SÉANCE DU 17 BRUMAIRE AN III (7 NOVEMBRE 1794) - N° 36 519 trembler; que trois ou quatre hommes semoient partout la terreur; que cette municipalité méconnoissoit les lois et met-toit hors la loi; qu’elle avoit encore une armée révolutionnaire qu’il a dissoute; qu’un nommé Delmasse, chef de bureau des émigrés à l’administration du département, se permettoit de porter qui il vou-loit sur la liste des émigrés et trompoit les administrateurs et il ajoute que Dijon étoit l’intermédiaire qui lioit Marseille à Paris. Insertion en entier au bulletin de ces deux lettres (131). a Le représentant du peuple Goupilleau [de Montaigu], envoyé dans les départemens de Vaucluse, du Gard, de l’Hérault et de l’Aveyron, écrit au comité de Sûreté générale et annonce qu’il arrive des départemens de l’Aveyron, de l’Hérault et du Gard ; il observe que de concert avec son collègue Perrin, il n’a pas perdu un instant pour y épurer et réorganiser toutes les autorités constituées, conformément à la loi du 7 vendémiaire ; il est actuellement dans le département du Vaucluse, et espère être bientôt en état de faire passer à la Convention nationale le tableau général. Il a trouvé partout des esprits assez tranquilles, et tout s’y rallie, dit-il, de plus en plus, à la Convention nationale, depuis que ce pays est délivré d’une poignée de scélérats qui l’agitoient. J’y trouve même le calme si bien rétabli depuis l’événement du 27 fructidor, que je me détermine à rouvrir enfin les séances de la société populaire, que les circonstances dont je vous ai fait part m’avoient forcé de suspendre, et j’espère que l’esprit public gagnera encore à l’épuration sévère que y sera faite. Il adresse au comité de Sûreté générale trois liasses de papiers, la première est relative aux événemens qui ont eu lieu le 27, au sujet de la dénonciation calomnieuse que l’on s’est permise contre lui aux Jacobins; la deuxième concerne Barjavel, ci-devant accusateur public au tribunal révolutionnaire d’Orange, actuellement détenu à Paris; la troisième concerne Molin, qui est aussi détenu à Paris. Renvoyé aux comités de Salut public et de Sûreté générale (132). b Clauzel, au nom du comité de Sûreté générale, donne lecture de la lettre suivante (133). (131) P.-V., XLIX, 39. (132) Bull., 17 brum. Moniteur, XXII, 452; Débats, n° 776, 681-682 ; Ann. R. F., n” 47 ; Ann. Patr., n° 676 ; C. Eg., n° 811 ; Mess. Soir, n° 811 ; J. Fr., n° 773 ; J. Perlet, n° 775 ; M. U., XLV, 285 ; F. de la Républ., n° 48 ; Gazette Fr., n° 1040 ; J. Mont., n° 25 ; Rép., n° 48 ; J. Paris, n° 48. (133) Moniteur, XXII, 451. Le représentant du peuple J. -Marie Calés, envoyé dans le département de la Côte-d’Or, à ses collègues membres du comité de Sûreté générale (134). Chers collègues, Il me tardoit d’avoir des renseignemens suf-fïsans pour vous rendre compte de l’état où se trouvoit la ville de Dijon quand j’y suis arrivé, des changemens qu’on peut et qu’on doit y opérer. Cette ville a éprouvé les effets de la terreur comme toutes celles de la République ; il s’y est commis des fautes, des horreurs, des injustices et des crimes; mais heureusement c’étoit l’ouvrage de peu de personnes (135). La société populaire faisoit tout trembler ici (136) : corps administratifs, citoyens, districts voisins, tout étoit soumis à ses lois, et trois où quatre hommes lui en donnoient à elle-même. Cette société et la municipalité ne faisoient qu’un même corps : les lois étoient méconnues ou méprisées; on arrêtoit et détenoit arbitrairement les citoyens et les voyageurs; on faisoit plus, on mettoit hors la loi par arrêté de la municipalité. J’ai les actes en main. Sous prétexte de garder les prisons, elle avoit encore une armée révolutionnaire que j’ai cassée il y a deux jours, laquelle coûtoit 6000 L par mois, et ne reconnoissoit pas le chef de la force armée, et servoit d’appui aux intrigans. Ces soldats, tous ouvriers, ne travailloient plus ; leurs occupations étoient de remplir les tribunes du club, où, eux et leurs femmes, appuyoient par leurs applaudissemens les vues des meneurs et faisoient taire, par leurs menaces, les citoyens qui vouloient les combattre. Tandis que les citoyens vivoient dans les pleurs et les alarmes, les chefs de cette faction faisoient de fréquents festins; on n’étoit point reçu parmi les convives, si on ne portoit un calice dont on se servoit en forme de verre. Jugez quelle impression dévoient faire sur l’esprit du peuple dix à douze citoyens réputés pour des Hercule de patriotisme, qu’on voyoit traverser la ville avec un calice chacun sous le bras et qui admettoient dans la salle à manger les habitans des campagnes qui avoient quelque demande à faire et qui étoient frappés par la vue de douze à quinze calices qui cou-vroient la table : Bien des gens se retiroient indignés de la chose même, et les plus clair-voyans l’étoient de ses effets; mais tout cela n’étoit que l’accessoire du grand ressort qu’on faisoit agir pour parvenir à son but : on vou-loit ici, comme ailleurs, détruire telle ou telle caste, telle personne; et, pour y parvenir, on avoit changé l’esprit de la loi sur les émigrés; on prétendoit qu’elle n’avoit été dictée qu’en vue (134) Bull., 17 brum. Moniteur, XXII, 451-452 ; Débats, n° 775, 675-676; Ann. R. F., n° 47; Ann. Patr., n° 676; C. Eg., n° 811 ; Mess. Soir, n° 811 ; J. Fr., n° 773 ; J. Perlet, n° 775; M. U., XLV, 285, 291-292; F. de la Républ., n° 48; Gazette Fr., n° 1040 ; J. Mont., n° 25 ; Rép., n° 48 ; J. Paris, n° 48. (135) Ann. R. F., n° 47 indique 3 ou 4 hommes. (136) Ann. R. F., n° 47 et Mess. Soir, n° 812, signalent les cris : « C’est comme ici! »