284 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {24 avril 1790.] « Messieurs, « L’Assemblée nationale ne calcule point à quelles sommes se montent les offrandes que le patriotisme vient lui présenter; elle ne considère Sue le sentiment qui en a commandé le sacrifice. n dévouement généreux avait assujetti lés ci-devant privilégiés à un supplément de contribution pour les six derniers mois de 1789, et ce supplément était destiné au soulagement des autres contribuables. La commune de la ville de la Souterraine renonce, en faveur de la patrie, au bénéfice qui lui était offert; l’Assemblée nationale reçoit son hommage avec satisfaction et permet à ses députés d’assister à sa séance. M. Lacas, député de Moulins, monte à la tribune et annonce un don patriotique, offert par la communauté des procureurs de la ville et châtellenie de Montluçon, consistant en l’abandon d’un contrat de rente, au principal de mille quarante livres, produisant 27 livres de rente annuelle, ainsi que des arrérages de cette rente. Les pièces relatives à ce don patriotique sont déposées sur le bureau. Un député du Vivarais offre au nom du bourg de Pierreville en Vivarais, un don patriotique, consistant en une somme de 5,872 livres et en l’abandon de la contribution des privilégiés pour les six derniers mois de l’année 1789. M. Dupré, député de Carcassonne, donne lecture d’une adresse du corps des négociants fabricants de draps à Carcassonne, contenant les expressions de leur dévouement à la chose publique, leur vœu pour la liberté et la protection du commerce en général, et du leur en particulier, et, en outre, le don patriotique fait à la nation : 1° de la finance de l’office de procureur du roi de la même ville, liquidée à la somme de 4,012 livres; 2° des intérêts de cette somme arréragée depuis quatre années; 3° du prix de leurs boucles d’argent, remises à l’hêtel de la monnaie de Toulouse. M. Le Chapelier offre au nom de M. Drouet de Bioisglaume, citoyen du département d’Ille-et-Vilaine, un don patriotique, consistant en la remise d’un contrat de rente sur les tailles, au principal originairement de trois mille deux cent soixante-cinq livres, avec quatre ans et demi d'arrérages. L’orateur observe que c’est le premier gentilhomme breton qui ait prêté le serment civique à la municipalité de Rennes et le seul qui ait fait un don patriotique. M. le comte de Lalpaud, député de la Basse-Marche, écrit pour obtenir la permission de s’absenter pour raison d’affaires urgentes. M. de Graimberg de Belleau, député de Château-Thierry, demande la permission de s’absenter pour motif de santé. Ces deux congés sont accordés. M. Verdolin informe l’Assemblée d’une délibération du lieu de Thoronuet, au département du Var, par laquelle la municipalité est autorisée à offrira l’Assemblée nationale de se charger de la vente des biens ecclésiastiques, situés dans son arrondissement, aux mêmes clauses et conditions qui ont été offertes par la municipalité de Paris, et qui lui ont été allouées. M. le Président donne ensuite lecture d’une lettre qu’il a reçue du ministre de la marine, par laquelle ce ministre informe l’Assemblée qu’il vient de recevoir par la frégate Y Action, dépêchée de la Martinique le 28 février, des lettres de M. le comte de Vioménil, qui annoncent qu’il ya eu de grands troubles aux Iles du Veut, que les premiers ont commencé à la Guadeloupe, et ont été bientôt calmés ; mais qu’une effervescence, beaucoup plus dangereuse, s’est ensuite manifestée à la Martinique parmi les soldats canoniers d’une brigade de l’artillerie coloniale, et deux bataillons du régiment colonial de la Martinique; que les citoyens" se sont mêlés de cette querelle, que le peuple a fort maltraité deux officiers nommés MM. de Boulet et de Malherbe, qui ont été contraints de repasser en France, et que les troupes du Fort-Royal menaçaient de marcher contre la ville de Saint-Pierre. Le ministre de la marine joint à sa lettre l’adresse du régiment de la Martinique à l’Assemblée nationale, et un procès-verbal de ce qui s’est passé après la nouvelle de l’insurrection des citoyens de la ville de Saint-Pierre contre sa garnison. L’Assemblée, après avoir entendu la lecture de cette lettre, en ordonne le renvoi, ensemble celui des pièces, à son comité des rapports, pour en rendre compte dans le plus court délai. M. de Gony d’Arsy demande la parole pour quelques minutes seulement. La parole lui est accordée. M. de Gony d’Arsy fait lecture d’une lettre de 1’assemblée provinciale du Nord à ses députés à l’Assemblée nationale, en date du 15 février dernier, et d’un arrêté de la même assemblée. La lettre porte; « La conduite de M; de La Luzerne, soit des administrateurs, soit du conseil supérieur qualifié de Saint-Domingue, ne justifie que trop la nécessité où nous avons été et où nous sommes encore de nous gouverner nous-mêmes. M. de La Luzerne a plus que perdu notre confiance; il est notre ennemi, tyran d’autant plus dangereux qu’il semble n’étre venu à Saint-Domingue que pour nous nuire d’une manière plus efficace, par la présomption mensongère qu’élève en faveur de ses connaissances le séjour qu’il a fait dans cette colonie; ou ne le voit occupé que du soin de la pressurer, de la tourmenter et de la retenir plus fortement que jamais sous l’empire du despotisme ministériel, lorsque toutes les provinces de France ont eu le bonheur de s’en affranchir. Il ne se borne pas là ; il pousse la perfidie jusqu’à favoriser sous main les insurrections d’une classe qui tient tout des bienfaits de ses anciens maîtres, et à flatter bassement, dans sa correspondance avec eux, des espérances dont l’accomplissement ne serait rien moins que la subversion totale de la colonie. Il était temps que le tyran fût démasqué, confondu et puni. Après l’avoir dénoncé au public, nous le dénonçons à l'Assemblée nationale, et, comme elle est juste, elle nous eu fera justice. « Nous avons tous applaudi à la dénonciation que vous en avez déjà faite par la bouche deM. de Gouy d’Arsy ; notre arrêté pris à cette occasion, et que nous vous enverrons incessamment, vient à l’appui de cet acte de courage ; et, loin que vous deviez reculer, nous vous donnons charge expresse de poursuivre vigoureusement cette dénonciation; les preuves ne vous manqueront pas. « Signé : Larchevêqüe-Thibault, président. » Et contresigné par le secrétaire.