné de plusieurs officiers municipaux, lequel a dit qu’ils viennent demander l’approbation de l’administration, pour une délibération du conseil général de la commune, tendante à obtenir de la Convention nationale que la ville de Montreuil fût désor¬ mais appelée la ville de la Montagne. Le conseil général du district de Montreuil-sur-Mer, considérant que quand un peuple se régénère, les noms mêmes des villes qu’il habite, doivent présenter à l’esprit l’idée des généreux sentiments dont il est pénétré; considérant que rien n’est pur comme l’air qu’on respire sur les montagnes; considérant que le terme de Mon¬ treuil est tiré de la farouche superstition que nous détestons tous; considérant que la ville de Montreuil, par sa position même, est une vraie montagne, et que d’ailleurs ses habitants ne jurent plus que par la Montagne, et sont décidés à combattre sans relâche quiconque n’adoptera pas ces vérités protectrices du peuple, ces principes régénérateurs qui ont toujours dirigé la Montagne et qui peuvent seuls nous faire détester les rois et chérir l’unité de la République ; Déclare qu’il partage les vœux patriotiques que le conseil général de la commune de Mon¬ treuil vient de manifester dans sa délibération et qu’il s’honorera toujours d’appuyer des demandes aussi dignes de lui et de la liberté. Certifié conforme au registre, par nous vice-président et secrétaire soussignés. Bordin; Prioux, secrétaire. Dumont, représentant du peuple dans les dé¬ partements de la Somme, du Pas-de-Calais et de l’Oise, informe la Convention nationale d’une fête civique célébrée dans la commune de Bre-teuil, où les sentiments d’égalité, et du patrio¬ tisme le plus ardent, se sont signalés entre tous les citoyens; on y a vu s’élever l’arbre de la fraternité aux acclamations de : « Vive la Con¬ vention nationale! » Le brûlement des restes de féodalité, la céré¬ monie de la présentation du drapeau au bataillon, sans le concours d’aucune vermine ecclésias¬ tique, ont terminé cette journée, marquée par les élans du républicanisme le plus pur et de l’allégresse publique. Insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre d'André Dumont (2). André Dumont, représentant du peuple dans les départements de la Somme, du Pas-de-Calais et de l'Oise, à la Convention nationale. Le 7e jour de la lre décade du 2e mois de l’an II de la République fran¬ çaise, une et indivisible, impéris¬ sable. Citoyens collègues, Autant j’ai lieu de me plaindre de l’esprit public à Beauvais, autant j’ai lieu de me féliciter du feu sacré du républicanisme que j’ai laissé à Breteuil, où j’ai destitué et remplacé des offi¬ ciers municipaux et des administrateurs du district; j’y ai harangué le peuple deux fois, je ne l’ai pas caressé, je ne l’ai pas flagorné et il a mieux senti et profité de ce que j’ai dit; je ne peux pas assez vous en faire l’éloge. Voici le détail d’une fête qui y a été célé¬ brée à mon retour : ' Les autorités constituées, un bataillon de vo¬ lontaires, la société populaire, les citoyens et citoyennes de Breteuil et des environs célé¬ brèrent cette fête civique dans les épanche¬ ments de la plus douce fraternité et aux cris mille fois répétés de Vive la Montagne. 1er groupe. Un peloton de garde nationale portait à sa tête une bannière sur laquelle on lisait : Le peuple français debout! 2e groupe. Des femmes ornées de rubans tricolores et vêtues en blanc portaient cette inscription : Nous élevons nos enfants dans la haine des rois. 3e groupe . D’autres citoyennes fort jeunes et vêtues comme les premières, portaient une bannière où était écrit : S'ils reviennent vainqueurs, nous les récompenserons. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 24, p. 202. (2) Archives nationales, carton G 277, dossier 734. — Aulard, Recueil des Actes et de la Correspondance du comité de Salutîpublic, t. 8, p. 80.